Objet : remerciements
Par votre professionnalisme, à une époque (1946). Où tout était à faire. C’est Grâce à vous, à votre courage. Vous manquiez de l’essentiel. La Sécurité Sociale, une grande maison au service de vos concitoyens, doit aujourd’hui vous remercier. Soyez fier de votre travail. Merci à votre équipe.
Les auteurs :
Jacques Fustec, titulaire de maîtrise en Histoire, contrôleur au centre de Landivisiau.
Gérard Brélivet, chargé de communication.
Jean-Pierre Robelet, directeur de la C.P.A.M du Nord-Finistère.
Ce travail n’aurait pas vu le jour sans :
L’étude universitaire de Jacques Fustec sur l’histoire de la caisse primaire de 1993.
Le concours des différents témoins de la création de l’entreprise et de sa croissance.
Qu’ils soient remerciés pour leur patience et leurs précieux souvenirs.
A l’heure où l’avenir semble incertain et sujet de discussions, notre passé s’avère certain, fixé. Ce que nous avons là en commun nous rassemble.
Aussi, que chacun puisse connaître les origines et les évolutions de notre entreprise relève non seulement de la bonne information mais aussi de la propriété partagée.
L’histoire locale, ses personnages, les particularismes et les événements de terrain rendent plus denses et plus passionnants les liens entre notre présent et notre passé.
A travers les contraintes et les difficultés, les souvenirs agréables ou sensibles, une réalité estompée par le temps, oubliée ou un passé grandi, sublimé, nous avons fait vivre pendant 50 années notre idéal de solidarité…
… contre vents et marées…
Jean- Pierre Robelet
Directeur
Retour vers le futur
Juin 1995, boulevard de l’Europe à Brest, des voitures, des encombrements. Notre conductrice va à son travail, rue de Savoie, dans le quartier de Bellevue, au siège, de la C.P.A.M du Nord-Finistère. Carte d’accès, sécurité oblige. Badge, horaires variables exigent.
Elle sait qu’elle incarne toujours la sécu, on dit l’assurance maladie aujourd’hui.
Elle sait aussi que cette année débutent les travaux de rénovation du siège.
Son chemin sera parcouru de gravats pour au moins dix huit mois.
Les gravats, parlons en ! Ses collègues plus anciennes lui ont décrit avec moult détails les travaux, les déménagements. Bref, tout ce qui a façonné l’histoire brestoise de la caisse et ceux qui l’ont vécue.
Ceux qui ont connu l’époque héroïque des baraques de l’après – guerre en 1945, l’époque des horaires stricts, du trop froid l’hiver, du trop chaud l’été.
Ceux qui ont connu les sanitaires au fond du jardin. Ceux qui ont pratiqué la “ débrouille ” comme un art de vivre. Ceux qui, en 1952, ont eu l’impression de “rentrer dans un palais ” lors de l’emménagement au Square Marc Sangnier à Brest. Ceux qui enfin en 1970, se sont installés rue de Savoie à Bellevue.
Dans quelques années notre conductrice pourra à son tour “ dire l’histoire ” celle qui débute en 1955 et quelle va vivre de l’intérieur.
SI LES RICAINS…
A la fin de l’année 1945, celle qui avance dans la boue avec ses galoches aux pieds, parmi les décombres, supportant l’absence d’éclairage ainsi que le crachin, ne sait pas encore quelle incarne le futur de la Sécurité Sociale.
Elle est sur le chemin du travail, chemin envahi de gravats et rares sont les maisons intactes tant les bombardements ont été efficaces.
En effet, du 19 juin 1940, date de l’entrée des Allemands à Brest, au 18 septembre 1944, date de la reddition de l’occupant, Brest a été la cible des raids alliés.
Au total, il faudra 15 ans pour reconstruire la cité.
En attendant, les Américains sont là. Ils fournissent, c’est bien connu, chewing-gum, Marlboro et bas nylon mais aussi des baraques en bois préfabriquées et peintes en noir.
T’AS PAS UNE BARAQUE ?
Ces baraques, on se les arrache tant le logement est évidemment un problème majeur. La distribution profite d’abord aux particuliers mais les administrations et les services publics réussissent à se faire entendre.
Cela ne dure pas, preuve en est la réponse de la mairie de Brest à un courrier de la caisse de Sécurité Sociale le 23 mai 1947.
“Il n’est plus possible de prévoir la construction de baraques à usage de bureaux, tous les crédits étant réservés à l’édification de logements”.
Le 7 septembre 1947, il faut même l’intervention du directeur auprès de la mairie et de la sous-préfecture, pour qu’un contrôleur, venu de l’Aber-Wrach avec sa famille, puisse être domicilié à Brest.
C’est pourtant, dans une de ces baraques, installées porte
Fautras à l’Harteloire sur la zone des anciens “ glacis” que se rend “ le futur
de la Sécurité Sociale”.
ON FAIT AVEC !
Elle se soucie de l’horaire, car au moindre retard, les sanctions peuvent tomber.
La journée sera longue, 9 heures d’amplitude : de 7h45 à 18h30 avec 1h45 pour manger le midi.
Mais, elle sait qu’elle a de la chance car, pour l’époque, le travail à la Sécu est bien rémunéré. Même si le travail ne manque pas, il profite malgré tout aux hommes qui sont embauchés pour leurs atouts physiques, nécessaires à la reconstruction de la ville.
Elle a été recrutée par la Sécurité Sociale, à la recherche de main d’œuvre. Et c’est souvent par relation ou envoi d’une candidature. Parfois même, après un examen qui comprend une dictée et du calcul.
Les conditions de travail dans les baraques sont difficiles, comme partout ailleurs. Il suffit donc de s’organiser en conséquence.
Et l’organisation, pour le moment à Brest, consiste à utiliser au mieux, la baraque en bois de la Sécurité Sociale.
UNE BARAQUE ? PUIS DEUX ? ET PUIS TROIS…
La caisse s’étend et travaille avec les moyens du bord car le provisoire va durer longtemps.
Un véritable village se crée. Il comptera jusqu’à 7 baraques en 1952. Des baraques d’une longueur de 7 mètres. Il y fait très froid l’hiver et trop chaud l’été. Les poêles à bois et à charbon, en forme de cœur, munis de tuyaux et plus tard, les radiateurs à gaz, ne suffisent pas à réchauffer l’atmosphère. C’est l’époque où Madame Blanchet-Magon, épouse du directeur, vient servir la soupe chaude en matinée.
Mais c’est aussi l’époque dangereuse où une explosion propulse le tuyau à l’extérieur de la baraque.
Une table est occupée par plusieurs personnes et les bureaux
sont très proches les uns des autres. Conséquence directe : les employés
sont à portée de main du chef. Pas besoin de se serrer pour résister au froid,
tout semble prévu.
AIDE-TOI…
Les planchers en bois ne sont pas solides, ni parfaitement joints. Ils ne résistent pas aux lourds classeurs qui sont vidés chaque fois qu’il faut caler ou relever le plancher.
“Les filles s’arrachaient les omoplates à manipuler cela”, selon les témoins de l’époque.
La lumière est nécessaire toute la journée car la luminosité n’est pas suffisante.
Naturellement, les sanitaires sont à l’extérieur. Ceux de la gare ont d’ailleurs été utilisés un temps.
On ne peut s’empêcher de penser à la phrase d’un sergent S.S. rapportée par Olivier Jestin, ancien de la défense passive.
“Brest égale Cassino. Il ne restera pas aux Américains, un seul mur debout pour pisser”.
Les baraques sont seulement posées sur un terre-plein aplani par des engins.
La boue est omniprésente et lorsque survient une tempête, les tôles qui servent de toit s’envolent et laissent les archives entassées en soupente à l’air libre et à la pluie.
C’est l’époque héroïque où l’on obtient tout… de soi-même.
Chacun est vêtu d’une blouse, blanche pour les femmes, grise pour les hommes, payée sur ses propres deniers. Il en aura besoin pour la recherche des archives ou des dossiers, sur des étagères d’abord, puis dans les classeurs en bois lourds à déplacer.
Le tri se fait parfois par terre, faute de place.
LES PIONNIERS
Dans un premier temps, on écrit avec un porte-plume trempé dans l’encrier. Le Bic sera pour plus tard. Il n’y a pas de machine à écrire et quand elles font leur apparition, elles sont déjà vieilles et usagées.
En l’absence de téléphone, un poste militaire récupéré est installé à la comptabilité. Le fil passait dans la soupente et en voulant le réparer, Monsieur L’Emeillat (fondé de pouvoir de l’agent-comptable) monte à l’étage, traverse le plancher peu fiable et reste pendu à un madrier au dessus des bureaux. C’est bien sûr le moment que choisissent le directeur et les administrateurs pour visiter les services. Les imprimés sont conçus par les chefs et réalisés par un ancien employé installé à son compte dans le quartier de Saint- Martin.
Quand à la formation, elle est assurée par le voisin de table. La culture est orale, le guide du guichetier et la nomenclature des actes professionnels feront leur apparition plus tard.
Ces conditions difficiles de travail ne manquent pas d’alerter Monsieur Floch, président du conseil d’administration, qui pense que cela peut favoriser l’absentéisme du personnel.
Aussi c’est sans regret qu’n 1952, la caisse de Sécurité Sociale déménage vers le Square Marc Sangnier.
SI VERSALLES M’ETAIT CONTÉ
Du 17 au 26 octobre 1952, en partie à pied, chacun prend ses affaires et descend les 300 mètres qui séparent les baraques du nouveau lieu de travail, situé rue Jean Macé, en face de l’actuelle église Saint-Louis.
Ce bâtiment de trois étages, long de 100 mètres, provoque des réactions mitigées.
“Un grand bâtiment rectangulaire, gris, aux lignes sobres, mais un peu caserne”.
C’est l’époque des sarcasmes et du “Sing Sing” brestois. Le changement apparaît total, chacun peut disposer d’une table ; armoires en fer, machines à écrire, machines à calculer apparaissent. Le confort est apprécié… à l’intérieur, car vu du dehors, les journalistes et l’opinion publique s’en tiennent à un vocabulaire plus désobligeant. Nous sommes passés des baraques à … la prison. Et que dire du “trou à rats”, nom de baptême donné plus tard au centre de Morlaix !
En Novembre 1952 dans le “télégramme”, on peut lire : “Tout de même… un bâtiment grand comme ça pour de la paperasserie et tant de logements qui restent à construire”.
Monsieur Fabre, secrétaire général, quand à lui, “a l’impression de rentrer dans un palais et d’être considéré”. Les goûts et les couleurs !
Extraits du “Chat rieur”, nouvelle série – n°-1 Mars 1953.
OFFRE D’EMPLOIS
On demande messieurs 35 à 40 ans, études secondaires, énergiques, dynamiques, dégagés de tout service militaire, pour ouvrir les portes de la Sécurité Sociale.
Grand avenir si costauds.
Toujours…
LE SIÈGE DE BREST
37 sièges à la mairie, et pas un en ville pour poser ses fesses, c’est un comble, remarquait mon ami Roger Le Gall, en quête d’un chalet, (1°) bécosse la crise du logement et les besoins de l’heure.
En ville, derrière la S.A.T.O.S., tu as le confort, c’est à cinq minutes, et je lui indiquai la route à suivre. 1° (Bécosse sanitaires). Peux pas, qu’il me dit, je suis raide. Je ne comprenais pas. Il me l’expliqua.
Tout se paye dans la vie même ce désir et pour le satisfaire il s’en coûte dix balles. Je restai sceptique. Viens avec moi, tu jugeras par toi-même et tu paieras ma place.
J’y allai ; donnai un billet de 5.000 et pendant que la préposée allait faire la monnaie, je visitai l’établissement, Rien à dire, c’est comme un Palais des Mille et une Nuits, trop beau pour nous les prolétaires et, mélancolique, je pensai à tous les économiquement faibles qui n’avaient pas 10 francs, pour visiter une telle merveille, La deuxième merveille de Brest, après le bâtiment de la Sécurité Sociale.
BELLEVUE, LE BIEN NOMMÉ
Le “palais” devient vite étriqué. En 1962, il est même envisagé de construire un étage supplémentaire mais les contraintes techniques y font obstacle.
L’idée d’une extension fait son chemin. Mademoiselle Mignot, cadre et militante C.F.T.C. propose la création d’un centre “Brest-Nord” à la Z.U.P. de Bellevue et en 1964, c’est Monsieur Prévosto, le président du conseil d’administration qui provoque le transfert des services généraux et de la direction dans les locaux du Télégramme, place Wilson.
Finalement les travaux commencent en janvier 1969 et se terminent en décembre 1970. L’inauguration des 12 niveaux a lieu le 3 avril 1971. Un seul reproche : “L’éloignement du centre ville”.
DES BARAQUES À l’IMMEUBLE DE GRANDE HAUTEUR
“Qui n’avance pas, recule” dit le proverbe.
En 1995 débute le grand chantier de rénovation de l’immeuble du siège qui va durer 18 mois… si tout va bien.
En tout cas, à l’image des civilisations, l’Assurance Maladie est née comme une réaction à des contraintes extérieures, comme une réponse à un défi de tous les jours.
1930
Loi sur les Assurances Sociales
LES ANCÊTRES :
Les Quatre Caisses existantes avant la guerre étaient d’inspirations différentes.
. Catholique pour la Caisse de l’Union Finistérienne (22 000 adhérents).
. Patronale pour la Caisse Primaire interprofessionnelle du Finistère (12 000 adhérents).
. Syndicat (CGT) pour la caisse Primaire “Le Travail” (8 000 adhérents).
. La Caisse Départementale recueillait enfin le reste des adhérents (164 000) puisque la liberté de choix était prévue par la loi de 1930.
1941
Rapport du Conseil National de la Résistance et Rapport Laroque.
1945
4 et 19 octobre 1945 : Ordonnance créant le régime général de Sécurité Sociale
5 avril 1946 : Installation du Conseil d’Administration de la caisse de Sécurité Sociale du Nord-Finistère.
Le 5 avril 1946 à 14h30, Monsieur Chatillon, Directeur Régional des Assurances Sociales installe le Conseil d’Administration de la Caisse de Sécurité Sociale du Finistère Nord. Un Président est nommé : il s’agit de Monsieur Wasselet (CGT). Le Directeur, Monsieur Blanchet-Magon sera désigné le 17 Juin.
En application de l’ordonnance du 4 octobre 1945, La Caisse est née. Elle se dote de statuts que la tutelle approuve par arrêté ministériel du 6 juillet 1946 : la Caisse a désormais un état civil : Caisse Primaire de Sécurité Sociale du Nord Finistère (n°29B).
1946
13 juillet 1946 : Partage du Finistère entre les caisses de Quimper et de Brest.
Les frontières à déterminer entre Brest et Quimper
Le partage entre les deux Caisses du Finistère se fera le 13 juillets 1946 à l’occasion de la réunion des bureaux des Conseils d’Administration des deux Caisses. Comment répartir les 206000 adhérents que comptaient la Caisse Départementale (164000), l’Union Finistérienne Mutualiste (22000), la Caisse Primaire Interprofessionnelle du Finistère (12000), les caisses Primaires de travail (8000) ?
A partir du 7 juillet 1946, chaque Caisse prend en charge les assurés relevant de sa circonscription mais à l’époque le rattachement se fait selon le lieu de travail (et non le lieu de résidence) selon l’article 4 de l’ordonnance du 4 octobre 1945.
Les deux Caisses harmonisèrent à cette occasion leurs positions et les tarifs applicables (12F par jour en lit de médecine, 250f pour le “forfait pharmaceutique en maternité”).
Tout irait bien dans le meilleur des mondes si, dès le 20 août 1946, le Conseil d’Administration de la Caisse de Brest ne rectifiait pas les bases du partage global du patrimoine et des adhérents fixé initialement à 50% chacun, pour se transformer en 52,5% pour le Nord et 47,5% pour le Sud.
Question d’importance puisque les dotations financières venant de la DRASS sont attribuées selon le nombre d’adhérents et dans un premier temps en 1946 selon le pourcentage discuté plus haut…
La réponse de Quimper ne tarde pas : elle propose à Monsieur Laroque, Directeur Général de la Sécurité Sociale en visite à Quimper le 13 août 1946 de rattacher la presqu’île de Crozon à la circonscription du Sud-Finistère… Brest s’en tient à la répartition fixée par l’arrêté ministériel du 16 janvier 1946.
1947 1948
28 juillet 1947 : Explosion de Liberty à Brest Création des sections Mutualistes
6 Février 1947 : Ouverture du centre de Morlaix
Qualifié de “trou à rats”
24 avril 1947 : Election des administrateurs.
FIAT LUX
Laser, B.O.M., I.R.I.S., Automac, P.M.F., SESAM, G.P.E.C., S.D.R.H.,… Derrière ces quelques sigles se cachent des organisations, de la réflexion et de l’abnégation. A entendre les anciens, peut-on aller jusqu’à comparer le travail dans des organismes sociaux à un sacerdoce ? Car Dieu sait qu’il en a fallu du courage pour reconstituer les fichiers détruits par les bombardements tout en continuant à payer les dossiers et ensuite pour passer des classeurs en bois aux micros ordinateurs.
En effet, ce n’est qu’en 1950 que le conseil d’administration décide qu’il est temps de réagir. Des moyens en personnel sont apportés. Des audits parisiens sont déclenchés, ce qui ne plaît pas à tout le monde. Malgré cette mobilisation, la débrouille reste encore le meilleur moyen de s’en sortir.
Il faudra attendre 1965 et Monsieur Tranvouez (nouveau directeur), pour commencer à sentir un léger frémissement d’organisation. Après tout va aller très vite avec de nouveaux moyens de paiement, comme le mandat Colbert. Et surtout la révolution informatique arrive en force ; c’est d’abord le lecteur optique puis LASER et les échanges magnétiques. Aujourd’hui, c’est le P.M.F., le fameux poste multifonctions, celui qui liquide plus vite que son ombre. Et demain SESAM-VITALE, les serveurs vocaux, les bornes interactives. Au bout du compte, nous avons traversé des tempêtes, les pires, celles du sang du siège de Brest, et les plus calmes, celles de la nécessaire adaptation aux nouvelles techniques.
Churchill avait promis du sang, de la sueur, et des larmes,
sort applicable à toute entreprise humaine. Il ne sautait en être autrement
pour la C.P.A.M. de Brest, surgie de la nuit du chaos.
AU BORD DE LA CRISE DE NERFS
Lorsque Monsieur Tranvouez est nommé directeur, onze circulaires paraissent le lendemain. Nous sommes en 1965 et l’organisation de la caisse va désormais se voir.
Jusque là, la reconstitution des dossiers, l’harmonisation, le classement des fiches provenant des caisses anciennes a été la préoccupation constante.
Il faut dire que les bombardements n’ont pas épargné les fichiers. Mademoiselle Le Scour (ancienne responsable de la division technique) se souvient : “trois jours après la reddition de Brest, nous sommes venus à pied de Pont-de-Buis. Et là, j’étais allée voir entre tous les débris, comment était le bureau. J’ai aperçu des dossiers qui étaient très bien mais aussi un Américain qui volait une machine à écrire”. Alors que faire des fichiers de formats différents, ficelés par paquets, sans intercalaires pour signaler chaque sortie ? Les pertes sont constantes, les recherches longues, fastidieuses mais elles doivent aboutir. Madame Le Roux (cadre au Centre-ville) précise “c’était un boulot de Titans” sur lequel on pouvait passer des journées entières.
Chacun se souvient de la mésaventure d’un administrateur de Saint-Pol-de-Léon qui envoi un dossier à la caisse.
Constatant qu’au bout d’un certain temps, il n’est toujours pas remboursé, il dépose une réclamation.
Aucune trace de son dossier ! La machine de guerre se met alors en branle. “Vous ne partirez pas tant que le dossier n’aura pas été retrouvé”. Les crises de nerfs sont évitées mais c’est de justesse. Tout le monde est convoqué à la Direction et les lettres d’avertissement ne manquent pas de suivre.
L’épisode est rapporté par Madame Le Roux et Monsieur Rubin (inspecteur accidents du travail) : quelques jours plus tard, l’administrateur retrouve le dossier dans sa poche.
LES DIX MERCENAIRES
A la suite d’une visite de trois organisateurs conseils de la F.N.O.S.S., ancêtre de l’union Nationale des Caisses de la Sécurité Sociale, il est décidé au conseil d’administration du 17 mars 1950 de mettre de l’ordre dans les fichiers.
On ne recule devant aucun sacrifice. Dix temporaires sont engagés pendant plusieurs mois en deux équipes de nuit, car le jour les fiches ne sont pas disponibles. Le travail avance, mais de façon empirique. “Il faut se mettre d’accord sur la façon de faire” précise Madame Le Roux. Mais les organisateurs conseils venus d’ailleurs sont loin de faire l’unanimité. Le personnel de la caisse ne les apprécie guère.
C’est l’époque où Monsieur Cyprien soutient une démonstration d’efficacité grâce à l’évocation du milieu marin. Un véritable chef d’œuvre à citer dans les grandes écoles. “Ce qu’un bateau peut transporter en sept jours aux Etats-Unis, sept bateaux peuvent le faire en un jour”.
L’organisation n’est pas visible, on pilote à vue et on pare au plus pressé. Les tentatives sont dérisoires ou tournées en dérision. Le système D fait loi, mais tient plus des délires d’un “géotrouvetout” que de l’analyse fonctionnelle.
C’est le cas de la création d’un système de transmission des dossiers avec machine tournée à la main du guichet vers la caisse. L’expérience est si concluante que le “machin” est abandonné sine die.
Malgré tous ces efforts, le retard est constant et nécessite des heures supplémentaires, fréquemment le samedi matin. La pression des assurés est forte, d’autant plus forte que le paiement au guichet est immédiat, tandis que le règlement par mandat est long. Cela peut aller jusqu’à trois mois. De ce fait, l’affluence au guichet est importante, “jusqu’à 800 personnes en raison d’une épidémie de grippe” se souvient mademoiselle Le Scour.
ANCIENS MÉTIERS-NOUS HIER
Le déménagement au Square, en 1952, apporte sans doute une meilleure répartition des personnes dans des locaux plus spacieux.
Quatre machines “Burroughs” firent leur entrée en 1957 pour établir les décomptes. Les métiers sont très hiérarchisés. Il faut être mécanographe avant d’être liquidateur.
C’est l’époque des “fichistes”. Sortir des fiches et les reclasser tous les soirs, telle est leur fonction.
C’est l’époque des “francs-tireurs” du guichet, constitués de petites équipes, d’un contrôleur et de dactylos. Sans oublier les caissiers qui peuvent effectuer jusqu’à six cents paiements dans une journée et les “chèques postaux”, nom donné à ceux qui effectuent les paiements différés.
A l’heure du référentiel des emplois et du réseau internet, on ne peut s’empêcher de ressentir un brin de nostalgie. Pensez au veilleur de nuit, non chargé de rondes au coefficient 100 et au veilleur de nuit chargé de rondes au coefficient 115+5. Quelle est la différence en dehors des rondes, selon vous ? Simple et logique, le deuxième doit “ faire preuve éventuellement d’une certaine initiative”.
Citons aussi le garçon de courses cycliste, le surveillant aux portes et l’huissier. Ne vous trompez pas, le premier est chargé de la surveillance des entrées et des sorties, le deuxième est en uniforme ou en habit et son rôle consiste à recevoir le public et à l’orienter “avec tact et discrétion”.
Pensez aussi à l’extractrice débutante qui sort et classe les cartes perforées, au lecteur sur fiches Kardex, chargé de l’examen de la fiche familiale, à l’étampeuse qui utilise des machines électriques grand rendement au crachoiriste, préposé au service et nettoyage des crachoirs et surtout à la mécanographe débutante sur grosse machine.
Mais tout se précipite, les missions évoluent, puisque L’U. R.S.S.A.F. est crée en 1960 et se voit attribuer du personnel issu du service comptabilité de la caisse.
LE MANDAT COLBERT
L’expérience débute le 1er Octobre 1965. Le mandat Colbert améliore les délais de paiement et par voie de conséquence fait baisser la fréquentation à l’accueil.
Le matériel nécessaire est acheté, machine à établir les mandats, machine à gaufrer, machine à coller les enveloppes, et les moyens à la liquidation sont regroupés et concentrés.
Le succès est rapide et plus tard, on assistera au paiement par chèque ou par virement bancaire. Une convention est d’ailleurs signée en mai 1976 avec le crédit Mutuel de Bretagne.
ELLE ARRIVE ? ELLE EST LA…
En 1976, l’informatique envahit la caisse grâce à la lecture optique relayée par le CETELIC (Centre de Traitement informatique) de Bretagne pour le paiement.
Le premier paiement a lieu le 21 octobre 1976. Cela permet une décentralisation des moyens et des centres. Mais avant 1976 et dès 1971 les projets vont bon train. Le projet initial prévoit quarante ordinateurs répartis sur tout le territoire puis trente cinq seulement, puis vingt six. La caisse de Brest a longtemps cru à l’implantation d’un CETELIC en son sein. Des dépenses et des travaux préliminaires ont d’ailleurs été engagés… pour rien.
Au bout du compte, un seul ordinateur est installé à Rennes au CETELIC de Bretagne.
Depuis 1976 et jusqu’en 1985, date d’implantation de système LASER, “liquidation assistée sur équipement réparti”, l’agent technique remplit de petites cases à l’aide de chiffres standardisés. Aujourd’hui encore, certains en gardent un mauvais souvenir, en raison de la fatigue visuelle et de l’intérêt du travail… à la baisse.
ET ELLE FAIT PEUR, L’INFORMATIQUE
Cette évolution n’a pas manqué de provoquer des craintes pour l’emploi, malgré l’embauche de personnel pour la constitution de fichiers informatiques. On cite volontiers la phrase : “l’informatique, oui, mais pas au service du chômage”.
Des réticences apparaissent au sein même du conseil d’administration, comme en 1974 où on parle de “déshumanisation” de la Sécurité Sociale, en installant des “monstres” un peu partout.
Cette évolution varie dans le temps selon les services, la liquidation reste longtemps la seule concernée. Le bureau d’organisation et méthodes (B.O.M) joue également un rôle important dans cette évolution de la lecture optique vers LASER, puis dans les liaisons magnétiques des années 80, avec Feu-Vert et la carte multi – services.
Cela ne va pas s’arrêter car le projet SESAM-VITALE sera, on le suppose, prêt pour les générations futures.
L’ÉVEIL DES CADRES
En parallèle à l’organisation et à l’informatique, l’évolution du rôle des cadres est importante. Leur travail axé sur la surveillance, parfois dans une cage de verre, sur la discipline, sur les horaires, s’accroît avec l’application progressive de textes de plus en plus nombreux. La mise en place de moyens techniques évolués, la productivité, le rendement ou encore les “soldes” de dossiers sont pour longtemps des préoccupations quotidiennes accompagnées de demandes pressantes de personnel, de temporaires et d’heures supplémentaires. Il est même envisagé de rappeler les réservistes, pardon ! les retraités.
Enfin, un personnel de plus en plus nombreux les contraint à devenir des meneurs d’hommes et … de femmes.
1949. 21 février 1949 : Reconnaissance de la dualité Caisse d’Allocations Familiales et Caisse de Sécurité Sociale.
1950. 1er juin 1950 : Premier véritable concours de recrutement (réservé aux hommes).
1952. 27 octobre 1952 : installation de la Caisse au Square Marc Sangnier. Inauguration le 22 mars 1953.
1954. Février 1954 : Appel de l’Abbé Pierre en faveur des sans abri.
1960. 12 mai 1960 : Création des URSSAF. Pouvoirs propres du Directeur par rapport au Conseil d’Administration.
7 septembre 1960 : Visite à Brest du Général de Gaulle. (Photo Archives municipales).
1962. 19 mars 1962 : Fin de la guerre d’Algérie.
1962
19 mars 1962 : Fin de la guerre d’Algérie.
1964. Diffusion par la FNOSS du 1er Cours de Technicien.
20 mai 1964 : La durée hebdomadaire du travail passe de 45 heures à 43h45.
20 juin 1964 : Tabarly remporte la Transatlantique.
1965. Février : Mécanisation et utilisation du paiement différé (Mandat Colbert le 1er octobre).
Février : Élection du Président de la République au suffrage universel.
Aménagement de l’île Longue par la par la Marine Nationale.
1967. Août 1967 : Le régime général de la Sécurité Sociale est réorganisé en trois branches gérées par des Caisses Nationales.
13 avril 1967 : La marée noire du Torrey Canyon.
1968. Création du service médical de l’Assurance Maladie.
Mars : La caisse de Sécurité Sociale devient la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Nord –Finistère.
Mai 1968 : Révolte des étudiants.
UNE CAISSE SOUS INFLUENCE
Ce n’est pas le titre d’un film mais la réalité de 50 ans de présence féminine à la C.P.A.M. du Nord-Finistère.
De sa création en 1946, à aujourd’hui, la Sécu n’a jamais vraiment attiré les hommes, qui après – guerre préféraient l’Arsenal militaire.
Faut-il y voir, a contrario, une prédilection des femmes pour le social ? Rien ne permet de l’affirmer, mais les faits sont là : des femmes, encore des femmes toujours des femmes, et si peu d’hommes recrutés.
Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il fut même fixé des quotas et des examens d’entrée furent réservés aux hommes.
Rien n’y fit ! Aujourd’hui 77 % des agents sont des femmes. Une seule exception à ce tableau, la Direction qui depuis 1946, demeure exclusivement masculine.
Alors influence des femmes, c’est certain, mais seulement autour du pouvoir.
Cela ne les a cependant pas empêchées de laisser une empreinte essentielle qui fait que la C.P.A.M. de Brest est ce qu’elle est aujourd’hui.
Et dans les couloirs, flotte toujours ce fameux parfum de femmes cher à Dino Risi.
Hommage leur est rendu, ce n’est que justice.
UNE CAISSE SOUS INFLUENCE
Ce n’est pas le titre d’un film mais la réalité de 50 ans de présence féminine à la C.P.A.M. du Nord-Finistère.
De sa création en 1946, à aujourd’hui, la Sécu n’a jamais vraiment attiré les hommes, qui après – guerre préféraient l’Arsenal militaire.
Faut-il y voir, a contrario, une prédilection des femmes pour le social ? Rien ne permet de l’affirmer, mais les faits sont là : des femmes, encore des femmes toujours des femmes, et si peu d’hommes recrutés.
Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il fut même fixé des quotas et des examens d’entrée furent réservés aux hommes.
Rien n’y fit ! Aujourd’hui 77 % des agents sont des femmes. Une seule exception à ce tableau, la Direction qui depuis 1946, demeure exclusivement masculine.
Alors influence des femmes, c’est certain, mais seulement autour du pouvoir.
Cela ne les a cependant pas empêchées de laisser une empreinte essentielle qui fait que la C.P.A.M. de Brest est ce qu’elle est aujourd’hui.
Et dans les couloirs, flotte toujours ce fameux parfum de femmes cher à Dino Risi.
Hommage leur est rendu, ce n’est que justice.
UNE PRÉSENCE FÉMININE BIEN MARQUÉE
Depuis le 6 juillet 1946 et jusqu’à aujourd’hui, la C.P.A.M. du Nord –Finistère a toujours montré un visage féminin, héritière en cela, des organismes indépendants de la période des assurances sociales.
Entrée en 1929 à la caisse interprofessionnelle, Mademoiselle Le Scour en est le témoin. Elle, qui se souvient n’avoir eu sous ses ordres que des femmes, et ce jusqu’au début des années 50.
Néanmoins, même si aujourd’hui, la forte féminisation de la Sécurité Sociale, atteint des sommets, 77 % à Brest, ce n’est pas un phénomène récent. Cela reste une constante de l’histoire locale d’après-guerre.
LA RECONSTRUCTION, UNE AFFAIRE D’HOMMES
Brest meurtrie, Brest détruite, mais… Brest libérée. Le 18 septembre 1944, lors de sa libération, la ville n’est plus qu’un champ de ruines.
Les hommes tous les hommes participent à la reconstruction. C’est probablement une des raisons de leur désaffection pour la Sécu. Et pourtant, les salaires sont considérés comme attractifs, dans le cadre d’une convention collective en avance sur son époque.
Mais sans doute, préféraient-ils aussi les “postes d’Etat” offerts par l’Arsenal militaire.
A LA RECHERCHE DE L’ÉQUILIBRE
Pour faire face à ce “péril féminin”, les grands moyens sont mis en œuvre en 1950 et 1951, par le conseil d’administration et ce, malgré les protestations de ceux qui y voient une discrimination sexiste. Il est décidé de réserver l’entrée à la C.P.A.M. de Brest, aux hommes seuls.
Quand on sait que pour certains concours, la liste des admissibles restes valables pendant plusieurs années, il est facile d’imaginer l’importance de ce choix. En effet, en 1956, sont recrutés des hommes qui ont passé le concours en juin 1951, et en 1970, ceux qui se sont présentés en 1963 !
Mais les résultats sont au rendez-vous. En 1956 est enregistré le plus fort taux de présence masculine, de toute l’histoire de la C.P.A.M. : 47%.
UNE FEMME CONTRE LES FEMMES
Mais, pour ceux qui pensent que l’équilibre d’une balance est à 50/50, cela ne suffit pas. En mai 1951, Mademoiselle L…, administrateur, propose des mesures plus radicales.
“Est-il possible d’envisager ou de prévoir en cas de mariage et à condition que le salaire du mari soit suffisant, l’obligation pour les femmes de quitter leur emploi”.
Cette proposition rencontre un écho si favorable auprès des élus qu’un vœu officiel est immédiatement adressé à la F.N.O.S.S.
Le but de l’opération : lever l’ultime obstacle que représente la convention collective, en demandant une modification.
Mais la manœuvre échoue et le taux de féminisation remonte inexorablement, passant de 70% en 1960 à 75% dans les années 90.
LA FEMME EST L’AVENIR DE L’HOMME
Alors pourquoi cet acharnement à contrecarrer les phénomènes naturels d’attirance des femmes pour le social ? Le directeur de l’époque y répond, en avançant : “ Le souci d’assumer la bonne gestion et la bonne marche de la caisse”. L’argumentation est imparable quand il précise que “pourcentage d’absentéisme… est de 5,54% pour le personnel masculin et de 13,42% pour le personnel pour le personnel féminin”.
C’était dans les années 50 !
La maternité et son cortège de congés font peur aux gestionnaires. Il devient d’ailleurs délicat d’annoncer à sa hiérarchie, un futur heureux événement “Vous, à votre âge !” Et Mademoiselle Le Scour de préciser : “Au 1er juillet 1946, elles avaient le même âge ; il y avait beaucoup de mariages et après c’étaient les naissances, Jusqu’à dix naissances en même temps”. Les accords de juin 1968, qui créent les 12 jours pour congés “enfants malades” compliquent encore plus la situation.
Enfin, à partir de janvier 1977, c’est le développement du temps partiel, qui bénéficie surtout aux femmes, mères de famille.
UNE NOTABLE EXEPTION
Les femmes occupent toutes les fonctions, sauf celles de direction. En 50 ans d’histoire, l’âme féminine ne réussit pas à envahir la liste des dirigeants, faute de candidates.
Cela n’empêche pas les personnalités affirmées de peser lourdement sur les destinées de la C.P.A.M. Parmi celle-ci, Mademoiselle Mignot “Une maîtresse femme”, militante C.F.T.C : “tu vas faire comme ça” disait-elle au président de l’époque, et Mademoiselle Le Scour, personnage clé de la fusion, qui dirige la division technique “L’infanterie” selon le mot de Monsieur Blanchet-Magon, Jusqu’en 1972.
Incontestablement, à cause ou grâce à ces obstacles qui marquent l’évolution d’une société, l’histoire de la C.P.A.M., c’est une histoire de femmes.
LES PRÉSIDENTS DE LA C.P.A.M DU NORD-FINISTÈRE
5 avril 1946 : M. Wasselet (C.G.T.)
23 août 1948 : M. Plougoulm (C.F.T.C.)
8 juin 1950 : M Floch (C.F.T.C.)
29 novembre 1955 : M. Quentric (C.F.T.C.)
9 novembre 1967 : M. Prevosto (Employeurs)
19 octobre 1983 M. Perrot (C.G.C.)
Avril 1991 : M. LE Bail C.F.D.T.)
1969
1er janvier 1969 : la durée hebdomadaire du travail passe à 41h15.
2 février 1969 : Le Général de Gaulle annonce le désenclavement de la Bretagne.
1970
15 décembre 1970 : Installation de la Caisse à Bellevue, inaugurée le 3 avril 1971.
1971
Février 1971 : Première convention nationale avec les médecins
1972 : Les retraites complémentaires sont désormais obligatoires.
1974 : Nouvelle classification du personnel.
28 février 1974 : Expérimentation de l’horaire variable (généralisé le 10 juin 1974).
1975 : Adhésion à l’Union Régionale pour la formation et le perfectionnement.
L’avortement devient légal.
1976 : Implantation du Cetelic à Rennes.
Mai 1976 : Paiements par virements bancaires.
4 mai 1976 : Classification des Cadres.
21 octobre 1976 : information : premiers paiement par système de lecture optique.
1977 : Janvier 1977 : Introduction du temps partiel.
1978 : Classification des Agents de Maîtrise.
Création de l’assurance personnelle.
LES DIRECTEURS DE LA C.P.A.M DU NORD FINISTÈRE
17 Août 1946 : M. Blanchet-Magon
1er juin 1965 : M. Tranvouez
7 avril 1975 : M. Le Loupp
14 mars 1983 : M. Goldie.
1er novembre 1988 : M. Perennes
1er mai 1990 : M.Robelet
DRÔLE D’ENDROIT POUR LES RENCONTRES
Avec Numeris, Internet, les téléphones cellulaires et le fax portable se développent les technologies du futur. Alors si vous évoquez avec les plus jeunes, les guichets avec paiement en espèces, vous risquez d’être regardé comme un vélociraptor échappé de Jurassic Park. Et pourtant la communication avec les assurés sociaux est née de là, les yeux dans les yeux. Avec il est vrai, ses files d’attente, ses cris, parfois ses insultes mais aussi ses remerciements et même ses petits cadeaux. L’accueil “à l’ancienne” c’est ce qui fait la différence entre un kig-a-Farz et une carotte râpée façon nouvelle cuisine. L’accueil, c’est l’Agora, celle de l’antiquité grecque. Ou plutôt qu’agora, une cour des miracles, une cour où l’on rencontre des clochards, des personnages hauts en couleur, parmi les assurés, mais aussi parmi le personnel de la caisse. Cette promiscuité ne doit pas faire oublier l’exigence bien comprise du service à rendre et les qualités humaines et techniques des spécialistes de l’accueil. Ceux là ont tout vu, tout connu, une expérience professionnelle en accéléré, difficile mais gratifiante.
Et puis, les orientations changent. L’accueil devient itinérant, d’abord avec un véhicule puis fixe dans les mairies. Avec cette formule éclatante “un pas de plus pour nous ! des pas en moins pour vous !” 1983, connait la décentralisation à Morlaix, Landivisiau, Landerneau et Lesneven. En 1985 LASER débarque avec un système dit de “banalisation” des dossiers. Cela ne dure pas, les années 1990 connaissent le retour en force de la personnalisation avec la gestion par portefeuille d’assurés. Un retour aux valeurs. Les professionnels de santé sont également concernés et la caisse va plus loin en créant les délégués auprès des professions de santé. Au fil du temps, d’inexistants, les rapports avec ces professionnels sont devenus tendus avec l’apparition des conventions et donnent l’image d’une guerre de position, une image présente encore aujourd’hui.
LA COUR DES MIRACLES
Notre premier interlocuteur est la cohue, le grand nombre dans sa diversité et son impatience. La durée de l’attente était telle, deux heures et plus en 1955, que l’accueil devenait installation y compris par les clochards. “L’été, il y avait des puces, on marchait dans les puces” raconte Monsieur Bernicot, (cadre des services techniques) qui ajoute “il y avait même des clochards, ils séchaient leurs serviettes sur les radiateurs”.
L’attente, la queue au guichet, légende de la Sécu, est réelle. Et pourtant, le rendement est fort honorable. “On était assez rapide, 120 décomptes par jour” rappelle Madame Le roux, guichetière à l’époque. Monsieur Rubin n’est pas en reste quand il annonce “600 paiements par jour quand j’étais caissier”.
Mais, rien n’y fait, les protestations fusent, la violence parfois éclate dans la fureur et le bruit. L’ambiance est électrique. Des personnages hauts en couleur, surgissent de la mémoire et rythment la vie à l’accueil.
TROIS PERSONNAGES EN QUÊTE D’AUTEUR
“La terreur du polygone”, un homme, un vrai, un tatoué, ancien de la Légion Etrangère, a pour fâcheuse habitude de venir crier à l’accueil, car on refuse de le rembourser. La raison en est simple, il ne possède aucun papier d’identité. Le souvenir de ses passages répétés a marqué Mademoiselle Le Scour qui un jour voit arriver l’épouse de la “terreur”, venant chercher son homme.
Et puis “ l’assuré et la guillotine”, autre personnage en colère qui passe la tête par l’ouverture du guichet, sans doute pour mieux vitupérer. Il tambourine du poing sur le comptoir, tant et si bien que le système de fermeture, “la guillotine”, se met en branle et lui coince la tête… Enfin “l’horloge et l’assuré”, un homme de la caisse, guichetier de son état, précis, méticuleux, ayant le sens de la répartie et du service public. Il n’a qu’un seul défaut, au regard des assurés, il “remonte” fréquemment le mécanisme de sa montre, une Lip, sur le comptoir. Cela ne manque pas d’excéder les clients à qui il réplique du tac au tac, en montrant le panonceau “ renseignements”, “je suis là pour vous renseigner, et si vous me demandez l’heure, comment je fais ? ” Imparable, n’est t’il pas ?
AU SERVICE DE LA CLIENTÈLE
Mais cette fois encore, ce serait oublier que les “clients”, puisqu’à l’époque, les agents les nomment ainsi, choisissent leur interlocuteur au guichet. A ce propos, d’une dizaine de guichets et deux caisses à l’époque des baraques, nous sommes passés, au square Marc Sangnier, à vingt guichets, trois caisses puis quatre.
Vous connaissez la suite, le paiement au guichet a été supprimé même si dans les hautes sphères des décideurs de l’Assurance Maladie, l’idée d’un retour fait son chemin, précarité oblige. Ces clients sont donc choyés, Madame Le Roux utilise le vocable “client attitré”.
“ Les bouquins pharmaceutiques étaient compulsés, il n’y avait pas de vignettes pharmaceutiques à l’époque”. Monsieur L’Emeillat se souvient aussi d’une petite dame, perdue dans la foule du hall d’accueil, avec à la main son médicament sur lequel est collée la vignette, disposition toute récente.
Les clients ont le temps, alors ils se racontent leur vie pendant que leur décompte s’établit. Et l’on assiste à cette scène, où une assurée raconte son malheur à l’accueil. Son mari est décédé, ce qui n’empêche pas l’employée, débordée, prise par son travail de lui répondre “ ce n’est pas grave madame…”.
LE SENS DU CONTACT
Et pour certains, il faut bien essayer de passer plus vite, d’obtenir que le dossier reste au-dessus de la pile à traiter par le contrôleur.
D’autres, pincent leurs enfants afin que les pleurs leurs permettent d’avancer dans la file d’attente.
Tous les matins, c’est l’assaut. Les gens sont agglutinés aux grilles et c’est la ruée dès l’ouverture des portes.
Malgré tout, pour beaucoup, cette période demeure heureuse. A écouter Madame Le Roux, on se surprend à rêver. “ C’était ma période préférée, pourtant c’était usant. Malgré le rendement, il y avait une solidarité énorme entre les employés. Les gens avaient besoin de dire, de parler”.
Et aujourd’hui encore, Madame Le Roux est reconnue dans la rue par ces habitués du guichet.
HAUT LES FLINGUES
Les choses évoluent grâce au téléphone, au mandat Colbert et au virement. Mais il ne faut pas oublier que le paiement au guichet n’est pas de tout repos.
L’insécurité est ressentie lors du transport des liquidités par les caissiers, jusqu’à la Trésorerie Générale. Les valises comportent un système sonore de bagues antivol qui se déclenche si le convoyeur lâche la poignée.
Le problème est jugé si important que les caissiers détiennent un revolver 6.35. L’agent comptable quand à lui, possède un 7.65.
Et alors on se retrouve dans un polar de série B. Des séances de tir s’organisent sous le contrôle de la police et dans les sous-sols de la caisse. Les réserves du concierge sont souvent prises pour cibles, mais la maladresse prévaut. Les rois de la gâchette ne sont pas légion. Un jour, un employé abat une petite bouteille. Justice lui soit rendue, il avoue : “c’était par inadvertance”.
Ce haut fait d’armes reste cependant gravé dans les annales de la caisse.
HORS DE NOS MURS
Puis la décentralisation prend son envol. Elle s’est d’abord exprimée par la création des bureaux de Morlaix et de Landerneau, puis par la nomination de correspondants locaux et de correspondants d’entreprise. Ceux-ci servent à la fois à la transmission des dossiers mais aussi au paiement des prestations.
Cette expérience a une fin pour les premiers le 1er janvier 1966, à l’exception insulaire d’Ouessant. Les correspondants d’entreprise, quand à eux, poursuivent leur activité jusqu’en 1990. Mais la décentralisation s’exprime aussi par la circulation d’un véhicule aménagé, dans la région morlaisienne puis à Brest.
Une tournée inaugurale a lieu en novembre 1965, dans une splendide camionnette, une Citroën 11 CV. Un programme détaillé précise les heures d’arrêt du véhicule en chaque point des environs de Morlaix. Cela ne dure qu’un an jusqu’à la fin de 1966. Une simple Renault fourgonnette circule alors à Brest.
Par la suite, les permanences deviennent fixes, d’abord dans l’arrondissement de Morlaix, puis à Brest et dans le canton de Crozon.
LE SERVICE RENDU A L’ASSURÉ
Un objectif : éviter l’anonymat dans le règlement des dossiers et la dématérialisation des relations avec nos clients ou nos assurés. La densité de ce réseau sera un sujet de discussion régulier en fonction des moyens financiers disponibles, des effectifs nécessaires et des besoins de la population. Les effectifs sont toujours insuffisants, la pénurie est quasi endémique. Il est même envisagé en 1963 de rappeler les retraités. C’est l’économie de guerre.
Pour les “clients”, c’est le souci d’humanisation qui prime. C’est un objectif national Lancé en 1963 par le ministre du travail, Monsieur Grandval, qui vise à parfaire l’accueil des usagers et à accélérer la liquidation des dossiers.
LES GRANDS TRAVAUX
La caisse s’installe à Bellevue en 1971, tout en conservant les locaux du Square Marc Sangnier dont elle est propriétaire. Aujourd’hui encore dans l’esprit des Brestois, la Sécu c’est au centre ville. Il faut dire que les services des relations avec les assurés y fonctionnent à plein et que s’y greffent le service médical et le service social.
Dès 1983 et jusqu’en 1986, la caisse investit dans la pierre et fait le pari de rapprochement avec les usagers. Morlaix, Landivisiau, Landerneau et Lesneven naissent à leur tour avec le même objectif, améliorer la qualité du service rendu en privilégiant le rapprochement du personnel de la caisse et des assurés sociaux. Viennent plus tard, les tentatives de relations avec les professionnels de santé.
LE MUR DES LAMENTATIONS
Les relations avec les professionnels de santé se vivent de façons plus épidermiques. Beaucoup d’agents ont une conscience aigüe des dérapages ou des abus et surtout de l’impuissance de la caisse à agir en ce domaine. Toute bonne volonté, toute velléité, sombrait systématiquement dans le recul, de peur d’avoir des ennuis et dans le but de conserver de bonnes relations à tout prix au niveau de la direction ou du conseil d’administration.
Les retraités gardent au fond d’eux-mêmes ce sentiment confus d’être incompris. C’est “le camouflage de la vérité sur la sécu”, “personne n’ose dire” et “la sécu n’est pas assez défendue”, Ces mots résonnent aujourd’hui dans le vif de l’actualité. Ils ont au moins le mérite de clamer haut et fort une appartenance aux mêmes valeurs de solidarité et de montrer l’attachement du personnel à une institution souvent ballottée mais qui ne coule pas. Mademoiselle Le Scour qui est passée à travers ces orages se souvient “chaque fois que l’on avait dit quelque chose de travers, on était appelé à la direction, car les médecins venaient réclamer”.
OPÉRATION MAINS-PROPRES
La caisse connaît des difficultés à se faire respecter. Elle s’adresse souvent à un mur en demandant à l’Ordre des médecins d’intervenir ou à un directeur d’hôpital qui ne veut pas se mettre à dos le corps médical. Monsieur Bernicot, fort de ses responsabilités syndicales, fait état de son découragement après les actions menées sans résultats auprès du corps médical.
Et pourtant chacun connaît des affaires qui ont marqué la vie de la caisse mais la longueur de la procédure ternit l’efficacité des moyens engagés. A partir de plusieurs exemples, s’instaure une véritable croyance entretenue bien sûr par les tarifs choisis et prélevés par les professionnels de santé et toute affaire qui ne connaît pas de sanctions.
Monsieur Fabre, secrétaire général, témoigne de cet état d’esprit en narrant une affaire qui lui a “donné chaud”. J’ai défendu le dossier malgré des pressions et j’ai remporté l’affaire, j’étais content quoi ! Tout le monde en parlait dans la maison ”. Au bout du compte, le professionnel de santé a été condamné à un an de suspension au motif d’exercice contraire à la probité et à l’honneur professionnel.
UN PRÊTÉ POUR UN RENDU
Le développement en 1989 de la fonction maîtrise des dépenses a été accueilli avec scepticisme ou incrédulité. La conviction est désormais enracinée : mieux vaut agir seuls et vivement qu’attendre la bonne volonté de nos partenaires. Et de regretter le temps des conventions individuelles pour les médecins… puisqu’après tout, nous leur servons un revenu et même le paiement de leurs cotisations. Ils nous le rendent bien, l’exemple qui suit est symbolique, Lors de la parution des décrets du 12 mai 1960, les médecins du Finistère décident de faire grève administrative pour protester entre autres motifs contre les nouveaux tarifs imposés. Et l’on peut lire dans la presse locale des 25 et 26 Mai 1960, une déclaration fracassante du syndicat des médecins du Finistère :
“Quand les employés des caisses de Sécurité sociale font grève, les guichets sont fermés. Les assurés sociaux attendent leurs remboursements et les centrales syndicales ne versent pas de larmes sur le sort des malades privés de ressources… Si l’action n’aboutit pas, il restera au gouvernement une dernière solution : La médecine nationalisée, fonctionnarisée, réglementaire, gratuite et obligatoire avec les quarante heures, les heures supplémentaires, les congés payés, la retraite… le marché noir ! Le pays aura la médecine qu’il mérite”.
35 ans, plus tard, toutes les solutions ont-elles été explorées ?
1981 : Actions de dépistage bucco-dentaire.
1er novembre 1981 : la durée hebdomadaire du travail passe à 39H.
1982 : 14 août 1982 : Loi dite Auroux sur l’expression des salariés.
1983 : Budget global du C.H.U.
1er septembre 1983 : Centre de paiement à Morlaix.
1er novembre 1983 : Centre de paiement à Landivisiau.
1985 : 1er Avril 1985 : Centre de paiement à Landerneau.
1985 : Démarrage de Laser. 21 juillet 1985 : Hinault gagne le Tour de France pour la cinquième fois
1er juillet 1985 : Premières liaisons magnétiques avec les professionnels de santé Télématique interne et externe.
1er avril 1986 : Centre de paiement à Lesneven
1987 : 17 octobre 1987 : Un ouragan dévaste la Bretagne.
1988 : Action de dépistage des cancers colo – rectaux.
1989 : Création d’une cellule de gestion des risques (C.G.R) qui a pris le relais de la C.A.G.I (Cellule d’Analyse de Gestion et d’Information) créée en 1979.
1992 : Brest 92 rassemblement de vieux gréements.
1993 : Nouvelle Classification pour le personnel.
Novembre : Création de l’antenne contre l’exclusion sociale à Brest.
1994 : Installation des premiers P.M.F (Postes Multi – Fonctions).
Crise de la pêche en Bretagne.
LE CONSEIL D’ADMINISTRATION FAIT DE LA RÉSISTANCE
Dès 1946, la tutelle fait remarquer un nombre trop élevé d’agents de direction. Encore faut – t’il choisir ceux qui doivent abandonner leur poste. C’est long et douloureux et cela alourdit le climat des discussions au sein du conseil d’administration pendant plusieurs années.
Après avoir d’abord refusé d’obtempérer, le conseil d’administration lors de sa séance du 14 février 1949 accepte le principe d’une réduction de 5 à 3 membres de l’équipe de direction. Ce qui doit arriver, arrive. Lors du conseil d’administration du 11 octobre 1950 Monsieur Edern, directeur adjoint et Monsieur Bechen, sous directeur sont licenciés. Mais cette décision est contestée avec succès par les intéressés et au bout du compte, le conseil d’administration de l’époque voit son mandat expirer sans avoir conclu l’affaire.
Et c’est au nouveau conseil d’administration de procéder aux licenciements après que le directeur ait été incité à se positionner sur le nom des partants.
Toute cette affaire est qualifiée de“ triste”, non sans arrière pensée politique ou syndicale. Aussi étonnant que cela paraisse, elle a eu peu d’impact sur le personnel. Elle a par contre marqué certains agents de direction de l’époque. Cet épisode révèle les divergences au sein du conseil, mais il montre surtout les difficultés d’organisation à la naissance de la caisse et l’indépendance de l’organisme vis – à – vis de la tutelle, puisque la caisse fonctionne pendant quatre ans avec cinq membres de direction, en tout illégalité. Le pouvoir est jalousement gardé. Pas pour longtemps car l’assaut est proche.
LA FORTERESSE ASSIEGÉE
La création des sections mutualistes et le transfert à leur profit de milliers d’assurés, fait resurgir aussi beaucoup d’amertume et la “bagarre” est terrible. La Sécurité Sociale, conquête ouvrière, devient pour les délégués du personnel, en particulier, une forteresse assiégée. Après la faillite du régime unique, le régime général perd de sa substance. “On nous mange notre pain blanc” disait Mlle Quelen (cadre des prestations). Et Monsieur Bernicot de renchérir : “La loi du 22 mai 1946 n’a jamais été appliquée. Nous les syndicalistes, on était des militants de la Sécurité Sociale et du régime général”. Même son de cloche chez le personnel pour qui la création des mutuelles, c’est une “partie du boulot qui part”. La M.G.E.N. ouvre la brèche en juin 1951, malgré la résistance farouche du conseil d’administration. En dépit des avis de la D.R.A.S.S. et des arrêtés ministériels annulant ses décisions, le conseil d’administration refuse la création d’une section locale de l’enseignement. Le 26 juin 1951, Monsieur Denis, responsable de la MG.E.N. Affirme que “la caisse primaire du Nord-Finistère était la seule caisse en France qui n’ait pas accepté l’institution d’une section locale de l’Éducation National”. Finalement le bureau du conseil d’administration donne son accord. La mutuelle Marine va suivre, et c’est peut être 10% des assurés sociaux qui sont transférés. Les dossiers portent un cachet daté du 16 décembre, date du départ, “le sceau de l’infamie” selon Monsieur Bernicot.
LE VER EST DANS LE FRUIT
De pouvoir jalousement gardé, nous allons vers un pouvoir difficilement partagés. La longueur des débats au conseil d’administration relatifs au sort des agents, les interventions syndicales concernant les personnes, l’organisation à mettre en place, aboutissent à un encombrement de l’ordre du jour du conseil. L’importance des effectifs et la taille de l’entreprise elle-même, mettent un terme aux principes du bon sens qui président à la gestion des affaires en 1950. Arrive alors le fameux décret du 12 mai 1960 qui confie au directeur le pouvoir de gérer seul le personnel et l’organisation interne. C’est un énorme changement et ce que la démocratie y perd, l’efficacité de la gestion le gagne avant même la mise en place de l’informatique. La stratégie syndicale doit également s’adapter au changement d’interlocuteur et le personnel s’éloigne des administrateurs pour se tourner “à découvert” vers la direction au travers du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Le mouvement de l’idéal social vers les nécessités de la gestion, rejaillit également sur la tutelle renforcée vis-à-vis des conseils d’administration puis des directions. Celle-ci se relâche en s’orientant vers le contrôle a posteriori plutôt qu’a priori et finalement se déplace aujourd’hui des D.R.A.S.S. vers la Caisse Nationale d’Assurance Maladie en matière budgétaire notamment. Mais les crises et les étapes n’ont pas concerné que le conseil d’administration et les directions ou la tutelle.
“NON AUX HEURES SUP”
La première cause des heurts est le retard dans les règlements et par conséquent l’obligation du recours aux heures supplémentaires. Travailler 45 heures par semaine suffit, le travail obligatoire le samedi est mal vécu et donne lieu à des réactions nerveuses, à des cris, à des faces à face tendus et même à des refus clairs.
En septembre 1962, en raison d’un solde de dossiers important, la direction veut imposer des heures supplémentaires, deux samedis de rang. Le personnel, soutenu par les organisations syndicales refuse massivement d’obtempérer puis est convoqué individuellement devant l“ aréopage de la direction” se souvient Monsieur Rubin.
La scène qui a fortement marqué les esprits est à peu près celle-ci. L’agent se tient debout, les mains derrière le dos, face aux membres de la direction. Monsieur Blanchet – Magnon entame le dialogue. “ Monsieur x, vous avez refusé de faire des heures supplémentaires, pouvez- vous m’expliquer pourquoi ?” . Réponse de l’agent : “par solidarité avec l’ensemble du personnel”. Sentence du directeur “ ceci constitue un manquement à la discipline et je vous en avertis. Tout est bien qui finit bien et tous les avertissements sont ensuite supprimés à Noël de la même Année”. Mais le recours aux heures supplémentaires perdurera avec il est vrai des aménagements en particulier le paiement des dossiers effectués…chez soi… parfois avec l’aide familiale…
Les gens partent avec une valise pleine de fiches individuelles des assurés et de dossier. “Un gars travaillait en famille… Les enfants préparaient le décompte.
DIALOGUE DE SOURDS
Le mécontentement s’est exprimé aussi au travers de la productivité et du rendement limité, contenu par chacun, par des grèves ou des mouvements d’arrêt de travail. Ceux-ci reviennent fréquemment dans l’histoire de la caisse (que les sujets de mécontentements soient nationaux ou locaux, généraux ou corporatistes) à tel point que Brest Devient un clignotant, un indicateur de tendance sur le plan social pour la tutelle parisienne. Jusqu’à ce qu’en 1990, ce clignotant reste éteint malgré l’ampleur du mouvement national constaté.
En 1973, 82, 88 pour les effectifs, en 1976 pour les congés, en 1989 et 1990 pour les contrôleurs : Grèves et débrayages se succèdent et la plate-forme revendicative s’élargit à la réduction du temps de travail, aux promotions, à la formation.
Cela dénote le plus souvent une hiérarchie forte et un manque d’information de part et d’autres.
Les années 1970 et 1980 voient naître des mouvements revendicatifs non négligeables. Ils mettent en avant des problèmes réels rencontrés par les agents dans leur travail et qui ne peuvent pas toujours, il est vrai, recevoir de réponses au niveau local. Ils soulignent, le plupart du temps, un manque de dialogue entre direction et représentants (G.G.T. et C.F.D.T.) du personnel et cet aspect relationnel déficient sert parfois de prétexte, pour ne pas répondre aux questions de fond.
HORAIRES À LA CARTE
La mise en place de l’horaire variable revient souvent dans les conversations comme une cause d’évolution dans les relations internes. Le temps de vie au travail, en commun, diminue et l’individualisation des horaires progresse. L’ambiance s’en ressent, la solidarité également. Le caractère festif des rencontres disparaît.
En 1974, la direction lance l’idée de l’horaire variable. A la suite d’un questionnaire, le personnel plébiscite la formule à 92,5%. L’expérimentation débute le 28 février 1974 dans un seul groupe de liquidation, puis est généralisée à l’ensemble du personnel le 10 juin. L’objectif immédiat est d’améliorer les conditions de travail et aussi de modifier l’état d’esprit du personnel, vis – a- vis du travail afin de réduire l’absentéisme de courte durée. Les syndicats s’opposent, au départ, à cette initiative. Ils estiment selon leur propre expression que “la conscience collective va en prendre un choc ”et que dorénavant “ on viendra à la caisse à titre personnel”. Ils redoutent l’effritement de l’esprit revendicatif du personnel et un phénomène de désyndicalisation.
Concrètement le nouvel horaire comporte des plages fixe, c’est – à –dire de présence obligatoire, de 8H30 à 11h45 et de 12h45 à 16h. Les plages mobiles de 7h15 à 8h30 et de 16 h à 17 h30, permettent aux agents de choisir leurs heures de départ et d’arrivée. Le personnel apprécie l’horaire variable. En 1975, 84% des agents l’utilisent, à leur grande satisfaction. La caisse devient un lieu où “ on travaille bien, mais où on vit mal” selon les termes de Monsieur Le Loupp, ancien directeur. Les fonctions s’opposent parfois ou se posent en rivales éternelles : le Guichet et l’assuré, le contrôle et la liquidation.
Avec l’horaire variable serait venu le temps de l’individualisme. A moins de voir en ce nouvel horaire, non pas le début d’un changement de comportement, mais plutôt, la concrétisation d’une nouvelle mentalité qui régnait depuis quelque temps dans les esprits.
Aujourd’hui, quel est le bilan des 50 ans de Sécurité Sociale ? Des hauts et des bas, des crises, des luttes, mais aussi et c’est sans doute l’essentiel, autant d’étapes d’une évolution positive, d’une certaine maturité et d’une belle expérience.
Alors à la veille de ce 50 -ème anniversaire, la Sécu doit rester pour tous une grande idée à préserver.
LA NOSTALGIE DU BON TEMPS
On ne peut qu’être frappé par les regrets, la nostalgie éprouvée par les témoins du passé alors que leurs discours ne sont qu’une suite d’épreuves, de contraintes, de difficultés quotidiennes. Les horaires (neuf heures par jour), la discipline sans faille, le port obligatoire de la blouse, l’interdiction d’aller d’un service à l’autre sont des exemples de contraintes importantes qui laissent place néanmoins à un bon souvenir, un peu comme si la pression hiérarchique était telle que les meilleurs moments même rares n’en ont que plus de saveur (fou rire, joie, etc.…).
Le contexte est également cité : la Reconstruction, la libération suscitent l’enthousiasme. La modernisation des équipements, les inventions pratiques sont autant de découvertes positives qui marquent cette époque.
Quand la recherche de fiches perdues prend des jours, quand le froid ou la chaleur indisposent, quand les règles de promotion ne sont pas définies, quand l’information ne circule pas, on en conclut que pour supporter tout cela il faut “aimer son travail ”. Ces termes sont employés comme tels et signifie un sentiment un peu passé de mode… Que dire des agents embauchés qui ont attendu 10 ans comme fichistes, de l’absence de formation organisée, obligeant à voir cela “avec son voisin”, de la mise en place des cours de techniciens en 63 seulement ?
La solidarité, l’entraide prennent là aussi le dessus. Le travail devient un lieu familial. Tout le monde se connaît, se rencontre à l’extérieur. Les arbres de Noël mobilisent tout le personnel avec conjoint et enfants.
Les pots permettent de se retrouver. Les fêtes des rois se terminent tard, l’ambiance était formidables…
Les horaires contraignants laissent malgré tout la possibilité de manger en deux heurs à midi : retour au domicile ou déjeuner en commun sont appréciés. Ajoutons-y les blagues, l’humour et le sport. l.A.S.O.S. est citée pour son rôle de point de rencontres : une soirée interservices a été très appréciée :
Mais surtout le retard permanent à une époque, la foule des assurés énervés au guichet, le recours à des heures supplémentaires qui mécontent tout le monde, les conditions de travail difficiles font utiliser le terme d’héroïsme. Même les agents de direction comme Monsieur Fabre vivent mal des batailles constantes pour des enjeux infimes, par exemple avec les syndicats.
Malgré tout, chacun perçoit dans ces difficultés d’abord ses souvenirs de jeunesse… le temps d’une escale.
REMERCIEMENTS
A l’association des retraités et à sont président: Albert L’Emeillat.
pour leurs témoignages à:
Maurice Boutefroy. Robert Reungoat
Lucien Mabé. Laurent Gléonec
François Cadour. Lucienne Roucelin
Madeleine Pencréach. Denise Grall
Paul Callérisa. Paul Sévrain
Madeleine Perrré. Yves Grannec
Denise Cambla. Geneviève Tranvouez
Yvette Pouliquen. Suzane Guyder
Marie – Louise. Didailler. Simone Lefevre
Yvette Quélen. Denis Kerlidou
Pour leurs entretiens particuliers à :
Robert Bernicot. Marcel Fabre. Pierre Le Gac
Marguerite Le Roux Georgette Le Scour Jean Rubin
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