Jeanne Cloarec habite depuis 1964 dans une baraque, une maison préfabriquée construite après la destruction de la ville de Brest, pendant la guerre. Le petit logement surplombe la rade de Saint-Evette, à Audierne.
Du haut de ses 80 ans Jeanne Cloarec habite à Audierne dans une baraque, une maison préfabriquée construite après-guerre pour reloger la population. Un logement rudimentaire, sans artifices ni fioritures, au sein duquel elle a fondé son foyer… et trouvé son chez-soi.
Qu’il est drôle de constater comment, parfois, on utilise le mot maison à la légère. Comme dans l’expression : « S’y sentir comme à la maison». Au fond, qu’entend – on par là? S’agit-il du lieu où nous avons grandi ? Ou bien s’agit – t’il de celui qu’on a construit plus tard, au fil des années ? À Audierne, il a fallu plusieurs années à Jeanne Cloarec pour trouver sa maison, cette coquille qui, loin d’être un simple domicile, nous protège de l’affliction du monde. Longtemps, la Finistérienne a pensé qu’il s’agissait du « ti forn » où elle est née, en 1944, dans la commune d’Esquibien. un petit fournil au sol en terre battue. «C’est là que j’ai vécu les douze – premières années de ma vie, se souvient Jeanne. Ma mère allait tous les jours à l’usine et mon père partait pêcher. Il n’y avait pas d’eau ni d’électricité mais c’était pas grave. La nuit, on entendait le chef de chantier de la digue crier sur les ouvriers. Et le jour, on avait une vue superbe sur la rade de Sainte – Evette »
Une baraque dans le Cap – Sizun
Reste qu’en 1956, la petite famille part s’installer dans une maison d’Audierne où Jean – Marie, le père de Jeanne, est nommé comme gardien. La demeure est grande, située à proximité de la plage de Trescadec et raccordée à l’eau et à l’électricité. Mais jamais la famille n’y verra un chez – soi. Comme l’explique Jeanne: « On ne se sentait pas chez nous. les propriétaires de la maison pouvaient venir n’importe quand. Mon père, en en particulier, ne se plaisait pas là – bas. Il disait qu’il était né à Esquibien et qu’il ne voulait pas mourir à Audierne ».
Un jour, en 1964, la famille Cloarec entend parler des « baraques de Brest ». C’est une voisine qui leur explique qu’il s’agit de maisons préfabriquées construites après la destruction de la ville pendant la guerre. en obtenir une n’est pas très onéreux : seulement 60 000 francs. Chez les Cloarec, l’information ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Rapidement, ils sollicitent le député-maire d’Esquibien, Jean Perrot, pour obtenir l’une de ces petites maisons. « il nous a prévenus que c’était petit et pas très confortable, avec seulement deux chambres et une petite cuisine. Mais mon père s’en fichait : pour lui l’important, c’était d’être propriétaire de sa maison.»
« ça avait beau être une baraque, c’était à nous.»
Un dimanche, en 1964, la baraque des Cloarec arrive dans le Cap – Sizun. Elle est installée sur un lopin de terre dont la famille est propriétaire, sur les hauteurs de Sainte – Evette. Jeanne et ses parents doivent alors se réhabituer à un style de vie rudimentaire. « Au début, c’était très mal isolé, raconte Jeanne. Le toit était couvert de papier goudronné, donc lorsqu’il y avait une tempête, on entendait tout. Et puis, il n’y avait pas d’évier ni de salle de bain: il fallait chercher l’eau à la fontaine. L’hiver, il faisait tellement froid qu’une couche de glace se déposait sur le café.» Autant de contraintes qui aux yeux de Jeanne et sa famille, ne comptent pas. «ça avait beau être une baraque, c’était à nous.»
De lieu de vie à chez – soi
Après son mariage, Jeanne continuera un temps de vivre dans la baraque de ses parents, même après la naissance de ses quarte enfants. le décès de ses parents marque cependant un tournant, et Jeanne finit par quitter sa baraque pour une maison plus confortable, construite par son mari. Mais jamais elle ne quittera son esprit : « En 1987, lorsqu’il y a eu l’ouragan, j’ai eu la peur de ma vie. Toute la nuit, j’ai pensé à ma petite baraque. Le matin, j’ai foncé sur ma mobylette. J’avais les larmes aux yeux quand je l’ai vue : elle était debout ». Il y a quelques années, Jeanne est repartie vivre seule dans sa petite maison préfabriquée. Un logement pensé pour être provisoire mais qui a su résister au temps. Et que Jeanne considère comme sa maison, la vraie. «Mes enfants me disent régulièrement qu’ils aimeraient que j’aille en maison de retraite. Mais moi, je préfère mourir que de quitter ma baraque. C’est vrai que dans mon autre logement, il y avait plus de confort. Mais ici, il y a les souvenirs. Et c’est pour ça que c’est ma maison.»
Georges Perhirin. Explication du pourquoi des baraques
Le plan Marchal, du nom de l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, Pierre-Edouard Lambert Marchal, a été élaboré pour reconstruire Brest de manière plus fonctionnelle, esthétique et moderne. Il prévoyait une refonte complète de la ville, avec des rues plus larges, des quartiers résidentiels mieux aménagés, des espaces verts, et une meilleure intégration des infrastructures portuaires.
Le plan a été mis en œuvre à partir de 1945, avec la construction de nouveaux bâtiments, la création de nouveaux quartiers, et la réorganisation des espaces publics. Il a contribué à transformer Brest en une ville reconstruite et modernisée, tout en préservant certains éléments du patrimoine architectural qui avaient survécu aux bombardements.
La reconstruction de la ville de Brest après la Seconde Guerre mondiale a été un effort majeur pour restaurer une ville dévastée par les bombardements. Après la guerre, la priorité était de reconstruire les infrastructures essentielles pour la vie quotidienne, ainsi que les bâtiments publics et les habitations.
Les principales priorités de la reconstruction de Brest étaient les suivantes :
Logement : Reconstruire les habitations détruites pour fournir un toit aux habitants qui avaient perdu leur domicile pendant la guerre.
Infrastructure : Rétablir les réseaux d’eau, d’électricité, de gaz et de transports en commun pour assurer le fonctionnement normal de la ville.
Bâtiments publics : Reconstruire les écoles, les hôpitaux, les bureaux gouvernementaux et autres installations publiques nécessaires pour soutenir la vie urbaine.
Ports : Brest était et est toujours un port important, donc la reconstruction du port était essentielle pour revitaliser l’économie locale et faciliter les échanges commerciaux.
Mémoire et patrimoine : Bien que la priorité immédiate ait été la reconstruction physique, il était également important de préserver la mémoire des événements qui ont conduit à la destruction de la ville et de conserver les éléments du patrimoine historique qui pouvaient être sauvés.
La reconstruction de Brest était une tâche colossale qui a mobilisé des ressources nationales et internationales. Les priorités étaient de répondre aux besoins immédiats des habitants tout en veillant à ce que la ville reconstruite soit fonctionnelle, sûre et attrayante pour ses résidents.
Brest comment était attribué les baraques en 1945 et à qui et pourquoi
En 1945, à Brest, comme dans de nombreuses autres villes françaises lourdement endommagées par la Seconde Guerre mondiale, des baraquements ont été attribués pour loger les sinistrés. Voici un aperçu des processus et des raisons derrière l’attribution de ces logements temporaires.
Brest la Blanche
Avant la guerre, Brest était surnommée « Brest la blanche » en raison de ses maisons aux façades claires et de son architecture harmonieuse. La ville était un port militaire stratégique, avec une population qui vivait principalement des activités liées à la marine et au commerce maritime. Son port naturel, un des meilleurs abris de la côte atlantique, jouait un rôle crucial dans la défense nationale.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Brest a été lourdement bombardée en raison de sa position stratégique et de l’occupation allemande. En 1945, à la fin du conflit, Brest présentait une image de désolation et de destruction. Près de 80 % de la ville avait été détruite par les bombardements alliés visant à chasser les forces allemandes. Les bâtiments, les infrastructures et les quartiers entiers étaient réduits à des ruines, donnant à la ville l’aspect de « Brest la noire ». La ville portait les stigmates de la guerre : des immeubles en ruines, des décombres jonchant les rues et une population en deuil de ses pertes humaines et matérielles.
En conclusion, Brest en 1945 est une ville qui incarne à la fois la beauté d’antan et les horreurs de la guerre.
« Brest la blanche » rappelle le passé prospère et charmant de la ville, tandis que « Brest la noire » témoigne des conséquences tragiques du conflit mondial. La reconstruction de Brest après la guerre a été un processus l long et laborieux, visant à effacer les traces de destruction et à redonner à la ville sa vitalité.
Brest comment était attribué les baraques en 1945 et à qui et pourquoi
En 1945, à Brest, comme dans de nombreuses autres villes françaises lourdement endommagées par la Seconde Guerre mondiale, des baraquements ont été attribués pour loger les sinistrés. Voici un aperçu des processus et des raisons derrière l’attribution de ces logements temporaires.
Attribution des Baraquements :
Priorité aux Sinistrés : Les baraques étaient principalement attribuées aux familles dont les logements avaient été détruits ou gravement endommagés par les bombardements. Les autorités locales, en coopération avec les services sociaux et parfois les organisations humanitaires, identifiaient les sinistrés les plus urgents.
Évaluation des besoins : Une enquête sociale était souvent menée pour évaluer les besoins des familles. Cette enquête prenait en compte le nombre de membres de la famille, leur situation financière et leurs conditions actuelles.
Listes d’attente : Compte tenu de la forte demande et de la rareté des logements disponibles, des listes d’attente ont été mises en place, les familles étaient inscrites en fonction de l’urgence de leur situation.
Critères de Sélection : Outre les familles sinistrées, d’autres critères pouvaient inclure les anciens combattants, les familles nombreuses, et les personnes ayant des besoins spéciaux, tels que les handicapés.
Pourquoi les Baraquements ?
Destruction Massives : Brest a été l’une des villes les plus touchées par les bombardements alliés pendant la guerre. La ville était en grande partie en ruines, rendant de nombreux logements inhabitables.
Reconstruction Lente : La reconstruction des bâtiments permanents prenait du temps et nécessitait des ressources considérables. Les baraques constituaient une solution temporaire pour loger rapidement un grand nombre de personnes.
Urgence Humanitaire** : Après la guerre, il y avait une nécessité urgente de fournir des abris pour éviter une crise humanitaire. Les conditions de vie dans les camps de fortune ou à la rue pouvaient être désastreuses, surtout avec l’approche de l’hiver 1945.
Aide internationale : Certaines de ces baraques étaient fournies par les programmes d’aide internationale, notamment par L’UNRRA (Administration des Nations Unies pour le secours et la reconstruction), qui aidait à fournir des matériaux et parfois des logements préfabriqués pour les populations déplacées. Les baraques ont donc servi de solution transitoire pour abriter les familles en attente de la reconstruction de logements permanents. Cette période a marqué une étape cruciale dans la gestion de la crise du logement d’après-guerre en France et a nécessité une coopération étroite entre les autorités locales, les services sociaux, et les organisations humanitaires.
La vie en baraques à Brest après la Seconde Guerre mondiale est un sujet riche et poignant, illustrant les défis quotidiens et la résilience des habitants. Voici un récit basé sur des éléments historiques pour illustrer cette période :
La vie quotidienne en baraques à Brest : une chronique d’après-guerre
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Brest, comme de nombreuses autres villes françaises, se retrouve en ruines. Les bombardements alliés destinés à libérer la ville ont laissé peu de bâtiments intacts. Face à cette situation désastreuse, une solution provisoire est trouvée : les baraques en bois. Ces constructions sommaires deviennent le foyer de milliers de Brestois délogés, symbolisant à la fois la précarité et la capacité d’adaptation des habitants.
Le matin au Bouguen
Chaque matin, la vie s’éveille lentement dans le quartier du Bouguen, un ensemble de baraques situé au nord de Brest. Le chant des coqs se mêle aux premiers bruits des familles qui s’activent. Jeanne, une mère de trois enfants, se lève à l’aube pour préparer le petit déjeuner avec les maigres rations disponibles. Les ressources sont rares et la nourriture souvent rationnée, mais Jeanne fait preuve d’ingéniosité pour nourrir sa famille avec des soupes de légumes, du pain rassis et parfois un peu de beurre obtenu au marché noir.
Les enfants, Paul, Marie, et Jacques, s’habillent rapidement avant de partir pour l’école. Les vêtements sont souvent rapiécés, témoignant de l’ingéniosité des mères qui recyclent tout ce qui peut l’être. L’école elle-même est une baraque sommaire, mais elle représente un espoir pour ces jeunes qui aspirent à un avenir meilleur.
Le travail et les corvées
Les hommes du Bouguen partent travailler sur les chantiers de reconstruction dès les premières lueurs du jour. Marc, le mari de Jeanne, est maçon. Son travail consiste à reconstruire les bâtiments en pierre de la ville. Chaque jour, il travaille sans relâche, motivé par l’idée que son labeur contribuera à redonner à Brest son éclat d’antan.
Les femmes, quant à elles, s’occupent des tâches ménagères et de la gestion de la vie quotidienne dans les baraques. Faire la lessive est une corvée fastidieuse sans machines modernes. Jeanne et ses voisines se rendent au lavoir voisin avec de lourds seaux d’eau, frottant vigoureusement les vêtements sur des planches à laver.
Les soirées de solidarité
Les soirées dans les baraques de Brest sont marquées par une solidarité exceptionnelle entre voisins. Une fois le travail terminé, les familles se regroupent souvent pour partager un repas ou simplement discuter. Les souvenirs de la guerre sont encore frais, et ces moments de convivialité sont essentiels pour maintenir le moral. On se réunit autour de feux de camp improvisés, où les anciens racontent des histoires et les enfants jouent malgré les difficultés.
Les anecdotes fusent. Il y a celle de Monsieur Le Guen, qui a réussi à sauver son piano des décombres et en joue parfois pour distraire le voisinage. Ou celle de Madame Kervella, qui confectionne des vêtements pour les enfants du quartier à partir de vieux draps et de chutes de tissus.
Chaque famille a une histoire ou des anecdotes à raconter.
Aujourd’hui c’est différent ce sont les réseaux, internet, et autres qui anime la vie, que va-t-il rester dans 50 ans de cette époque ? Espérons aussi que les réseaux internet et autres ne vont pas tomber en pannes, car nous aurons alors des déprimes par Millions, personne ne regarde l’autre.
La vie en baraques à Brest après la guerre est un témoignage poignant de la résilience humaine. Ces abris temporaires, bien que précaires, deviennent des lieux où se tissent des liens forts et où naissent des espoirs pour l’avenir. La solidarité, l’ingéniosité et la détermination des habitants de Brest montrent que même dans les moments les plus difficiles, l’esprit humain peut s’épanouir et prospérer.
Ce récit, est inspiré par les réalités vécues par les habitants de Brest et d’autres villes dévastées par la guerre. Il reflète l’importance de la solidarité et de la communauté dans les périodes que nous vivons aujourd’hui.
Qu’est devenue l’adolescente qu’il a sauvée à Brest en 1986 ?
Il y a trente-six ans ce samedi, Joël Lagadec sauvait du suicide une
adolescente de quinze ans, sous le pont de Recouvrance. Il voudrait savoir si
elle est encore en vie, ce qu’elle est devenue. Il confie aussi avoir souffert
de cet épisode.
Il fait froid sur Brest, ce 22 janvier 1986, il y a 36 ans ce samedi. Un mélange de pluie et de neige tombe sur la Penfeld, dans le courant de l’après-midi. « Soudain, j’aperçois depuis l’une des fenêtres de mon bureau une silhouette qui se tient debout et immobile sous le tablier du pont de Recouvrance », se rappelle Joël Lagadec, alors technicien en préparation du travail à la DCAN de Brest, au premier étage d’un bâtiment de la rive droite. « Je la vois se lancer à la verticale dans la Penfeld. J’avertis immédiatement les marins pompiers. Je dévale les escaliers de l’immeuble. Arrivé en bas, j’aperçois qu’une tête surnage au milieu de la Penfeld et je rejoins le pont flottant Gueydon qui la traverse sous le pont de Recouvrance ».
Il plonge dans l’eau à 8 °C
Joël hésite alors. « Si en tant
qu’ex-nageur du Club nautique brestois, aller chercher quelqu’un dans une eau
calme à vingt mètres ne présente pas de difficulté, je suis pleinement
conscient du risque important d’hydrocution auquel je m’expose en plongeant
dans une eau à 8 °C, notamment après avoir fourni un effort aussi
important ».
Mais cette tête surnage encore à une vingtaine de mètres,
« sans d’ailleurs émettre le moindre appel au secours ». Il enlève
ses chaussures et sa montre et plonge, en jean et chemise. Il est saisi mais
nage sans difficulté. « Quand je saisis le corps par la taille?, je suis
surpris qu’il soit aussi léger et impassible… ».
Un quidam l’aide à son
tour
« Lorsque j’arrive au pont, les
marins-pompiers sont déjà là. Ils agrippent le corps que je leur tends et ils
l’emmènent vers leur ambulance, sans même se retourner vers moi, ni se
préoccuper de mon état (j’apprendrai plus tard que ce corps frêle et léger était
celui d’une adolescente de 15 ans…). Je ne m’en offusque pas sur l’instant
mais lorsque je tire sur mes bras, je n’ai plus aucune force pour me
sortir seul de l’eau. Je suis dans un état de sévère hypothermie et je me rends
compte, a posteriori, que j‘ai eu de la chance de bénéficier de l’aide d’un
quidam resté sur place après le départ des pompiers. Sans doute que le
témoignage de cette personne ne serait pas superflu si elle est toujours en
vie ».
C’est notre article du 23 décembre, sur l’appel à témoins de
deux sœurs au sujet d’une noyade de trois personnes et le sauvetage de
plusieurs autres, à Saint-Pol de Léon, en août 1958, qui a convaincu Joël
Lagadec, jusque-là réticent, ne voulant pas se faire passer pour un héros, de
raconter son histoire. Il aimerait savoir ce qu’est devenue l’adolescente
d’alors. « Sa maman m’avait envoyé 100 francs pour me remercier. Je
lui avais renvoyé mais j’ai perdu son adresse », regrette-t-il.?
Une indifférence
quasi-générale
Peut-être le fait de témoigner permet-il
aussi à notre Brestois d’exorciser ce moment qui l’émeut encore. « J’ai
reçu les sincères félicitations de Claude Le Roy qui dirigeait le chantier
réparations et m’avait déposé en fin d’après-midi à mon domicile ». Mais
« ni l’entreprise ni la mairie » ne se sont inquiétées de sa
situation, ni guère son entourage. Il recevra plus tard une distinction de la fondation Carnegie après qu’un policier des
renseignements généraux ait signalé son geste de bravoure. « L’article du
Télégramme m’a fait un bien énorme à l’époque, au regard de l’indifférence
générale que j’ai reçue ». Imagine-t-on que l’auteur de pareil geste
puisse en souffrir ensuite ?
« Je n’ai pas dormi après cet évènement que j’ai eu beaucoup de mal à digérer, même si je n’étais pas peu fier d’avoir évité une mort certaine à cette jeune fille. J’étais le papa d’un petit garçon prénommé Sylvain, âgé de huit mois, et je m’en voulais a posteriori d’avoir pris le risque d’en faire un orphelin. Tout comme d’avoir pris celui de faire une veuve de sa maman Nicole, avec qui je m’étais marié dix-sept mois plus tôt ».
Contact
Toute
personne détenant une information sur cette personne peut envoyer un mail à la
rédaction (brest@letelegramme.fr) qui fera suivre.
Créé, le 16 novembre 1940, par le général de Gaulle, l’ordre prestigieux de la Libération, a récompensé, seulement ( !) 1038 personnes, auxquelles s’ajoutent 5 communes (Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux en Vercors, île de Sein), et 18 unités combattantes (dont 3 de la Marine nationale : sous-marin Rubis, corvette Aconit, 1er régiment de fusiliers marins), pour leur courageux engagement exemplaire en vue de s’opposer aux forces ennemies nazies.
L’oubli des femmes
Six femmes, seulement, en font partie, alors que 20 à 30% de femmes étaient dans les rangs de la Résistance. Le fait que l’ordre de la Libération ait été clos rapidement peut expliquer des oublis. Beaucoup d’historiens regrettent l’absence de beaucoup de ces femmes qui se sont sacrifiées pour une France libre ; par exemple, sur le plan local, celui de la Brestoise Alice Coudol (1923 – 1944), créatrice dès 1940 d’un réseau de résistante, abattue le 30 novembre 1944 par la gestapo, après son internement à la prison de Pforzheim (Allemagne).
Ouverte de tout temps sur le monde, grâce à son grand port militaire et commercial, elle est riche d’une histoire tourmentée et passionnante. De son passé ne subsiste que des témoignages forts, de Brestois, et Brestoises, qui méritent d’êtres racontés. Ils ont marqués notre ville, par diverses actions, au cours de leurs présences à Brest. Voici quelques témoignages.
Monsieur Nicolas Marie Coat
Le Grand Père, sa fiche se trouve au mémorial du Marin de La pointe St Mathieu
Nicolas, marie Coat naît le 11 décembre 1883 à Bourg Blanc (Finistère) de Yves Coat, cantonnier et de Marie-Renée Prigent, son épouse, cultivatrice.
Il épouse Jeanne Bégaud le 18 octobre à Bohars (Finistère), dont il aura deux fils, Jean-Yves en 1910 et Ernest en 1912.
Après avoir été commis aux greffes dans le civil, il s’engage
dans la marine nationale le 9 avril 1902 pour une durée initiale de cinq ans.
Il embarque successivement à bord du “ Saint Louis” affecté à la flotte
des torpilleurs de l’océan en 1908, puis rejoint le “Suffren” en 1911.
Après un passage sur le “Téméraire”, il embarque à bord de l’aviso-torpilleur “Cassini” en tant que maître fourrier et disparait en mer lors de la perte de son bâtiment, torpillé par un sous marin Allemand le 28 février 1917 au large des bouches de Bonifacio (Corse)
( Il saute sur une mine marine du sous-marin allemand UC 35. Il sombre par 41°19’474 N et 09°19’174 E, entraînant avec lui son capitaine et 106 membres d’équipage.)
Il était Maître fourrier. Son unité: Cassini, Il est porté disparu. Il a été décoré:
Médaille Militaire: Croix de Guerre 14-18 avec étoile(s)
Son décès est inscrit à la commune de Bohars.
Document portant la mention MPLF: Mémoire des hommes
Le naufrage du Cassini donna lieu à plusieurs interprétations, selon que l’on se réfère au Journal Officiel, aux témoignages des survivants ou bien aux coupures de journaux politiques de l’époque. La « Revue politique et parlementaire » relatait les événements comme suit : « Le contre-torpilleur Cassini, affecté au service des patrouilles de la Méditerranée, a été torpillé par un sous-marin ennemi le 28 février à une heure du matin. Une soute ayant fait explosion, le bâtiment a coulé en moins de deux minutes. Le commandant, 6 officiers et 100 sous-officiers et marins ont péri ; 2 officiers et 32 sous-officiers et marins ont été sauvés.
Il résulte des témoignages formels des survivants que, pendant qu’ils essayaient dans la nuit de gagner à la nage les radeaux qui flottaient, ils ont entendu une voix crier : ” Approchez camarades ! ” Un instant après, ils ont aperçu la masse sombre du sous-marin ennemi qui a tiré sur eux plusieurs coups de fusil ou de mitrailleuse et un obus; celui-ci a touché un des radeaux. Je cite sans commentaires cet acte de sauvagerie.» (Revue politique et parlementaire 1917, Tome 91, p. 136).
Cassini
Contre-torpilleur : il
a coulé le 28 février 1917
Circonstances :
Le Contre-torpilleur, Cassini construit au havre en 1894,
transformé en mouilleur de mines en 1913 a été torpillé dans le sud de la Corse
par un sous-marin allemand. Une plaque à la mémoire des marins du Cassini a été
érigée près de Bonifacio : “ Le contre torpilleur Cassini torpillé vers
1H15 du matin, le 28 février 1917, coule après avoir été coupé en deux par l’explosion
de la soute à munitions. Des rescapés sont achevés au canon et au fusil par les
Allemands”.
Le Commandant Lacaze périt avec son navire selon la sublime mais cruelle tradition marine “française”. On dénombre 107 morts et 34 survivants.
Aux halles St Louis avant la guerre, La Grand-mère maternelle est derrière son Banc (Son étal) de commerçante en coiffe. La première à droite.
Une autre photo, est prise devant un café tenu aussi avant et pendant la
guerre (39 – 45). A Recouvrance… !
Sa maman est présente, elle doit avoir 16/17 ans (née en 1910) « L’Apéritif » nom du café, était situé
rue Du Quartier Maître Bondon, rue détruite dans les années 70/80, pour
construire des immeubles.
Les Grands – Parents Maternels sont présents, ainsi que une ou deux sœurs de sa mère (fillettes en bas,) Sa mère n’est pas encore née (1910), sa Grand –Mère est à droite du marin. Son mari se trouve au dessus d d’elle (an niveau de l’imposte).
Egalement une photo (en demi-plan) +la même en pied. Du
mariage de ses parents 19/07/1930.
La généalogie, maternelle et paternelle se trouve au dessus des photos
Les photos :
Mon papa tenant ma sœur ainée dans ses bras accompagné de sa mère. Photo prise à Brest lieu à situer (il y a une épicerie derrière eux sur la photo ?)
Ma
mère est décédée en septembre 2010…à 99 ans
Détectée en 1948 au Maroc (Mon père avait été détaché de
l’arsenal de Brest à l’atelier de la marine à Casablanca en 1946 à 1960)
porteuse d’une forme mortelle de tuberculose, elle fut rapatriée au sanatorium
de Sallanches/Chamonix.
Elles étaient 5 femmes porteuses de cette forme sévère (et
mortelle) de tuberculose.
Toutes les 5 se sont portées volontaires pour servir de
« Cobaye » pour un nouveau traitement la « Streptomycine
« .puissant antibiotique
Sur les 5 il y a eu deux guérisons, dont ma mère….. !
Belle leçon de vie…. !
Photos
Mes parents en maillot de bain (J’ignore ou est prise la photo… Peut être à Morgat.. ???Avant guerre.
L’histoire de Christophe-Paulin de la Poix de Fréminville, dit le Chevalier de Fréminville, est « à la fois tragique et magnifique », résume d’emblée le musicien brestois Chevalier Noir, « très admiratif » du parcours de vie suivi par le noble savant, à qui il a consacré une chanson. La raison de cette admiration ? La capacité de Fréminville à « transformer sa souffrance en créativité, sans jamais se soucier du regard des autres ni sans tomber dans la provocation ». Un destin qui prouve que, « quand on est sincère, qu’on fait les choses avec amour et altruisme (les valeurs défendues par le Chevalier Noir, NDLR), qu’on décide de ne pas mettre l’ego au cœur de son existence, on ne récolte que du positif », poursuit ce chantre de l’érotico-poésie, fondant son propos sur le fait que jamais, lorsque Fréminville se baladait dans les rues de Brest au beau milieu du XIXe siècle habillé en « Mademoiselle Pauline », il n’a suscité « la moindre hostilité ». « Du moins, il n’en est jamais question dans ses mémoires », poursuit celui dont l’avatar artistique se nourrit de ce destin hors du commun.
Chevalier de l’ordre royal et
militaire de Saint –Louis
Le Chevalier de Fréminville fut en
effet « un personnage des plus curieux et d’une grande originalité »,
écrit quand à lui Eugène Herpin, auteur de « Mémoires du chevalier de
Fréminville (1787-1848), capitaine des frégates du Roi »(1913). À la rude
vie de marin.
« C’était une façon, pour lui,
de conserver un lien avec son amour perdu. Un rituel puissant, dénué
d’homosexualité, et pour lequel il n’a visiblement jamais été embêté ».
Et au sérieux de celle du savant, il ajouta celle, plus frivole, de « femme »du monde. Officier de marine, savant, archéologue, écrivain mais également excellent dessinateur, il fut capitaine des frégates du roi (élevé au rang de chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis et ainsi que de l’ordre du Christ de Portugal) et membre des sociétés de philomathique et d’histoire naturelle de Paris. Sa carrière dans la Royale l’amène à faire campagne à Saint-Domingue, dans les mers polaires, dans la Baltique, le long des côtes d’Afrique et d’Amérique.
« Conserver un lien avec son
amour perdu »
Témoin de la traite des Noirs, de la fièvre jaune, il a vécu une histoire d’amour passionnelle avec Caroline, rencontrée lors d’une campagne aux Saintes (Antilles).
« Quelque temps après leur rencontre, il a dû quitter les Saintes, sans pouvoir prévenir son amoureuse », indique le Chevalier Noir. Croyant qu’il l’avait quittée pour toujours, la malheureuse s’est jetée à la mer, avec toutes les lettres de Fréminville. À son retour aux Saintes, ce dernier apprend la terrible nouvelle en se rendant au domicile de la jeune femme .C’est là qu’une domestique lui donne la robe qu’elle portait le jour de sa mort ». De retour à Brest en 1827, et totalement anéanti de douleur, Fréminville se consacre à la rédaction de ses mémoires, à certains travaux d’archéologie.C’est aussi à cette époque qu’il commence à porter la robe de Caroline, avec bijoux et maquillage, recevant ses invités ou se rendant au théâtre habillé comme tel. « C’était une façon, pour lui, de conserver un lien avec son amour perdu. Un rituel puissant, dénué d’homosexualité, et pour lequel il n’a visiblement jamais été embêté », poursuit le Chevalier Noir. Si « sa position sociale lui permettait sûrement cette liberté », estime ce dernier, il est intéressant de constater que jusque-là, on retrouve très peu de traces de travestissement en France. Raison pour laquelle Fréminville, qui repose au cimetière de Saint-Martin (carré9, rang 1, tombe 22, l’une des vingt tombes remarquables du site) est aujourd’hui considéré comme l’un de ses pionniers.
Fréminville appartenait, par son père et par
sa mère, à deux familles d’ingénieurs ; il commence sa carrière maritime
en 1801, alors âgé de quatorze ans, comme aide de camp amateur de la Touche
Tréville.
Christophe-Paulin de la croix de Fréminville, dit le Chevalier de Fréminville (24 janvier 1787 à Ivry-sur-Seine 12 janvier 1848 à Brest), est un officier de marine, savant, archéologue et écrivain français.
Capitaine des frégates du roi, il est fait chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis et de celui de l’ordre du Christ de Portugal. Il sera par ailleurs membre des sociétés de philomathique et d’histoire naturelle de Paris.
Il est l’un des pionniers du travestissement
Source Wikipédia
Il se distingue sur la canonnière l’Etna, lors de la seconde attaque de Boulogne par Nelson. Il participe à l’expédition de Saint-Dominique, d’abord comme novice à bord du Swiftsure,
« Il
faudrait que tu corriges mes textes. Et je voudrais que tu écrives une sorte de
préface.
-Hein !…
Pourquoi tu me demande ça ?
-Parce
que toi tu es un petit peu écrivain. Et… tu connais la poloche ! »
C’est,
mot pour mot, la demande de Louis.
Au
nom de nos combats communs ? D’une vieille complicité ?-Pas toujours
d’accords, mais jamais fâchés (exceptionnel avec Louis !). Je crois
que la vraie raison, c’est le sujet même de cet ouvrage : notre enfance.
Louis
logeait en baraque C 13 au Bouguen-centre. A peu d’années d’écart, je
grandissais en baraque F4 AU Polygone-caserne.
Nous
étions fils de simples ouvriers, mais de fiers ouvriers. Les conditions de vie
n’étaient pas faciles dans ces installations précaires aux lendemains de la
guerre, mais l’air vibrait d’espoir, de solidarité, de joie de vivre.
Toute
une époque, une société disparue, des souvenirs indélébiles.
C’est
son enfance que Louis fait revivre ici, sans nostalgie, sans misérabilisme,
mais avec beaucoup de tendresse et une pincée d’humour.
Louis
Aminot, à Brest tout le monde connaît. Le militant politique, l’ancien
adjoint-maire aux sports, L’Arsenal au cœur, le passionné de vélo, le soutien
des Patros Laïques, le combattant pour la Paix et le désarmement, le communiste
sincère, le penseur libre… l’ami (un vrai pour certains), l’adversaire
(respecté par beaucoup), le pote (pour beaucoup de monde)…
Ce
n’est donc pas ce Louis qui parle ici, encore que ! Vous constaterez que
tout cela est en germe dans son regard d’enfant. Au fil des scènes de la vie
familiale, de l’évocation des copains ou de la société des adultes, ce sont des
tranches de vie, comme des arrêts sur images, qui font revivre le Bouguen du
gamin.
Avec
son langage, spontané, nature, émergent des souvenirs intacts comme en témoigne
l’extraordinaire exactitude des lieux, des anecdotes, et en particulier une
galerie de portraits des enfants du quartier et de leurs destinées.
Souvenirs
qui font la part belle aux moments heureux et qui prêtent souvent à sourire.
Alors
il fallait une illustration de la même veine et le dessin de Georges Elleouet
fait mouche : Les personnages, colorés et sympathiques, prennent vie. Les
gamins, pleins de fraîcheur, sont plus vrais que nature ; les scénettes,
croquées savoureuses, font l’animation.
L’œil
amusé du lecteur se prend à faire des allers et retours entre textes et images
qui se nourrissent mutuellement.
Ce
retour dans le Bouguen populaire de l’après-guerre, le
« Bouguenville » des souvenirs, est en réalité un chant d’amour.
Et
ce chant a une coda : un hommage aux mamans d’alors, un hymne à la paix et
la fraternité.
Yvon Drévillon- 10 Avril 2018
RETOUR EN
BOUGUENVILLE
« J’ÉTAIS
GAMIN AU LENDEMAIN DE LA GUERRE »
Il était une fois… Des enfants, au lendemain
de la guerre, ici à Brest, au levant de l’Atlantique…
Posée sur le nez rocailleux de Bretagne,
dressée face au couchant, la ville avait beaucoup souffert pour sa libération.
Afin
de reloger les sinistrés, de vastes Quartiers d’urgence avaient littéralement
jailli de terre à la marge des décombres de la cité historique. Étalé sur sa rive gauche et dominant la Penfeld, le Bouguen s’était
couvert de baraques.En « Bouguenville », les rescapés et
leurs petits peuplèrent les baraques de bois alignées, étroites et légères.
Carrés et similaires, singuliers et colorés,
les bungalows américains étaient eux en carton. L’instruction aussi se
dispensait en baraques pour tout le monde. Les préfabriquées alimentaient de
leurs chérubins l’école laïque (beaucoup plus que celle des curés).
Longtemps après avoir refusé leur déchéance,
longtemps après avoir tiré leur révérence, les baraques qui devaient mourir
mais ne le voulaient pas, se racontent aujourd’hui en pilier de la mémoire
populaire de Brest
Histoires simples ; enfance infinies.
1 ERE PARTIE
MON BOUGUENVILLE…
MON ENFANCE
Les américaines se distinguaient de
pâté en pâté par leurs couleurs, pastel fadasse. Venues d’outre-Atlantique, les
maisonnettes se rangeaient les unes auprès des autres, en creusant des sillons
croisés, telles les allées dessinées par les plantations de betteraves des
champs voisins.
Ces globuleuses jaunâtres alignées
étaient promises aux fourrages des bonnes vaches laitières, les pies bretonnes.
Mais prisées aussi du populaire : Les plus rustiques et moins aisées des
familles ne rechignaient pas à fouler les champs alentour à l’insu des regards
jaloux… « Un ventre bien rempli, susurraient les douces maternelles, perd
sans délai ses justes raisons de glouglouter. »
La vente du petit goémon asséché
l’été sur les dunes de Porsmilin, Melon, Porspoder et autres ports léonards,
complétait avec le bénéfice des pêches à pied, les ressources des ménages
ouvriers.
Têtes en l’air, les petites canailles rêvaient
auprès de leurs mamans
Ce jour – là, nous piqueniquions pour la journée à la grève de Saint – Marc avec un groupe de vaillants. (Vaillant ce n’est ni Mickey ni Tintin !)Alerte catastrophe ! Un navire d’éclate monstrueusement. Mis sur-le-qui-vive, je réponds à l’appel de la monitrice ; dûment identifié, je prends aussitôt les jambes à mon cou. Sans demander mon reste, je cours à toute berzingue rejoindre le car.
Chargé de nitrate d’ammonium, l’Océan-Liberty, c’est son nom, se répand en feu des kilomètres à la ronde. Chauffés à blanc, de furieux débris de tôles incandescentes projetés sur la ville abattent des humains. La guerre indique qu’elle ne veut pas crever.
L’affolement est général. Mort de trouille, j’aperçois une plaque rouge planer au dessus- de ma tête. À la maison, maman doit s’inquiéter ! Nous habitions le Bouguen-Centre. La terre et les baraques tremblent d’effroi, les milliers d’anciens réfugiés aussi. Tout juste oubliés, les bombardements se rappellent au souvenir des populations civiles déjà éprouvées.
Effrayée par
le boucan d’enfer, ma petite maman s’écroule victime d’une syncope. Des vitres
cèdent à la pression du souffle meurtrier. Le buffet de la salle à manger
tremble d’épouvante.
Rapportées par papa d’une lointaine campagne maritime, les pièces du service de porcelaine chinoise se brisent les unes après les autres. Seules, quelques tasses et soucoupes échappent à l’ignoble déflagration.
Papa m’a prévenu : « Mon garçon, attention ! Les jeux d’armes sont interdits. » Dérangés dans leur sommeil, grenades et obus abandonnés, éparpillés – rarement allemands-ne rechignent pas à s’en prendre aux imprudents. Purs produits du génie humain, uniquement programmés pour tuer, ces projectiles ne professent pas d’état d’âme. Signés par leurs géniteurs, les accords de paix ne les attendrissent nullement. Au contraire. Les ustensiles de guerre, lâchement abandonnés par les euphoriques vainqueurs alliés, revendiquent le droit de prouver aux oublieux qu’ils peuvent encore tuer. L’ogre du conte ne gloutonnait-il pas la chair fraîche de ses adorables fillettes ? Pourquoi ces armes. Sans cœur renonceraient-elles à leurs plaisirs sauvages ?
Avec les p’tits copains, je saisis toutes les occasions de me
dégourdir les jambes. Mais, incrustée au-dessus de la cheville droite, une
cicatrise pugnace témoigne d’un accident écrasant. La blessure résulte de la
chute d’un mur de parpaings d’une annexe de l’école catholique en chantier. À
peine éclos, le muretin n’a pas résisté aux multiples assauts d’une nuée de
gamins. Coincé sous les briques, j’ai mal. Pour de vrai ! Secouru par de
solides mains d’adultes, je fais piètre figure. La honte ! Impossibles à
camoufler, les larmes coulent à flots.
L’examen médical constate une plaie profonde infectée de
minuscules grains de ciment. Doigt pointé vers moi, le médecin prédit les
risques de tétanos. Un bout de jambe en moins ? Des frissons me secouent
le corps meurtri. Goguenard, le toubib
me tiraille soudain l’oreille gauche. Ce geste affectueux a le don de rassurer
illico mes parents. La suite donne raison au praticien.
Privé de vacances, je
garde la position couchée. Assigné à chaise longue, les béquilles à portée de
main, je lis avidement. De romans en bandes dessinées, je vis un vertigineux
récital d’aventures. Surcouf et Jean Bart écument pour le roi, les Trois
Mousquetaires escriment pour la reine. Chacun à sa manière, Placid et Muzo se
confrontent aux temps modernes. Intrépide et généreux, petit homme à canne,
Charlot m’encourage de ses actes posés en BD : « Un imaginaire voyage
à cloche –pied, ça forge un tempérament, ça range les idées ! »
Je l’avoue,
Jaime ma baraque C 13.
Mieux que
les baraques en bois, le bungalow américain offre toutes les commodités
domestiques modernes. Ingénieux, papa l’a savamment aménagé. Sans coup férir,
il a démonté une cloison jugée inopportune. Nous voilà débarrassés du débarras.
Repeintes à l’aide d’une serpillière trempée dans un seau de peinture bleue,
les cloisons de la salle de séjour s’égayent partout en motifs
différents ; aucune paroi ne ressemble à l’autre ! Cette réussite
décorative emplit de fierté le chef des moussaillons. Confortable, la baraque reste cependant en
incapacité de répondre pleinement aux besoins d’espace d’une famille en voie
d’être estampillée nombreuse. Heureusement, il me suffit d’ouvrir la porte… je
suis dehors !
Le dimanche
matin, la « toilette en grand » mobilise maman et papa toute la
matinée. Nous profitons de la baignoire et de son eau mousseuse génèrent des
cris amusés. Pour les enfants nus tels des vers luisants, la fête hebdomadaire
bat son plein. VIGILANCE ! Les filles ne doivent pas reluquer les
« sifflets », les garçons ne doivent pas mater les
« lunes ». Les organes de la distinction doivent demeurer cachés.
Pliés en deux, de nos menottes croisées, nous planquons l’intime de nos corps dénudés. .
Dans le parler-vrai des écoliers de
la laïque, j’ai pris l’habitude de décliner mon adresse de la façon
suivante : « -j’habite le pavillon C 13 au
Bouguen-Centre ! »
Plus délurés, les dix-quatorze ans débitent, à toute vitesse, une réponse autrement plus bistouquette : « -j’h’bite une belle américaine au Bouguen-Est ! » Le chic et la coquetterie de la gouaille populaire !
À mots choisis, nos gîtes cartonnés
sont transformés en somptueuses résidences de granit taillé. Les dix-quatorze
atteignent souvent l’objectif, un rougissement gêné de l’autorité civile ou religieuse.
Étrangeté jamais élucidée, les moins austères des interrogateurs troublés se
révèlent rarement les plus amusés.
Nos voisins en soutane dirigent et épient une immense paroisse aux ouailles innombrables, souvent indomptables. Le bungalow affecté au recteur se pose dans son rôle hiérarchique au premier rang du Bouguen-Centre, légèrement en retrait de la voie passante. Le dimanche, galoches et sabots remisés, les marmots, revêches ou assidus aux rites culturels, sortent tôt le matin. Propics dans leurs habits du dimanche, les gosses n’ont aucune raison de bouder les messes hebdomadaires.
10
On s’amuse
bien aux abords de l’édifice religieux. Les mômes ont toutes les raisons de
bien l’aimer, Marie : au mois de mai, la fête rougit de mille bisous. Pour
l’occasion, filles et garçons obtiennent un billet de sortie jusqu’à la nuit
tombée. Les parents autorisent les enfants à fêter la Vierge sous la tutelle
supposée des sœurs et des abbés. Leurs progénitures participent ravies-sans
véritables dommages il est vrai-à des soirées illuminées par la promiscuité des
sexes opposés. Aujourd’hui désuet, le tabou célébré par le poète de l’Eau vive
se brise sur le parvis de l’église chaque soir de mai. « Avé Maria, filles et
garçons s’en donnent à cœur joie de tes grâces capucines.
Avé Maria,
aux diablotins et diablotines, tu pardonnes leurs frasques juvéniles ».
Aux temps de
Communion, la messe relève du drolatique costumier : croyants ou pas,
copains et copines sont nippés à l’image des invités d’une noce. Le Missel est
coincé sous le fessier. De chuchotements
en clins d’œil renouvelés, d’échanges de billets en pitreries éculées, les
rires jaillissent, bêtement interminables. Aux dires des grands-mères,
« Les enfants font leurs intéressants ». Les stupidités s’entrecoupent de signes de
croix et d’agenouillements éclairs. L’hostie avalée, le « ite »
annoncé génère la fuite générale. Ouf. Tout peut commencer.
11
En fin de matinée, ce « jour du seigneur », changement de programme : L’Humanité-Dimanche prend le relais de la vie Catholique et du Pèlerin(*). Solidement vissé aux commandes de son tracto-pelle, la casquette de l’ouvrier mise en pare soleil, le Paulo des BTP (Bâtiments et travaux public) beau-frère de M’sieur Gaby Paul, l’illustre député communiste de Brest et du Finistère, s’emploie à ce que le légendaire hebdo éclaire l’avenir des travailleurs
Amarré au
fauteuil et correctement calé sur sa droite, pas peu fier, je promotionne
Vaillant et ses vedettes, « Pif, Pifou, Tonton, Tata, Hercule.. ».
*La vie Catholique, Le Pèlerin,
journaux catholiques nationaux.-L’Humanité Dimanche, hebdomadaire du PCF.
Chaque lundi, c’est la rentrée. « Lundi
matin, l’empereur, sa femme et le petit prince… »
Ces instants
ne sont pas tristes. Premier acte, la mise en rang Grands ou petits, quarante
cinq ébouriffés se congratulent selon les affinités. A l’invitation du maître,
le brouhaha des galoches et sabots atteint son apogée. Puis, chacun à sa place
Les yeux écarquillés révèlent la singularité des situations intimement
vécues : apprises, les leçons engendrent le ravissement…ignorés, les
devoirs génèrent l’inquiétude.
Les livres
et cahiers jaillissent des cartables. Les outils du savoir s’étalent sur les
tables.
12
Mains dans
le dos, l’instit’ aux sabots scrute un à un ses élèves. Curieux mélange
d’affection et de sévérité. Souriant, le maître choisit d’interroger
ti-Mich’ et Lulu. Simple hasard matinal ? Pas si sûr. Impassibles, les deux habituelles pipelettes se campent dans un silence océanique. Ti-Mich’ et Lulu n’ont rien lu, rien écrit, rien appris. Pas le temps ! Motif coutumier : encombrée de chahuteurs leur baraque était trop bruyante… M’sieur Louis prononce gentiment sa conclusion : « Ben, voyons ! Au suivant : Albert ? »
Debout, l’as
de la classe fait face à ses comparses. Sûr de lui, Albert récite avec
élégance : « Le petit cheval dans le mauvais temps, qu’il avait donc
du courage ! C’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui
devant… »
Assis sur leur nuage, Ti Mich’ et Lulu ne s’affolent pas. Le poème de Paul Fort ? Mouais… Vivement la récré, ses jeux et turbulences.
L’apothéose reste la fête annuelle des écoles laïques. Le
défilé et le rassemblement de la jeunesse montante sont parfaitement ordonnés
et minutés. Écoliers et écolières sont spécialement entraînés et habillés pour
le défilé et le Landi (*). La marée juvénile avance dans les pas rythmés des
cliques et fanfares. Par milliers, corsages et chemisettes, jupettes et
culottes courtes, bleu et blanc mêlés, envahissent la rue Jean-Jaurès et le
stade de Ménez-Paul. Aubades des pipeaux et mouvements d’ensemble émeuvent
jusqu’aux larmes les parents attendris.
13.
Partenaires
privilégiés de l’événement, les laïques des Patros du Bergot et de Lambézellec
sont comblés de fierté. La marche triomphale des écoles laïques est
annonciatrice des grandes vacances.
Préparé dans chaque école publique de
Brest. Le Landi présentait, pour la Fête annuelle de la Laïque au stade de
Ménez-Paul, de vastes mouvements d’éducation physique rythmés sur de « grands »airs
de musique.
2 E PARTIE
NOTRE
BOUGUENVILLE LES POTES
Bien Qu’inégalement pourvus,
impies ou catéchisés, rejetons des Zefs de Souche ou d’adoption, les gars
naviguent à l’unisson. Les Filles font bande à part.
« Voltigeurs d’la baballe et d’la pédale » selon les éclats de
dire des clowns Jo et Pastis, les gosses, artistes et champions du cru, en
herbe ou confirmés, font vibrer les gens de Bouguenville. La baraque d’à côté,
La C 11, abrite Vonnette et ses frères. L’aînée est une adorable grande
perche.
14
Le p’tit Jean évolue dans ses langes.
Outre son cartable chargé des bouquins du savoir, son grand frère Claude
porte précocement une tête de plus que tous ses camarades de classe. Devenu
membre du club des argentiers de la ville de Brest, il accomplira une carrière
professionnelle en lignes comptables, empreinte d’une droiture remarquable. Associée
à un talent de la passe face au filet, sa haute taille lui permettra de rayonner,
au plan international, dans le mouvement travailliste des volleyeurs.
Lorsqu’il faut soulager notre petite mère, le petit déjeuner se prend
chez la voisine. Grande, douce et souriante, la maman de Claude nous sert un
« fortifiant » : un grand bol de lait au pain cassé et
trempé ! Rituel familier : le papa affable et discret, cale son
chapeau mou, c’est l’heure du boulot.
En contrebas, Loulou le rêveur perche en baraque française. Garçon au sourire éternel, haut dans ses galoches, loulou possèdent également la fibre comptable. Adulte, il la mettra au service du mouvement ouvrier. Cadre administratif de la respectable « Gueule d’or », célébrissime restaurant de l’Arsenal, Loulou veillera des années durant à ce que soient bien sustentés les travailleurs et leurs délégués. Derrière chez nous, circule l’énigmatique Hubert. Son papa est « poulet ». À ne pas confondre avec une hirondelle. Au flic sans bicyclette, Hubert offrit plus d’une fois la possibilité de lui plumer la tête.
15.
En face, de l’autre côté de la grande rue, siège de l’Espoir. Dans le
voisinage de ce patronage paroissial, un clan dénote dans le paysage. Chemisier
renommé, le papa est classé dans le camp de la droite chrétienne. Cravaté du
matin au soir, l’homme est perçu comme
un authentique béni-oui-oui du MRP, le Mouvement Républicain Populaire qui
était traduit sans ménagement la « machine à rouler le peuple ».
Frère cadet de Michel, le grand Georges se moque pas mal des appréciations peu amènes qui fusent du camp laïque. À l’aise dans ses baskets, Georges les écarte d’une simple pichenette. Sans égale, son éloquence gagne par-dessus sa croix l’amitié des plus déterminés à railler les culs-bénits, fussent-ils excellents basketteurs. Le Grand Jo deviendra un artiste de la plume sportive.
16.
À l’intersection des trois quartiers, Bouguen, Traon-Quizac et Lanrédec,
le futur bachelier Dédé veille sur ses grandes Sœurs… ou l’inverse ! moins
discrets ses frères Ti-Jean et Ti-Raym’ signent tous les bons coups.
Dans les parages, lumineux rejetons de « L’instit’ à la palette », Charles et Michel se différencient des ombrageux grâce à leur talent scolaire et à leurs tignasses claires.
D’un coup de pédale rageur, je dompte le raidillon du Bouguen-Est. Je rejoins la baraque E3. Au-delà de la poterne, gigote mon « p‘tit cousin » Christian. Ses frangins Jean Claude et José le précédent en chefs de file. Danielle boucle la marche.
Avec Christ’, je me fiche pas mal de notre mise en concurrence scolaire.
Cependant, pas au moment de la proclamation des classements, car le mieux placé
des deux studieux reçoit une pièce argentée spécialement mise de côté par nos
mamans. 17.
Sur le chemin de l’école de Traon-Quizac, nous
arborons nos musettes de toile verte, spécialement confectionnées par tante Jeannette.
Mains libérées, nous vivons un leste confort.
Un jour, bruyamment moqués par des jaloux, nous nous en expliquâmes vertement avec ces railleurs beaucoup trop collants. La mobilisation de quelques Vaillants donna du poids à nos explications. Les persifleurs se rangèrent vite à l’avis des points nus majoritaires. En ce temps-là, l’action solidaire et la volonté de domination formaient déjà un couple redoutable.
Toujours sur la butte Est du Bouguen, aux côtés de Vincent, dit Pépé, de
Pierre, Paul, Jacques et les autres, s’époumonent de cocasses champions du
bagout et du passage en force, eux-mêmes cernés par une flopée de
débrouillards.
Parmi ceux-ci, Joël est un gymnaste en herbe : le blondinet à la barrette développe en B4 ses qualités d’artiste des « flips-flop avant-arrière » et de la marche sur les mains. Jo veille gentiment sur son p’tit frère, Robert, le futur opticien.
18.
Plus tard, spécialiste de l’acoustique sous-marine, Joël s’emploiera
passionnément à ce que les marsouins nucléaires de l’île longue ne plantent pas
leur tête-skopein dans le ventre des chalutiers.
Joël connaît la musique. Avec lui, les choristes de la classe chantent à tue-tête : « Hé garçon, prends la barre, vire au vent et largues les ris » et « Pique, pique, la baleine », Sous la baguette de Louis, l’instit’ aux sabots. Aux abords de la poterne, s’éclate un p’tit Jean crépu de poil. Cheminot-Tonnerre mon Clermont !- Le Jeannot s’honorera à servir la patrie en tant qu’infirmier à l’hôpital maritime de Brest.
19
Au-dessus de
l’odorante triperie Kervern, le plateau parsemé de baraques françaises
accueille de coquets sportifs drivés par Gérard, Christian n°2 et Fanfan. Les
trois footeux se disputent les allées avec les cyclistes emmenés par Guy, le
bel amoureux transi d’une jolie blonde.
Le rapide Gérard n°2 colle à sa roue. Étoile filante, redoutable sprinter, ce Gérard – là dans un jour faste, manquera d’un pneu le droit de crier sa victoire sur Jacques Anquetil au Circuit des Blés d’Or. Fort de ses bonnes places au Tour de l’Ouest, le vieux Marcel caracole en père peinard en tête du peloton. Véloce prévoyant, il pense à sa reconversion en moniteur de la conduite auto.
Non, ce ne sont pas les corons. Trompeurs, après la pluie, le soleil sème la confusion. Plus au Nord du Bouguen – Est (ou plus à l’Est du Bouguen Nord), François, Fafa pour sa maman, s’essaie à la rédaction de prose en F1, une baraque de ciment ! Plus aérien, Riton, son effilé aîné, accorde ses guitares au désespoir de Marie, institutrice laïque pour l égalité.
À deux pas de là, en plein Nord je crois, le nonchalant
Norbert adule sa B6. Souple dans ses baskets, de tirs au but en paniers
marqués, le grand élégant caresse le gros ballon plus rondement que ne
crépiteront, vingt ans après, les claviers de ses machines à transcrire le
temps.
Privilège de la topographie territoriale, de vagues en
vagues, passent et repassent devant l’îlot du Bouguen – Centre des paquets de
jeunots. Chaque jour, j’aperçois un autre Dédé, plus jeune, plus râblé, plus
shoot que le futur bachelier. La sérénité du fin dribbler le fera footballeur
du mémorable Sporting Club du Bouguen.
Dans la foulée des changements urbanistiques hautement enclavés, sa sagesse fiscale l’élèvera au rang de président du club transmuté Sporting Club de Brest2. Sous sa direction et la vigilance du vénérable Vincent, le club fanion du sport d’en bas, les jeunes et moins jeunes de Kergoat, kerbernier, kérédern, continuent de jongler le ballon au pied de Bellevue.
De l’autre côté de l’église, vers l’Ouest, adeptes de la « VGA », la vie au grand air, Roger et ses sœurs conduites par Marie-Paule, occupent les travées encombrées. Moins remuant, Jean – Noël songe obstinément à devenir un « As du logement social »tandis qu’appliqués à leur table de travail, toujours prêts à dégager sur la pointe des pieds, Serge et Pierre préparent leurs devoirs. Sans peur et sans reproche, ils prennent le sillage de l’illustre fratrie dont le p’tit papa au Centre d’apprentissage forme les garçons aux métiers du bâtiment. Derrière la place de Metz, haut lieu des confrontations cyclistes, le timide Christian n°3 habite une maisonnette en dur à l’écart des tumultes juvéniles. De l’autre côté de la rue Commandant Drogou, sévissent Roland et Jean – Claude n°2, son fidèle lieutenant. Mêlés à leurs comparses du Bois de Sapin Et de Kérédern, les inséparables camarades d’école dirigent les retrouvailles générales à l’école laïque de Traon-Quizac et le jeudi au Patronage laïque de Lambézellec.
21.
Hors les réunions familiales, les Bouguenistes croisent rarement les copains et copines du Bergot. Voisin du Bouguen, le quartier de l’extrême dispose de ses propres commodités sociales, scolaires et marchandes. Ce sont les beaux jours de l’été qui réunissent tout le monde. L’apparition du soleil remplit d’un coup d’un seul la piscine de Tréornou. À ciel ouvert, les baigneurs y piaillent leur plaisir sous les nuages fugueurs. Les plus aventuriers préfèrent foncer jusqu’à Saint-Marc. Pour en montrer aux filles, les p’tits d’hommes bandent leurs muscles en devenir. Ils se jettent en boucle du plongeoir ancré devant la grève. Les valeureux bals-dansants de chez Bastard et de la Guinguette ne gênent pas les nageurs. Hors les célébrations et événements programmés, les garnements se fouillent les méninges pour agrémenter l’ordinaire. Des ciboulots fusent des plans et des jeux audacieux. Hélas, la fée des foyers opère avec parcimonie : trois fois sur quatre, les projets d’aventures se heurtent à la peur des punitions. Résignés, les jeunes s’ébrouent dans le train-train : ballons, balle au prisonnier, osselets, billes, colin- Maillard, saute – moutons, cache-cache, jeux de pistes, gendarmes et voleurs, p’tites guerres, traîneaux, saut à la corde, marelle. Les jeux médicaux s’exercent dans la clandestinité. Poussives d’un autre âge, les montées au mât de cocagne et les courses en sac se perdent dans leurs risibles tentatives de survie.
22.
Au total, la routine l’emporte sur la nouveauté. Mais dans
la cour de Traon – Quizac, le téméraire piquarome se joue à couteaux ouverts.
Hors les murs, les élèves riment allègrement :
« Ah, Kéralloche, l’école des
Cloches ! Ah, Traon – Quizac, l’école des Cracks ! »
Les sorties du jeudi s’organisent selon les caprices du
ciel, pluvieux ou bleu :
– Au Sélect ? L’obscur cinoche de tous les rêves est
sis rue Robespierre, face à la chapelle Saint – Anne.
– Au patronage Laïque de Lambézellec ? Le « Peuleuleu » est logé dans une haute baraque noire, à deux pas de l’école, rue du Cdt Drogou.
– plutôt rejoindre Pen – ar – ch’leuz et son stade de
football ?…
Ainsi de suite, le choix est varié selon la saison.
23.
3E PARTIE
À BOUGUENVILLE NOS VIEUX
La vie de notre quartier c’est comme celle d’un village,
ponctuée de fêtes, cérémonies, enterrements… et parfois une virée à Brest-même.
Au quotidien, les mères gèrent la marmaille ou travaillent pour
l’habillement. Il faut faire vivre la maisonnée jusqu’à la paye de quinzaine.
Nos paternels vont au maille ; c’est à eux de gagner la croûte. Ils sont
ouvriers du port, dockers ou dans le bâtiment.
Aux aventureuses expéditions au bois de la Baronne, à l’étang de
kerléguer ou au Fort du Questel, succèdent les sorties familiales
dominicales.
« Tous en ville ! » Poussettes en tête, parents et
rejetons marchent ensemble sur les ruines en voie d’effacement et les trous
de guerre en voie de comblement.
Un bon dimanche comprend obligatoirement une promenade au château et
un passage sur le petit pont.
Joyau de l’Arsenal, flottant et mobile, le petit pont s’ouvre à la
demande de l’amirauté.
Les bateaux gris passent sous le nez des promeneurs extasiés.
Honorés de l’inespéré soutien
populaire, les Margats de laDP(*)
conduise la manœuvre sous les applaudissements des endimanchés
Les fêtes et cérémonies sont programmées par des comités d’adultes.
Les spectateurs cernent de près le char fleuri de la Reine.
La camionnette des Vaillants célèbre la Paix et l’amitié avec le
peuple soviétique.
Les flambeaux éclairent les fanfares de la retraite. Le feu de la
Saint – Jean, quand à lui brûle les pucelles une foi par an.
Généreux en neige poudreuse, l’hiver coriace surprend le père Noël en
plain vol.
dans les pas du p’tit Poucet,
l’ancêtre à la hotte livre ses oranges aux enfants triés sur le volet.
À la suite des bonshommes de
neige, les gras masquent les visages un mardi de février
* DP : Direction du Port
24
Chenilles et casse gueule prennent la relève des festivités épuisées. Chaudes et fumantes, les galettes tendent la panse gourmande des gringalets. Artistes de la rue, les industriels forains occupent la grand’ place. Ils montent les manèges, confiseries, tirs et jeux, aussi vite que leurs cousins, clowns, trapézistes, dompteurs et magiciens, montent le chapiteau du cirque sans jamais nuire au marché maraîcher.
Hasard ou velléité protectrice du ciel, sur notre gauche siège le presbytère. À droite ou à gauche, c’est fonction de la position du photographe, dos devant ou dos derrière. Campés aux premières loges, nous savons tout de la vie paroissiale et de l’abbé à la moto. Selon les lavoirs, le curé est l’amant d’une belle dame du quartier. les chenapans ne savent pas moins de la bonne sœur foutue le camp avec un Algérien. « Il était beau, il sentait bon le sable chaud ! » Accablé par les démons de l’enfer, le recteur aux lunettes d’écailles redouble ses prières. « Il n’y a pas d’amour heureux ! Ainsi soit-il ! » Ensevelies sous les universités élevées en ce lieu et place du Bouguen, les rumeurs de la médisance et les racontars des bénitiers font toujours « s’gondoler » les mécréants beaucoup plus que les bonnes gens.
Gais ou tristes, les paroissiens et paroissiennes
chantent en chœur. Les bigotes ne savent pas chanter. Serrées dans un coin,
le regard de guingois, les bigotes marmonnent leurs méchancetés.
Elles
déchantent à l’autel du ressentiment.
En offrande, elles brandissent le fouet de l’enfer en direction des enfants
de gueux. « La discipline ne peut être transgressée, la loi est
naturelle. Une place à chacun, chacun à sa place. Le destin ! »
25.
Les cortèges des enterrements s’ébranlent souvent de l’église, mais pas toujours. Les familles et le corbillard portent le noir. Les bourgeoises camouflent leurs visages sous une voilette pareillement noire. Les incroyants attendent dehors. Les badauds n’applaudissent jamais. Ils s’écartent machinalement devant la procession guidée par les curés. Le crucifix est porté par des garçons vêtus d’une soutanette rouge et d’un surplis blanc. Invité d’honneur, fixé sur un mât mobile, le Seigneur observe d’en haut les promeneurs d’en bas. Les sceptiques haussent les épaules.
Les enfants de cœur ? Les copains les trouvent mignonnes déguisées en filles. Le parfum de l’encens envahit les narines. Malgré leurs incessants tortillements de tête, les plus dégourdis ressentent une sorte d’absence. Au départ, les suiveurs Parlent à voix basse. Ensuite, au fur et à mesure des avancées du convoi funèbre, ils parlent plus haut et plus fort. Les femmes et les enfants font le signe de croix. Les hommes ôtent le mou ou la casquette du dénicheur, rivale populaire de la casquette de l’officier.
Un jour, le cortège rassemble tant de casquettes, de galons dorés et d’épées coincées dans leurs fourreaux, que cette présence intensive au mètre carré désarçonne les passants. Les curieux croient un instant à une répète générale de la revue du 14 juillet. Le macchabée révèle malgré lui son métier. Le dernier voyage, vers les ténèbres pour les mécréants, vers la lumière pour les gens de foi, s’achève généralement dans un trou. Cela saute aux yeux des gamins. Les gens d’églises n’apprécient pas les iconoclastes remarques des p’tits morveux.
Branle –bas de combat exceptionnel : un convoi d’un
autre genre occupe la chaussée. Debout dans sa grosse décapotable noire, le
président de la République Française Vincent Auriol salue de la main ses
concitoyens sur le circuit cycliste du Bouguen. Le peuple en liesse ovationne
le p’tit homme important. Le Président est protégé par des gaillards casqués à
moto. Les pères enthousiasmés tirent leurs cœurs – Vaillants vers la
démonstration républicaine sur les Glacis et le Cours Dajot.
Éloignées de l’église d’une laideur à décourager les plus fidèles, sont montées des baraques tout aussi laides. Plus basses, plus longues, c’est l’Oncor(*). En cet endroit, les ombres se font plus sombres. Le foyer ouvrier souffre d’une mauvaise réputation. Ses résidents sont originaires d’un pays aux rives ensoleillées, là–bas au Sud ; les autorités françaises ont convié des Algériens à la fastidieuse entreprise de reconstruction. Éloignés de la terre patrie et de leurs familles, ces travailleurs trouvent – ils ici leur compte de bien être ? Cette confrérie besogneuse semble tolérée plutôt que reçue à bras ouverts. Essentiels au renouveau de la vie urbaine, les métiers de terrassier, de maçon de plâtrier, transpirent pourtant une évidence pénibilité. Pour satisfaire les besoins d’abris des Brestois, ces exilés s’exposent chaque jour aux caprices des intempéries et à la détestable indifférence ou au racisme des gens bien.
27.
* Oncor : Organisation nationale
des cantonnements pour les Ouvriers de la Reconstruction.
En contrebas, derrière les hauts murs de la séparation, sur les rives de la Penfeld, l’espérance se manifeste bruyamment aux « BF »(*). Les chevaliers de l’Arsenal la martèlent à coups de masse cadencés. Leur sueur perlée proclame leur ardent désir de dignité : « Les preux de l’église plaident la servitude. À la vérité, ils ordonnent de frire les salariés ! »
Une autre messe est dite. Ces
fortes paroles énoncent la sentence ouvrière.
Le goût prononcé des p’tits chefs pour le commandement recèle, selon les paternels, des perversités à vous nouer la gorge et à vous serrer les poings. Le travail grave au plus profond la peau des ouvriers. Les pères portent de trente à quarante ans d’âge : « Ne pas plier ! À genoux ? Jamais ! »
* BF : Bâtiments en Fer
La célèbre sirène de l’Arsenal
rythme la vie des Zefs(*).
Elle siffle les embauchées et
débauchées, plusieurs fois par jour. Sises aux pieds de Bouguenville, largement
béantes, les portes de la Brasserie et de Kervallon grouillent ponctuellement
d’hommes en bleus.
Le matin, au point du jour, Jeanne-la-discrète propose le républicain Ouest-Matin. « Ouest-Matin ! Le quotidien qui chasse la grippe et le chagrin ! »Ah, la Reconstruction ! Ah, la Reconversion vers des fabrications de navires d’utilité civile ! N’est-ce pas les Antilles ? Son lancement, c’était notre fête à nous. En ces temps engloutis, les ouvriers ne pouvaient imaginer que leur Arsenal serait un jour rayé de la carte et redessiné en garage nucléaire. Pourtant, Brest-Atomik-base investissait déjà les desseins et le tiroir-caisse des génies civils et militaires.
* Zef : c’est ainsi
qu’à Brest, dans les milieux populaires, on appelait un petit gars de la ville.
Le Yannick se
revendiquait de Recouvrance.
28.
Fiers de leur machine tôt le matin, les mécanos des
Mouvements Généraux caressent leur
locomotive. Rutilant, le train de l’Arsenal hurle son bonheur et crache sa
fumée. Plein à craquer des voyageurs du labeur, il quitte la porte de la
Brasserie toujours à l’heure. De station en station, il les dépose
gracieusement jusqu’aux Quatre-Pompes au fin de la rive droite.
Au Plateau des Capucins, rivés à leurs postes, les
chaudronniers forment le métal, les ajusteurs actionnent les machines. Les
électriciens bobinent rotors et stators. Ti-Louis-le-Marquis immerge les bouts
de moteur réparés dans le vernis liquide chauffé à blanc ; cérémonie qui
se déroule dans l’intimité de la cuve.
Evasion entre potes, on s’offre parfois un « billet de
sortie ».
Le soir
Le soir, avant le retour au bercail, les travailleurs plongent au Trou. En ce troquet du Carpon, rebelles ou sentimentaux, ils égrènent la rouge cerise et le frêle coquelicot. Bon sang ne sachant trahir, les fils reprennent les ritournelles ouvrières. Sur le chemin de l’école, les mômes taquinent-haut les cœurs-les rigadins, curés et calotins. En ligue et en procession, les plus Vaillants des écoliers à tue- tête : « Ah, Cœurs-Vaillants, boîte à sardine ! » En bandes mouvantes, les sous fifres de Peppone et les brebis de Don Camillo s’affrontent à la sportive dans tous les coins et recoins des rings et stades, jusqu’aux cours d’écoles et caniveaux.
29.
Au-delà des douves, de la place Albert 1er et de
l’Avenue Foch, s’ébroue « Brest-même ». Trolley ou trotte à
pied ! Autres vies, autres motivations.
Avec ou sans col bleu, les gars de la marine inondent Recouvrance, les
rues de Siam et Jean Jaurès. En
contrebas, « au port de », les charbonnages noircissent les quais et
les brodequins. Les pêcheurs rêvent de filets de poissons argentés. Les dockers
chargent et déchargent à dos d’homme. Face au bassin du Gaz, pêcheurs et
ouvriers achèvent la journée de travail Au tout va bien. Rouge lim’ ou
amélioré, un « coup de pif » pour se désaltérer.
Cet été, chroniqueur
de la TSF, Georges briquet attise les
passions. Le tour de France se déroule du 30 juin au 24 juillet. si les
grimpeurs Jean Robic, René Vietto, Apo Lazaridès et l’inattendu Jacques
Marinelli emballent les ferveurs, les chevauchées fantastiques de Fausto Coppi forcent l’admiration des
capsuleurs. Fausto domine les deux contre-la-montre et largue tous ses
adversaires dans les Alpes. Il triomphe à Paris avec près de 11 minutes sur
Gino Bartali ! Ces faits d’armes enfouis dans les mémoires, la laïque de
Traon-Quizac réunit à nouveau ses écoliers.
Patatras ! Sidération et tristesse. A quelques encablures de la Toussaint, le vingt-huit octobre devient à jamais synonyme de drame national. Marcel Cerdan meurt accidentellement… L’avion dans lequel il a pris place, percute en pleine nuit un pic des Açores au Portugal. Notre valeureux champion voyageait vers les États-Unis dans le but de reprendre son titre à l’énigmatique Jake La Motta. Le taureau du Bronx campe loin derrière l’aura du superbe félin Sugar Ray Robinson. La cruelle disparition de Marcel brise nos rêves. Sa victoire eût été notre victoire. Ah, la vie et ses mauvais tours d’ailes.
30
CHŒUR
DE PAIX
Heurts,
malheurs, rires et sourires entremêlés, à Bouguenville,
Les
mères se prénomment Céline, Germaine, Gina, Jeanne, Joséphine, Juliette
Madeleine, Marcelle, Marguerite, Marie, Paulette, Renée, Romaine, Yvonne.
Elles
croient au ciel ou n’y croient pas.
Le
porte-monnaie des dames à voilette se présente bien garni ; celui des
dames populaires se maintient plutôt maigrelet.
Toutes
protègent de leurs tendres baisers leurs descendances adorées.
Mamans
les plus douces du monde, les margotons de la rade éduquent leurs vaillants
et
Exécutée sommairement le 30 novembre 1944 à Pforzheim (Bade-Wurtemberg, Allemagne) ; commerçante ; membre de divers réseaux de Résistance dont le SR Alliance.
Alice Coudol
Crédit photo : Gildas Priol
Commerçante et marchande foraine, elle fonda en juin 1940 à Lesneven son
propre réseau de résistance, le « Mouvement Violette ». Avec son groupe
elle aida des soldats français à échapper à la captivité, diffusa des journaux
clandestins, distribua des tracts gaullistes, fournit à Londres des
renseignements sur les bases sous-marines de Brest, l’arsenal, la base aéronavale
du Poulmic, le terrain d’aviation de Guipavas. Elle entra au réseau
« Jade-Fitzroy » créé en 1942 sur le secteur de Brest et Landerneau
pour héberger des aviateurs alliés et les faire évader ensuite vers
l’Angleterre. Elle était également membre du « Mouvement Défense de la
France » et des réseaux « Alliance » et « Centurie ». Dans
le réseau Alliance, elle devint estafette du sous-réseau Sea star, secteur de
Brest, sur la région Bretagne « Chapelle « , avec le matricule
« S.529 ».
Elle fut arrêtée à Lesneven le 4 octobre 1943 et déportée vers l’Allemagne au
départ de Paris puis internée à la prison de Pforzheim (Bade-Wurtemberg, Allemagne)
où elle fut enregistrée sous le matricule n° 582 le 25 janvier 1944. Le 2
mars 1944, la Gestapo de Strasbourg transmit le dossier d’accusation
d’espionnage au profit d’une puissance ennemie concernant douze prévenus dont
Alice Coudol, au Tribunal de guerre du Reich qui y apposa les tampons
« secret » et « affaire concernant des détenus » ainsi que
la mention « NN » (Nacht und Nebel-Nuit et Brouillard). Il n’y eut pas
de jugement, les accusés étant remis sans procès à la disposition du SD de
Strasbourg le 10 septembre 1944, ce qui équivalait à une sentence de mort.
Devant l’avance des Alliés sur le Rhin le 30 novembre 1944, Alice Coudol elle
fut extraite de sa cellule ainsi que 18 hommes et 7 autres femmes appartenant
comme elle au réseau Alliance. Après un simulacre de libération, ils furent
tous conduits en camion à la forêt de Hagenschiess, à quelques kilomètres de
Pforzheim et abattus d’une balle dans la nuque par les agents de la Gestapo de
Strasbourg, Julius Gehrum, Chef de l’AST III, Reinhard Brunner, Howold, Buchner
et Irion, puis jetés dans une fosse recouverte ensuite de terre et de
branchages.
Leurs corps furent exhumés par les autorités françaises le 19 mai 1945 et mis
par des civils allemands dans des cercueils devant lesquels la population de
Pforzheim dut défiler au cours d’une émouvante cérémonie.
Ils furent ensuite rapatriés en France et à l’arrivée à Brest de la dépouille
d’Alice Coudol, une chapelle ardente fut dressée à l’église Saint Martin. Une
foule nombreuse assista aux obsèques, en présence des autorités françaises et
de représentants de toutes les associations de Résistance. Elle fut inhumée au
cimetière Saint-Martin, à Brest.
Alice Coudol fut décorée de la croix de chevalier de la Légion d’Honneur à
titre posthume le 6 juillet 1955 ainsi que de la Croix de Guerre 39-45 avec
palmes et de la Médaille de la Résistance.
Elle obtint la mention « Mort en déportation » par arrêté du 26 février
2013.
Son nom figure sur la stèle commémorative du réseau Alliance à Pforzheim. Des
rues de Brest, Plouzané, Lesneven portent son nom.
Alice Coudol – Les martyrs de Pforzheim.
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Fin juin 1945, le maire de Brest reçoit une lettre écrite par le
Père Laurent, aumônier du 86ème RI. Cette missive l’informe de la découverte
d’un charnier à Pforzheim (région de Bade) : 25 corps y sont retrouvés dont
ceux de 12 brestois. Sur la macabre liste qui suit cette annonce, le nom
d’Alice Coudol.
Dès juin 1940, la jeune Alice (elle a 17 ans) aide les soldats français à échapper à la captivité. Ayant entendu l’appel du Général de Gaulle, elle mène la propagande dans les cantons proches de Brest, crée son propre réseau (Violette) et réussit à recruter de nombreux volontaires, alors qu’elle ne sait ni lire, ni écrire. Elle est agent des réseaux Alliance et Centurie, aide au « sabotage » du STO dans la région. Mathieu Donnard, Colonel du mouvement Libération puis FFI dira d’elle : « j’ai rencontré une jeune fille extraordinaire, une Jeanne d’Arc, assurée et courageuse ».
Alice et 9 des brestois
retrouvés dans le charnier avaient été arrêtés à l’automne 1943 dans le cadre
du démantèlement du réseau Alliance par la Gestapo. Ils font partie des 50
détenus qui arrivent à Pforzheim en janvier 1944.
Le 30 novembre 1944, un gardien vient réveiller Alice et ses compagnes de
chambrée. Ils les emmènent toutes sauf Yolande Lagrave qui restera seule, dans
l’angoisse du devenir de ses camarades.
Les prisonniers et prisonnières emmenés cette nuit-là subirent d’épouvantables
sévices et tortures avant d’être abattus d’une balle dans la nuque et ensevelis
dans un cratère de bombe, dans un champ.
Alice deviendra le symbole de la Résistance dans le Nord-Finistère et celui du martyre des prisonniers de Pforzheim. A l’arrivée de sa dépouille à Brest, une chapelle ardente est dressée à l’église Saint Martin. Une foule immense assistera aux obsèques, en présence des autorités françaises et de représentants de toutes les associations de Résistance.
Pourquoi cet article, sur Alice Coudol. Simplement parce que c’est une cousine à ma mère, décédée aujourd’hui, mais qui nous a souvent parlé d’Alice sa cousine. Ma mère Née le 13 avril 1922, et née venelle Kéravel, 17 : Mercedes Alexandrine Félicie Coudol, fille d’Armande Mathurine Coudol, dix-huit ans, sans profession, célibataire, domicilié à Brest. , Née à Pont-Croix, le six septembre mil neuf cent un, fille de Alphonse Pierre Coudol, marchand forain, domicilié à Brest ; et d’Armande Marie Lescoat, son épouse.
COUDOL ALICE
Patriote et résistante. 10 février 1923 – 30 novembre 1944 : Pfortzheim (Allemagne)
Seconde fille de Mme et M Coudol, Alice aide avant
1940 ses parents dans l’exploitation d’une loterie « Au nougat de Montélimar »,
qui participe aux différentes fêtes de la région brestoise. On les retrouve,
tous les ans place Wilson durant la période de Noël et de fin d’année. Sous le
nom de Violette, alors qu’elle a seulement 18 ans, elle monte seule un réseau
de Résistance qui s’étend de Lesneven à Plouescat, Saint – Pol – de –
Léon et Lannilis. Au moment de son arrestation le 27
septembre 1943, elle a recruté plusieurs milliers de patriotes. Incarcérée à
Rennes, elle est ensuite déportée à Pfortzheim
(Allemagne), où elle est assassinée par les nazis. Le 30 novembre 1944, à 5 h
du matin, 26 prisonniers, hommes et femmes, sont extraits de la prison, huit
d’entre eux sont sauvagement torturés. Les autopsies démontrent qu’ils avaient
eu les côtes brisées, les mâchoires fracassées et les yeux arrachés. On leur
avait fait signer le registre de levée d’écrou pour leur faire croire à leur
libération. Ils prennent alors place à bord d’un camion qui après deux
kilomètres s’arrête au bord d’un trou d’obus empli d’eau par suite de la fonte
des neiges. C’est alors que les S.S. achèvent leur sinistre besogne par une
balle dans la nuque et font basculer les corps dans le puits improvisé : deux
hommes tentent de s’enfuir, l’un est tué à bout portant, l’autre a la colonne
vertébrale brisée à coups de crosse. Le 5 août 1945, les restes d’Alice Coudol sont ramenés à Brest, ou une chapelle ardente est
dressée dans une dépendance de l’église Saint – Martin. Pour se rendre à
l’église Saint – Michel, où va se dérouler la cérémonie religieuse, un cortège
se forme avec en-tête six soldats, l’arme basse, suivis de la Lyre Lesnevienne, d’un détachement de marins et de la clique de
la musique de la Flotte. Un char couvert de gerbes et de couronnes précède une
délégation de forains portant eux – même les fleurs offertes. Derrière la
grande croix, m. Le chanoine Barvet, curé –
archiprêtre, conduit un nombreux clergés et un groupe d’enfants de chœur. Le
cortège se reforme pour rejoindre le cimetière de Brest où a lieu l’inhumation.