Commentaire : Bonjour Georges je n’ose pas te recontacter, de peur sûrement que tu ne veuille pas! je suis admiratif devant ce que tu fais pour Brest et tous ses souvenirs en ce qui concerne le Bouguen. De toute façon tu as toujours été compétent dans tout ce que tu as entrepris, je tenais à te remercier pour les bons conseils à l’époque où je travaillais avec toi. Sur le côté humain et relationnel afin d’accéder au poste que tu occupais, ça n’a pas été toujours facile pour moi hélas (je l’ai certainement cherché) je n’ai aucun regret de t’avoir rencontré malgré quelques différents au début de ma carrière .dixit B10 j’espère que la santé est bonne je te souhaites beaucoup de bonnes choses encore à venir, merci à la personne humble que tu es Pierre.
Réponse de Georges.
Bonjour Pierre
Quelle belle surprise de recevoir de tes nouvelles après tout ce temps ! Je repense souvent aux bons moments que nous avons partagés ensemble au travail, et c’est un plaisir de savoir que tu vas bien.
Même si le temps a passé, l’amitié que nous avons construite reste précieuse pour moi. J’espère que nous aurons l’occasion de rattraper le temps perdu et de partager de nouveau nos expériences, nos rires et nos projets.
Je veux prendre un moment pour te remercier sincèrement. Travailler à tes côtés a été une expérience marquante pour moi. Tu as fait preuve d’un courage et d’une détermination admirables, et j’ai énormément de respect pour tout ce que tu as accompli.
Ton passage dans ma vie, bien que professionnel, a eu un impact bien au-delà du travail. Tu m’as inspiré par ton attitude positive et tes qualités humaines. Je suis reconnaissant d’avoir eu l’opportunité de te connaître et d’apprendre de toi.
J’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir bientôt. En attendant, je te souhaite le meilleur pour la suite de tes projets. Au plaisir de tes nouvelles. Et avoir des nouvelles d’anciens collègues de travail ne fait toujours plaisir. Georges Perhirin
Jeanne Cloarec habite depuis 1964 dans une baraque, une maison préfabriquée construite après la destruction de la ville de Brest, pendant la guerre. Le petit logement surplombe la rade de Saint-Evette, à Audierne.
Du haut de ses 80 ans Jeanne Cloarec habite à Audierne dans une baraque, une maison préfabriquée construite après-guerre pour reloger la population. Un logement rudimentaire, sans artifices ni fioritures, au sein duquel elle a fondé son foyer… et trouvé son chez-soi.
Qu’il est drôle de constater comment, parfois, on utilise le mot maison à la légère. Comme dans l’expression : « S’y sentir comme à la maison». Au fond, qu’entend – on par là? S’agit-il du lieu où nous avons grandi ? Ou bien s’agit – t’il de celui qu’on a construit plus tard, au fil des années ? À Audierne, il a fallu plusieurs années à Jeanne Cloarec pour trouver sa maison, cette coquille qui, loin d’être un simple domicile, nous protège de l’affliction du monde. Longtemps, la Finistérienne a pensé qu’il s’agissait du « ti forn » où elle est née, en 1944, dans la commune d’Esquibien. un petit fournil au sol en terre battue. «C’est là que j’ai vécu les douze – premières années de ma vie, se souvient Jeanne. Ma mère allait tous les jours à l’usine et mon père partait pêcher. Il n’y avait pas d’eau ni d’électricité mais c’était pas grave. La nuit, on entendait le chef de chantier de la digue crier sur les ouvriers. Et le jour, on avait une vue superbe sur la rade de Sainte – Evette »
Une baraque dans le Cap – Sizun
Reste qu’en 1956, la petite famille part s’installer dans une maison d’Audierne où Jean – Marie, le père de Jeanne, est nommé comme gardien. La demeure est grande, située à proximité de la plage de Trescadec et raccordée à l’eau et à l’électricité. Mais jamais la famille n’y verra un chez – soi. Comme l’explique Jeanne: « On ne se sentait pas chez nous. les propriétaires de la maison pouvaient venir n’importe quand. Mon père, en en particulier, ne se plaisait pas là – bas. Il disait qu’il était né à Esquibien et qu’il ne voulait pas mourir à Audierne ».
Un jour, en 1964, la famille Cloarec entend parler des « baraques de Brest ». C’est une voisine qui leur explique qu’il s’agit de maisons préfabriquées construites après la destruction de la ville pendant la guerre. en obtenir une n’est pas très onéreux : seulement 60 000 francs. Chez les Cloarec, l’information ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Rapidement, ils sollicitent le député-maire d’Esquibien, Jean Perrot, pour obtenir l’une de ces petites maisons. « il nous a prévenus que c’était petit et pas très confortable, avec seulement deux chambres et une petite cuisine. Mais mon père s’en fichait : pour lui l’important, c’était d’être propriétaire de sa maison.»
« ça avait beau être une baraque, c’était à nous.»
Un dimanche, en 1964, la baraque des Cloarec arrive dans le Cap – Sizun. Elle est installée sur un lopin de terre dont la famille est propriétaire, sur les hauteurs de Sainte – Evette. Jeanne et ses parents doivent alors se réhabituer à un style de vie rudimentaire. « Au début, c’était très mal isolé, raconte Jeanne. Le toit était couvert de papier goudronné, donc lorsqu’il y avait une tempête, on entendait tout. Et puis, il n’y avait pas d’évier ni de salle de bain: il fallait chercher l’eau à la fontaine. L’hiver, il faisait tellement froid qu’une couche de glace se déposait sur le café.» Autant de contraintes qui aux yeux de Jeanne et sa famille, ne comptent pas. «ça avait beau être une baraque, c’était à nous.»
De lieu de vie à chez – soi
Après son mariage, Jeanne continuera un temps de vivre dans la baraque de ses parents, même après la naissance de ses quarte enfants. le décès de ses parents marque cependant un tournant, et Jeanne finit par quitter sa baraque pour une maison plus confortable, construite par son mari. Mais jamais elle ne quittera son esprit : « En 1987, lorsqu’il y a eu l’ouragan, j’ai eu la peur de ma vie. Toute la nuit, j’ai pensé à ma petite baraque. Le matin, j’ai foncé sur ma mobylette. J’avais les larmes aux yeux quand je l’ai vue : elle était debout ». Il y a quelques années, Jeanne est repartie vivre seule dans sa petite maison préfabriquée. Un logement pensé pour être provisoire mais qui a su résister au temps. Et que Jeanne considère comme sa maison, la vraie. «Mes enfants me disent régulièrement qu’ils aimeraient que j’aille en maison de retraite. Mais moi, je préfère mourir que de quitter ma baraque. C’est vrai que dans mon autre logement, il y avait plus de confort. Mais ici, il y a les souvenirs. Et c’est pour ça que c’est ma maison.»
Georges Perhirin. Explication du pourquoi des baraques
Le plan Marchal, du nom de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Pierre-Edouard Lambert Marchal, a été élaboré pour reconstruire Brest de manière plus fonctionnelle, esthétique et moderne. Il prévoyait une refonte complète de la ville, avec des rues plus larges, des quartiers résidentiels mieux aménagés, des espaces verts, et une meilleure intégration des infrastructures portuaires.
Le plan a été mis en œuvre à partir de 1945, avec la construction de nouveaux bâtiments, la création de nouveaux quartiers, et la réorganisation des espaces publics. Il a contribué à transformer Brest en une ville reconstruite et modernisée, tout en préservant certains éléments du patrimoine architectural qui avaient survécu aux bombardements.
La reconstruction de la ville de Brest après la Seconde Guerre mondiale a été un effort majeur pour restaurer une ville dévastée par les bombardements. Après la guerre, la priorité était de reconstruire les infrastructures essentielles pour la vie quotidienne, ainsi que les bâtiments publics et les habitations.
Les principales priorités de la reconstruction de Brest étaient les suivantes :
Logement : Reconstruire les habitations détruites pour fournir un toit aux habitants qui avaient perdu leur domicile pendant la guerre.
Infrastructure : Rétablir les réseaux d’eau, d’électricité, de gaz et de transports en commun pour assurer le fonctionnement normal de la ville.
Bâtiments publics : Reconstruire les écoles, les hôpitaux, les bureaux gouvernementaux et autres installations publiques nécessaires pour soutenir la vie urbaine.
Ports : Brest était et est toujours un port important, donc la reconstruction du port était essentielle pour revitaliser l’économie locale et faciliter les échanges commerciaux.
Mémoire et patrimoine : Bien que la priorité immédiate ait été la reconstruction physique, il était également important de préserver la mémoire des événements qui ont conduit à la destruction de la ville et de conserver les éléments du patrimoine historique qui pouvaient être sauvés.
La reconstruction de Brest était une tâche colossale qui a mobilisé des ressources nationales et internationales. Les priorités étaient de répondre aux besoins immédiats des habitants tout en veillant à ce que la ville reconstruite soit fonctionnelle, sûre et attrayante pour ses résidents.
Brest comment était attribué les baraques en 1945 et à qui et pourquoi
En 1945, à Brest, comme dans de nombreuses autres villes françaises lourdement endommagées par la Seconde Guerre mondiale, des baraquements ont été attribués pour loger les sinistrés. Voici un aperçu des processus et des raisons derrière l’attribution de ces logements temporaires.
Brest la Blanche
Avant la guerre, Brest était surnommée « Brest la blanche » en raison de ses maisons aux façades claires et de son architecture harmonieuse. La ville était un port militaire stratégique, avec une population qui vivait principalement des activités liées à la marine et au commerce maritime. Son port naturel, un des meilleurs abris de la côte atlantique, jouait un rôle crucial dans la défense nationale.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Brest a été lourdement bombardée en raison de sa position stratégique et de l’occupation allemande. En 1945, à la fin du conflit, Brest présentait une image de désolation et de destruction. Près de 80 % de la ville avait été détruite par les bombardements alliés visant à chasser les forces allemandes. Les bâtiments, les infrastructures et les quartiers entiers étaient réduits à des ruines, donnant à la ville l’aspect de « Brest la noire ». La ville portait les stigmates de la guerre : des immeubles en ruines, des décombres jonchant les rues et une population en deuil de ses pertes humaines et matérielles.
En conclusion, Brest en 1945 est une ville qui incarne à la fois la beauté d’antan et les horreurs de la guerre.
« Brest la blanche » rappelle le passé prospère et charmant de la ville, tandis que « Brest la noire » témoigne des conséquences tragiques du conflit mondial. La reconstruction de Brest après la guerre a été un processus l long et laborieux, visant à effacer les traces de destruction et à redonner à la ville sa vitalité.
Brest comment était attribué les baraques en 1945 et à qui et pourquoi
En 1945, à Brest, comme dans de nombreuses autres villes françaises lourdement endommagées par la Seconde Guerre mondiale, des baraquements ont été attribués pour loger les sinistrés. Voici un aperçu des processus et des raisons derrière l’attribution de ces logements temporaires.
Attribution des Baraquements :
Priorité aux Sinistrés : Les baraques étaient principalement attribuées aux familles dont les logements avaient été détruits ou gravement endommagés par les bombardements. Les autorités locales, en coopération avec les services sociaux et parfois les organisations humanitaires, identifiaient les sinistrés les plus urgents.
Évaluation des besoins : Une enquête sociale était souvent menée pour évaluer les besoins des familles. Cette enquête prenait en compte le nombre de membres de la famille, leur situation financière et leurs conditions actuelles.
Listes d’attente : Compte tenu de la forte demande et de la rareté des logements disponibles, des listes d’attente ont été mises en place, les familles étaient inscrites en fonction de l’urgence de leur situation.
Critères de Sélection : Outre les familles sinistrées, d’autres critères pouvaient inclure les anciens combattants, les familles nombreuses, et les personnes ayant des besoins spéciaux, tels que les handicapés.
Pourquoi les Baraquements ?
Destruction Massives : Brest a été l’une des villes les plus touchées par les bombardements alliés pendant la guerre. La ville était en grande partie en ruines, rendant de nombreux logements inhabitables.
Reconstruction Lente : La reconstruction des bâtiments permanents prenait du temps et nécessitait des ressources considérables. Les baraques constituaient une solution temporaire pour loger rapidement un grand nombre de personnes.
Urgence Humanitaire** : Après la guerre, il y avait une nécessité urgente de fournir des abris pour éviter une crise humanitaire. Les conditions de vie dans les camps de fortune ou à la rue pouvaient être désastreuses, surtout avec l’approche de l’hiver 1945.
Aide internationale : Certaines de ces baraques étaient fournies par les programmes d’aide internationale, notamment par L’UNRRA (Administration des Nations Unies pour le secours et la reconstruction), qui aidait à fournir des matériaux et parfois des logements préfabriqués pour les populations déplacées. Les baraques ont donc servi de solution transitoire pour abriter les familles en attente de la reconstruction de logements permanents. Cette période a marqué une étape cruciale dans la gestion de la crise du logement d’après-guerre en France et a nécessité une coopération étroite entre les autorités locales, les services sociaux, et les organisations humanitaires.
La vie en baraques à Brest après la Seconde Guerre mondiale est un sujet riche et poignant, illustrant les défis quotidiens et la résilience des habitants. Voici un récit basé sur des éléments historiques pour illustrer cette période :
La vie quotidienne en baraques à Brest : une chronique d’après-guerre
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Brest, comme de nombreuses autres villes françaises, se retrouve en ruines. Les bombardements alliés destinés à libérer la ville ont laissé peu de bâtiments intacts. Face à cette situation désastreuse, une solution provisoire est trouvée : les baraques en bois. Ces constructions sommaires deviennent le foyer de milliers de Brestois délogés, symbolisant à la fois la précarité et la capacité d’adaptation des habitants.
Le matin au Bouguen
Chaque matin, la vie s’éveille lentement dans le quartier du Bouguen, un ensemble de baraques situé au nord de Brest. Le chant des coqs se mêle aux premiers bruits des familles qui s’activent. Jeanne, une mère de trois enfants, se lève à l’aube pour préparer le petit déjeuner avec les maigres rations disponibles. Les ressources sont rares et la nourriture souvent rationnée, mais Jeanne fait preuve d’ingéniosité pour nourrir sa famille avec des soupes de légumes, du pain rassis et parfois un peu de beurre obtenu au marché noir.
Les enfants, Paul, Marie, et Jacques, s’habillent rapidement avant de partir pour l’école. Les vêtements sont souvent rapiécés, témoignant de l’ingéniosité des mères qui recyclent tout ce qui peut l’être. L’école elle-même est une baraque sommaire, mais elle représente un espoir pour ces jeunes qui aspirent à un avenir meilleur.
Le travail et les corvées
Les hommes du Bouguen partent travailler sur les chantiers de reconstruction dès les premières lueurs du jour. Marc, le mari de Jeanne, est maçon. Son travail consiste à reconstruire les bâtiments en pierre de la ville. Chaque jour, il travaille sans relâche, motivé par l’idée que son labeur contribuera à redonner à Brest son éclat d’antan.
Les femmes, quant à elles, s’occupent des tâches ménagères et de la gestion de la vie quotidienne dans les baraques. Faire la lessive est une corvée fastidieuse sans machines modernes. Jeanne et ses voisines se rendent au lavoir voisin avec de lourds seaux d’eau, frottant vigoureusement les vêtements sur des planches à laver.
Les soirées de solidarité
Les soirées dans les baraques de Brest sont marquées par une solidarité exceptionnelle entre voisins. Une fois le travail terminé, les familles se regroupent souvent pour partager un repas ou simplement discuter. Les souvenirs de la guerre sont encore frais, et ces moments de convivialité sont essentiels pour maintenir le moral. On se réunit autour de feux de camp improvisés, où les anciens racontent des histoires et les enfants jouent malgré les difficultés.
Les anecdotes fusent. Il y a celle de Monsieur Le Guen, qui a réussi à sauver son piano des décombres et en joue parfois pour distraire le voisinage. Ou celle de Madame Kervella, qui confectionne des vêtements pour les enfants du quartier à partir de vieux draps et de chutes de tissus.
Chaque famille a une histoire ou des anecdotes à raconter.
Aujourd’hui c’est différent ce sont les réseaux, internet, et autres qui anime la vie, que va-t-il rester dans 50 ans de cette époque ? Espérons aussi que les réseaux internet et autres ne vont pas tomber en pannes, car nous aurons alors des déprimes par Millions, personne ne regarde l’autre.
La vie en baraques à Brest après la guerre est un témoignage poignant de la résilience humaine. Ces abris temporaires, bien que précaires, deviennent des lieux où se tissent des liens forts et où naissent des espoirs pour l’avenir. La solidarité, l’ingéniosité et la détermination des habitants de Brest montrent que même dans les moments les plus difficiles, l’esprit humain peut s’épanouir et prospérer.
Ce récit, est inspiré par les réalités vécues par les habitants de Brest et d’autres villes dévastées par la guerre. Il reflète l’importance de la solidarité et de la communauté dans les périodes que nous vivons aujourd’hui.
Explosion du bateau « Océan Liberty », le bateau en feu dans la rade. GOUILLOUX / Bernard HOLLEY. Reproduction interdite. Faire mention de B.Holley et M.Gouilloux dans les légendes des photos + demander accord aux auteurs.
J’ai l’autorisation de Madame Peslin pour raconter l’histoire des photos faite par les auteurs. Sur la tragédie de l’Ocean Liberty sans aucun but fructueuse
Pour faire chaud, il fait chaud en ce milieu d’été 1947. Les températures affolent le mercure qui indique 27°C à l’ombre en cette belle journée du 28 juillet. Sur l’Atlantique, ce n’était pourtant pas le cas, quelques jours auparavant, quand l’Ocean Liberty voguait de Baltimore vers Brest. Le cargo norvégien a été malmené dans le gros temps lors de la traversée et depuis le 23 juillet, il est amarré dans le port de Brest, les soutes pleines à craquer, pour partie, de nitrate d’ammonium, un fertilisant remarquable mais aussi un explosif redoutable. Les dockers s’activent aussitôt pour décharger les marchandises, le long des quais de cette ville encore éventrée par les ravages de la guerre et qui se reconstruit pied à pied. Sur le port, Yves Bignon est au travail. Il est directeur technique de la société « Les Abeilles », une compagnie de sauvetage et de remorquage. Il a 30 ans, sort d’années de résistance durant lesquelles il a épousé la fille du directeur. Son beau-père l’embauché après qu’il a quitté la Marine nationale à la suite du sabordage de la flotte à Toulon. C’est à Brest qu’il a posé ses bagages avec sa famille, en 1943. Il ne sait pas encore qu’il deviendra un héros tragique une poignée d’heures plus tard.
C’est un docker travaillant d’arrache-pied qui les voit en premier. Des fumées jaunâtres, s’échappent des plus de 1300 tonnes d’ammonium qui, elles, doivent être déchargées au havre. Il est 12h30 quand il donne l’alarme. La sirène retentit aussitôt face à une menace redoutable. De chez lui, François Quéré l’entend. Ce marin volontaire, dont le souhait est de devenir pilote de remorqueur, ne se pose aucune question et file vers le port. Il a 40 ans et accompagnera Yves Bignon, cinq heures plus tard, vers l’héroïsme et le drame. Mais pour l’heure, la situation empire sur le port de commerce. Les flammes léchant l’Océan Liberty sont rendues incontrôlables par un fort vent d’est, qui les pousse, de surcroît, vers les installations portuaires où un incendie se déclare. Sans compter les vapeurs suffocantes, irrespirables. Le temps s’accélère alors. Et à 13h15, trois explosions lourdes et sourdes retentissent à bord, projetant une haute colonne de flammes et de débris incandescents sur le hangar et des petits navires qui s’embrasent aussitôt. La menace s’est transformée, en moins d’une heure, en danger imminent qu’il s’agit de combattre au plus vite.
Alors, on s’agite sur le port. Deux remorqueurs puissants et le bateau-pompe s’approchent de la bombe flottante pour essayer de la sortir de la rade de Brest. Il est 14h environ quand l’un des bateaux parvient à prendre en remorque l’Ocean liberty par l’arrière.
L’explosion
Yves Bignon tente
D’exploser la coque
De l’ocean Liberty
Yves Bignon
Dans une ambiance d’apocalypse
Mais rien ne se passe comme prévu en ce jour maudit. L’attelage marin s’échoue sur un banc de sable, juste en face de Saint-Marc, moins d’une demi-heure plus tard. Pas si loin du dépôt pétrolier. L’incendie poursuit son ravage interne. L’ammonium côtoie des matières inflammables en départ des efforts du bateau-pompe. La pire des situations chimiques.
Il est maintenant 15 h. Le militaire pris le relais des tentatives infructueuses civiles. L’aviso Goumier fait route vers le navire en feu et ouvre le tir, à l’aide d’obus inertes, pour tenter de le saborder. Mais une fois encore, rien ne se passe comme prévu et la manœuvre échoue. Les obus ricochent sur la coque. La journée est désastreuse, et ce n’est qu’un début…. Elle le devient totalement pour Yves Bignon et François Quéré. Les deux hommes devinent aisément le drame qui est train de se jouer sous leurs yeux, comme sous ceux des Brestois qui regardent, de la ville et de la côte, le navire en feu. Yves Bignon a réclamé, depuis quelques heures maintenant, de tenter d’ouvrir une voie d’eau sur la coque pour faire entrer la mer et éteindre les flammes. Cette permission lui est accordée vers 16h 30. Avec François Quéré pour pilote, ils foncent vers l’Ocean Liberty.
Plusieurs fois, alors que tous les autres navires sont aux abris sur ordre du préfet maritime, Yves Bignon tente de plastiquer la coque, dans une ambiance d’apocalypse. La dernière fois, il est 17h15. L’embarcation des deux héros (comment les appeler autrement ?) fait route du retour quand l’Ocean Liberty, à bout de souffle, explose à 50 mètres d’eux. Le bruit. Le feu. Le cauchemar, une nouvelle fois sur Brest. Une colonne de fumée d’abord,
Colonne de Fumée, photo prise d’un quartier de baraques
immense, puis tout en haut, à 4000 m d’altitude, le champignon ocre et noir se fait. Il propulse des débris rougeoyants sur toute la ville et souffle la mort et la destruction pour 26 personnes et 4 000 immeubles.
La ville qui se remettait tant bien que mal du feu du ciel, rechute en enfer par le feu venu de la mer. Les blessés se comptent par milliers, le spectacle n’est que désolation. Deux jours plus tard, dans les eaux endeuillées de la rade, les corps d’Yves Bignon et de François Quéré sont repêchés.
Longtemps, le drame de l’Ocean Liberty sera éludé, oublié, comme une plaie fantôme dont personne ne souhaite parler, à commencer par les dockers du port. Aujourd’hui une rue et une esplanade ont pris le nom des deux héros. Elles sont jointes et regardent la rade, touchant le haut de l’avenue Salaün -Penquer et la gare. Comme un linceul éternel pour une juste place de bravoure.
Après avoir été déhalé, le liberty-ship « OCEAN Liberty », en feu, s’est échoué à 14 h 15 sur le banc de Saint-Marc. (Collection archives municipales et communautaires de Brest/Photo Charles-Yves Peslin)
Sur le Banc de sable en feu, s’est échoué à 14 h 15
Il existe un album dédié à Yves Bignon et François Quéré, les
vrais héros du drame qui s’est joué dans le port de Brest en 1947. Le récit est
une fiction très librement inspirée d’événements historiques. Pourquoi une fiction, les
auteurs pensent que c’est une manière aussi de faire vivre cette tragédie à nos
jeunes. BAMBOO. ÉDITION La lignée 2 Marius 1954. Avec aussi Brest la
reconstruction : aperçu historique
Marius 1954 scénario
Olivier Berlion, Jérôme Félix
Laurent Galandon, Damien Marie
Dessins
Xavier Delaporte
couleurs Scarlett Smulkowski
Note de
renseignements
Sur
l’explosion de L’ « OCEAN – LIBERTY »
Le 28
juillet 1947.13 AOÛT 1947
REMARQUES.
PRELIMINAIRES.-
1.- Le port de commerce de BREST est dirigé par
un Ingénieur des Ponts et Chaussées, dépendant lui-même du Ministre des
travaux Publics.
La Marine
n’intervient en aucune façon dans le fonctionnement du Port de Commerce et
n’est même pas tenue au courant. Elle ignore donc les arrivées, les
départs, les déplacements des bâtiments de commerce, leurs chargements.
2.- Le
pilotage civil a la prérogative de la Direction de tous les mouvements dans le
Port de Commerce, même lorsque ces remorqueurs de la Marine participent, en
cession, à ces manœuvres.
3.- La
Lutte contre les incendies dans le Port de Commerce – à terre,
comme à bord des bâtiments de commerce – incombe aux pompiers de la ville
et au Directeur du Port de Commerce. Le concours des pompiers de la Marine
est prévu en toutes circonstances sur demande de renfort formulée par
l’autorité civile, ou sur ordre de l’Autorité Militaire.
4.- Le
sauvetage en mer incombé aux sociétés privées spécialisées auxquelles la Marine
ne doit pas faire concurrence. En-dehors des périodes où un remorqueur de
sauvetage civil stationne à Brest, la Marine entretient dans l’intérêt général
un remorqueur d’assistance de 1.000 CV ou 2.000 CV qui sont normalement :
– en
hiver à 3 heures d’appareillage,
– en
été à 4 heures d’appareillage.
En cas de
mauvais temps, à ½ heure ou 1 heure d’appareillage.
Le
28 juillet, le remorqueur de 1.000 CV « Huelgoat », était à 4
heures d’appareillage.
5. -Les cales des
bâtiments de commerce sont numérotées de l’avant à l’arrière.
Sur l’ «OCEAN –LIBERTY », les cales 1.2 et 3 étaient sur l’avant de la passerelle, les cales 4 et 5 sur l’arrière de celle – ci.
. – Exposé
des faits
1. – Vers 12
h 55 le Capitaine de Vaisseau Commandant de la Direction du Port, averti
verbalement qu’il y avait le feu sur un bâtiment de commerce, faisait
alerter les Pompiers de la Marine et les remorqueurs de
service.
– à 13 h. 00,
à la suite de la visite de MR PIQUENAL, Ingénieur des Ponts et
Chaussées, Directeur du Port de Commerce, et MR GEORGELIN Administrateur
de l’Inscription Maritimes sur leur demande, le Commandant,
de le D.P. donnait l’ordre aux Pompiers et aux remorqueurs
de se rendre sur les lieux.
– à 13 h. 10, Les remorqueurs « PORTZIC »
de 600 CV et « CANARI » de 120 CV étaient rendus au Port de Commerce
où s’étaient transportés le Commandant de le D.P., Mr PIQUEMAL et
l’administrateur de l’Inscription Maritime.
2. –
À 13 h. 15, les Autorités présentes ayant demandé au
Commandant de le D.P. de sortir L’ »Ocean-Liberty » en
rade, celui-ci fit alerter le remorqueur « Plougastel » de 600 CV
ainsi qu’un Officier Principal des Équipages de la
D.P. vers 13h. 30, cet Officier, arrivé en vedette,
vint conférer au Port de Commerce avec les autorités ci-dessus auxquelles
s’était joint le Commandant du Liberty
Ship.
3. La situation était la suivante :
Le cargo « Ocean- Liberty » d’environ
15.000 T. D’un tirant d’eau compris entre 7 m. Et 7
m 50, était amarré dans le 5e bassin (bassin Est), le
long de l’épi W, l’avant à quai.
Un gros incendie était déclaré dans sa cale 3,
juste sur l’avant de la passerelle, incendie qui s’étendait jusqu’à l’avant,
rendant impossible une prise de remorque dans cette partie du bâtiment. On
ne pouvait donc le remorquer que par l’arrière et dans des conditions de
manœuvres très difficiles.
Tout l’équipage avait évacué son bâtiment et ne
prêtait aucun concours.
Le chargement comprenait du nitrate dans les cales,
3 et 5, des matières diverses dans les cales intermédiaires et notamment dans
la cale deux, 357 tonnes de pétrole en fûts de 200kgs.
Le vent assez frais soufflait de l’Est. Par
conséquent, sous peine de voir le feu se propager vers l’arrière encore intact,
et la fumée aveugler le remorqueur et asphyxier rapidement son
équipage (les vapeurs nitreuses étant mortelles), on ne pouvait faire
route que vers l’Est et sortir le bâtiment du port par la passe Est, malgré la
grande probabilité de le voir s’échouer sur le banc de SAINT – MARC.
Il fut décidé d’un commun accord entre les autorités présentes de tenter cette manœuvre. Le pilote civil la jugeant trop hasardeuse. La Direction du Port s’en chargea. A ce moment, le feu commençait à se propager dans les baraques du quai.
L’Officier des Équipages de
la D.P. reçut l’ordre après avoir franchi la passe de remorquer le bâtiment le
plus loin possible vers l’Est et en s’écartant le plus possible de la côte.
4. – Le « Plougastel »
réussit à passer une remorque sur l’arrière du cargo et à décoller L’ « Océan
– Liberty » appuyé sur le quai par le
vent ce remorqueur et le « Portzic », attelé en flèche,
tirèrent le cargo hors du port. Quoique le bateau fût vent debout,
la manœuvre fut difficile, car le courant portait au Nord sur
l’éperon Est du 5° bassin qui fut évité de justesse.
Malgré les efforts des remorqueurs qui tiraient
à 45° par Bâbord et bien que la remorque fût fixée à tribord arrière, il fut
impossible de gagner vers le sud.
Le cargo put être déhalé environ 600
mètres au– delà de la limite de la fosse des fonds de 5 mètres qui
s’étend à l’Est de la passe, puis s’échoua, cap à l’Ouest, vers 14 h.
Le « Plougastel » reçut l’ordre
d’essayer de déhaler encore le Liberty – Ship et réussit à le déplacer
d’une centaine de mètres vers le Sud.
À ce moment, le bâtiment
était nettement échoué sur les hauts-fonds et comme la marée baissait, il était
matériellement impossible d’aller plus loin.
Bien que la manœuvre hasardeuse tentée et
réussie, n’eut pas – la suite l’a montré – éloigné le bâtiment
suffisamment de la côte, elle a du moins permis de l’empêcher de sauter dans le
port, ce qui eut été infiniment plus grave.
La lutte contre le feu reprit au moyen du
bateau – pompe des pompiers de la Marine ; ceux –ci montèrent à
bord et attaquèrent le feu des superstructures au voisinage de
la cale 4.
À 14 h. 25 le « Huelgoat »
accosta à son tour l’arrière de l’Ocean Liberty et mit du monde à bord
pour tenter d’éviter la propagation de l’incendie aux cales 4 et 5.
5. Sur demande des autorités civiles, le Préfet Maritime fit appareiller le « Goumier.
Le Goumier
« Essayer de saborder le Liberty par un tir d’artillerie. Pour éviter que la déflagration d’un projectile explosif ne risquât de faire sauter la cargaison de nitrate, il fut ordonné d’employer des projectiles d’exercice inertes, l’ Escorteur ‘Goumier », rentré à Brest le 25 juillet après 19 jours d’absence, était à 48 heures de l’appareillage. Alerté à 14 h. 45, il appareille du « Paris » à 14 h. 55 et se présenta au bassin 5 à 15 h 05.
Montèrent à bord du Préfet
Maritime, le Sous– Préfet, l’Administrateur de l’Inscription Maritime,
Monsieur l’Ingénieur PIQUEMAL, Monsieur Stéphan représentant de l’Ipmex.,
Monsieur Ravisse consignataire du bâtiment, et le commandant
Norvégien Holtz.
Le « Goumier » reçut l’ordre de tirer sous ou à
la flottaison. Les risques dé échouage et l’espace très réduit pour
manœuvrer rendaient les manœuvres de présentation difficiles. Entre 15
h. 25 et 16 h. 30, Le « Goumier » tira en plusieurs passes 19 coups
de 76 sur l’épave, entre 50 et 200 mètres de celle-ci.
Ce tir fut peu efficace
parce que la mer baissait, mais il retarda sans doute l’explosion en évitant la
mise en pression du nitrate qui constitue une circonstance favorable à sa
déflagration.
À 16 h 30, la lutte fut reprise par les
remorqueurs en particulier le Huelgoat et
le bateau-pompe qui accostèrent de nouveau à l’arrière du cargo et
dont le personnel monta à bord pour combattre le feu à la lance.
6.- Pendant ce temps le directeur de la société
‘Les abeilles » Monsieur Bignon (enseigne de Réserve), avait offert
son concours au Commandant Norvégien et aux consignataires pour saborder le
cargo avec des charges explosives, travail donc il était spécialiste.
Cette offre avait été acceptée et Monsieur Bignon
vint avec sa vedette de sa propre initiative vers 16 h. 45. Demandé au
« Huelgoat » de s’écarter pour qu’il pût faire une tentative de
pétardement.
Celle – ci eut lieu vers 16 h 55. Mais monsieur Bignon n’ayant pu placer sa charge au contact, l’opération échoua. L’explosion de la charge de dynamite à quelques mètres du bord créa une gerbe, de la hauteur de la mâture du cargo, qui en retombant modéra le feu pendant quelques instants.
Monsieur Bignon qui se
rendait un compte des courus, recommença aussitôt une nouvelle tentative,
réussissant cette fois à lancer un filin à bord pour fixer la charge. Le
pétard fut placé à peu près à la hauteur de la cloison, entre les cales 4 et 5,
donc nettement sur l’arrière de la passerelle. La deuxième tentative eut
lieu à 17 h. 15. Cette fois, il y eut un raté (Mr Bignon opérait
avec des pétards de 3 k g s. À mise de feu électrique, la longueur de son
câble étant de 120 mètres).
7. – Vers 17 heures le feu avait redoublé
d’intensité à l’avant d’où sortaient des flammes rouges et une fumée
noire considérable, caractéristique d’un incendie d’huile de pétrole. Le
foyer pouvait provenir du magasin ou, plus probablement, vu sa position, du
pétrole en fûts se trouvant dans la cale 2.
Le Préfet Maritime qui était encore sur le «
Goumier » donna ordre à l’Amiral Branellec
de cesser provisoirement la lutte contre le feu, devenue trop
dangereuse, et renvoyer les bâtiments inutiles. Seuls devaient
rester mouillés à quelque distance le bateau-pompe prêt à
réattaquer l’incendie Si celui–ci
diminuait d’intensité, et le « Huelgoat » pour tenter de nouveau le
remorquage à pleine mer.
8. – Ces mouvements s’exécutaient quand se
produisit l’explosion vers 17 h. 25.
Les remorqueurs qui, sauf le « Canari »
s’étaient éloignés sur ordre, souffriraient peu de dommage.
La vedette du Major Général coula lentement,
permettant à ses occupants – dont l’Amiral Branellec et le
capitaine de Frégate de réserve Pont, Directeur du pilotage Civil de
se sauver à la nage.
Celle de Mr Bignon disparut avec ses deux occupants. Elle était à environ 50 mètres du cargo, Mr Bignon étant en train de relever le câble électrique de sa charge.
Mr Yves Bignon Nos deux Héros Mr François Quéré
Dans la vedette du Directeur
du port qui se trouvait à 200 mètres de l’épave, le Commandant Norvégien du
Liberty – Ship fut tué d’un éclat dans la tête aux côtés du Capitaine
de Vaisseau Quedec. Cette vedette revint immédiatement sur les lieux
malgré le risque de nouvelles explosions, mais ne trouva aucun survivant.
Le bateau-pompe qui était à 200 mètres du
Liberty Ship prit, sous le souffle, une inclination de 5
c degrés, embarqua une quantité appréciable d’eau et fut criblé
d’éclats. Tous ses occupants furent blessés à l’exception de l’officier
des équipages Commandant des pompiers. Le bateau-pompe fut aussi
tôt pris en remorque par le « Canari »
Le « Goumier » qui était retourné sur ordre s’amarrer au
« Paris » appareilla dès l’explosion et repêcha un corps.
Une embarcation qui ramenait du Fret trois
agents techniques et le fils de l’un d’eux disparut avec ses passagers et les
deux ouvriers composant l’armement. Sa position au moment de l’explosion
n’a pas pu être déterminée.
9. – il ne paraît pas possible que ce soit la
charge placée par Mr Bignon qui; après un long feu, ait
fait sauter le cargo. Les témoins ont vu en effet, l’explosion partir de
la cale 3 (celle même où le feu avait commencé).
D’autre part, la partie arrière du bâtiment, au
contact de laquelle était placé le pétard, n’a pas sauté et est encore entière. La
cale 5, qui a été visitée depuis, est intacte et contient encore son nitrate.
10.- Les
pompiers de la Marine ont pendant toute la soirée participée à l’extinction des
incendies qui s’étaient déclarés en
ville. Ils ont en particulier combattu seuls le feu
qui est approché à 5 mètres des réservoirs d’essence
du Poullic – Al – Lor et permis ainsi d’éviter une nouvelle
explosion.
Source Le Télégramme de Brest. Pratique d’hier (Tome VI ): Défense passive en Finistère (1939-1945), Roland Bohn et Joël Le Bras, édité à compte d’auteur.
Les cuisines d’entraide formaient un réseau réparti sur toute la ville. « Brest, notre filleule », 1945, édité par la ville de Lyon au profit des sinistrés brestois. (Re)découvrir un pan méconnu de l’histoire brestoise, plongée dans la cuisine d’entraide de l’ancien Monoprix, née en octobre 1944. Le Saviez – vous?
Après la fin de la bataille de Brest, le 18 septembre 1944, les rues du centre-ville brestois sont remplies de gravats. Parmi les rares bâtiments encore debout, on trouve, rue de Siam, l’ancien immeuble du magasin Monoprix. À l’automne 1944, il est intégré au réseau de cuisines d’entraide des Auxiliaires de la défense passive (ADP) pour nourrir les réfugiés et travailleurs brestois.
La ville de Brest détruite
La survie des populations civiles
Au 54, rue de Siam,
l’immeuble Monoprix a vaillamment résisté aux incendies, mais seuls le
rez-de-chaussée et une partie du premier étage subsistent. « Il y avait
des gravats absolument partout », se souvient Jeanne Romeur. En
octobre 1945, la jeune fille de 15 ans étudie en seconde au lycée de
l’Harteloire. Elle se rend chaque midi à la 10e Cuisine d’entraide. Dans
la mémoire de la nonagénaire, « ce n’était pas de la bonne cuisine, mais
je me souviens des pâtes à la sauce tomate et du ragoût. C’était tout à fait
convenable ».
Les plats arrivent sur
la table grâce à l’investissement des Auxiliaires de la défense passive (ADP).
Ils mènent plusieurs types d’actions pour protéger les populations civiles,
notamment les cuisines ADP, rapidement renommées cuisines d’entraide. Les
cuisines ADP fonctionnent selon un système de tickets, échangés contre des
denrées.
« Les Restos du cœur de l’époque »
Le chroniqueur Joël Le
Bras, lui-même réfugié en Sarthe (72) avec sa mère pendant la guerre, a très
bien connu Mathilde Montfort-Menez, qui
a travaillé à la cuisine d’entraide du Monoprix. « Elle accueillait des
sinistrés qui venaient constater l’état de leur logement, mais aussi les
premiers ouvriers de la démolition », raconte-il. « Les ADP peuvent
être considérés comme les Restos du cœur de l’époque ». Selon l’historien
Olivier Polard, la 10e Cuisine d’entraide a aussi « sans doute servi aux 600
soldats allemands chargés de déblayer la ville ».
C’est un changement total de fonction pour le bâtiment qui accueillait auparavant un magasin inauguré en grande pompe en 1934. En mai 1944, les vendeuses organisent un spectacle place de la Liberté afin de collecter des fonds pour les réfugiés. Jusqu’à l’été 1944, le Monoprix ouvre ses portes à une clientèle issue de la classe moyenne. « La guerre est une parenthèse d’une dizaine d’années dans une période très joyeuse », rappelle Olivier Polard. « Ce genre de magasins incarne la modernité, d’où un engouement certain à l’époque ». Sa structure en béton armé l’a en partie protégé de la destruction.
Arsenal de Brest
Après les
bombardements, en septembre 1944, le décor est tout autre. Une décision de
la nouvelle municipalité prive les ADP d’une fourniture régulière en eau, qu’on
doit aller chercher au puits. Sans gaz et sans électricité, la cuisine est
installée « de bric et de broc », d’après Joël Le Bras. « Les
ADP reçoivent des subsides mais pas suffisamment. Ils se débrouillent pour se
ravitailler en dehors de la ville, à leurs risques et périls ». Vers 1946,
la cuisine ADP sera ensuite déplacée loin du centre-ville, place
Aristide-Briand, près de l’actuelle place Albert Ier. Le Monoprix sera ensuite
détruit pour construire l’actuel alignement de bâtiments de la rue de Siam. À
partir de 1946, les Brestois devront se rendre aux baraques de la cité
commerciale pour faire leurs achats chez Monoprix.
les-39-premieres-marches-permettent-d-acceder. La descente de 80 marches vers l’abri, les mains courantes et l’électricité d’origine sont rouillées, mais un éclairage moderne a été installé. Les visites avaient eu lieu lors de journées du patrimoine, mais elles ne sont plus possibles.
L’un des plus grands abris brestois de la Seconde Guerre
mondiale se trouve sous l’Ehpad Delcourt-Ponchelet, à Saint-Marc. Il cachait un
hôpital, sous les bombes, durant le siège de Brest.
En ce début septembre 1944, des obus atteignent souvent l’hôpital Delcourt-Ponchelet, dans le quartier de Keruscun à Brest. Les combats font rage, le siège a commencé le 7 août. « Les obus venaient de l’Île Longue », note dans son livre « Le siège de Brest », le Dr Max Lafferre, responsable de la section marine de l’hôpital Ponchelet.
Un abri accessible par 119 marches
Personnels et patients
descendent dans l’abri, qui n’est pourtant pas tout à fait terminé. Sa
construction a commencé en 1943 à l’initiative du directeur des travaux
maritimes Jean Estrade. Ce boyau creusé dans la roche aboutit rue Pierre-Sémard
(rue du Gaz à l’époque) en passant sous la rue François-Rivière. Le personnel
doit souvent faire la navette entre le souterrain et les bâtiments à la
surface, des allers-retours épuisants puisqu’il faut gravir les 119 marches.
Durant tout le siège, les ambulances arrivent par la rue Pierre-Sémard pour déposer les nombreux blessés. Les brancards traversent alors la partie abri,
où la population est venue chercher un refuge avant de tenter de fuir la ville dans les premiers jours du siège. Sur une photo prise le 17 septembre 1944, veille de la capitulation allemande, par un photographe de l’US Army, on voit les lits en bois superposés sur lesquels les réfugiés s’entassent.
le-photographe-de-l-us-army-a-aussi-pris-l-intérieur-de l’abriSous l’Ehpad Delcourt-Ponchelet, un hôpital de la Seconde Guerre mondiale à Brest.
Un hospice et un orphelinat jusqu’en 1941
L’établissement, qui
était au début de la guerre un hospice de vieillards adossé à un orphelinat,
s’était transformé en hôpital dès l’année 1941, du fait de la destruction par
les bombardements, en janvier et avril, des hospices civils, situés rue
Traverse. L’ensemble de Delcourt-Ponchelet est alors composé de deux grands
pavillons à deux étages reliés par un passage couvert et une chapelle. Seuls la
chapelle et l’abri subsistent des anciens bâtiments détruits, avant la
construction en 1989 de l’Ehpad actuel.
« L’entrée de l’abri est intégrée dans l’enceinte de l’Ehpad Delcourt-Ponchelet. Derrière la porte, un escalier de 39 marches commence la descente avant de faire un coude sur la droite et de plonger encore plus bas vers l’hôpital souterrain. On a la même impression de profondeur que dans l’abri Sadi Carnot», témoigne Sylvain Perchirin, responsable d’atelier au CHRU de Brest.
Une source coule dans l’abri
Toute la descente est bétonnée et reste en bon état, seuls les équipements électriques d’époque et les mains courantes d’escalier, complètement rouillés, témoignent du temps passé.
Arrivé au niveau de l’abri qui s’étire sur une centaine de mètres, on trouve un hôpital, trois salles principales, ainsi qu’un petit renfoncement qui avait été aménagé en chapelle, explique le Dr Max Lafferre, qui précise qu’une source coulait abondamment. « La construction de l’abri avait été retardée du fait de la pénurie de matériaux et des décisions des Allemands qui s’étaient emparés de la pompe d’épuisement des eaux, arrêtant les travaux ». Pas de carrelage pour la salle d’opération, le wagon qui le transportait ayant été détruit par un bombardement. Aujourd’hui, la source est toujours là, on la voit couler par les regards ouverts dans la canalisation qui avait été aménagée en 1943.
Trois bébés, âgés de 78 ans ou presque
Le plafond de la première pièce aménagée est couvert de fines stalactites, c’était la salle des blessés hommes. La cellule suivante était la salle d’opération. Il faut avoir un peu d’imagination pour concevoir qu’un scialytique y était installé et que des opérations chirurgicales ont pu s’y dérouler. Un intrigant renfoncement en forme de pentagone abouti sur la roche à nu. La pièce suivante accueillait les femmes blessées, des opérations y ont aussi été réalisées au tout début du siège.
les-blocs-de-ciment-qui-supportaient-les-lits-ou-les-blessesle-Dr-max-lafferre-médecin-de-l-hôpital-Ponchelet ( Livre du Docteur) avec le plan.
Au total, le Dr Max Lafferre estime que 260 blessés (population locale, Allemands et même Américains) ont été soignés à Ponchelet durant le siège. Il s’agissait de « blessés graves, plaies au thorax et à l’abdomen, grands fracas ou arrachements des membres, ce qui explique la mortalité, plus de 20 % des patients succombèrent. Certains firent de la gangrène gazeuse. L’atmosphère humide et chaude des salles, l’encombrement, le confinement de l’air étaient de désastreuses conditions », détaille le médecin. Jusqu’à trois tables d’opération ont pu fonctionner en même temps, « mais il n’y eut jamais une affluence telle que le personnel fut débordé », assure le médecin qui ajoute une note plus souriante, il y eut aussi dans l’abri trois naissances. Cette histoire singulière a-t-elle été transmise à ces bébés qui ont aujourd’hui 78 ans ou presque ?
Qu’est devenue l’adolescente qu’il a sauvée à Brest en 1986 ?
Il y a trente-six ans ce samedi, Joël Lagadec sauvait du suicide une
adolescente de quinze ans, sous le pont de Recouvrance. Il voudrait savoir si
elle est encore en vie, ce qu’elle est devenue. Il confie aussi avoir souffert
de cet épisode.
Joël Lagadec aimerait savoir si l’adolescente qu’il a sauvée du suicide le 22 janvier 1986 est encore en vie et ce qu’elle est devenue. Il l’a vue sauter de sous le pont de Recouvrance, depuis le bâtiment jaune, à droite de la photo. (Photo Le Télégramme/David Cormier)
Il fait froid sur Brest, ce 22 janvier 1986, il y a 36 ans ce samedi. Un mélange de pluie et de neige tombe sur la Penfeld, dans le courant de l’après-midi. « Soudain, j’aperçois depuis l’une des fenêtres de mon bureau une silhouette qui se tient debout et immobile sous le tablier du pont de Recouvrance », se rappelle Joël Lagadec, alors technicien en préparation du travail à la DCAN de Brest, au premier étage d’un bâtiment de la rive droite. « Je la vois se lancer à la verticale dans la Penfeld. J’avertis immédiatement les marins pompiers. Je dévale les escaliers de l’immeuble. Arrivé en bas, j’aperçois qu’une tête surnage au milieu de la Penfeld et je rejoins le pont flottant Gueydon qui la traverse sous le pont de Recouvrance ».
Il plonge dans l’eau à 8 °C
Joël hésite alors. « Si en tant
qu’ex-nageur du Club nautique brestois, aller chercher quelqu’un dans une eau
calme à vingt mètres ne présente pas de difficulté, je suis pleinement
conscient du risque important d’hydrocution auquel je m’expose en plongeant
dans une eau à 8 °C, notamment après avoir fourni un effort aussi
important ».
Mais cette tête surnage encore à une vingtaine de mètres,
« sans d’ailleurs émettre le moindre appel au secours ». Il enlève
ses chaussures et sa montre et plonge, en jean et chemise. Il est saisi mais
nage sans difficulté. « Quand je saisis le corps par la taille?, je suis
surpris qu’il soit aussi léger et impassible… ».
Un quidam l’aide à son
tour
« Lorsque j’arrive au pont, les
marins-pompiers sont déjà là. Ils agrippent le corps que je leur tends et ils
l’emmènent vers leur ambulance, sans même se retourner vers moi, ni se
préoccuper de mon état (j’apprendrai plus tard que ce corps frêle et léger était
celui d’une adolescente de 15 ans…). Je ne m’en offusque pas sur l’instant
mais lorsque je tire sur mes bras, je n’ai plus aucune force pour me
sortir seul de l’eau. Je suis dans un état de sévère hypothermie et je me rends
compte, a posteriori, que j‘ai eu de la chance de bénéficier de l’aide d’un
quidam resté sur place après le départ des pompiers. Sans doute que le
témoignage de cette personne ne serait pas superflu si elle est toujours en
vie ».
C’est notre article du 23 décembre, sur l’appel à témoins de
deux sœurs au sujet d’une noyade de trois personnes et le sauvetage de
plusieurs autres, à Saint-Pol de Léon, en août 1958, qui a convaincu Joël
Lagadec, jusque-là réticent, ne voulant pas se faire passer pour un héros, de
raconter son histoire. Il aimerait savoir ce qu’est devenue l’adolescente
d’alors. « Sa maman m’avait envoyé 100 francs pour me remercier. Je
lui avais renvoyé mais j’ai perdu son adresse », regrette-t-il.?
Une indifférence
quasi-générale
Peut-être le fait de témoigner permet-il
aussi à notre Brestois d’exorciser ce moment qui l’émeut encore. « J’ai
reçu les sincères félicitations de Claude Le Roy qui dirigeait le chantier
réparations et m’avait déposé en fin d’après-midi à mon domicile ». Mais
« ni l’entreprise ni la mairie » ne se sont inquiétées de sa
situation, ni guère son entourage. Il recevra plus tard une distinction de la fondation Carnegie après qu’un policier des
renseignements généraux ait signalé son geste de bravoure. « L’article du
Télégramme m’a fait un bien énorme à l’époque, au regard de l’indifférence
générale que j’ai reçue ». Imagine-t-on que l’auteur de pareil geste
puisse en souffrir ensuite ?
« Je n’ai pas dormi après cet évènement que j’ai eu beaucoup de mal à digérer, même si je n’étais pas peu fier d’avoir évité une mort certaine à cette jeune fille. J’étais le papa d’un petit garçon prénommé Sylvain, âgé de huit mois, et je m’en voulais a posteriori d’avoir pris le risque d’en faire un orphelin. Tout comme d’avoir pris celui de faire une veuve de sa maman Nicole, avec qui je m’étais marié dix-sept mois plus tôt ».
Contact
Toute
personne détenant une information sur cette personne peut envoyer un mail à la
rédaction (brest@letelegramme.fr) qui fera suivre.
Le pétrolier Émile Miguet à son lancement, à Dunkerque (Nord) le 12 avril 1937 Photo DR
Le Lancement l’Émile Miguet fut le plus grand du monde, à son lancement en 1937. Mais il a mal terminé sa carrière.176 mètres de long et 22,5 m de large : le pétrolier Émile Miguet est un géant pour l’époque. (Photo Collection Michel Mathieu)
Le lancement du pétrolier Émile Miguet, à Dunkerque, jalonne la course au gigantisme, commencée dès le début de l’entre-deux-guerres, dans la conception des navires citernes. La demande de produits extraits des champs pétrolifères du Moyen-Orient, de la mer Noire et du pourtour du golfe du Mexique explose après le premier conflit mondial. Et, pendant des décennies, la France sera d’ailleurs toujours à la pointe de la technologie dans la construction des transporteurs de brut. Cela commence en 1922, avec le premier pétrolier « géant », le Saint Boniface. Dans les années 1930, arrivent un deuxième record de taille (mise en service du Marguerite Finaly), puis un troisième, avec l’Émile Miguet, destiné, lui, à étoffer la flotte de la Compagnie navale des Pétroles (CNP).
Le plus grand tanker d’Europe
C’est Madame Miguet,
veuve d’un ancien directeur de la Compagnie française de raffinage, filiale de
la CNP, qui baptise le navire le 12 avril 1937, aux Ateliers et Chantiers
de France. Le pétrolier est tellement imposant – pour l’époque -, avec ses 176
mètres de long et ses 9,75 mètres de tirant d’eau, que seul le port
du Havre peut l’accueillir (aux appontements pétroliers de la Compagnie
industrielle et maritime). Il est le plus grand tanker d’Europe. Le Journal de
la Marine marchande de l’époque s’enthousiasme : « Sa prochaine mise
en service apportera une contribution appréciable au rayonnement de la France à
travers le monde ».
C’est aussi le pétrolier le plus moderne, doté d’aménagements confortables et, en particulier, de systèmes de protection contre les incendies, la hantise des équipages depuis que plusieurs drames spectaculaires ont frappé les esprits, les années précédentes. La loi du 16 juin 1933 impose qu’à bord, soit également prévu un hôpital complètement isolé, ainsi qu’une cabine pour un infirmier. Livré fin mai 1937, le navire entame ses voyages : il en effectuera 22, avec peu d’anicroches, sinon un heurt assez violent, le 5 mars 1938, contre la porte d’entrée du bassin de Saint-Nazaire, qui occasionne quelques dégâts tant au navire qu’à la porte elle-même…
« Mais un sous – marin allemand rôde: l’U-48 du Korvettenkapitän Herbert Schultze. Soudain, en fin d’après – midi, le sous marin attaque au canon, à plusieurs reprises ».
Sur cette photo prise depuis le cargo sauveteur Président Hardling, le pétrolier Émile Miguet en feu, le 13 octobre 1939, au lendemain de son torpillage. (Photo DR)
Sous-marin allemand
L’Émile Miguet
n’effectuera pas davantage de navigations, car il deviendra tristement célèbre
avec un autre record dont il se serait bien passé. Un autre conflit – la
Seconde Guerre mondiale, cette fois – éclate en septembre 1939. Le
pétrolier est alors à Corpus Christi (Texas) et doit revenir en France avec un
nouveau chargement complet. Mais les conditions des voyages ont désormais
changé. En raison des risques dus à la guerre, les navires marchands doivent se
rassembler en convois protégés par des escorteurs. Ceci ralentit certains
d’entre eux, car, pour rester groupés, il faut adapter la vitesse des plus
rapides, comme l’Émile Miguet justement, à celle des plus lents ou des plus
fatigués.
Parti, le
17 septembre 1939, de Corpus Christi, l’Émile Miguet semble se traîner au
milieu de son convoi où, hasard des circonstances, a pris place le Marguerite
Finaly, cité plus haut. Un événement vient perturber la traversée : un
mini-ouragan souffle sur l’Atlantique nord. La mer est grosse, les navires
gouvernent mal. Le commandant du pétrolier, Robert Andrade, doit différencier
les deux hélices et, bientôt, le 6 octobre, sous les rafales violentes et
les grains, se mettre à la cape, pour sauvegarder ses embarcations. Les autres
navires se dispersent, se perdent de vue.
Avec ses deux moteurs
diesel capables de le propulser à 14 nœuds, l’Émile Miguet peut reprendre le
voyage, seul. Le commandant, impatient de livrer ses 20 000 tonnes de
pétrole, est sûr de lui grâce à la vitesse de son navire. Le 12 octobre,
ce dernier se trouve à 500 milles devant le convoi et à 300 milles de la pointe
sud-est de l’Angleterre. Mais un sous-marin allemand rôde : l’U-48 du
Korvettenkapitän Herbert Schultze. Soudain, en fin d’après-midi, le sous-marin
attaque au canon, à plusieurs reprises. Un des obus atteint le poste tribord
arrière et tue un jeune marin de 18 ans, Joseph Le Maou, littéralement coupé en
deux. Le novice meurt pratiquement dans les bras du second capitaine, Léon
Caron.
Le commandant Andrade
ordonne l’abandon de son navire, que le sous-marin torpille peu après pour
achever le travail. L’Émile Miguet reste à flot toute la nuit et le lendemain,
puis prend feu. L’équipage, qui avait pris place dans les embarcations de
sauvetage en état, sera recueilli par un navire allié de passage. Le record de
l’Émile Miguet à cette occasion ? C’est le premier pétrolier torpillé de
toute la guerre 1939-1945.
Une fois la paix
revenue, la Compagnie navale des Pétroles lancera de nouveaux pétroliers, dont
un qu’elle baptisera Novice Le Maou, en hommage au malheureux jeune marin
breton.
Source Le Télégramme de Brest. Alain Boulaire Historien
Matthaüs Merian (Bâle, 1593 – Bad Schwalbach, 1650), vue cavalière de Brest (inv. 959.11.34), vers 1640, eau-forte sur papier, 19,3 cm x 29,5 cm, musée des Beaux-Arts de Brest Métropole. (Illustration Musée des Beaux-arts de Brest Métropole)
1631-2021. Il y a 390 ans naissait
l’arsenal de Brest, qui allait faire de la cité du Ponant une actrice majeure
de l’Histoire maritime française et mondiale. L’occasion de remonter dans le temps
avec l’historien Alain Boulaire.
En 1631, le sieur d’Infreville,
commissaire général de la Marine, rend à Richelieu un rapport sur l’état de la
Marine le long des côtes atlantiques. De 1629 à 1631, Louis Leroux
d’Infreville a parcouru le littoral Atlantique, il a voyagé « en tous les
ports et les havres de France », inspectant plus de 60 sites en
« Picardie, Normandie, Bretagne, Poitou et Guienne », s’intéressant
aux lieux de mouillage, aux droits, aux ressources locales, à la présence de
gens de mer, aux moyens de défense, etc. Sur la base de cet audit, le
cardinal de Richelieu arrête son choix sur Brouage, Le Havre et Brest.
Pour Brest, cette décision acte une avancée politique majeure. Jusqu’ici, la construction navale au port était conduite par des armateurs locaux de façon empirique. Désormais, elle devient raison d’État. En 1631, l’arsenal de Brest est lancé.
A l’emplacement actuel du bassin de Tourville se trouvait l’anse de Troulan, premier site de développement de l’arsenal sous RichelieuA l’emplacement actuel du bassin de Tourville se trouvait l’anse de Troulan, premier site de développement de l’arsenal sous Richelieu. (Photo Le Télégramme/Jérémi Anxionnaz)
En 1958, Brest ne compte que 1000 à 1200 habitants « Éperon barré occupé depuis la Préhistoire », Brest s’est construite depuis son « castellum », un des plus importants de l’Empire romain. La ville close dispose d’un port qui déjoue les attaques vikings venues du Nord et devient un enjeu fondamental, pendant les guerres de Cent ans (1337-1453), entre le duché de Bretagne et les royaumes de France et d’Angleterre. En effet, « ne peut être maître de Bretagne qui n’est pas maître de Brest », comme l’observe un conseiller du duc Jean V de Bretagne.
En 1518, devenue « place française en terre
bretonne », Brest accueille, pendant sept jours, le roi de France François
Ier, alors âgé de 24 ans. À l’époque, la ville de Brest est cantonnée dans sa
forteresse (le château d’aujourd’hui). Elle compte « entre 1 000 à
1 200 habitants », dont de nombreux militaires français.
En 1593, pour récompenser la fidélité de la cité durant la guerre de la Ligue (1588-1598), Henri IV octroie à Brest le droit de bourgeoisie : la ville devient une entité juridique constituée d’un maire et de deux échevins. Brest commence à sortir de son château et à se répandre en contrebas. 1631. marque donc l’année où Richelieu affirme que « la France doit avoir une grande importance sur mer ». Pour cela, il programme à Brest des premiers travaux, fait bâtir une corderie et des magasins.
Magasin général
Corderies et ancien bagne. Collection des Archives de Brest
Dessin. situation rive gauche Penfeld Observation des différents points de la rive gauche. D Larvor. (source)*
Dans l’idée d’élever Brest d’un point de vue technologique,
Richelieu fait venir des artisans hollandais, d’Utrecht notamment. Une
« petite Hollande » voit le jour, constituée de charpentiers de
marine (comme le maître charpentier Clas Verussen), de voiliers, de cordiers et
d’étoupiers. Richelieu exige que les jeunes apprentis, bretons en particulier,
soient formés aux techniques hollandaises.
En 1639-1640, la peste qui s’abat sur Brest décime le dixième des 1 700 habitants. Entre1639 et 1640, la peste frappe un peu partout en France, de façon intermittente. Pour lutter contre l’épidémie, le conseil de ville prend les mesures habituelles : isolement des familles, dans des « cabanes » dès le premier soupçon de maladie, ce qui explique que la majeure partie des malades décède dans la ville.
Richelieu meurt deux ans plus tard, en 1642, sans être jamais venu en personne à Brest !
Sous Mazarin, Brest décline, faute de moyens, au détriment de
Toulon. En 1661, Colbert fixe le fonctionnement de l’arsenal de Brest et, à
partir de 1669, donne une vive impulsion aux travaux du port. L’arrivée de
travailleurs et de soldats va engendrer des problématiques de logements,
génératrices d’épidémies, de préoccupations en matière d’hygiène et de misère.
Il est à souligner qu’au départ, Colbert n’aime pas la
structuration étroite de la Penfeld, « coincée entre deux plateaux » ;
les manœuvres difficiles dans le goulet en font pour lui « un mauvais
site », auquel il préfère Rochefort. C’est finalement son fils
Jean-Baptiste Colbert de Seignelay qui va le décider à privilégier Brest pour
des raisons géostratégiques, au moment où éclate, en 1672, la guerre contre les
Anglais et Hollandais.
En à peine quarante ans, Brest est devenu un grand port
militaire français.
Les bateaux construits à même la rive
Si l’on
souhaite se promener dans ces années 1630, et retrouver, le long de la Penfeld,
des traces du début de l’arsenal, l’anse de Troulan, à Brest, est le point de
commencement.
C’est ici,
le long d’une petite rivière qui débouche en Penfeld, au creux du vallon de
Troulan, que va s’activer « le cœur de l’arsenal de Richelieu ». Une
corderie y est construite en 1635, près de la plage. André Ceberet, commissaire
général, y fait ériger un « magasin général et des magasins
particuliers ». Des travaux permettent de consolider la falaise. En 1635,
il y aurait eu 19 vaisseaux dans le port de Brest. Le plan de l’ingénieur Petit,
« levé en 1640 », retranscrit bien l’activité de la Penfeld à cette
époque.
« Forme de Brest »
Fers, bois,
chanvres, lins : des matières premières sont acheminées en grande
quantité, à tel point que les magasins du Roi ne peuvent tout contenir. Quelques
années plus tard, dans cette même crique de Troulan, M. de Seuil fera
construire une forge et un magasin servant à la fois de « tonnellerie et
de dépôt de futailles », tandis que seront bâties, du côté de Recouvrance,
dans la crique de Pontaniou, « une forge et une salle d’armes ».
Au départ,
les bateaux sont construits à même la rive. En 1683, un premier bassin est
creusé, utilisé pour « les réparations, le radoub ». Il faut imaginer
des pompes mises en route pour sécher le bassin et limiter l’infiltration. Ce
bassin est progressivement aménagé pour pouvoir y armer des vaisseaux. Il
prendra le nom de forme de Brest, avant de devenir plus tardivement le bassin
Tourville que l’on connaît. Il est considérablement remanié sous Louis XIV,
tandis que d’importants bassins vont être aménagés, rive droite, dans l’anse de
Pontaniou.
À Brest, les tours du quartier de Quéliverzan en construction dans les années 50. Ce sont les premiers immeubles de grande hauteur de la ville. Source de la photo, Archives municipales de Brest.Aujourd’hui le quartier. Source de la photo. Perhirin.
Les années 50 dans le Finistère (d’après un article de Ouest France)
En 1954, Jean Dréo passe le concours de l’École des travaux publics de Toulouse. « Coup de pot formidable » il est reçu. Né en 1924, ce Brestois s’était engagé à la Libération dans le Marine nationale. Mais des ennuis de santé l’ont forcé à changer de voie. En sortant de l’École des travaux publics, il n’a que l’embarras du choix. « On était garanti de trouver du boulot.» En France ou à l’étranger. Jean Dréo a même une proposition pour partir en Égypte participer aux travaux préparatoires du barrage d’Assouan. II préfère retourner dans le Finistère. « II y avait énormément de besoins en raison de la reconstruction de Brest. »
Aujourd’hui le quartier. Source de la photo. Perhirin.
La ville est un vaste
chantier. Depuis la fin de la guerre, le secteur du
bâtiment prospère. Un nombre important d’entreprises
s’est créé pour satisfaire la demande. En 1955, Jean Dréo est embauché comme conducteur de travaux
par l’entreprise Le Gall. Elle compte 150 salariés venus de tout le
département. Elle a déjà à son actif de nombreux chantiers,
dont celui du phare de l’île de Sein. Elle attaque la construction des H L M
de Kérangoff à Brest. « C’était des Lopofa,
des logements populaires familiaux, se souvient Jean Dréo. On en a fait les deux tiers. J’avais la direction complète de l’opération. Le chantier a duré deux ans. Il occupait 40 gars en permanence. »
Deux tours de Quéliverzan Aujourd’hui le quartier. Source de la photo. Perhirin.
Le
procédé choisi pour construire ces bâtiments de quatre étages innove. « Nous avons été parmi les premiers dans le Finistère à
recourir aux poutres en béton précontraint pour réaliser les planchers. Le procédé a été imposé par l’architecte. Il permettait de gagner du temps sur l’étaiement et le
ferraillage. D’où un net avantage en prix de revient. » Le travail ne manque pas. Ce qui n’empêche pas les entreprises de rivaliser
pour emporter les marchés. Elles investissent dans le matériel pour abaisser
leurs coûts de revient. Encore peu nombreuses au début de la décennie,
les grues à tour se multiplient. L’époque ne connaît pas les trente – cinq heures. « L’horaire de travail hebdomadaire était en
théorie de 48 heures pour les ouvriers. En réalité, ils en faisaient 52 ou 53. Et nous, les cadres, on montait à 60 heures par semaine. » Jean Dréo se souvient d’une
visite de Maurice Piquemal, « le grand, ponte
de la reconstruction », sur le chantier de Kérangoff. « Il n’était pas méchant, mais il
piquait de sacrées engueulades ! C’était la terreur des fonctionnaires de
l’Équipement. » C’est qu’il y a des délais à tenir. Les demandes de relogement sont nombreuses. En 1958, le secteur du bâtiment emploie 8 000 personnes à
Brest. La reconstruction touche alors à sa fin, ce qui
entraîne un ralentissement de l’activité. « La concurrence est devenue rude », note Jean Dréo. Il reste quand même de l’ouvrage ailleurs dans
le département. Ainsi, dans les années 1960, Jean Dréo travaille sur le chantier du lycée
de Douarnenez, puis sur celui de la ZUP de Kermoysan,
à Quimper.
Une fois achevée la reconstruction de Brest a parfois été critiquée. On a parlé d’une ville en béton ». L’erreur, répond Jean Dréo. « La plupart des immeubles ont été construits en maçonnerie tout ce qu’il y a de classique. » Lui, ce qu’il préfère retenir de cette époque, c’est une ambiance. « C’était un travail super-épanouissant, très valorisant. On avait l’impression de faire quelque chose de constructif. »