Commentaire : Bonjour Georges je n’ose pas te recontacter, de peur sûrement que tu ne veuille pas! je suis admiratif devant ce que tu fais pour Brest et tous ses souvenirs en ce qui concerne le Bouguen. De toute façon tu as toujours été compétent dans tout ce que tu as entrepris, je tenais à te remercier pour les bons conseils à l’époque où je travaillais avec toi. Sur le côté humain et relationnel afin d’accéder au poste que tu occupais, ça n’a pas été toujours facile pour moi hélas (je l’ai certainement cherché) je n’ai aucun regret de t’avoir rencontré malgré quelques différents au début de ma carrière .dixit B10 j’espère que la santé est bonne je te souhaites beaucoup de bonnes choses encore à venir, merci à la personne humble que tu es Pierre.
Réponse de Georges.
Bonjour Pierre
Quelle belle surprise de recevoir de tes nouvelles après tout ce temps ! Je repense souvent aux bons moments que nous avons partagés ensemble au travail, et c’est un plaisir de savoir que tu vas bien.
Même si le temps a passé, l’amitié que nous avons construite reste précieuse pour moi. J’espère que nous aurons l’occasion de rattraper le temps perdu et de partager de nouveau nos expériences, nos rires et nos projets.
Je veux prendre un moment pour te remercier sincèrement. Travailler à tes côtés a été une expérience marquante pour moi. Tu as fait preuve d’un courage et d’une détermination admirables, et j’ai énormément de respect pour tout ce que tu as accompli.
Ton passage dans ma vie, bien que professionnel, a eu un impact bien au-delà du travail. Tu m’as inspiré par ton attitude positive et tes qualités humaines. Je suis reconnaissant d’avoir eu l’opportunité de te connaître et d’apprendre de toi.
J’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir bientôt. En attendant, je te souhaite le meilleur pour la suite de tes projets. Au plaisir de tes nouvelles. Et avoir des nouvelles d’anciens collègues de travail ne fait toujours plaisir. Georges Perhirin
Jeanne Cloarec habite depuis 1964 dans une baraque, une maison préfabriquée construite après la destruction de la ville de Brest, pendant la guerre. Le petit logement surplombe la rade de Saint-Evette, à Audierne.
Du haut de ses 80 ans Jeanne Cloarec habite à Audierne dans une baraque, une maison préfabriquée construite après-guerre pour reloger la population. Un logement rudimentaire, sans artifices ni fioritures, au sein duquel elle a fondé son foyer… et trouvé son chez-soi.
Qu’il est drôle de constater comment, parfois, on utilise le mot maison à la légère. Comme dans l’expression : « S’y sentir comme à la maison». Au fond, qu’entend – on par là? S’agit-il du lieu où nous avons grandi ? Ou bien s’agit – t’il de celui qu’on a construit plus tard, au fil des années ? À Audierne, il a fallu plusieurs années à Jeanne Cloarec pour trouver sa maison, cette coquille qui, loin d’être un simple domicile, nous protège de l’affliction du monde. Longtemps, la Finistérienne a pensé qu’il s’agissait du « ti forn » où elle est née, en 1944, dans la commune d’Esquibien. un petit fournil au sol en terre battue. «C’est là que j’ai vécu les douze – premières années de ma vie, se souvient Jeanne. Ma mère allait tous les jours à l’usine et mon père partait pêcher. Il n’y avait pas d’eau ni d’électricité mais c’était pas grave. La nuit, on entendait le chef de chantier de la digue crier sur les ouvriers. Et le jour, on avait une vue superbe sur la rade de Sainte – Evette »
Une baraque dans le Cap – Sizun
Reste qu’en 1956, la petite famille part s’installer dans une maison d’Audierne où Jean – Marie, le père de Jeanne, est nommé comme gardien. La demeure est grande, située à proximité de la plage de Trescadec et raccordée à l’eau et à l’électricité. Mais jamais la famille n’y verra un chez – soi. Comme l’explique Jeanne: « On ne se sentait pas chez nous. les propriétaires de la maison pouvaient venir n’importe quand. Mon père, en en particulier, ne se plaisait pas là – bas. Il disait qu’il était né à Esquibien et qu’il ne voulait pas mourir à Audierne ».
Un jour, en 1964, la famille Cloarec entend parler des « baraques de Brest ». C’est une voisine qui leur explique qu’il s’agit de maisons préfabriquées construites après la destruction de la ville pendant la guerre. en obtenir une n’est pas très onéreux : seulement 60 000 francs. Chez les Cloarec, l’information ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Rapidement, ils sollicitent le député-maire d’Esquibien, Jean Perrot, pour obtenir l’une de ces petites maisons. « il nous a prévenus que c’était petit et pas très confortable, avec seulement deux chambres et une petite cuisine. Mais mon père s’en fichait : pour lui l’important, c’était d’être propriétaire de sa maison.»
« ça avait beau être une baraque, c’était à nous.»
Un dimanche, en 1964, la baraque des Cloarec arrive dans le Cap – Sizun. Elle est installée sur un lopin de terre dont la famille est propriétaire, sur les hauteurs de Sainte – Evette. Jeanne et ses parents doivent alors se réhabituer à un style de vie rudimentaire. « Au début, c’était très mal isolé, raconte Jeanne. Le toit était couvert de papier goudronné, donc lorsqu’il y avait une tempête, on entendait tout. Et puis, il n’y avait pas d’évier ni de salle de bain: il fallait chercher l’eau à la fontaine. L’hiver, il faisait tellement froid qu’une couche de glace se déposait sur le café.» Autant de contraintes qui aux yeux de Jeanne et sa famille, ne comptent pas. «ça avait beau être une baraque, c’était à nous.»
De lieu de vie à chez – soi
Après son mariage, Jeanne continuera un temps de vivre dans la baraque de ses parents, même après la naissance de ses quarte enfants. le décès de ses parents marque cependant un tournant, et Jeanne finit par quitter sa baraque pour une maison plus confortable, construite par son mari. Mais jamais elle ne quittera son esprit : « En 1987, lorsqu’il y a eu l’ouragan, j’ai eu la peur de ma vie. Toute la nuit, j’ai pensé à ma petite baraque. Le matin, j’ai foncé sur ma mobylette. J’avais les larmes aux yeux quand je l’ai vue : elle était debout ». Il y a quelques années, Jeanne est repartie vivre seule dans sa petite maison préfabriquée. Un logement pensé pour être provisoire mais qui a su résister au temps. Et que Jeanne considère comme sa maison, la vraie. «Mes enfants me disent régulièrement qu’ils aimeraient que j’aille en maison de retraite. Mais moi, je préfère mourir que de quitter ma baraque. C’est vrai que dans mon autre logement, il y avait plus de confort. Mais ici, il y a les souvenirs. Et c’est pour ça que c’est ma maison.»
Georges Perhirin. Explication du pourquoi des baraques
Le plan Marchal, du nom de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Pierre-Edouard Lambert Marchal, a été élaboré pour reconstruire Brest de manière plus fonctionnelle, esthétique et moderne. Il prévoyait une refonte complète de la ville, avec des rues plus larges, des quartiers résidentiels mieux aménagés, des espaces verts, et une meilleure intégration des infrastructures portuaires.
Le plan a été mis en œuvre à partir de 1945, avec la construction de nouveaux bâtiments, la création de nouveaux quartiers, et la réorganisation des espaces publics. Il a contribué à transformer Brest en une ville reconstruite et modernisée, tout en préservant certains éléments du patrimoine architectural qui avaient survécu aux bombardements.
La reconstruction de la ville de Brest après la Seconde Guerre mondiale a été un effort majeur pour restaurer une ville dévastée par les bombardements. Après la guerre, la priorité était de reconstruire les infrastructures essentielles pour la vie quotidienne, ainsi que les bâtiments publics et les habitations.
Les principales priorités de la reconstruction de Brest étaient les suivantes :
Logement : Reconstruire les habitations détruites pour fournir un toit aux habitants qui avaient perdu leur domicile pendant la guerre.
Infrastructure : Rétablir les réseaux d’eau, d’électricité, de gaz et de transports en commun pour assurer le fonctionnement normal de la ville.
Bâtiments publics : Reconstruire les écoles, les hôpitaux, les bureaux gouvernementaux et autres installations publiques nécessaires pour soutenir la vie urbaine.
Ports : Brest était et est toujours un port important, donc la reconstruction du port était essentielle pour revitaliser l’économie locale et faciliter les échanges commerciaux.
Mémoire et patrimoine : Bien que la priorité immédiate ait été la reconstruction physique, il était également important de préserver la mémoire des événements qui ont conduit à la destruction de la ville et de conserver les éléments du patrimoine historique qui pouvaient être sauvés.
La reconstruction de Brest était une tâche colossale qui a mobilisé des ressources nationales et internationales. Les priorités étaient de répondre aux besoins immédiats des habitants tout en veillant à ce que la ville reconstruite soit fonctionnelle, sûre et attrayante pour ses résidents.
Brest comment était attribué les baraques en 1945 et à qui et pourquoi
En 1945, à Brest, comme dans de nombreuses autres villes françaises lourdement endommagées par la Seconde Guerre mondiale, des baraquements ont été attribués pour loger les sinistrés. Voici un aperçu des processus et des raisons derrière l’attribution de ces logements temporaires.
Brest la Blanche
Avant la guerre, Brest était surnommée « Brest la blanche » en raison de ses maisons aux façades claires et de son architecture harmonieuse. La ville était un port militaire stratégique, avec une population qui vivait principalement des activités liées à la marine et au commerce maritime. Son port naturel, un des meilleurs abris de la côte atlantique, jouait un rôle crucial dans la défense nationale.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Brest a été lourdement bombardée en raison de sa position stratégique et de l’occupation allemande. En 1945, à la fin du conflit, Brest présentait une image de désolation et de destruction. Près de 80 % de la ville avait été détruite par les bombardements alliés visant à chasser les forces allemandes. Les bâtiments, les infrastructures et les quartiers entiers étaient réduits à des ruines, donnant à la ville l’aspect de « Brest la noire ». La ville portait les stigmates de la guerre : des immeubles en ruines, des décombres jonchant les rues et une population en deuil de ses pertes humaines et matérielles.
En conclusion, Brest en 1945 est une ville qui incarne à la fois la beauté d’antan et les horreurs de la guerre.
« Brest la blanche » rappelle le passé prospère et charmant de la ville, tandis que « Brest la noire » témoigne des conséquences tragiques du conflit mondial. La reconstruction de Brest après la guerre a été un processus l long et laborieux, visant à effacer les traces de destruction et à redonner à la ville sa vitalité.
Brest comment était attribué les baraques en 1945 et à qui et pourquoi
En 1945, à Brest, comme dans de nombreuses autres villes françaises lourdement endommagées par la Seconde Guerre mondiale, des baraquements ont été attribués pour loger les sinistrés. Voici un aperçu des processus et des raisons derrière l’attribution de ces logements temporaires.
Attribution des Baraquements :
Priorité aux Sinistrés : Les baraques étaient principalement attribuées aux familles dont les logements avaient été détruits ou gravement endommagés par les bombardements. Les autorités locales, en coopération avec les services sociaux et parfois les organisations humanitaires, identifiaient les sinistrés les plus urgents.
Évaluation des besoins : Une enquête sociale était souvent menée pour évaluer les besoins des familles. Cette enquête prenait en compte le nombre de membres de la famille, leur situation financière et leurs conditions actuelles.
Listes d’attente : Compte tenu de la forte demande et de la rareté des logements disponibles, des listes d’attente ont été mises en place, les familles étaient inscrites en fonction de l’urgence de leur situation.
Critères de Sélection : Outre les familles sinistrées, d’autres critères pouvaient inclure les anciens combattants, les familles nombreuses, et les personnes ayant des besoins spéciaux, tels que les handicapés.
Pourquoi les Baraquements ?
Destruction Massives : Brest a été l’une des villes les plus touchées par les bombardements alliés pendant la guerre. La ville était en grande partie en ruines, rendant de nombreux logements inhabitables.
Reconstruction Lente : La reconstruction des bâtiments permanents prenait du temps et nécessitait des ressources considérables. Les baraques constituaient une solution temporaire pour loger rapidement un grand nombre de personnes.
Urgence Humanitaire** : Après la guerre, il y avait une nécessité urgente de fournir des abris pour éviter une crise humanitaire. Les conditions de vie dans les camps de fortune ou à la rue pouvaient être désastreuses, surtout avec l’approche de l’hiver 1945.
Aide internationale : Certaines de ces baraques étaient fournies par les programmes d’aide internationale, notamment par L’UNRRA (Administration des Nations Unies pour le secours et la reconstruction), qui aidait à fournir des matériaux et parfois des logements préfabriqués pour les populations déplacées. Les baraques ont donc servi de solution transitoire pour abriter les familles en attente de la reconstruction de logements permanents. Cette période a marqué une étape cruciale dans la gestion de la crise du logement d’après-guerre en France et a nécessité une coopération étroite entre les autorités locales, les services sociaux, et les organisations humanitaires.
La vie en baraques à Brest après la Seconde Guerre mondiale est un sujet riche et poignant, illustrant les défis quotidiens et la résilience des habitants. Voici un récit basé sur des éléments historiques pour illustrer cette période :
La vie quotidienne en baraques à Brest : une chronique d’après-guerre
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Brest, comme de nombreuses autres villes françaises, se retrouve en ruines. Les bombardements alliés destinés à libérer la ville ont laissé peu de bâtiments intacts. Face à cette situation désastreuse, une solution provisoire est trouvée : les baraques en bois. Ces constructions sommaires deviennent le foyer de milliers de Brestois délogés, symbolisant à la fois la précarité et la capacité d’adaptation des habitants.
Le matin au Bouguen
Chaque matin, la vie s’éveille lentement dans le quartier du Bouguen, un ensemble de baraques situé au nord de Brest. Le chant des coqs se mêle aux premiers bruits des familles qui s’activent. Jeanne, une mère de trois enfants, se lève à l’aube pour préparer le petit déjeuner avec les maigres rations disponibles. Les ressources sont rares et la nourriture souvent rationnée, mais Jeanne fait preuve d’ingéniosité pour nourrir sa famille avec des soupes de légumes, du pain rassis et parfois un peu de beurre obtenu au marché noir.
Les enfants, Paul, Marie, et Jacques, s’habillent rapidement avant de partir pour l’école. Les vêtements sont souvent rapiécés, témoignant de l’ingéniosité des mères qui recyclent tout ce qui peut l’être. L’école elle-même est une baraque sommaire, mais elle représente un espoir pour ces jeunes qui aspirent à un avenir meilleur.
Le travail et les corvées
Les hommes du Bouguen partent travailler sur les chantiers de reconstruction dès les premières lueurs du jour. Marc, le mari de Jeanne, est maçon. Son travail consiste à reconstruire les bâtiments en pierre de la ville. Chaque jour, il travaille sans relâche, motivé par l’idée que son labeur contribuera à redonner à Brest son éclat d’antan.
Les femmes, quant à elles, s’occupent des tâches ménagères et de la gestion de la vie quotidienne dans les baraques. Faire la lessive est une corvée fastidieuse sans machines modernes. Jeanne et ses voisines se rendent au lavoir voisin avec de lourds seaux d’eau, frottant vigoureusement les vêtements sur des planches à laver.
Les soirées de solidarité
Les soirées dans les baraques de Brest sont marquées par une solidarité exceptionnelle entre voisins. Une fois le travail terminé, les familles se regroupent souvent pour partager un repas ou simplement discuter. Les souvenirs de la guerre sont encore frais, et ces moments de convivialité sont essentiels pour maintenir le moral. On se réunit autour de feux de camp improvisés, où les anciens racontent des histoires et les enfants jouent malgré les difficultés.
Les anecdotes fusent. Il y a celle de Monsieur Le Guen, qui a réussi à sauver son piano des décombres et en joue parfois pour distraire le voisinage. Ou celle de Madame Kervella, qui confectionne des vêtements pour les enfants du quartier à partir de vieux draps et de chutes de tissus.
Chaque famille a une histoire ou des anecdotes à raconter.
Aujourd’hui c’est différent ce sont les réseaux, internet, et autres qui anime la vie, que va-t-il rester dans 50 ans de cette époque ? Espérons aussi que les réseaux internet et autres ne vont pas tomber en pannes, car nous aurons alors des déprimes par Millions, personne ne regarde l’autre.
La vie en baraques à Brest après la guerre est un témoignage poignant de la résilience humaine. Ces abris temporaires, bien que précaires, deviennent des lieux où se tissent des liens forts et où naissent des espoirs pour l’avenir. La solidarité, l’ingéniosité et la détermination des habitants de Brest montrent que même dans les moments les plus difficiles, l’esprit humain peut s’épanouir et prospérer.
Ce récit, est inspiré par les réalités vécues par les habitants de Brest et d’autres villes dévastées par la guerre. Il reflète l’importance de la solidarité et de la communauté dans les périodes que nous vivons aujourd’hui.
Pour faire chaud, il fait chaud en ce milieu d’été 1947. Les températures affolent le mercure qui indique 27°C à l’ombre en cette belle journée du 28 juillet. Sur l’Atlantique, ce n’était pourtant pas le cas, quelques jours auparavant, quand l’Ocean Liberty voguait de Baltimore vers Brest. Le cargo norvégien a été malmené dans le gros temps lors de la traversée et depuis le 23 juillet, il est amarré dans le port de Brest, les soutes pleines à craquer, pour partie, de nitrate d’ammonium, un fertilisant remarquable mais aussi un explosif redoutable. Les dockers s’activent aussitôt pour décharger les marchandises, le long des quais de cette ville encore éventrée par les ravages de la guerre et qui se reconstruit pied à pied. Sur le port, Yves Bignon est au travail. Il est directeur technique de la société « Les Abeilles », une compagnie de sauvetage et de remorquage. Il a 30 ans, sort d’années de résistance durant lesquelles il a épousé la fille du directeur. Son beau-père l’embauché après qu’il a quitté la Marine nationale à la suite du sabordage de la flotte à Toulon. C’est à Brest qu’il a posé ses bagages avec sa famille, en 1943. Il ne sait pas encore qu’il deviendra un héros tragique une poignée d’heures plus tard.
C’est un docker travaillant d’arrache-pied qui les voit en premier. Des fumées jaunâtres, s’échappent des plus de 1300 tonnes d’ammonium qui, elles, doivent être déchargées au havre. Il est 12h30 quand il donne l’alarme. La sirène retentit aussitôt face à une menace redoutable. De chez lui, François Quéré l’entend. Ce marin volontaire, dont le souhait est de devenir pilote de remorqueur, ne se pose aucune question et file vers le port. Il a 40 ans et accompagnera Yves Bignon, cinq heures plus tard, vers l’héroïsme et le drame. Mais pour l’heure, la situation empire sur le port de commerce. Les flammes léchant l’Océan Liberty sont rendues incontrôlables par un fort vent d’est, qui les pousse, de surcroît, vers les installations portuaires où un incendie se déclare. Sans compter les vapeurs suffocantes, irrespirables. Le temps s’accélère alors. Et à 13h15, trois explosions lourdes et sourdes retentissent à bord, projetant une haute colonne de flammes et de débris incandescents sur le hangar et des petits navires qui s’embrasent aussitôt. La menace s’est transformée, en moins d’une heure, en danger imminent qu’il s’agit de combattre au plus vite.
Alors, on s’agite sur le port. Deux remorqueurs puissants et le bateau-pompe s’approchent de la bombe flottante pour essayer de la sortir de la rade de Brest. Il est 14h environ quand l’un des bateaux parvient à prendre en remorque l’Ocean liberty par l’arrière.
Yves Bignon tente
D’exploser la coque
De l’ocean Liberty
Dans une ambiance d’apocalypse
Mais rien ne se passe comme prévu en ce jour maudit. L’attelage marin s’échoue sur un banc de sable, juste en face de Saint-Marc, moins d’une demi-heure plus tard. Pas si loin du dépôt pétrolier. L’incendie poursuit son ravage interne. L’ammonium côtoie des matières inflammables en départ des efforts du bateau-pompe. La pire des situations chimiques.
Il est maintenant 15 h. Le militaire pris le relais des tentatives infructueuses civiles. L’aviso Goumier fait route vers le navire en feu et ouvre le tir, à l’aide d’obus inertes, pour tenter de le saborder. Mais une fois encore, rien ne se passe comme prévu et la manœuvre échoue. Les obus ricochent sur la coque. La journée est désastreuse, et ce n’est qu’un début…. Elle le devient totalement pour Yves Bignon et François Quéré. Les deux hommes devinent aisément le drame qui est train de se jouer sous leurs yeux, comme sous ceux des Brestois qui regardent, de la ville et de la côte, le navire en feu. Yves Bignon a réclamé, depuis quelques heures maintenant, de tenter d’ouvrir une voie d’eau sur la coque pour faire entrer la mer et éteindre les flammes. Cette permission lui est accordée vers 16h 30. Avec François Quéré pour pilote, ils foncent vers l’Ocean Liberty.
Plusieurs fois, alors que tous les autres navires sont aux abris sur ordre du préfet maritime, Yves Bignon tente de plastiquer la coque, dans une ambiance d’apocalypse. La dernière fois, il est 17h15. L’embarcation des deux héros (comment les appeler autrement ?) fait route du retour quand l’Ocean Liberty, à bout de souffle, explose à 50 mètres d’eux. Le bruit. Le feu. Le cauchemar, une nouvelle fois sur Brest. Une colonne de fumée d’abord,
immense, puis tout en haut, à 4000 m d’altitude, le champignon ocre et noir se fait. Il propulse des débris rougeoyants sur toute la ville et souffle la mort et la destruction pour 26 personnes et 4 000 immeubles.
La ville qui se remettait tant bien que mal du feu du ciel, rechute en enfer par le feu venu de la mer. Les blessés se comptent par milliers, le spectacle n’est que désolation. Deux jours plus tard, dans les eaux endeuillées de la rade, les corps d’Yves Bignon et de François Quéré sont repêchés.
Longtemps, le drame de l’Ocean Liberty sera éludé, oublié, comme une plaie fantôme dont personne ne souhaite parler, à commencer par les dockers du port. Aujourd’hui une rue et une esplanade ont pris le nom des deux héros. Elles sont jointes et regardent la rade, touchant le haut de l’avenue Salaün -Penquer et la gare. Comme un linceul éternel pour une juste place de bravoure.
Après avoir été déhalé, le liberty-ship « OCEAN Liberty », en feu, s’est échoué à 14 h 15 sur le banc de Saint-Marc. (Collection archives municipales et communautaires de Brest/Photo Charles-Yves Peslin)
Il existe un album dédié à Yves Bignon et François Quéré, les
vrais héros du drame qui s’est joué dans le port de Brest en 1947. Le récit est
une fiction très librement inspirée d’événements historiques. Pourquoi une fiction, les
auteurs pensent que c’est une manière aussi de faire vivre cette tragédie à nos
jeunes. BAMBOO. ÉDITION La lignée 2 Marius 1954. Avec aussi Brest la
reconstruction : aperçu historique
Marius 1954 scénario
Olivier Berlion, Jérôme Félix
Laurent Galandon, Damien Marie
Dessins
Xavier Delaporte
couleurs Scarlett Smulkowski
Note de
renseignements
Sur
l’explosion de L’ « OCEAN – LIBERTY »
Le 28
juillet 1947.13 AOÛT 1947
REMARQUES.
PRELIMINAIRES.-
1.- Le port de commerce de BREST est dirigé par
un Ingénieur des Ponts et Chaussées, dépendant lui-même du Ministre des
travaux Publics.
La Marine
n’intervient en aucune façon dans le fonctionnement du Port de Commerce et
n’est même pas tenue au courant. Elle ignore donc les arrivées, les
départs, les déplacements des bâtiments de commerce, leurs chargements.
2.- Le
pilotage civil a la prérogative de la Direction de tous les mouvements dans le
Port de Commerce, même lorsque ces remorqueurs de la Marine participent, en
cession, à ces manœuvres.
3.- La
Lutte contre les incendies dans le Port de Commerce – à terre,
comme à bord des bâtiments de commerce – incombe aux pompiers de la ville
et au Directeur du Port de Commerce. Le concours des pompiers de la Marine
est prévu en toutes circonstances sur demande de renfort formulée par
l’autorité civile, ou sur ordre de l’Autorité Militaire.
4.- Le
sauvetage en mer incombé aux sociétés privées spécialisées auxquelles la Marine
ne doit pas faire concurrence. En-dehors des périodes où un remorqueur de
sauvetage civil stationne à Brest, la Marine entretient dans l’intérêt général
un remorqueur d’assistance de 1.000 CV ou 2.000 CV qui sont normalement :
– en
hiver à 3 heures d’appareillage,
– en
été à 4 heures d’appareillage.
En cas de
mauvais temps, à ½ heure ou 1 heure d’appareillage.
Le
28 juillet, le remorqueur de 1.000 CV « Huelgoat », était à 4
heures d’appareillage.
5. -Les cales des
bâtiments de commerce sont numérotées de l’avant à l’arrière.
Sur l’ «OCEAN –LIBERTY », les cales 1.2 et 3 étaient sur l’avant de la passerelle, les cales 4 et 5 sur l’arrière de celle – ci.
. – Exposé
des faits
1. – Vers 12
h 55 le Capitaine de Vaisseau Commandant de la Direction du Port, averti
verbalement qu’il y avait le feu sur un bâtiment de commerce, faisait
alerter les Pompiers de la Marine et les remorqueurs de
service.
– à 13 h. 00,
à la suite de la visite de MR PIQUENAL, Ingénieur des Ponts et
Chaussées, Directeur du Port de Commerce, et MR GEORGELIN Administrateur
de l’Inscription Maritimes sur leur demande, le Commandant,
de le D.P. donnait l’ordre aux Pompiers et aux remorqueurs
de se rendre sur les lieux.
– à 13 h. 10, Les remorqueurs « PORTZIC »
de 600 CV et « CANARI » de 120 CV étaient rendus au Port de Commerce
où s’étaient transportés le Commandant de le D.P., Mr PIQUEMAL et
l’administrateur de l’Inscription Maritime.
2. –
À 13 h. 15, les Autorités présentes ayant demandé au
Commandant de le D.P. de sortir L’ »Ocean-Liberty » en
rade, celui-ci fit alerter le remorqueur « Plougastel » de 600 CV
ainsi qu’un Officier Principal des Équipages de la
D.P. vers 13h. 30, cet Officier, arrivé en vedette,
vint conférer au Port de Commerce avec les autorités ci-dessus auxquelles
s’était joint le Commandant du Liberty
Ship.
3. La situation était la suivante :
Le cargo « Ocean- Liberty » d’environ
15.000 T. D’un tirant d’eau compris entre 7 m. Et 7
m 50, était amarré dans le 5e bassin (bassin Est), le
long de l’épi W, l’avant à quai.
Un gros incendie était déclaré dans sa cale 3,
juste sur l’avant de la passerelle, incendie qui s’étendait jusqu’à l’avant,
rendant impossible une prise de remorque dans cette partie du bâtiment. On
ne pouvait donc le remorquer que par l’arrière et dans des conditions de
manœuvres très difficiles.
Tout l’équipage avait évacué son bâtiment et ne
prêtait aucun concours.
Le chargement comprenait du nitrate dans les cales,
3 et 5, des matières diverses dans les cales intermédiaires et notamment dans
la cale deux, 357 tonnes de pétrole en fûts de 200kgs.
Le vent assez frais soufflait de l’Est. Par
conséquent, sous peine de voir le feu se propager vers l’arrière encore intact,
et la fumée aveugler le remorqueur et asphyxier rapidement son
équipage (les vapeurs nitreuses étant mortelles), on ne pouvait faire
route que vers l’Est et sortir le bâtiment du port par la passe Est, malgré la
grande probabilité de le voir s’échouer sur le banc de SAINT – MARC.
Il fut décidé d’un commun accord entre les autorités présentes de tenter cette manœuvre. Le pilote civil la jugeant trop hasardeuse. La Direction du Port s’en chargea. A ce moment, le feu commençait à se propager dans les baraques du quai.
L’Officier des Équipages de
la D.P. reçut l’ordre après avoir franchi la passe de remorquer le bâtiment le
plus loin possible vers l’Est et en s’écartant le plus possible de la côte.
4. – Le « Plougastel »
réussit à passer une remorque sur l’arrière du cargo et à décoller L’ « Océan
– Liberty » appuyé sur le quai par le
vent ce remorqueur et le « Portzic », attelé en flèche,
tirèrent le cargo hors du port. Quoique le bateau fût vent debout,
la manœuvre fut difficile, car le courant portait au Nord sur
l’éperon Est du 5° bassin qui fut évité de justesse.
Malgré les efforts des remorqueurs qui tiraient
à 45° par Bâbord et bien que la remorque fût fixée à tribord arrière, il fut
impossible de gagner vers le sud.
Le cargo put être déhalé environ 600
mètres au– delà de la limite de la fosse des fonds de 5 mètres qui
s’étend à l’Est de la passe, puis s’échoua, cap à l’Ouest, vers 14 h.
Le « Plougastel » reçut l’ordre
d’essayer de déhaler encore le Liberty – Ship et réussit à le déplacer
d’une centaine de mètres vers le Sud.
À ce moment, le bâtiment
était nettement échoué sur les hauts-fonds et comme la marée baissait, il était
matériellement impossible d’aller plus loin.
Bien que la manœuvre hasardeuse tentée et
réussie, n’eut pas – la suite l’a montré – éloigné le bâtiment
suffisamment de la côte, elle a du moins permis de l’empêcher de sauter dans le
port, ce qui eut été infiniment plus grave.
La lutte contre le feu reprit au moyen du
bateau – pompe des pompiers de la Marine ; ceux –ci montèrent à
bord et attaquèrent le feu des superstructures au voisinage de
la cale 4.
À 14 h. 25 le « Huelgoat »
accosta à son tour l’arrière de l’Ocean Liberty et mit du monde à bord
pour tenter d’éviter la propagation de l’incendie aux cales 4 et 5.
5. Sur demande des autorités civiles, le Préfet Maritime fit appareiller le « Goumier.
« Essayer de saborder le Liberty par un tir d’artillerie. Pour éviter que la déflagration d’un projectile explosif ne risquât de faire sauter la cargaison de nitrate, il fut ordonné d’employer des projectiles d’exercice inertes, l’ Escorteur ‘Goumier », rentré à Brest le 25 juillet après 19 jours d’absence, était à 48 heures de l’appareillage. Alerté à 14 h. 45, il appareille du « Paris » à 14 h. 55 et se présenta au bassin 5 à 15 h 05.
Montèrent à bord du Préfet
Maritime, le Sous– Préfet, l’Administrateur de l’Inscription Maritime,
Monsieur l’Ingénieur PIQUEMAL, Monsieur Stéphan représentant de l’Ipmex.,
Monsieur Ravisse consignataire du bâtiment, et le commandant
Norvégien Holtz.
Le « Goumier » reçut l’ordre de tirer sous ou à
la flottaison. Les risques dé échouage et l’espace très réduit pour
manœuvrer rendaient les manœuvres de présentation difficiles. Entre 15
h. 25 et 16 h. 30, Le « Goumier » tira en plusieurs passes 19 coups
de 76 sur l’épave, entre 50 et 200 mètres de celle-ci.
Ce tir fut peu efficace
parce que la mer baissait, mais il retarda sans doute l’explosion en évitant la
mise en pression du nitrate qui constitue une circonstance favorable à sa
déflagration.
À 16 h 30, la lutte fut reprise par les
remorqueurs en particulier le Huelgoat et
le bateau-pompe qui accostèrent de nouveau à l’arrière du cargo et
dont le personnel monta à bord pour combattre le feu à la lance.
6.- Pendant ce temps le directeur de la société
‘Les abeilles » Monsieur Bignon (enseigne de Réserve), avait offert
son concours au Commandant Norvégien et aux consignataires pour saborder le
cargo avec des charges explosives, travail donc il était spécialiste.
Cette offre avait été acceptée et Monsieur Bignon
vint avec sa vedette de sa propre initiative vers 16 h. 45. Demandé au
« Huelgoat » de s’écarter pour qu’il pût faire une tentative de
pétardement.
Celle – ci eut lieu vers 16 h 55. Mais monsieur Bignon n’ayant pu placer sa charge au contact, l’opération échoua. L’explosion de la charge de dynamite à quelques mètres du bord créa une gerbe, de la hauteur de la mâture du cargo, qui en retombant modéra le feu pendant quelques instants.
Monsieur Bignon qui se
rendait un compte des courus, recommença aussitôt une nouvelle tentative,
réussissant cette fois à lancer un filin à bord pour fixer la charge. Le
pétard fut placé à peu près à la hauteur de la cloison, entre les cales 4 et 5,
donc nettement sur l’arrière de la passerelle. La deuxième tentative eut
lieu à 17 h. 15. Cette fois, il y eut un raté (Mr Bignon opérait
avec des pétards de 3 k g s. À mise de feu électrique, la longueur de son
câble étant de 120 mètres).
7. – Vers 17 heures le feu avait redoublé
d’intensité à l’avant d’où sortaient des flammes rouges et une fumée
noire considérable, caractéristique d’un incendie d’huile de pétrole. Le
foyer pouvait provenir du magasin ou, plus probablement, vu sa position, du
pétrole en fûts se trouvant dans la cale 2.
Le Préfet Maritime qui était encore sur le «
Goumier » donna ordre à l’Amiral Branellec
de cesser provisoirement la lutte contre le feu, devenue trop
dangereuse, et renvoyer les bâtiments inutiles. Seuls devaient
rester mouillés à quelque distance le bateau-pompe prêt à
réattaquer l’incendie Si celui–ci
diminuait d’intensité, et le « Huelgoat » pour tenter de nouveau le
remorquage à pleine mer.
8. – Ces mouvements s’exécutaient quand se
produisit l’explosion vers 17 h. 25.
Les remorqueurs qui, sauf le « Canari »
s’étaient éloignés sur ordre, souffriraient peu de dommage.
La vedette du Major Général coula lentement,
permettant à ses occupants – dont l’Amiral Branellec et le
capitaine de Frégate de réserve Pont, Directeur du pilotage Civil de
se sauver à la nage.
Celle de Mr Bignon disparut avec ses deux occupants. Elle était à environ 50 mètres du cargo, Mr Bignon étant en train de relever le câble électrique de sa charge.
Dans la vedette du Directeur
du port qui se trouvait à 200 mètres de l’épave, le Commandant Norvégien du
Liberty – Ship fut tué d’un éclat dans la tête aux côtés du Capitaine
de Vaisseau Quedec. Cette vedette revint immédiatement sur les lieux
malgré le risque de nouvelles explosions, mais ne trouva aucun survivant.
Le bateau-pompe qui était à 200 mètres du
Liberty Ship prit, sous le souffle, une inclination de 5
c degrés, embarqua une quantité appréciable d’eau et fut criblé
d’éclats. Tous ses occupants furent blessés à l’exception de l’officier
des équipages Commandant des pompiers. Le bateau-pompe fut aussi
tôt pris en remorque par le « Canari »
Le « Goumier » qui était retourné sur ordre s’amarrer au
« Paris » appareilla dès l’explosion et repêcha un corps.
Une embarcation qui ramenait du Fret trois
agents techniques et le fils de l’un d’eux disparut avec ses passagers et les
deux ouvriers composant l’armement. Sa position au moment de l’explosion
n’a pas pu être déterminée.
9. – il ne paraît pas possible que ce soit la
charge placée par Mr Bignon qui; après un long feu, ait
fait sauter le cargo. Les témoins ont vu en effet, l’explosion partir de
la cale 3 (celle même où le feu avait commencé).
D’autre part, la partie arrière du bâtiment, au
contact de laquelle était placé le pétard, n’a pas sauté et est encore entière. La
cale 5, qui a été visitée depuis, est intacte et contient encore son nitrate.
10.- Les
pompiers de la Marine ont pendant toute la soirée participée à l’extinction des
incendies qui s’étaient déclarés en
ville. Ils ont en particulier combattu seuls le feu
qui est approché à 5 mètres des réservoirs d’essence
du Poullic – Al – Lor et permis ainsi d’éviter une nouvelle
explosion.
Source Le Télégramme de Brest. Pratique d’hier (Tome VI ): Défense passive en Finistère (1939-1945), Roland Bohn et Joël Le Bras, édité à compte d’auteur.
Après la fin de la bataille de Brest, le 18 septembre 1944, les rues du centre-ville brestois sont remplies de gravats. Parmi les rares bâtiments encore debout, on trouve, rue de Siam, l’ancien immeuble du magasin Monoprix. À l’automne 1944, il est intégré au réseau de cuisines d’entraide des Auxiliaires de la défense passive (ADP) pour nourrir les réfugiés et travailleurs brestois.
La survie des populations civiles
Au 54, rue de Siam,
l’immeuble Monoprix a vaillamment résisté aux incendies, mais seuls le
rez-de-chaussée et une partie du premier étage subsistent. « Il y avait
des gravats absolument partout », se souvient Jeanne Romeur. En
octobre 1945, la jeune fille de 15 ans étudie en seconde au lycée de
l’Harteloire. Elle se rend chaque midi à la 10e Cuisine d’entraide. Dans
la mémoire de la nonagénaire, « ce n’était pas de la bonne cuisine, mais
je me souviens des pâtes à la sauce tomate et du ragoût. C’était tout à fait
convenable ».
Les plats arrivent sur
la table grâce à l’investissement des Auxiliaires de la défense passive (ADP).
Ils mènent plusieurs types d’actions pour protéger les populations civiles,
notamment les cuisines ADP, rapidement renommées cuisines d’entraide. Les
cuisines ADP fonctionnent selon un système de tickets, échangés contre des
denrées.
« Les Restos du cœur de l’époque »
Le chroniqueur Joël Le
Bras, lui-même réfugié en Sarthe (72) avec sa mère pendant la guerre, a très
bien connu Mathilde Montfort-Menez, qui
a travaillé à la cuisine d’entraide du Monoprix. « Elle accueillait des
sinistrés qui venaient constater l’état de leur logement, mais aussi les
premiers ouvriers de la démolition », raconte-il. « Les ADP peuvent
être considérés comme les Restos du cœur de l’époque ». Selon l’historien
Olivier Polard, la 10e Cuisine d’entraide a aussi « sans doute servi aux 600
soldats allemands chargés de déblayer la ville ».
C’est un changement total de fonction pour le bâtiment qui accueillait auparavant un magasin inauguré en grande pompe en 1934. En mai 1944, les vendeuses organisent un spectacle place de la Liberté afin de collecter des fonds pour les réfugiés. Jusqu’à l’été 1944, le Monoprix ouvre ses portes à une clientèle issue de la classe moyenne. « La guerre est une parenthèse d’une dizaine d’années dans une période très joyeuse », rappelle Olivier Polard. « Ce genre de magasins incarne la modernité, d’où un engouement certain à l’époque ». Sa structure en béton armé l’a en partie protégé de la destruction.
Après les
bombardements, en septembre 1944, le décor est tout autre. Une décision de
la nouvelle municipalité prive les ADP d’une fourniture régulière en eau, qu’on
doit aller chercher au puits. Sans gaz et sans électricité, la cuisine est
installée « de bric et de broc », d’après Joël Le Bras. « Les
ADP reçoivent des subsides mais pas suffisamment. Ils se débrouillent pour se
ravitailler en dehors de la ville, à leurs risques et périls ». Vers 1946,
la cuisine ADP sera ensuite déplacée loin du centre-ville, place
Aristide-Briand, près de l’actuelle place Albert Ier. Le Monoprix sera ensuite
détruit pour construire l’actuel alignement de bâtiments de la rue de Siam. À
partir de 1946, les Brestois devront se rendre aux baraques de la cité
commerciale pour faire leurs achats chez Monoprix.
Deux dragues françaises parmi les plus grandes du
monde, avant comme après la guerre, ont été construites par des chantiers
français.
La drague Pas de Calais II est dite « à godets » car une chaîne d’énormes godets, disposée sur le pont et sous la surface, permet de creuser, dans une noria sans fin, le fond sableux ou vaseux des estuaires, des fleuves, des chenaux et de certaines zones côtières. Les déchets et les détritus récoltés sont ensuite transvasés dans des bâtiments annexes, les porteurs, et emportés loin de là. Sans les dragues, à godets ou à aspiration (autre technique), des pays à façade maritime comme la France pourraient rapidement ne plus avoir d’échanges commerciaux, dans un sens et dans l’autre, avec le reste du monde : une grande partie des cargaisons voyage par cargos et pétroliers (ceci est moins vrai de nos jours, grâce aux porte-conteneurs et aux ports en eau profonde).
Pas de Calais II : 15 000 m3 de vases par jour
Lancée en
septembre 1933, aux Ateliers et Chantiers de France, à Dunkerque (Nord),
pour les Ponts & Chaussées, en présence de diverses personnalités dont le
maire de Lille, Roger Salengro, la Pas de Calais II impressionne par ses
performances pour l’époque : travaillant à une profondeur de 21 à 23
mètres sous la mer, elle est capable d’enlever, chaque jour, 15 000 m3 de
vases. Sans doute la plus grande au monde, elle peut se rendre dans divers
ports de la Manche, de Dunkerque au Havre.
La Seconde Guerre
mondiale arrive. La drague rallie Nantes au printemps 1940, emportant les
familles de marins fuyant l’avancée allemande. Mais, en août 1944, les
Occupants défaits la sabordent en aval de la ville, pour former avec d’autres
bateaux un barrage destiné à bloquer la navigation. Renflouée en 1947, elle est
remise en service en août 1951 – elle connaît alors un second lancement –
et rejoint Boulogne-sur-Mer.
L’explosion du 1er août 1952
Mais un terrible
accident arrive. La nuit du 1er août 1952, dans la rade du port de
Boulogne, la drague ramène dans un de ses godets une torpille de 6 mètres de
long, provenant de l’épave d’une vedette lance-torpilles coulée pendant la
guerre. Hissé lentement, l’engin finit par se coincer entre le godet et la
paroi du puits bâbord. C’est alors qu’une explosion d’une extrême violence se
produit. Les hommes présents sur le pont et à la passerelle sont projetés,
blessés ou tués. Les mécaniciens remontent de la machine et se jettent à la
mer. En deux minutes, la drague coule. Le porteur Huron, à couple, subit des
dégâts à la passerelle. Il y aura finalement un total de onze morts, semant la
consternation dans Boulogne et les environs.
Mais les travaux de
dragage à Boulogne ne peuvent pas attendre. Aussi fait-on venir, dès la fin
août, d’autres dragues de l’extérieur : les françaises François Lévêque,
Slack et Liane. Il en faut bien trois pour remplacer la géante… Une minutieuse
préparation est organisée pour, dans un premier temps, au moins redresser cette
dernière, sous la direction de la compagnie spécialisée des Abeilles, avec
l’aide de ses navires Bressuire, Marie-Madeleine, Yves Bignon et Cholet. S’y
ajoutent ceux de la société belge L’Entreprise anversoise (engins de relevage
Titan II, IV et V). Remise dans sa position normale le 8 octobre, la Pas
de Calais II se voit allégée par le démontage de diverses pièces pesantes. La
dernière opération de renflouement a lieu le 21 novembre. La drague est
remorquée vers le rivage et échouée pour qu’elle se retrouve au sec à marée
basse. C’est le lendemain qu’on découvre trois corps à l’intérieur du bâtiment.
Réparé, il est remis en service en 1954, avant son affectation, en 1972, à
Nantes où il sera ferraillé (son désarmement à Paimbœuf date de 1982).
Paul Solente : 8 000 tonnes en charge
Entre-temps, en 1946, les Ateliers et Chantiers de Bretagne, à Saint-Nazaire (44), avaient remporté un concours international pour la construction d’une autre grande drague, cette fois destinée au canal de Suez. La Compagnie universelle du canal souhaitait une nouvelle drague aspiratrice, automotrice et porteuse de 2 600 m3. Sa longueur étant de 112 mètres et son déplacement en charge de 8 000 tonnes, cela en fera l’une des plus grandes dragues d’Europe, voire du monde, disait-on à l’époque. Mise en service en 1952, sous le nom de Paul Solente, elle sera très utile au dragage, par aspiration du sable, non seulement dans les atterrages de Port-Saïd à l’entrée nord du canal, mais aussi, en particulier, dans les lacs Amers, des étendues d’eau à mi-parcours de la voie d’eau. Mais il lui arrivera également un sort inattendu : l’intervention franco-anglaise, en octobre 1956, consécutive à la nationalisation du canal par le président égyptien Nasser en juillet, entraînera le sabordage de nombreux engins flottants. Parmi eux, la Paul Solente sera considérée comme le plus difficile de tous à renflouer et à dégager.
L’un des plus grands abris brestois de la Seconde Guerre
mondiale se trouve sous l’Ehpad Delcourt-Ponchelet, à Saint-Marc. Il cachait un
hôpital, sous les bombes, durant le siège de Brest.
En ce début septembre 1944, des obus atteignent souvent l’hôpital Delcourt-Ponchelet, dans le quartier de Keruscun à Brest. Les combats font rage, le siège a commencé le 7 août. « Les obus venaient de l’Île Longue », note dans son livre « Le siège de Brest », le Dr Max Lafferre, responsable de la section marine de l’hôpital Ponchelet.
Un abri accessible par 119 marches
Personnels et patients
descendent dans l’abri, qui n’est pourtant pas tout à fait terminé. Sa
construction a commencé en 1943 à l’initiative du directeur des travaux
maritimes Jean Estrade. Ce boyau creusé dans la roche aboutit rue Pierre-Sémard
(rue du Gaz à l’époque) en passant sous la rue François-Rivière. Le personnel
doit souvent faire la navette entre le souterrain et les bâtiments à la
surface, des allers-retours épuisants puisqu’il faut gravir les 119 marches.
Durant tout le siège, les ambulances arrivent par la rue Pierre-Sémard pour déposer les nombreux blessés. Les brancards traversent alors la partie abri,
où la population est venue chercher un refuge avant de tenter de fuir la ville dans les premiers jours du siège. Sur une photo prise le 17 septembre 1944, veille de la capitulation allemande, par un photographe de l’US Army, on voit les lits en bois superposés sur lesquels les réfugiés s’entassent.
Un hospice et un orphelinat jusqu’en 1941
L’établissement, qui
était au début de la guerre un hospice de vieillards adossé à un orphelinat,
s’était transformé en hôpital dès l’année 1941, du fait de la destruction par
les bombardements, en janvier et avril, des hospices civils, situés rue
Traverse. L’ensemble de Delcourt-Ponchelet est alors composé de deux grands
pavillons à deux étages reliés par un passage couvert et une chapelle. Seuls la
chapelle et l’abri subsistent des anciens bâtiments détruits, avant la
construction en 1989 de l’Ehpad actuel.
« L’entrée de l’abri est intégrée dans l’enceinte de l’Ehpad Delcourt-Ponchelet. Derrière la porte, un escalier de 39 marches commence la descente avant de faire un coude sur la droite et de plonger encore plus bas vers l’hôpital souterrain. On a la même impression de profondeur que dans l’abri Sadi Carnot», témoigne Sylvain Perchirin, responsable d’atelier au CHRU de Brest.
Une source coule dans l’abri
Toute la descente est bétonnée et reste en bon état, seuls les équipements électriques d’époque et les mains courantes d’escalier, complètement rouillés, témoignent du temps passé.
Arrivé au niveau de l’abri qui s’étire sur une centaine de mètres, on trouve un hôpital, trois salles principales, ainsi qu’un petit renfoncement qui avait été aménagé en chapelle, explique le Dr Max Lafferre, qui précise qu’une source coulait abondamment. « La construction de l’abri avait été retardée du fait de la pénurie de matériaux et des décisions des Allemands qui s’étaient emparés de la pompe d’épuisement des eaux, arrêtant les travaux ». Pas de carrelage pour la salle d’opération, le wagon qui le transportait ayant été détruit par un bombardement. Aujourd’hui, la source est toujours là, on la voit couler par les regards ouverts dans la canalisation qui avait été aménagée en 1943.
Trois bébés, âgés de 78 ans ou presque
Le plafond de la première pièce aménagée est couvert de fines stalactites, c’était la salle des blessés hommes. La cellule suivante était la salle d’opération. Il faut avoir un peu d’imagination pour concevoir qu’un scialytique y était installé et que des opérations chirurgicales ont pu s’y dérouler. Un intrigant renfoncement en forme de pentagone abouti sur la roche à nu. La pièce suivante accueillait les femmes blessées, des opérations y ont aussi été réalisées au tout début du siège.
Au total, le Dr Max Lafferre estime que 260 blessés (population locale, Allemands et même Américains) ont été soignés à Ponchelet durant le siège. Il s’agissait de « blessés graves, plaies au thorax et à l’abdomen, grands fracas ou arrachements des membres, ce qui explique la mortalité, plus de 20 % des patients succombèrent. Certains firent de la gangrène gazeuse. L’atmosphère humide et chaude des salles, l’encombrement, le confinement de l’air étaient de désastreuses conditions », détaille le médecin. Jusqu’à trois tables d’opération ont pu fonctionner en même temps, « mais il n’y eut jamais une affluence telle que le personnel fut débordé », assure le médecin qui ajoute une note plus souriante, il y eut aussi dans l’abri trois naissances. Cette histoire singulière a-t-elle été transmise à ces bébés qui ont aujourd’hui 78 ans ou presque ?
Le cinq-mâts « France II », longtemps le plus grand voilier du monde, a mal terminé sa carrière…
Certes, trois grands
voiliers étrangers auraient pu rivaliser avec le Français France II avant la
Première Guerre mondiale. Deux voiliers allemands à cinq mâts : le
Preussen et le RC-Rickmers, et un américain à sept mâts : le Thomas W Lawson.
Ils sont un peu plus longs que le France II, mais le Preussen est désarmé en
1910, après une collision et un échouage ; le RC-Rickmers se perd en 1914
et le Lawson coule en 1907. De toute façon, le France II a au moins un
avantage : sa jauge brute en tonneaux et son port en lourd, nettement
supérieurs.
Plus grand voilier du monde pendant 77 ans
Lancé en 1911 et continuant de naviguer pendant la Première guerre et après, le France II conservera le record du plus grand voilier du monde pendant 77 ans, avec sa longueur de 142,2 mètres pour 16,96 mètres de large. Il faudra attendre le français Club Med I, lancé en 1988, à Saint-Nazaire (44), pour voir ce record battu…
C’est l’armateur rouennais Prentout qui lance le projet, en copiant les unités de son concurrent Bordes, et en voulant reproduire l’idée d’un voilier transport de pétrole en fûts, à l’image du Quevilly de sa propre compagnie. Prentout suit de près les plans du futur voilier, en visant l’efficacité technique et en gommant les défauts des prédécesseurs. Il va jusqu’à reprendre le nom de France, qui est celui d’un précédent voilier de Bordes, comme un défi à la compagnie concurrente… Car le France II se nomme en réalité France (nom inscrit sur la coque), mais on lui ajoute habituellement le chiffre « II » pour le distinguer du précédent clipper.
Une caractéristique
parmi d’autres : le voilier a deux moteurs et autant d’hélices. Il s’agit
d’auxiliaires, car l’armateur profite de l’attribution d’une prime qui
encourage les compagnies mettant en œuvre des navires à moteurs – mais le mode
de propulsion principal est bien la voile…
Cap sur la Nouvelle-Calédonie
C’est en cours de
construction, aux Chantiers et Ateliers de la Gironde, à Bordeaux, que Prentout
décide de changer le type de cargaison de son nouveau voilier : fini les
fûts de pétrole à fond de cale ; cette fois, le France II ira chercher du
nickel en Nouvelle-Calédonie, de l’autre côté de la planète. L’armateur calcule
que, pour être rentable, son navire devra parcourir en 80 jours le trajet aller
(qui se fait par le cap de Bonne Espérance et l’océan Indien), et le trajet
retour en 100 jours (par le cap Horn puis en remontant le long des côtes
brésiliennes). Le cinq-mâts transporte aussi des passagers payants, dans un
remarquable confort, tant pour les passagers que pour l’équipage. Hélas, il
effectuera son premier voyage juste avant la Grande guerre, et le deuxième
voyage, peu après le début du conflit. Le navire ne sera pas rentable, en
raison des difficultés et des périodes de désarmements dues aux circonstances.
La compagnie décide, en 1917, de changer ses trajets et de se tenir à distance,
si possible, des zones à risques. Le plus important est de transporter du
charbon ou du grain, et d’aller les chercher là où c’est possible, en faisant
du « tramping » (voyages en fonction du fret et des ports de
chargement).
Un huitième voyage fatal
Après la guerre, le
bateau subit quelques transformations, comme la suppression des moteurs et des
hélices qui freinent dans l’eau – équipements pourtant utiles dans des cas
d’urgence ou lors de circonstances particulières. La paix étant revenue, le
fret repart et le France II peut effectuer quelques voyages transatlantiques.
Hélas, le huitième voyage du navire depuis sa mise en service lui sera fatal –
en effet, le France II n’aura effectué en tout que sept voyages complets,
comprenant l’aller et le retour…
Arrivé en
Nouvelle-Calédonie en juin 1922, il doit changer de mouillage pour charger
du minerai de chrome et de nickel. Le déplacement, navire « lège »,
se fait à la voile et avec l’assistance d’un remorqueur local. Le temps n’est
pas bon : gros nuages noirs, brise, houle… Le voilier doit franchir seul
la passe du lagon où on l’attend. Dans la soirée du 12 juillet, tout à
coup, le vent tombe tandis que de forts courants poussent le voilier vers les
récifs. Or, il n’a plus ses moteurs d’appoint… Dans la nuit (le temps est
bouché), à 23 h, il talonne le récif de Goya. Tentant de s’en sortir au
fil des heures, il creuse sa propre souille dans laquelle il tombe et s’incline
sur le flanc. L’équipage, sain et sauf, rallie la côte à bord des canots.
Les experts, les
assureurs et la compagnie conviennent qu’un renflouement est possible, mais
coûterait trop cher. L’épave restera là. Alors, tout ce qui est précieux à bord
sera revendu à terre ou rapatrié à Bordeaux. Dans l’entre-deux-guerres, des
vandales mettront le feu à la coque. À partir de 1942, les Américains venus
s’installer en Nouvelle-Calédonie utiliseront l’épave comme cible pour les
exercices de leurs pilotes bombardiers.
Source de L’article le Télégramme de Brest Jean-Yves Brouard
Ce sont des chantiers français qui construisent ces contre-torpilleurs pour la Marine nationale. Après la Première Guerre mondiale, le Parlement vote, en 1930, une loi de Finances dans le cadre du programme de reconstruction de la flotte, conformément au traité de Washington. Ce plan recouvre plusieurs tranches et l’une d’elles concerne ces six contre-torpilleurs de 2 500 tonnes aux noms ronflants : l’Audacieux, le Fantasque, l’Indomptable, le Malin, le Terrible et le Triomphant. On s’inquiète des unités similaires, très rapides également, lancées chez les Italiens, qu’il faut pouvoir égaler.
Près de 80 km/h !
Dans le milieu des
années 1930, deux de ces contre-torpilleurs sont construits à l’arsenal de
Lorient, deux autres à La Seyne-sur-Mer, un à Blainville, près de Rouen, et un
autre à Dunkerque, puis affectés à la 2e Escadre légère. Leur rayon d’action,
5 000 milles à la vitesse de 15 nœuds, n’est plus que de 800 milles à 40
nœuds. Propulsés par deux groupes de turbines Parsons de 86 000 chevaux et
deux hélices, ces navires ont poussé des pointes à 43 nœuds, à 45 même pour Le
Terrible, soit près de 80 km/h, des vitesses incroyables à l’époque !
Mais un nouveau conflit arrive. Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne, qui vient d’envahir la Pologne. Les patrouilles réelles commencent pour les six contre-torpilleurs qui ont intégré la Force de Raid. Armés de cinq pièces de 138 mm et de trois tubes lance-torpilles triples, ils possèdent des canons de 37 mm et des mitrailleuses contre avions. Au printemps 1940, une intervention alliée se prépare bientôt en Scandinavie, en raison des visées allemandes sur les mines de fer de Norvège. La Krieg marine établit un important trafic entre les ports norvégiens et l’Allemagne. L’Angleterre veut couper cette « route du fer », mais elle manque de grands torpilleurs capables de surclasser les destroyers allemands de 1 800 tonnes. Elle demande donc à la France d’effectuer un « sweep » (un « balayage ») dans le détroit du Skagerrak, entre le Danemark et le sud de la péninsule scandinave.
Opération Rake
L’état-major français
désigne secrètement la 8e Division de contre-torpilleurs et ses trois
unités : Indomptable, Malin et Triomphant (portant à l’époque leurs
marques de coque respectives X81, X82 et X83). En quittant Brest, le
15 avril 1940, les équipages ignorent ce qu’on attend d’eux. Les trois
états-majors ne l’apprendront qu’à leur escale en Écosse : se rendre de
nuit à l’entrée du Skagerrak, patrouiller à toute vitesse tant qu’il fait noir
et couler tout ce qui se présente : vedettes lance-torpilles, chalutiers,
cargos… Nom de code de l’opération : Rake.
Cette nuit du 24 au
25 avril, c’est la pleine lune. Les trois navires avancent à 38 nœuds
(70 km/h), en ligne de front pour « ratisser » plus largement.
Ils longent d’abord la côte norvégienne. Dans un premier temps, aucun bateau
n’est rencontré. Et puis, en fin de patrouille, on aperçoit des coques noires,
celles de chalutiers armés. Tir nourri. La surprise est totale pour les
Allemands. Mais trois vedettes lance-torpilles allemandes arrivent sur bâbord
et lâchent leurs engins de mort… qui se perdent sans toucher de cible.
Cette fois, il faut
filer. Le jour approche, des avions allemands vont sûrement rappliquer. En
effet, quatre ripostes aériennes viendront entre 7 h et le début de
l’après-midi. La division française module son allure, ralentit, accélère
jusqu’à 40 nœuds, occasionnant de formidables vibrations que ressent tout le
bord, exécute de vastes lacets pour éviter, de très peu, les bombes. Le
Triomphant est légèrement endommagé par une explosion mais peut continuer sa
route. Les trois bâtiments reviennent en Écosse sains et saufs, ralentis
également par le Malin, victime d’avaries aux turboventilateurs (la fragilité
de ces bâtiments).
En
septembre 1940, L’Audacieux est incendié lors des combats de Dakar.
(Collection Pierre Bréard)
À Dakar, L’Audacieux incendié
Résultat ?
Mitigé. La propagande française dira que plusieurs bateaux ennemis ont coulé,
ce que contestent les Allemands. La même opération doit se répéter, mais la
France a besoin de ses navires en Méditerranée ; il va falloir s’opposer
bientôt aux rapides contre-torpilleurs italiens…
Les six unités
subissent des sorts divers, après juin 1940. L’Audacieux est incendié lors
des combats de Dakar (septembre 1940), puis l’Indomptable, sabordé à
Toulon, en novembre 1942. Les autres passent du côté des Alliés, le
Triomphant dès 1940 (Forces navales de la France Libre). Après le débarquement
américain en Afrique du nord, en novembre 1942, les Malin, Terrible et
Fantasque seront rénovés aux États-Unis courant 1943, puis mèneront des actions
d’éclat en Méditerranée. Fin 1944, le Malin aborde durement son
« frère » Le Terrible ; ce dernier, gravement endommagé, ne
reprendra du service, pour peu de temps, qu’après la guerre, reclassé comme
escorteur d’escadre. Quant au Malin, il finira comme ponton à Brest, puis comme
brise-lames à Lorient à partir de 1964, jusqu’à sa démolition en 1976.
La course au
gigantisme dans le domaine maritime n’en finit pas, depuis le lendemain de la
Première guerre mondiale. En particulier, les pétroliers américains, anglais et
français rivalisent pour transporter les plus grosses quantités de pétrole.
Dans les années 1960, le cap des supertankers (plus de 200 000 tonnes) est
franchi, puis celui des 300 000 tonnes.
Au début des années
1970, les chantiers de Saint-Nazaire projettent de lancer des supertankers
tellement énormes qu’on les appelle des ULCC (Ultra large crude
carriers) : plus de 500 000 tonnes. Ils mesurent 410 mètres de longueur
(100 mètres de plus que les paquebots France ou Normandie -, 63 mètres de
largeur, et entre la quille et le sommet du mât, ce sont 75 mètres de dénivelé
(soit un immeuble de 25 étages).
28 mètres de tirant d’eau
Le tirant d’eau
(hauteur de la coque sous la surface de la mer) dépasse les 28 mètres, ce qui
signifie qu’en Manche, par exemple, lorsqu’un tel pétrolier est plein, il ne
peut se rendre partout. Dès 1967, le port du Havre, par où transitent
45 % de la consommation française en pétrole grâce aux appontements de la
CIM, décide d’étudier les travaux à réaliser pour permettre la réception de
navires de 500 000 tonnes, et même d’1 000 000 de tonnes !
C’est pourquoi un site de déchargement en eaux profondes est construit aussi, à
Antifer, au nord du Havre.
Un élément majeur
vient se greffer à l’affaire : à cause du blocage du canal de Suez depuis
1967, à la suite de la « guerre des Six jours » israélo-arabe ;
il ne sera rouvert qu’en 1975. En attendant, tous les navires qui y transitaient
– les pétroliers en particulier -, doivent contourner l’Afrique par le sud.
Aussi, tant qu’à faire un si long voyage, envisage-t-on de lancer des navires
spécialisés plus gros pour transporter la plus grande quantité de pétrole.
Les premiers 500 000 tonnes
C’est ainsi que la
compagnie Shell envisage deux premiers 500 000 tonnes : le Batillus
d’abord, puis le Bellamya. Les Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire (44),
reçoivent la commande. Chaque navire nécessite 77 300 tonnes d’acier (la
tour Eiffel pèse 7 000 tonnes seulement). À bord de ces navires, tout est
pensé en double, par mesure de sécurité : deux machines, deux chaudières,
deux hélices (de 52 tonnes chacune !), deux appareils à gouverner.
Une autre société française, la Compagnie nationale de navigation, commande aux mêmes chantiers deux autres unités, les Pierre Guillaumat et Prairial. Avec ceux de la Shell, ce seront les quatre plus gros au monde… Hélas, arrive un imprévu : la crise pétrolière de 1973. Les cours flambent, l’Europe revoit sa stratégie en matière de consommation de pétrole. Et La Shell remet en cause la construction de ses pétroliers de 500 000 tonnes, au point de vouloir annuler le contrat. Les chantiers ne sont pas d’accord, et les pénalités demandées sont d’un tel niveau que la Shell préfère laisser faire : les ULCC seront bien lancés (en 1976). Un peu plus tard, les Pierre Guillaumat et Prairial aussi seront mis en service, en 1977 et 1979.
Saint-Nazaire, capitale du gigantisme
C’est alors
qu’intervient un deuxième choc pétrolier, en 1979. Après un début de
navigations normales sur le golfe Persique, les quatre géants réduisent leur
vitesse à partir de 1980, et, vers le milieu de la décennie, ils seront
désarmés. Le premier à partir à la casse est le Pierre Guillaumat, en
1983 ; après avoir livré une dernière cargaison à Antifer, la compagnie
l’envoie vers le Moyen-Orient. Mais le voyage ne se passe pas comme prévu.
L’attente dans le Golfe dure des mois et, finalement, un chantier sud-coréen
achète le navire, pour récupérer ses 77 000 tonnes d’acier, au prix de
9 200 000 dollars. Ce sera le plus grand navire au monde à être
démoli. Mais pas le seul.
Aux côtés d’autres
géants de « seulement » 400 000 tonnes devenus, eux aussi,
inutiles, les trois autres 500 000 tonnes mouillent pendant des mois dans
un… fjord norvégien – il faut beaucoup de place dans un vaste plan d’eau pour
ces énormes navires ! Seul le Prairial, en 1985, trouve un acheteur :
en Grèce, où des fêtes accueillent fièrement l’arrivée du plus gros navire du
monde. Il sera rebaptisé Sea Brilliance, puis, très vite, Hellas Fos (sous ce
nouveau nom grec, il se rendra lui aussi au terminal d’Antifer) et, enfin, Sea
Giant, avant sa démolition, en 2003, en Inde.
Un seul navire a
dépassé – de peu – le tonnage des quatre ULCC : le Jahre Viking. Mais à
l’origine, c’est un 420 000 tonnes ; or, une
« jumboïsation » (addition d’un tronçon de coque) a augmenté son port
en lourd jusqu’à 564 000 tonnes. En réalité, les plus gros navires
construits par l’homme restent les quatre des Chantiers de l’Atlantique de
Saint-Nazaire.
Depuis en 2021 nous avons cette belle coque.
Le 30 novembre dernier 2021, Samsung Heavy Industries a mis à l’eau la coque de la future plateforme géante de Shell , à Geoje en Corée. Les mensurations sont impressionnantes : 600 000 tonnes, 468 mètres de long, 74 mètres de large, 110 mètres de haut. A titre de comparaison, le porte-avion français Charles de Gaulle affiche un « modeste » 261,5 mètres de long pour 64 mètres de large.
Source de l’article Le Télégramme de Brest. Jean – Yves Brouard
Koufra, Saint Stanislas, Capo Olmo… Un cargo français a battu un record particulier : il a porté une dizaine de noms différents au cours de sa carrière. Du jamais vu…
Bardistan, Saint Roch, Recherche…
Cinq ans plus tard, les cargos sont revendus à une compagnie… française, la Compagnie navale de l’Océanie, qui leur attribue à nouveau des noms de saints. Notre Bardistan est ainsi rebaptisé Saint Roch. En 1930, les quatre, finalement peu rentables, passent dans la flotte d’une autre compagnie française, les Services contractuels des Messageries maritimes, pour la ligne Dunkerque-Nouvelle Calédonie via le canal de Panama. Ils sont transformés à Bordeaux en cargos mixtes (pour l’emport de quelques dizaines de passagers) avec l’allongement du château entre les deux mâts, la modification des roufs et l’installation de deux machines frigorifiques. L’ex-Saint-Roch est rebaptisé Recherche (et les trois autres : Boussole et Astrolabe – du nom des bâtiments du navigateur La Pérouse – et Espérance ; la Recherche et l’Espérance sont les noms des deux bâtiments dirigés par D’Entrecasteaux, partis de Brest à la recherche de La Pérouse justement).
… Capo Olmo, Empire fighter…
La Recherche fréquente peu de temps la ligne de Nouméa car la crise économique oblige les compagnies à désarmer nombre de leurs navires. Immobilisé à Marseille, il est revendu en 1935 à la compagnie Genovese de navigation, à Gênes, en même temps que la Boussole et l’Astrolabe. Les voilà rebaptisés du nom de caps de la péninsule italienne : la Recherche prend ainsi le nom de Capo Olmo. La guerre arrive et en juin 1940, le cargo est en escale à Marseille, avec de la bauxite dans ses cales, lorsqu’il est saisi par le gouvernement français suite à la déclaration de guerre par l’Italie. Confié à la gérance de l’armement Worms, le Capo Olmo appareille le 23 juin de Marseille pour Oran en convoi. En chemin, son équipage français le déroute sur Gibraltar, possession britannique ; ce sera l’un des tout premiers navires marchands ralliés aux Forces navales de la France libre de De Gaulle. Il arrive en Angleterre où les autorités le saisissent au prétexte qu’il est italien, et le renomment Empire Fighter (les navires saisis par les Britanniques prennent un nouveau nom composé avec le mot « Empire »). Ceci dure très peu de temps car les Forces navales françaises libres (FNFL) le récupèrent et lui redonnent son nom de Capo Olmo ; il navigue pour le Ministry of war transport, géré par l’armement Moss Hutchinson.
… Koufra, Madali, Léon Mazella, Seferoglu
Le 8 novembre 1942, alors que le cargo se rend du Cap (Afrique du Sud) à Halifax, le sous-marin allemand U-67 le torpille dans les parages de Trinidad. La victime peut rejoindre ce port puis, de là, Baltimore pour sa remise en état définitive. Réarmé à Londres le 14 août 1944, confié à la compagnie française Schiaffino, le cargo se retrouve désarmé à Marseille le 20 avril 1945. Peu après, la compagnie Worms le reprend et le rebaptise Koufra (du nom d’un site libyen où s’étaient illustrés, en 1941, les Français libres de la colonne Leclerc, face aux Italiens).
En 1948, il est revendu à la compagnie des Cargos algériens et rebaptisé Madali (deux précédents cargos de la même compagnie ont successivement porté ce nom, composé à partir du début du prénom des deux filles du directeur avant-guerre : Madeleine et Alice). Le cargo, le plus gros de la compagnie, va, dans un premier temps, transporter surtout du vin entre l’Algérie et la France.
Mais ce n’est pas fini car un autre armement français basé en Algérie, Mazzella, l’achète en juin 1951 et le renomme Léon Mazzella, du nom du patriarche de cette société créée en 1932. Le cargo a le temps de fréquenter la ligne entre l’Algérie et Rouen, avant que la compagnie le revende, en 1954, à un armateur turc ; cette fois, quittant le pavillon français, l’ex-Saint Stanislas est rebaptisé Seferoglu. Nom qu’il conservera jusqu’en 1976, année de sa démolition à Izmir, et nom qui n’est autre que celui de son armateur turc : le propriétaire Rami Seferoglu jusqu’en 1957, puis la société Seferoglu ve Demirel Vapurculuk Sti jusqu’en 1976.
53 ans de carrière, six pavillons et surtout dix noms portés par ce cargo : riche carrière et rare exploit.