Category Archives: Bouguen

LES SOUVENIRS DE MON ENFANCE.


Nous sommes mon amie Josiane (Josy) Kerhoas et moi Yvette Hall. (La fille au chignon sur la photo).


Bonjour,



Je suis Yvette Hall F2 Bouguen Est.



Cet été, je suis allée sur les « lieux de mon enfance » et j’ai pu retrouver.

Mon amie Josiane Kerhoas F. 9 Bouguen Est l’endroit où nous allions nous détendre,

Et bavarder lorsque nous vivions au Bouguen Est. On appelait ce lieu  » les fils.

De fer « .



C’était là où nos mères étendaient le linge pour le faire sécher. La photo (Avec

Le fille au chignon) A été prise, le 11, juin 1960 là où maintenant, la nature a repris

Ses droits. J’ai reconnu le bâtiment de l’arsenal en contrebas. Il n’était pas.

Rare que lorsque des bâtiments de la marine étaient à quai nous soyons

Réveillés par le clairon.



C’est vraiment avec émotion que j’ai fait cette balade avec mon amie.

d’enfance Josiane Kerhoas.



Merci encore pour l’immense travail que vous avez fait.



Cordialement,












Le bâtiment fait la semaine de 50 heures

À Brest, les tours du quartier de Quéliverzan en construction dans les années 50. Ce sont les premiers immeubles de grande hauteur de la ville.
Source de la photo, Archives municipales de Brest.

Aujourd’hui le quartier.
Source de la photo. Perhirin.

Les années 50 dans le Finistère (d’après un article de Ouest France)

En 1954, Jean Dréo passe le concours de l’École des travaux publics de Toulouse. « Coup de pot formidable » il est reçu. Né en 1924, ce Brestois s’était engagé à la Libération dans le Marine nationale. Mais des ennuis de santé l’ont forcé à changer de voie. En sortant de l’École des travaux publics, il n’a que l’embarras du choix. « On était garanti de trouver du boulot.» En France ou à l’étranger. Jean Dréo a même une proposition pour partir en Égypte participer aux travaux préparatoires du barrage d’Assouan. II préfère retourner dans le Finistère. « II y avait énormément de besoins en raison de la reconstruction de Brest. » 


Aujourd’hui le quartier.
Source de la photo. Perhirin.


La ville est un vaste chantier. Depuis la fin de la guerre, le secteur du bâtiment prospère. Un nombre important d’entreprises  s’est créé pour satisfaire la demande. En 1955, Jean Dréo est embauché comme conducteur de travaux par l’entreprise Le Gall. Elle compte 150 salariés venus de tout le département. Elle a déjà à son actif de nombreux chantiers, dont celui du phare de l’île de Sein. Elle attaque la construction des H L M de Kérangoff à Brest. « C’était des Lopofa, des logements populaires familiaux, se souvient Jean Dréo. On en a fait les deux tiers. J’avais la direction complète de l’opération. Le chantier a duré deux ans. Il occupait 40 gars en permanence. » 

Deux tours de Quéliverzan

Aujourd’hui le quartier.
Source de la photo. Perhirin.

Le procédé choisi pour construire ces bâtiments de quatre étages innove. « Nous avons été parmi les premiers dans le Finistère à recourir aux poutres en béton précontraint pour réaliser les planchers. Le procédé a été imposé par l’architecte. Il permettait de gagner du temps sur l’étaiement et le ferraillage. D’où un net avantage en prix de revient. » Le travail ne manque pas. Ce qui n’empêche pas les entreprises de rivaliser pour emporter les marchés. Elles investissent dans le matériel pour abaisser leurs coûts de revient. Encore peu nombreuses au début de la décennie, les grues à tour se multiplient. L’époque ne connaît pas les trente – cinq heures. « L’horaire de travail hebdomadaire était en théorie de 48 heures pour les ouvriers. En réalité, ils en faisaient 52 ou 53. Et nous, les cadres, on montait à 60 heures par semaine. » Jean Dréo se souvient d’une visite de Maurice Piquemal, « le grand, ponte de la reconstruction », sur le chantier de Kérangoff. « Il n’était pas méchant, mais il piquait de sacrées engueulades ! C’était la terreur des fonctionnaires de l’Équipement. » C’est qu’il y a des délais à tenir. Les demandes de relogement sont nombreuses. En 1958, le secteur du bâtiment emploie 8 000 personnes à Brest. La reconstruction touche alors à sa fin, ce qui entraîne un ralentissement de l’activité. « La concurrence est devenue rude », note Jean Dréo. Il reste quand même de l’ouvrage ailleurs dans le département. Ainsi, dans les années 1960, Jean Dréo travaille sur le chantier du lycée de Douarnenez, puis sur celui de la ZUP de Kermoysan, à Quimper.

Une fois achevée la reconstruction de Brest a parfois été critiquée. On a parlé d’une ville en béton ». L’erreur, répond Jean Dréo. « La plupart des immeubles ont été construits en maçonnerie tout ce qu’il y a de classique. » Lui, ce qu’il préfère retenir de cette époque, c’est une ambiance. « C’était un travail super-épanouissant, très valorisant. On avait l’impression de faire quelque chose de constructif. »

Des Français comme Les autres.

Des Français comme Les autres.

Joseph Camus, peintre de Brest, qui se trouvait à Rennes quand les allemands y entrèrent; ne sachant comment manifester sa fureur il cracha sur l’un d’eux et fut condamné à 1 an de prison; c’est ainsi que commencèrent ses aventures de Parachutiste dans les Français libres. Avec Armand Rekassa, (journaliste) N’guyemba, Jean Uranga, Pêcheur de St Jean de Luz, Michel Petit, (boucher à Hirson, Antoine Cantinelli, le clairon du bataillon, Gil-Kar.

Continua son périple avec ses compagnons,  en Indochine.  Quitte Brest année 1955 avec d’autres Brestois pour travailler en région parisienne. C’était un des habitants des baraques du Bouguen. Son épouse, le rejoint avec ses deux filles, et son garçon. Laissant dans leur baraque tout leurs affaires, Photos, meubles, etc.  Une nouvelle aventure commence dans la région parisienne. 

SERVICE DANS LA RÉSISTANCE ET LES F. F. I. MR. Lagadec Julien Yves

M

Le Général De Gaulle, l’appel à la Résistance, à défendre nos valeurs et notre pays, la Libération.
J’aimerais dire qu’il y a tous celles et ceux qui défendent ou ont défendu notre pays et ses intérêts au prix de leurs vies. Pour vivre dans La Paix aujourd’hui. Merci. Respect.
Ayons une pensée pour ces Femmes ou Hommes qui sont tombées… Une véritable vocation, un engagement sans faille, une preuve d’amour pour sa patrie, des gens qui finalement ont, un cœur d’amour qui bat. Car on ne vient pas en aide, drapeau français, à tant de gens, si les sentiments ne les animent pas.

SERVICE DANS LA RÉSISTANCE ET LES F. F. I.
F. F. I.
RÉSISTANCE INDIVIDUELLE DU 12 août 1944 au décès 10 septembre 1944
Exposé de l’activité : tué en patrouille commander à Val Ar Groas
Argol en Crozon (Finistère)
RÉSISTANCE ORGANISÉE
Cie Surcouf Bon du 12 août 1944 au 10 septembre 1944.
RESPONSABLE Capitaine Le Gall Henri Pleyben-Finistère.
Second Maitre, fourrier dans la marine de l’état engagé à sa sortie des mousses à 17 ans, blessé grièvement étant embarqué sur le bison, qui a coulé recueilli par les Anglais de retour en France après guérison en service à la, D.P. à Brest, 

Qu’il quitté volontairement le 14 août 1944, va s’engager dans les F. F. I à Pleyben (Finistère) 12 Août 1944. À participé aux opérations militaires sur la presqu’île de Crozon au cours des quelles il a été tué le 10 septembre 1944, devant Tal-Ar-Groas, ou il se trouvait en patrouille.     

Forces Françaises Combattantes intérieures
ARRONDISSEMENT. FFCI. DE Brest
À Monsieur le Commandant du Bureau Militaires, Service des affaires F F C I. À Quimper
En réponse à votre lettre n° 26 14/ F F I en date du 20 Août 1947 ; j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint, le dossier d’homologation de grade FFI De :
Monsieur LAGADEC Julien Yves, né le 26 juin 1916 à Brest, Second -Maître fourrier dont sa famille est domiciliée 110 Rue Robespierre à Brest.
Il est entré dans la Résistance le 12 août 1944 au Bataillon LE GALL Henri “Lagardère” Compagnie Surcouf ; et a participé aux opérations sur la presqu’ile de Crozon où il a été tué le 10 septembre 1944, en patrouille devant TAL- AR- GROAS EN Crozon (Finistère)
Brest le 30 septembre 1947
Le Lieutenant Colonel FAUCHER, ex chef des FFCI de l’arrondissement de Brest.
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Les Allemands laissent partout des camions et des cadavres.
Principaux combats :
A/Nord –Finistère : le PONTHOU (Bataillon GILLOUX)
PLOUIGNEAU (Cie du Lieutenant PERRIER)
B / Centre Finistère : LANDELEAU (Cie SURCOUF)
CHATEAUNEUF – Du – FAOU (Cie RAYDUE) Et NORMANDIE
PONT – TRIFFIN (BATAILLON DE CARHAIX).
C/ Sud – Finistère : ROSPORDEN – BANNALEC (Bataillon FFI et ROSPORDEN).
QUIMPER – (Cie Cartouche et BAYEUX).
Les Allemands s’étant repliés dans la région de BREST, CROZON ET AUDIERNE ET CONCARNEAU. Les F.F.I. sont utilisés pour les contenir. Avec des effectifs très faibles et sans arme lourde, du 8 août au 20 septembre 1944, les unités se relèveront tous les 10 jours environ. Le Bataillon “NORMANDIE” reçoit au début, au début de septembre, 2 canons de 105. Cette unité s’empare du MENEZ – HOM qui défend la presqu’ile de CROZON et pousse jusqu’à TELGRUC où un bombardement américain fait de nombreuses victimes. Elle obtient une citation collective par le Colonel EON. Les Américains ayant pris la direction des opérations, les unités F.F.I. sont renvoyées sur leurs lieux de formation. Dans la région de CONCARNEAU le Cne Le CLEACH participe à la reddition de la place-forte.

CONTRE VENTS ET MARÉES 50 ans d’histoires de la sécurité Sociale à Brest

Objet : remerciements
Par votre professionnalisme, à une époque (1946). Où tout était à faire. C’est Grâce à vous, à votre courage. Vous manquiez de l’essentiel. La Sécurité Sociale, une grande maison au service de vos concitoyens, doit aujourd’hui vous remercier. Soyez fier de votre travail. Merci à votre équipe.   

50 ans d’histoires de la Sécurité Sociale à Brest

Les auteurs :

Jacques Fustec,  titulaire de maîtrise en Histoire, contrôleur au centre de Landivisiau.

Gérard Brélivet, chargé de communication.

Jean-Pierre Robelet, directeur de la C.P.A.M du Nord-Finistère.

Ce travail n’aurait pas vu le jour sans :

L’étude universitaire de Jacques Fustec sur l’histoire de la caisse primaire de 1993.

Le concours des différents témoins de la création de l’entreprise et de sa croissance.

Qu’ils soient remerciés pour leur patience et leurs précieux souvenirs.

Vue panoramique de Brest .
(Archives municipales).

A l’heure où l’avenir semble incertain et sujet de discussions, notre passé s’avère certain, fixé.  Ce que nous avons là en commun nous rassemble.

Aussi, que chacun puisse connaître les origines et les évolutions de notre entreprise relève non seulement de la bonne information mais aussi de la propriété partagée.   

L’histoire locale, ses personnages, les particularismes et les événements de terrain rendent plus denses et plus passionnants les liens entre notre présent et notre passé.

A travers les contraintes et les difficultés, les souvenirs agréables ou sensibles, une réalité estompée par le temps, oubliée ou un passé grandi, sublimé, nous avons fait vivre pendant 50 années notre idéal de solidarité…

… contre vents et marées…

Jean- Pierre Robelet

Directeur

Retour vers le futur

Juin 1995, boulevard de l’Europe à Brest, des voitures, des encombrements. Notre conductrice va à son travail, rue de Savoie, dans le quartier de Bellevue, au siège, de la C.P.A.M du Nord-Finistère. Carte d’accès, sécurité oblige. Badge, horaires variables exigent.

Elle sait qu’elle incarne toujours la sécu, on dit l’assurance maladie aujourd’hui.

Elle sait aussi que cette année débutent les travaux de rénovation du siège.

Son chemin sera parcouru de gravats pour au moins dix huit mois.

Les gravats, parlons en ! Ses collègues plus anciennes lui ont décrit avec moult détails les travaux, les déménagements. Bref, tout ce qui a façonné l’histoire brestoise de la caisse et ceux qui l’ont vécue.

Ceux qui ont connu l’époque héroïque des baraques de l’après – guerre en 1945, l’époque des horaires stricts, du trop froid l’hiver, du trop chaud l’été.

Ceux qui ont connu les sanitaires au fond du jardin. Ceux qui ont pratiqué la “ débrouille ” comme un art de vivre. Ceux qui, en 1952, ont eu l’impression de “rentrer dans un palais ” lors de l’emménagement au Square Marc Sangnier à Brest. Ceux qui enfin en 1970, se sont installés rue de Savoie à Bellevue.

Dans quelques années notre conductrice pourra à son tour “ dire l’histoire ” celle qui débute en 1955 et quelle va vivre de l’intérieur.

Brest détruit
Les Baraques de la Sécurité Sociale du temps des baraques.

SI LES RICAINS…

A la fin de l’année 1945, celle qui avance dans la boue avec ses galoches aux pieds, parmi les décombres, supportant l’absence d’éclairage ainsi que le crachin, ne sait pas encore quelle incarne le futur de la Sécurité Sociale.

Elle est sur le chemin du travail, chemin envahi de gravats et rares sont les maisons intactes tant les bombardements ont été efficaces.

En effet, du 19 juin 1940, date de l’entrée des Allemands à Brest, au 18 septembre 1944, date de la reddition de l’occupant, Brest a été la cible des raids alliés.

Au total, il faudra 15 ans pour reconstruire la cité.

En attendant, les Américains sont là. Ils fournissent, c’est bien connu, chewing-gum, Marlboro et bas nylon mais aussi des baraques en bois préfabriquées et peintes en noir.

T’AS PAS UNE BARAQUE ?

 Ces baraques, on se les arrache tant le logement est évidemment un problème majeur. La distribution profite d’abord aux particuliers mais les administrations et les services publics réussissent à se faire entendre.

Cela ne dure pas, preuve en est la réponse de la mairie de Brest à un courrier de la caisse  de Sécurité Sociale le 23 mai 1947.

“Il n’est plus possible de prévoir la construction de baraques à usage de bureaux, tous les crédits étant réservés à l’édification de logements”.

Le 7 septembre 1947, il faut même l’intervention du directeur auprès de la mairie et de la sous-préfecture,  pour qu’un contrôleur, venu de l’Aber-Wrach avec sa famille, puisse être domicilié à Brest.

C’est pourtant, dans une de ces baraques, installées porte Fautras à l’Harteloire sur la zone des anciens “ glacis” que se rend “ le futur de la Sécurité Sociale”.

ON FAIT AVEC !

Elle se soucie de l’horaire, car au moindre retard, les sanctions peuvent tomber.

La journée sera longue, 9 heures d’amplitude : de 7h45 à 18h30 avec 1h45  pour manger le midi.

Mais, elle sait qu’elle a de la chance car, pour l’époque, le travail à la Sécu est bien rémunéré. Même si le travail ne manque pas, il profite malgré tout aux hommes qui sont embauchés pour leurs atouts physiques, nécessaires à la reconstruction de la ville.

Elle a été recrutée par la Sécurité Sociale, à la recherche de main d’œuvre. Et c’est souvent par relation ou envoi d’une candidature. Parfois même, après un examen qui comprend une dictée et du calcul.

Les conditions de travail dans les baraques sont difficiles, comme partout ailleurs. Il suffit donc de s’organiser en conséquence.

Et l’organisation, pour le moment à Brest, consiste à utiliser au mieux, la baraque en bois de la Sécurité Sociale.

 

La vie quotidienne dans les baraques. (Source C.A.P. Brest)


UNE BARAQUE ? PUIS DEUX ? ET PUIS TROIS…

La caisse s’étend et travaille avec les moyens du bord car le  provisoire va durer longtemps.

Un véritable village se crée. Il comptera jusqu’à 7 baraques en 1952. Des baraques d’une longueur de 7 mètres. Il y fait très froid l’hiver et trop chaud l’été. Les poêles à bois et à charbon, en forme de cœur, munis de tuyaux et plus tard, les radiateurs à gaz, ne suffisent pas à réchauffer l’atmosphère. C’est l’époque où Madame Blanchet-Magon, épouse du directeur, vient servir la soupe chaude en matinée.

Mais c’est aussi l’époque dangereuse où une explosion propulse le tuyau à l’extérieur de la baraque.

Une table est occupée par plusieurs personnes et les bureaux sont très proches les uns des autres. Conséquence directe : les employés sont à portée de main du chef. Pas besoin de se serrer pour résister au froid, tout semble prévu.   


La vie quotidienne dans les baraques. (Source C.A.P. Brest)

AIDE-TOI…

Les planchers en bois ne sont pas solides, ni parfaitement joints. Ils ne résistent pas aux lourds classeurs qui sont vidés chaque fois qu’il faut caler ou relever le plancher.

“Les filles s’arrachaient les omoplates à manipuler cela”, selon les témoins de l’époque.

La lumière est nécessaire toute la journée car la luminosité n’est pas suffisante.

Naturellement, les sanitaires sont à l’extérieur. Ceux de la gare ont d’ailleurs été utilisés un temps.

On ne peut s’empêcher de penser à la phrase d’un sergent S.S. rapportée par Olivier Jestin, ancien de la défense passive.

“Brest égale Cassino. Il ne restera pas aux Américains, un seul mur debout pour pisser”.

Les baraques sont seulement posées sur un terre-plein aplani par des engins.

La boue est omniprésente et lorsque survient une tempête, les tôles qui servent de toit s’envolent et laissent les archives entassées en soupente à l’air libre et à la pluie.

C’est l’époque héroïque où l’on obtient tout… de soi-même.

Chacun est vêtu d’une blouse, blanche pour les femmes, grise pour les hommes, payée sur ses propres deniers. Il en aura besoin pour la recherche des archives ou des dossiers, sur des étagères d’abord, puis dans les classeurs en bois lourds à déplacer.

Le tri se fait parfois par terre, faute de place.  

LES PIONNIERS

Dans un premier temps, on écrit avec un porte-plume trempé dans l’encrier. Le Bic sera pour plus tard. Il n’y a pas de machine à écrire et quand elles font leur apparition, elles sont déjà vieilles et usagées.

En l’absence de téléphone, un poste militaire récupéré est installé à la comptabilité. Le fil passait dans la soupente et en voulant le réparer, Monsieur L’Emeillat (fondé de pouvoir de l’agent-comptable) monte à l’étage, traverse le plancher peu fiable et reste pendu à un madrier au dessus des bureaux. C’est bien sûr le moment que choisissent le directeur et les administrateurs pour visiter les services. Les imprimés sont conçus par les chefs et réalisés par un ancien employé installé à son compte dans le quartier de Saint- Martin.

Quand à la formation, elle est assurée par le voisin de table. La culture est orale, le guide du guichetier et la nomenclature des actes professionnels feront leur apparition plus tard.

Ces conditions difficiles de travail ne manquent pas d’alerter Monsieur Floch, président du conseil d’administration, qui pense que cela peut favoriser l’absentéisme du personnel.

Aussi c’est sans regret qu’n 1952, la caisse de Sécurité Sociale déménage vers le Square Marc Sangnier.  


Le bureau d’accueil de Morlaix rue Ange de Guenisac. (C.P.A.M Brest -mars 1974).
Le Square Marc Sangnier. (C.P.A M Brest).

SI VERSALLES M’ETAIT CONTÉ

Du 17 au 26 octobre 1952, en partie à pied, chacun prend ses affaires et descend les 300 mètres qui séparent les baraques du nouveau lieu de travail, situé rue Jean Macé, en face de l’actuelle église Saint-Louis.

Ce bâtiment de trois étages, long de 100 mètres, provoque des réactions mitigées.

“Un grand bâtiment rectangulaire, gris, aux lignes sobres, mais un peu caserne”. 

C’est l’époque des sarcasmes et du “Sing Sing” brestois. Le changement apparaît total, chacun peut disposer d’une table ; armoires en fer, machines à écrire, machines à calculer apparaissent. Le confort est apprécié… à l’intérieur, car vu du dehors, les journalistes et l’opinion publique s’en tiennent à un vocabulaire plus désobligeant. Nous sommes passés des baraques à … la prison. Et que dire du “trou à rats”, nom de baptême donné plus tard au centre de Morlaix !

En Novembre 1952 dans le “télégramme”, on peut lire : “Tout de même… un bâtiment grand comme ça pour de la paperasserie et tant de logements qui restent à construire”.

Monsieur Fabre, secrétaire général, quand à lui, “a l’impression de rentrer dans un palais et d’être considéré”. Les goûts et les couleurs !

Extraits du “Chat rieur”, nouvelle série – n°-1 Mars 1953.

Extraits du “Chat rieur”, nouvelle série – n°-1 Mars 1953.

OFFRE D’EMPLOIS

On demande messieurs 35 à 40 ans, études secondaires, énergiques, dynamiques, dégagés de tout service militaire, pour ouvrir les portes de la Sécurité Sociale.

Grand avenir si costauds.

Toujours…

LE SIÈGE DE BREST

37 sièges à la mairie, et pas un en ville pour poser ses fesses, c’est un comble, remarquait mon ami Roger Le Gall, en quête d’un chalet, (1°) bécosse  la crise du logement et les besoins de l’heure.

 En ville, derrière la S.A.T.O.S., tu as le confort, c’est à cinq minutes, et je lui indiquai la route à suivre. 1° (Bécosse sanitaires). Peux pas, qu’il me dit, je suis raide. Je ne comprenais pas. Il me l’expliqua.

Tout se paye dans la vie même ce désir et pour le satisfaire il s’en coûte dix balles.  Je restai sceptique. Viens avec moi, tu jugeras par toi-même et tu paieras ma place.

J’y allai ; donnai un billet de 5.000 et pendant que la préposée allait faire la monnaie, je visitai l’établissement, Rien à dire, c’est comme un Palais des Mille et une Nuits, trop beau pour nous les prolétaires et, mélancolique, je pensai à tous les économiquement faibles qui n’avaient pas 10 francs, pour visiter une telle merveille, La deuxième merveille de Brest, après le bâtiment de la Sécurité Sociale.  

BELLEVUE, LE BIEN NOMMÉ

Le “palais” devient vite étriqué. En 1962, il est même envisagé de construire un étage supplémentaire mais les contraintes techniques y font obstacle.

L’idée d’une extension fait son chemin. Mademoiselle Mignot, cadre et militante C.F.T.C. propose la création d’un centre “Brest-Nord” à la Z.U.P. de Bellevue et en 1964, c’est Monsieur Prévosto, le président du conseil d’administration qui provoque le transfert des services généraux et de la direction dans les locaux du Télégramme, place Wilson.

Finalement les travaux commencent en janvier 1969 et se terminent en décembre 1970. L’inauguration des 12 niveaux a lieu le 3 avril 1971. Un seul reproche : “L’éloignement du centre ville”.

DES BARAQUES  À l’IMMEUBLE DE GRANDE HAUTEUR

“Qui n’avance pas, recule” dit le proverbe.

En 1995 débute le grand chantier de rénovation de l’immeuble du siège qui va durer 18 mois… si tout va bien.

En tout cas, à l’image des civilisations, l’Assurance Maladie est née comme une réaction à des contraintes extérieures, comme une réponse à un défi de tous les jours.   

Bellevue Siège Sécurité Sociale

1930

Loi sur les Assurances Sociales

LES ANCÊTRES :

Les Quatre Caisses existantes avant la guerre étaient d’inspirations différentes.   

.  Catholique pour la Caisse de l’Union Finistérienne (22 000 adhérents).

. Patronale pour la Caisse Primaire interprofessionnelle du Finistère (12 000 adhérents).

. Syndicat (CGT) pour la caisse Primaire “Le Travail” (8 000 adhérents).

. La Caisse Départementale recueillait enfin le reste des adhérents (164 000) puisque la liberté de choix était prévue par la loi de 1930.

    1941

Rapport du Conseil National de la Résistance et Rapport Laroque.

1945

4 et 19 octobre 1945 : Ordonnance créant le régime général de Sécurité Sociale

5 avril 1946 : Installation du Conseil d’Administration de la caisse de Sécurité Sociale du Nord-Finistère.

Le 5 avril 1946 à 14h30, Monsieur Chatillon, Directeur Régional des Assurances Sociales installe le Conseil d’Administration de la Caisse de Sécurité Sociale du Finistère Nord. Un Président est nommé : il s’agit de Monsieur Wasselet (CGT).  Le Directeur, Monsieur Blanchet-Magon sera désigné  le 17 Juin.

En application de l’ordonnance du 4 octobre 1945, La Caisse est née. Elle se dote de statuts que la tutelle approuve par arrêté ministériel du 6 juillet 1946 : la Caisse a désormais un état civil : Caisse Primaire de Sécurité Sociale du Nord Finistère (n°29B).  

M. Blanchet-Magon. (C.P.A Brest).
Papiers de la réunion.
10 juin 1946: Début de la reconstruction.
La rue Louis Pasteur à Brest, début 1945. (Source Archives municipales).

1946

13 juillet 1946 : Partage du Finistère entre les caisses de Quimper et de Brest.

Les frontières à déterminer entre Brest et Quimper

Le partage entre les deux Caisses du Finistère se fera le 13 juillets 1946 à l’occasion de la réunion des bureaux des Conseils d’Administration des deux Caisses. Comment répartir les 206000 adhérents que comptaient la Caisse Départementale (164000), l’Union Finistérienne Mutualiste (22000), la Caisse Primaire Interprofessionnelle du Finistère (12000), les caisses Primaires de travail (8000) ?

A partir du 7 juillet 1946, chaque Caisse prend en charge les assurés relevant de sa circonscription mais à l’époque le rattachement se fait selon le lieu de travail (et non le lieu de résidence) selon l’article 4 de l’ordonnance du 4 octobre 1945.

Les deux Caisses harmonisèrent à cette occasion leurs positions et les tarifs applicables (12F par jour en lit de médecine, 250f pour le “forfait pharmaceutique en maternité”).

Tout irait bien dans le meilleur des mondes si, dès le 20 août 1946, le Conseil d’Administration de la Caisse de Brest ne rectifiait pas les bases du partage global du patrimoine et des adhérents fixé initialement à 50% chacun, pour se transformer en 52,5% pour le Nord et 47,5%   pour le Sud.

Question d’importance puisque les dotations financières venant de la DRASS sont attribuées selon le nombre d’adhérents et dans un premier temps en 1946 selon le pourcentage discuté plus haut…

La réponse de Quimper ne tarde pas : elle propose à Monsieur Laroque, Directeur Général de la Sécurité Sociale en visite à Quimper le 13 août 1946 de rattacher la presqu’île de Crozon à la circonscription du Sud-Finistère… Brest s’en tient à la répartition fixée par l’arrêté ministériel du 16 janvier 1946.


La cathédrale Saint-Corentin à Quimper.
Le Pont National à Brest. (Source Archives municipales Brest).
Réunion de Bureau

1947                                                                                     1948

28 juillet 1947 : Explosion de Liberty à Brest              Création des sections Mutualistes

6 Février 1947 : Ouverture du centre de Morlaix

Qualifié de “trou à rats”

24 avril 1947 : Election des administrateurs.


L’Océan Liberty (Source Archives municipales de Brest).
10 décembre 1948:
La Déclaration Universelle des droits de l’Homme pose, dans son article 22, le principe suivant:
“ Toute personne en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et la coopération internationale, compte tenu de l’organisation et des ressources de chaque pays” .


FIAT LUX

Laser, B.O.M., I.R.I.S., Automac, P.M.F., SESAM, G.P.E.C., S.D.R.H.,… Derrière ces quelques sigles se cachent des organisations, de la réflexion et de l’abnégation. A entendre les anciens, peut-on aller jusqu’à comparer le travail dans des organismes sociaux à un sacerdoce ? Car Dieu sait qu’il en a fallu du courage pour reconstituer les fichiers détruits par les bombardements tout en continuant à payer les dossiers et ensuite pour passer des classeurs en bois aux micros ordinateurs.

En effet, ce n’est qu’en 1950 que le conseil d’administration décide qu’il est temps de réagir. Des moyens en personnel sont apportés. Des audits parisiens sont déclenchés, ce qui ne plaît pas à tout le monde. Malgré cette mobilisation, la débrouille reste encore le meilleur moyen de s’en sortir.

Il faudra attendre 1965 et Monsieur Tranvouez (nouveau directeur), pour commencer à sentir un léger frémissement d’organisation. Après tout va aller très vite avec de nouveaux moyens de paiement, comme le mandat Colbert. Et surtout la révolution informatique arrive en force ; c’est d’abord le lecteur optique puis LASER et les échanges magnétiques. Aujourd’hui, c’est le P.M.F., le fameux poste multifonctions, celui qui liquide plus vite que son ombre. Et demain SESAM-VITALE, les serveurs vocaux, les bornes interactives. Au bout du compte, nous avons traversé des tempêtes, les pires, celles du sang du siège de Brest, et les plus calmes, celles de la nécessaire adaptation aux nouvelles techniques.

Churchill avait promis du sang, de la sueur, et des larmes, sort applicable à toute entreprise humaine. Il ne sautait en être autrement pour la C.P.A.M. de Brest, surgie de la nuit du chaos.    

La vie au Square Marc Sangnier en janvier 1967. C.P.A.M Brest

La vie au Square Marc Sangnier en janvier 1967. C.P.A.M Brest
L’équipe de Direction : M. Blanchet-Magon, M. Fabre, M. Tranvouez (C.P.A. Brest).

AU BORD DE LA CRISE DE NERFS

Lorsque Monsieur Tranvouez est nommé directeur, onze circulaires paraissent le lendemain. Nous sommes en 1965 et l’organisation de la caisse va désormais se voir.

Jusque là, la reconstitution des dossiers, l’harmonisation, le classement des fiches provenant des caisses anciennes a été la préoccupation constante.

Il faut dire que les bombardements n’ont pas épargné les fichiers. Mademoiselle Le Scour (ancienne responsable de la division technique) se souvient : “trois jours après la reddition de Brest, nous sommes venus à pied de Pont-de-Buis. Et là, j’étais allée voir entre tous les débris, comment était le bureau. J’ai aperçu des dossiers qui étaient très bien mais aussi un Américain qui volait une machine à écrire”. Alors que faire des fichiers de formats différents, ficelés par paquets, sans intercalaires pour signaler chaque sortie ? Les pertes sont constantes, les recherches longues, fastidieuses mais elles doivent aboutir. Madame Le Roux (cadre au Centre-ville) précise “c’était un boulot de Titans” sur lequel on pouvait passer des journées entières.

Chacun se souvient de la mésaventure d’un administrateur de Saint-Pol-de-Léon qui envoi un dossier à la caisse.

Constatant qu’au bout d’un certain temps, il n’est toujours pas remboursé, il dépose une réclamation.

Aucune trace de son dossier ! La machine de guerre se met alors en branle. “Vous ne partirez pas tant que le dossier n’aura pas été retrouvé”. Les crises de nerfs sont évitées mais c’est de justesse. Tout le monde est convoqué à la Direction et les lettres d’avertissement ne manquent pas de suivre.

L’épisode est rapporté par Madame Le Roux et Monsieur Rubin (inspecteur accidents du travail) : quelques jours plus tard, l’administrateur retrouve le dossier dans sa poche.  

  LES DIX MERCENAIRES

A la suite d’une visite de trois organisateurs conseils de la F.N.O.S.S., ancêtre de l’union Nationale des Caisses de la Sécurité Sociale, il est décidé au conseil d’administration du 17 mars 1950 de mettre de l’ordre dans les fichiers.

On ne recule devant aucun sacrifice. Dix temporaires sont engagés pendant plusieurs mois en deux équipes de nuit, car le jour les fiches ne sont pas disponibles. Le travail avance, mais de façon empirique. “Il faut se mettre d’accord sur la façon de faire” précise Madame Le Roux. Mais les organisateurs conseils venus d’ailleurs sont loin de faire l’unanimité. Le personnel de la caisse ne les apprécie guère.

C’est l’époque où Monsieur Cyprien soutient une démonstration d’efficacité grâce à l’évocation du milieu marin. Un véritable chef d’œuvre à citer dans les grandes écoles. “Ce qu’un bateau peut transporter en sept jours aux Etats-Unis, sept bateaux peuvent le faire en un jour”.

L’organisation n’est pas visible, on pilote à vue et on pare au plus pressé. Les tentatives sont dérisoires ou tournées en dérision. Le système D fait loi, mais tient plus des délires d’un “géotrouvetout” que de l’analyse fonctionnelle.

C’est le cas de la création d’un système de transmission des dossiers avec machine tournée à la main du guichet vers la caisse. L’expérience est si concluante que le “machin” est abandonné sine die.

Malgré tous ces efforts, le retard est constant et nécessite des heures supplémentaires, fréquemment le samedi matin. La pression des assurés est forte, d’autant plus forte que le paiement au guichet est immédiat, tandis que le règlement par mandat est long. Cela peut aller jusqu’à trois mois. De ce fait, l’affluence au guichet est importante, “jusqu’à 800 personnes en raison d’une épidémie de grippe” se souvient mademoiselle Le Scour.    

Publicité de la société Log Abax-1960. (C.P.A.M Brest).

la mécanographie en 1969. ‘C.P.A.M Brest).
Extrait de convention collective. (C.P.A.M Brest)

ANCIENS MÉTIERS-NOUS HIER

Le déménagement au Square, en 1952, apporte sans doute une meilleure répartition des personnes dans des locaux plus spacieux.

Quatre machines “Burroughs” firent leur entrée en 1957 pour établir les décomptes. Les métiers sont très hiérarchisés. Il faut être mécanographe avant d’être liquidateur.

C’est l’époque des “fichistes”. Sortir des fiches et les reclasser tous les soirs, telle est leur fonction.

C’est l’époque des “francs-tireurs” du guichet, constitués de petites équipes, d’un contrôleur et de dactylos. Sans oublier les caissiers qui peuvent effectuer jusqu’à six cents paiements dans une journée et les “chèques postaux”, nom donné à ceux qui effectuent les paiements différés.

A l’heure du référentiel des emplois et du réseau internet, on ne peut s’empêcher de ressentir un brin de nostalgie. Pensez au veilleur de nuit, non chargé de rondes au coefficient 100 et au veilleur de nuit chargé de rondes au coefficient 115+5. Quelle est la différence en dehors des rondes, selon vous ? Simple et logique, le deuxième doit “ faire preuve éventuellement d’une certaine initiative”.

Citons aussi le garçon de courses cycliste, le surveillant aux portes et l’huissier. Ne vous trompez pas, le premier est chargé de la surveillance des entrées et des sorties, le deuxième est en uniforme ou en habit et son rôle consiste à recevoir le public et à l’orienter “avec tact et discrétion”.

Pensez aussi à l’extractrice débutante qui sort et classe les cartes perforées, au lecteur sur fiches Kardex, chargé de l’examen de la fiche familiale, à l’étampeuse qui utilise des machines électriques grand rendement au crachoiriste, préposé au service et nettoyage des crachoirs et surtout à la mécanographe débutante sur grosse machine.

Mais tout se précipite, les missions évoluent, puisque L’U. R.S.S.A.F. est crée en 1960 et se voit attribuer du personnel issu du service comptabilité de la caisse.



LE MANDAT COLBERT

L’expérience débute le 1er Octobre 1965. Le mandat Colbert améliore les délais de paiement et par voie de conséquence fait baisser la fréquentation à l’accueil.

Le matériel nécessaire est acheté, machine à établir les mandats, machine à gaufrer, machine à coller les enveloppes, et les moyens à la liquidation sont regroupés et concentrés.

Le succès est rapide et plus tard, on assistera au paiement par chèque ou par virement bancaire. Une convention est d’ailleurs signée en mai 1976 avec le crédit Mutuel de Bretagne.                         

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ELLE ARRIVE ? ELLE EST LA…

En 1976, l’informatique envahit la caisse grâce à la lecture optique relayée par le CETELIC (Centre de Traitement informatique) de Bretagne pour le paiement.

Le premier paiement a lieu le 21 octobre 1976. Cela permet une décentralisation des moyens et des centres. Mais avant 1976 et dès 1971 les projets vont bon train. Le projet initial prévoit quarante ordinateurs répartis sur tout le territoire puis trente cinq seulement, puis vingt six. La caisse de Brest a longtemps cru à l’implantation d’un CETELIC en son sein. Des dépenses et des travaux préliminaires ont d’ailleurs été engagés… pour rien.

Au bout du compte, un seul ordinateur est installé à Rennes au CETELIC de Bretagne.

Depuis 1976 et jusqu’en 1985, date d’implantation de système LASER, “liquidation assistée sur équipement réparti”, l’agent technique remplit de petites cases à l’aide de chiffres standardisés. Aujourd’hui encore, certains en gardent un mauvais souvenir, en raison de la fatigue visuelle et de l’intérêt du travail… à la baisse.  

     

Le mandat Sécurité Sociale payable dans 18 000 bureaux de Poste. (F.N.O.S.S-(C.P.A.M Brest).
Et l’interprète pour lecteur optique. (C.P.A.M Brest)
LA Carte VITALE (Lettre C.N.A.M-Mai 1995).
Les cadres de la C.P.A.M en Mai 1965. (C.P.A.M Brest)

ET ELLE FAIT PEUR, L’INFORMATIQUE

Cette évolution n’a pas manqué de provoquer des craintes pour l’emploi, malgré l’embauche de personnel pour la constitution de fichiers informatiques. On cite volontiers la phrase : “l’informatique, oui, mais pas au service du chômage”.

Des réticences apparaissent au sein même du conseil d’administration, comme en 1974 où on parle de “déshumanisation” de la Sécurité Sociale, en installant des “monstres” un peu partout.

Cette évolution varie dans le temps selon les services, la liquidation reste longtemps la seule concernée. Le bureau d’organisation et méthodes (B.O.M) joue également un rôle important dans cette évolution de la lecture optique vers LASER, puis dans les liaisons magnétiques des années 80, avec Feu-Vert et la carte multi – services.

Cela ne va pas s’arrêter car le projet SESAM-VITALE sera, on le suppose, prêt pour les générations futures.  

L’ÉVEIL DES CADRES

En parallèle à l’organisation et à l’informatique, l’évolution du rôle des cadres est importante. Leur travail axé sur la surveillance, parfois dans une cage de verre, sur la discipline, sur les horaires, s’accroît avec l’application progressive de textes de plus en plus nombreux.  La mise en place de moyens techniques évolués, la productivité, le rendement ou encore les “soldes” de dossiers sont pour longtemps des préoccupations quotidiennes accompagnées de demandes pressantes de personnel, de temporaires et d’heures supplémentaires. Il est même envisagé de rappeler les réservistes, pardon ! les retraités.

Enfin, un personnel de plus en plus nombreux les contraint à devenir des meneurs d’hommes et … de femmes.    

1949.              21 février 1949 : Reconnaissance de la dualité Caisse d’Allocations Familiales et Caisse de Sécurité Sociale.

1950. 1er  juin 1950 : Premier véritable concours de recrutement (réservé aux hommes).      

 1952. 27 octobre 1952 : installation de la Caisse au Square Marc Sangnier. Inauguration le 22 mars 1953.

1954. Février 1954 : Appel de l’Abbé Pierre en faveur des sans abri.  

Appel en faveur de l’Abbé Pierre
Le Square Marc Sangnier. (C.P.A.M Brest).

1960. 12 mai 1960 : Création des URSSAF. Pouvoirs propres du Directeur par rapport au Conseil d’Administration.

7 septembre 1960 : Visite à Brest du Général de Gaulle. (Photo Archives municipales).


Visite à Brest du Général de Gaulle. (Photo Archives municipales).


Visite à Brest du Général de Gaulle. Collection Georges Kévorkian

Visite à Brest du Général de Gaulle. Collection Georges Kévorkian


Visite à Brest du Général de Gaulle. Collection Georges Kévorkian
Visite du Général de Gaulle.

1962. 19 mars 1962 : Fin de la guerre d’Algérie.

1962

19 mars 1962 : Fin de la guerre d’Algérie.

1964. Diffusion par la FNOSS du 1er  Cours de Technicien.

20 mai 1964 : La durée hebdomadaire du travail passe de 45 heures à 43h45.

20 juin 1964 : Tabarly remporte la Transatlantique.

1965. Février : Mécanisation et utilisation du paiement différé (Mandat Colbert le 1er  octobre).

Février : Élection du Président de la République au suffrage universel.

Aménagement de l’île Longue par la par la Marine Nationale.

1967. Août 1967 : Le régime général de la Sécurité Sociale est réorganisé en trois branches gérées par des Caisses Nationales.

13 avril 1967 : La marée noire du Torrey Canyon.  


Révolte des étudiants

1968. Création du service médical de l’Assurance Maladie.

Mars : La caisse de Sécurité Sociale devient la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Nord –Finistère.

Mai 1968 : Révolte des étudiants.


Révolte des étudiants.

UNE CAISSE SOUS INFLUENCE

Ce n’est pas le titre d’un film mais la réalité de 50 ans de présence féminine à la C.P.A.M. du Nord-Finistère.

De sa création en 1946, à aujourd’hui, la Sécu n’a jamais vraiment attiré les hommes, qui après – guerre préféraient l’Arsenal militaire.

Faut-il y voir, a contrario, une prédilection des femmes pour le social ? Rien ne permet de l’affirmer, mais les faits sont là : des femmes, encore des femmes toujours des femmes, et si peu d’hommes recrutés.

Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il fut même fixé des quotas et des examens d’entrée furent réservés aux hommes.

Rien n’y fit ! Aujourd’hui 77 %  des agents sont des femmes. Une seule exception à ce tableau, la Direction qui depuis 1946, demeure exclusivement masculine.

Alors influence des femmes, c’est certain, mais seulement autour du pouvoir.

Cela ne les a cependant pas empêchées de laisser une empreinte essentielle qui fait que la C.P.A.M. de Brest est ce qu’elle est aujourd’hui.

Et dans les couloirs, flotte toujours ce fameux parfum de femmes cher à Dino Risi.

Hommage leur est rendu, ce n’est que justice.

Les Femmes À la manœuvre
Des employées de l’union Finistérienne Mutualiste en Avril 1945. (C.P.A.M Brest).


Les Femmes À la manœuvre


Des employées de l’union Finistérienne Mutualiste en Avril 1945. (C.P.A.M Brest).

UNE CAISSE SOUS INFLUENCE

Ce n’est pas le titre d’un film mais la réalité de 50 ans de présence féminine à la C.P.A.M. du Nord-Finistère.

De sa création en 1946, à aujourd’hui, la Sécu n’a jamais vraiment attiré les hommes, qui après – guerre préféraient l’Arsenal militaire.

Faut-il y voir, a contrario, une prédilection des femmes pour le social ? Rien ne permet de l’affirmer, mais les faits sont là : des femmes, encore des femmes toujours des femmes, et si peu d’hommes recrutés.

Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il fut même fixé des quotas et des examens d’entrée furent réservés aux hommes.

Rien n’y fit ! Aujourd’hui 77 %  des agents sont des femmes. Une seule exception à ce tableau, la Direction qui depuis 1946, demeure exclusivement masculine.

Alors influence des femmes, c’est certain, mais seulement autour du pouvoir.

Cela ne les a cependant pas empêchées de laisser une empreinte essentielle qui fait que la C.P.A.M. de Brest est ce qu’elle est aujourd’hui.

Et dans les couloirs, flotte toujours ce fameux parfum de femmes cher à Dino Risi.

Hommage leur est rendu, ce n’est que justice.

UNE PRÉSENCE FÉMININE BIEN MARQUÉE

Depuis le 6 juillet 1946 et jusqu’à aujourd’hui, la C.P.A.M. du Nord –Finistère a toujours montré un visage féminin, héritière en cela, des organismes indépendants de la période des assurances sociales.

Entrée en 1929 à la caisse interprofessionnelle, Mademoiselle Le Scour en est le témoin. Elle, qui se souvient n’avoir eu sous ses ordres que des femmes, et ce jusqu’au début des années 50.

Néanmoins, même si aujourd’hui, la forte féminisation de la Sécurité Sociale, atteint des sommets, 77 %  à Brest, ce n’est pas un phénomène récent. Cela reste une constante de l’histoire locale d’après-guerre.  

 LA RECONSTRUCTION, UNE AFFAIRE D’HOMMES

Brest meurtrie, Brest détruite, mais… Brest libérée. Le 18 septembre 1944, lors de sa libération, la ville n’est plus qu’un champ de ruines.

Les hommes tous les hommes participent à la reconstruction. C’est probablement une des raisons de leur désaffection pour la Sécu. Et pourtant, les salaires sont considérés comme attractifs, dans le cadre d’une convention collective en avance sur son époque.

Mais sans doute, préféraient-ils aussi les “postes d’Etat” offerts par l’Arsenal militaire.  

A LA RECHERCHE DE L’ÉQUILIBRE

Pour faire face à ce “péril féminin”, les grands moyens sont mis en œuvre en 1950 et 1951, par le conseil d’administration et ce, malgré les protestations de ceux qui y voient une discrimination sexiste. Il est décidé de réserver l’entrée à la C.P.A.M. de Brest, aux hommes seuls.

Quand on sait que pour certains concours, la liste des admissibles restes valables pendant plusieurs années, il est facile d’imaginer l’importance de ce choix. En effet, en 1956, sont recrutés des hommes qui ont passé le concours en juin 1951, et en 1970, ceux qui se sont présentés en 1963 !  

 

Mais les résultats sont au rendez-vous. En 1956 est enregistré le plus fort taux de présence masculine, de toute l’histoire de la C.P.A.M. : 47%.

UNE FEMME CONTRE LES FEMMES

Mais, pour ceux qui pensent que l’équilibre d’une balance est à 50/50, cela ne suffit pas. En mai 1951, Mademoiselle L…, administrateur, propose des mesures plus radicales.

“Est-il possible d’envisager ou de prévoir en cas de mariage et à condition que le salaire du mari soit suffisant, l’obligation pour les femmes de quitter leur emploi”.

Cette proposition rencontre un écho si favorable auprès des élus qu’un vœu officiel est immédiatement adressé à la F.N.O.S.S.

Le but de l’opération : lever l’ultime obstacle que représente la convention collective, en demandant une modification.

Mais la manœuvre échoue et le taux de féminisation remonte inexorablement, passant de 70% en 1960 à 75% dans les années 90.

LA FEMME EST L’AVENIR DE L’HOMME

Alors pourquoi cet acharnement à contrecarrer les phénomènes naturels d’attirance des femmes pour le social ? Le directeur de l’époque y répond, en avançant : “ Le souci d’assumer la bonne gestion et la bonne marche de la caisse”. L’argumentation est imparable quand il précise que “pourcentage d’absentéisme… est de 5,54% pour le personnel masculin et de 13,42% pour le personnel  pour le personnel féminin”.

C’était dans les années 50 !

La maternité et son cortège de congés font peur aux gestionnaires. Il devient d’ailleurs délicat d’annoncer à sa hiérarchie, un futur heureux événement  “Vous, à votre âge !” Et Mademoiselle Le Scour de préciser : “Au 1er  juillet 1946, elles avaient le même âge ; il y avait beaucoup de mariages et après c’étaient les naissances, Jusqu’à  dix naissances en même temps”. Les accords de juin 1968, qui créent les 12 jours pour congés “enfants malades” compliquent encore plus la situation.

Enfin, à partir de janvier 1977, c’est le développement du temps partiel, qui bénéficie surtout aux femmes, mères de famille.

Le Personnel au Square Marc Sangnier. (C.P.A.M Brest).
Note

UNE NOTABLE EXEPTION

Les femmes occupent toutes les fonctions, sauf celles de direction. En 50 ans d’histoire, l’âme féminine ne réussit pas à envahir la liste des dirigeants, faute de candidates.

Cela n’empêche pas les personnalités affirmées de peser lourdement sur les destinées de la C.P.A.M. Parmi celle-ci, Mademoiselle Mignot “Une maîtresse femme”, militante C.F.T.C : “tu vas faire comme ça” disait-elle au président de l’époque, et Mademoiselle Le Scour, personnage clé de la fusion, qui dirige la division technique “L’infanterie” selon le mot de Monsieur Blanchet-Magon, Jusqu’en 1972.

Incontestablement, à cause ou grâce à ces obstacles qui marquent l’évolution d’une société, l’histoire de la C.P.A.M., c’est une histoire de femmes.    

LES PRÉSIDENTS DE LA C.P.A.M DU NORD-FINISTÈRE

5 avril 1946 : M. Wasselet  (C.G.T.)

23 août 1948 : M. Plougoulm  (C.F.T.C.) 

8 juin 1950 : M Floch  (C.F.T.C.)

29 novembre 1955 : M. Quentric  (C.F.T.C.)

9 novembre 1967 : M. Prevosto (Employeurs)

19 octobre 1983 M. Perrot  (C.G.C.)

Avril 1991 : M. LE Bail  C.F.D.T.)

1969

1er  janvier 1969 : la durée hebdomadaire du travail passe à 41h15.

2 février 1969 : Le Général de Gaulle annonce le désenclavement de la Bretagne.

1970

15 décembre 1970 : Installation de la Caisse à Bellevue, inaugurée le 3 avril 1971.

Le temps des baraques

La caisse de Bellevue

1971

1 er janvier 1971: La durée hebdomadaire du travail passe à 40 h..

Février 1971 : Première convention nationale avec les médecins

La convention


1972 :   Les retraites complémentaires sont désormais obligatoires.

1974 : Nouvelle classification du personnel.

28 février 1974 : Expérimentation de l’horaire variable (généralisé le 10 juin 1974).

1975 : Adhésion à l’Union Régionale pour la formation et le perfectionnement.

L’avortement devient légal.

Mme Simone Veil

1976 : Implantation du  Cetelic à Rennes.   

Mai 1976 : Paiements par virements bancaires.

 4 mai 1976 : Classification des Cadres.

21 octobre 1976 : information : premiers paiement par système de lecture optique.

1977 : Janvier 1977 : Introduction du temps partiel.

1978 : Classification des Agents de Maîtrise.

Création de l’assurance personnelle.

LES DIRECTEURS DE LA C.P.A.M DU NORD FINISTÈRE

17 Août 1946 : M. Blanchet-Magon

1er  juin 1965 : M. Tranvouez

7 avril 1975 : M. Le Loupp

14 mars 1983 : M. Goldie.

1er novembre 1988 : M. Perennes

  1er  mai 1990 : M.Robelet

DRÔLE D’ENDROIT POUR LES RENCONTRES

Avec Numeris, Internet, les téléphones cellulaires et le fax portable se développent les technologies du futur. Alors si vous évoquez avec les plus jeunes, les guichets avec paiement en espèces, vous risquez d’être regardé comme un vélociraptor échappé de Jurassic Park. Et pourtant la communication avec les assurés sociaux est née de là, les yeux dans les yeux. Avec il est vrai, ses files d’attente, ses cris, parfois ses insultes mais aussi ses remerciements et même ses petits cadeaux. L’accueil “à l’ancienne” c’est ce qui fait la différence entre un kig-a-Farz et une carotte râpée façon nouvelle cuisine. L’accueil, c’est l’Agora, celle de l’antiquité grecque. Ou plutôt qu’agora, une cour des miracles, une cour où l’on rencontre des clochards, des personnages hauts en couleur, parmi les assurés, mais aussi parmi le personnel de la caisse. Cette promiscuité ne doit pas faire oublier l’exigence bien comprise du service à rendre et les qualités humaines et techniques des spécialistes de l’accueil. Ceux là ont tout vu, tout connu, une expérience professionnelle en accéléré, difficile mais gratifiante.

Et puis, les orientations changent. L’accueil devient itinérant, d’abord avec un véhicule puis fixe dans les mairies. Avec cette formule éclatante “un pas de plus pour nous ! des pas en moins pour vous !” 1983, connait la décentralisation à Morlaix, Landivisiau, Landerneau et Lesneven. En 1985 LASER débarque avec un système dit de “banalisation” des dossiers. Cela ne dure pas, les années 1990 connaissent le retour en force de la personnalisation avec la gestion par portefeuille  d’assurés. Un retour aux valeurs. Les professionnels de santé sont également concernés et la caisse va plus loin en créant les délégués auprès des professions de santé. Au fil du temps, d’inexistants, les rapports avec ces professionnels sont devenus tendus avec l’apparition des conventions et donnent l’image d’une guerre de position, une image présente encore aujourd’hui.  

       

L’accueil à Bellevue. (C.P.A.M Brest-1994).

Tract (C.P.A.M Brest: “Ne piétinez plus, gagnez du temps en utilisant le mandat Sécurité Sociale.”

LA COUR DES MIRACLES

Notre premier interlocuteur est la cohue, le grand nombre dans sa diversité et son impatience. La durée de l’attente était telle, deux heures et plus en 1955, que l’accueil devenait installation y compris par les clochards. “L’été, il y avait des puces, on marchait dans les puces” raconte Monsieur Bernicot, (cadre des services techniques) qui ajoute “il y avait même des clochards, ils séchaient leurs serviettes sur les radiateurs”.

L’attente, la queue au guichet, légende de la Sécu, est réelle. Et pourtant, le rendement est fort honorable. “On était assez rapide, 120 décomptes par jour” rappelle Madame Le roux, guichetière à l’époque. Monsieur Rubin n’est pas en reste quand il annonce “600 paiements par jour quand j’étais caissier”.

Mais, rien n’y fait, les protestations fusent, la violence parfois éclate dans la fureur et le bruit. L’ambiance est électrique. Des personnages hauts en couleur, surgissent de la mémoire et rythment la vie à l’accueil.

TROIS PERSONNAGES EN QUÊTE D’AUTEUR     

“La terreur du polygone”, un homme, un vrai, un tatoué, ancien de la Légion Etrangère, a pour fâcheuse habitude de venir crier à l’accueil, car on refuse de le rembourser. La raison en est simple, il ne possède aucun papier d’identité. Le souvenir de ses passages répétés a marqué Mademoiselle Le Scour qui un jour voit arriver l’épouse de la “terreur”,  venant chercher son homme.

Et puis “ l’assuré et la guillotine”, autre personnage en colère qui passe la tête par l’ouverture du guichet, sans doute pour mieux vitupérer. Il tambourine du poing sur le comptoir, tant et si bien que le système de fermeture, “la guillotine”, se met en branle et lui coince la tête… Enfin “l’horloge et l’assuré”, un homme de la caisse, guichetier de son état, précis, méticuleux, ayant le sens de la répartie et du service public. Il n’a qu’un seul défaut, au regard des assurés, il “remonte” fréquemment le mécanisme de sa montre, une Lip, sur le comptoir. Cela ne manque pas d’excéder les clients à qui il réplique du tac au tac, en montrant le panonceau “ renseignements”, “je suis là pour vous renseigner, et si vous me demandez l’heure, comment je fais ? ” Imparable, n’est t’il pas ?

AU SERVICE DE LA CLIENTÈLE

Mais cette fois encore, ce serait oublier que les “clients”, puisqu’à l’époque, les agents les nomment ainsi, choisissent leur interlocuteur au guichet. A ce propos, d’une dizaine de guichets et deux caisses à l’époque des baraques, nous sommes passés, au square Marc Sangnier, à vingt guichets, trois caisses puis quatre.

Vous connaissez la suite, le paiement au guichet a été supprimé même si dans les hautes sphères des décideurs de l’Assurance Maladie, l’idée d’un retour fait son chemin, précarité oblige. Ces clients sont donc choyés, Madame Le Roux utilise le vocable “client attitré”.

“ Les bouquins pharmaceutiques étaient compulsés, il n’y avait pas de vignettes pharmaceutiques à l’époque”. Monsieur L’Emeillat se souvient aussi d’une petite dame, perdue dans la foule du hall d’accueil, avec à la main son médicament sur lequel est collée la vignette, disposition toute récente.

Les clients ont le temps, alors ils se racontent leur vie pendant que leur décompte s’établit. Et l’on assiste à cette scène, où une assurée raconte son malheur à l’accueil. Son mari est décédé, ce qui n’empêche pas l’employée, débordée, prise par son travail de lui répondre “ ce n’est pas grave madame…”.     

Photo du Haut . Hall du public au square marc Sangnier. C.P.A.M ).Brest
Photo Bas à droite L’accueil au temps des baraques. (C.P.A.M Brest).


Une Citroën d’anthologie. (C.P.A.M Brest 1965).

LE SENS DU CONTACT

Et pour certains, il faut bien essayer de passer plus vite, d’obtenir que le dossier reste au-dessus de la pile à traiter par le contrôleur. 

D’autres, pincent leurs enfants afin que les pleurs leurs permettent d’avancer dans la file d’attente. 

Tous les matins, c’est l’assaut. Les gens sont agglutinés aux grilles et c’est la ruée dès l’ouverture des portes.

Malgré tout, pour beaucoup, cette période demeure heureuse. A écouter Madame Le Roux, on se surprend à rêver. “ C’était ma période préférée, pourtant c’était usant. Malgré le rendement, il y avait une solidarité énorme entre les employés. Les gens avaient besoin de dire, de parler”.

Et aujourd’hui encore, Madame Le Roux est reconnue dans la rue par ces habitués du guichet.

HAUT LES FLINGUES 

Les choses évoluent grâce au téléphone, au mandat Colbert et au virement. Mais il ne faut pas oublier que le paiement au guichet n’est pas de tout repos.

L’insécurité est ressentie lors du transport des liquidités par les caissiers, jusqu’à la Trésorerie Générale. Les valises comportent un système sonore de bagues antivol qui se déclenche si le convoyeur lâche la poignée.

Le problème est jugé si important que les caissiers détiennent un revolver 6.35. L’agent comptable quand à lui, possède un 7.65.

Et alors on se retrouve dans un polar de série B. Des séances de tir s’organisent sous le contrôle de la police et dans les sous-sols de la caisse. Les réserves du concierge sont souvent prises pour cibles, mais la maladresse prévaut. Les rois de la gâchette ne sont pas légion. Un jour, un employé abat une petite bouteille. Justice lui soit rendue, il avoue : “c’était par inadvertance”.

Ce haut fait d’armes reste cependant gravé dans les annales de la caisse.  

HORS DE NOS MURS

Puis la décentralisation prend son envol. Elle s’est d’abord exprimée par la création des bureaux de Morlaix et de Landerneau,  puis par la nomination de correspondants locaux  et de correspondants  d’entreprise. Ceux-ci servent à la fois à la transmission des dossiers mais aussi au paiement des prestations.

Cette expérience a une fin pour les premiers le 1er  janvier 1966, à l’exception insulaire d’Ouessant. Les correspondants d’entreprise,  quand à eux, poursuivent leur activité jusqu’en 1990. Mais la décentralisation s’exprime aussi par la circulation d’un véhicule aménagé, dans la région morlaisienne puis à Brest.

Une tournée inaugurale a lieu en novembre 1965, dans une splendide camionnette, une Citroën 11 CV. Un programme détaillé précise les heures d’arrêt du véhicule en chaque point des environs de Morlaix.  Cela ne dure qu’un an jusqu’à la fin de 1966. Une simple Renault fourgonnette circule alors à Brest.

Par la suite, les permanences deviennent fixes, d’abord dans l’arrondissement de Morlaix, puis à Brest et dans le canton de Crozon.  

LE SERVICE RENDU A L’ASSURÉ

Un objectif : éviter l’anonymat dans le règlement des dossiers et la dématérialisation des relations avec nos clients ou nos assurés. La densité de ce réseau sera un sujet de discussion  régulier en fonction des moyens financiers disponibles, des effectifs nécessaires et des besoins de la population. Les effectifs sont toujours insuffisants, la pénurie est quasi endémique. Il est même envisagé en 1963 de rappeler les retraités. C’est l’économie de guerre.

Pour les “clients”, c’est le souci d’humanisation qui prime. C’est un objectif national Lancé en 1963 par le ministre du travail, Monsieur Grandval, qui vise à parfaire l’accueil des usagers et à accélérer la liquidation des dossiers.

Le Centre de Morlaix. (Le Télégramme, 24 Août 1983). Et le Centre de Landivisiau (C.P.A.M Brest-1993).
Bureau de Landerneau (C.P.A.M Brest). Et Morlaix (C.P.A.M Brest).

LES GRANDS TRAVAUX

La caisse s’installe à Bellevue en 1971, tout en conservant les locaux du Square Marc Sangnier dont elle est propriétaire. Aujourd’hui  encore dans l’esprit des Brestois, la Sécu c’est au centre ville. Il faut dire que les services des relations avec les assurés y fonctionnent à plein et que s’y greffent le service médical et le service social.

Dès 1983 et jusqu’en 1986, la caisse investit dans la pierre et fait le pari de rapprochement avec les usagers. Morlaix, Landivisiau, Landerneau et Lesneven naissent à leur tour avec le même objectif, améliorer la qualité du service rendu en privilégiant le rapprochement du personnel de la caisse  et des assurés sociaux. Viennent plus tard, les tentatives de relations avec les professionnels de santé.

LE MUR DES LAMENTATIONS

Les relations avec les professionnels de santé se vivent de façons plus épidermiques. Beaucoup d’agents ont une conscience aigüe des dérapages ou des abus et surtout de l’impuissance de la caisse à agir en ce domaine. Toute bonne volonté, toute velléité, sombrait systématiquement dans le recul, de peur d’avoir des ennuis et dans le but de conserver de bonnes relations à tout prix au niveau de la direction ou du conseil d’administration.

Les retraités gardent au fond d’eux-mêmes ce sentiment confus d’être incompris. C’est “le camouflage de la vérité sur la sécu”, “personne n’ose dire” et “la sécu n’est pas assez défendue”, Ces mots résonnent aujourd’hui dans le vif de l’actualité.   Ils ont au moins le mérite de clamer haut et fort une appartenance aux mêmes valeurs de solidarité et de montrer l’attachement du personnel à une institution  souvent ballottée mais qui ne coule pas. Mademoiselle Le Scour qui est passée à travers ces orages se souvient “chaque fois que l’on avait dit quelque chose de travers, on était appelé à la direction, car les médecins venaient réclamer”.  

OPÉRATION MAINS-PROPRES

La caisse connaît des difficultés à se faire respecter. Elle s’adresse souvent à un mur en demandant à l’Ordre des médecins d’intervenir ou à un directeur d’hôpital qui ne veut pas se mettre à dos le corps médical. Monsieur Bernicot, fort de ses responsabilités syndicales, fait état de son découragement après les actions menées sans résultats auprès du corps médical.

Et pourtant chacun connaît des affaires qui ont marqué la vie de la caisse mais la longueur de la procédure ternit l’efficacité des moyens engagés. A partir de plusieurs exemples, s’instaure une véritable croyance entretenue bien sûr par les tarifs choisis et prélevés par les professionnels de santé et toute affaire qui ne connaît pas de sanctions.

Monsieur Fabre, secrétaire général, témoigne de cet état d’esprit en narrant une affaire qui lui a “donné chaud”. J’ai défendu le dossier malgré des pressions et j’ai remporté l’affaire, j’étais content quoi ! Tout le monde en parlait dans la maison ”. Au bout du compte, le professionnel de santé a été condamné  à un an de suspension  au motif d’exercice contraire à la probité et à l’honneur professionnel.    

UN PRÊTÉ POUR UN RENDU

Le développement en 1989 de la fonction maîtrise des dépenses a été accueilli avec scepticisme ou incrédulité. La conviction est désormais enracinée : mieux vaut agir seuls et vivement qu’attendre la bonne volonté de nos partenaires. Et de regretter le temps des conventions individuelles pour les médecins… puisqu’après tout, nous leur servons un revenu et même le paiement de leurs cotisations. Ils nous le rendent bien, l’exemple qui suit est symbolique, Lors de la parution des décrets du 12 mai 1960, les médecins du Finistère décident de faire grève administrative pour protester entre autres motifs contre les nouveaux tarifs imposés. Et l’on peut lire dans la presse locale des 25 et 26 Mai 1960, une déclaration fracassante du syndicat des médecins du Finistère :

Campagne de communication : “La Sécu c’est bien, en abuser ça craint”. (C.P.A.M-Août 1992).
Hôpital de la Cavale Blanche à Brest (C.H.U Brest).
L’Hôpital Augustin Morvan à Brest. ( Archives).

“Quand les employés des caisses de Sécurité sociale font grève, les guichets sont fermés. Les assurés sociaux attendent leurs remboursements et les centrales syndicales ne versent pas de larmes sur le sort des malades privés de ressources… Si l’action n’aboutit pas, il restera au gouvernement  une dernière solution : La médecine nationalisée, fonctionnarisée, réglementaire, gratuite et obligatoire avec les quarante heures, les heures supplémentaires, les congés payés, la retraite… le marché noir ! Le pays aura la médecine qu’il mérite”.

35 ans, plus tard, toutes les solutions ont-elles été explorées ?

Création de conventions avec le Syndicat des Médecins.

1981 : Actions de dépistage bucco-dentaire.

1er  novembre 1981 : la durée hebdomadaire du travail passe à 39H.

1982 : 14 août 1982 : Loi dite Auroux sur l’expression des salariés.

1983 : Budget global du C.H.U.

1er  septembre 1983 : Centre de paiement à Morlaix.

Centre de Morlaix

1er  novembre 1983 : Centre de paiement à Landivisiau.

Centre de Landivisiau

1985 : 1er  Avril 1985 : Centre de paiement à Landerneau.

Centre de Landerneau.

1985 : Démarrage de Laser. 21 juillet 1985 : Hinault gagne le Tour de France pour la cinquième fois

1er  juillet 1985 : Premières liaisons magnétiques avec les professionnels de santé Télématique interne et externe.

1er  avril 1986 : Centre de paiement à Lesneven

Centre de paiement à Lesneven.

1987 : 17 octobre 1987 : Un ouragan dévaste la Bretagne.

Ouragan Bretagne

Ouragan Bretagne

1988 : Action de dépistage des cancers colo – rectaux.

1989 : Création d’une cellule de gestion des risques (C.G.R) qui a pris le relais de la C.A.G.I (Cellule d’Analyse de Gestion et d’Information) créée en 1979.

1992 : Brest 92 rassemblement de vieux gréements.

Fête Maritime. Vieux gréements

1993 : Nouvelle Classification pour le personnel.

Novembre : Création de l’antenne contre l’exclusion sociale à Brest.

Crise de la pêche

1994 : Installation des premiers P.M.F (Postes Multi – Fonctions).

Crise de la pêche en Bretagne.

L’HISTOIRE, LA VRAIE
Dès 1946, les caisses interprofessionnelles arrivent avec cinq agents de direction. C’est deux de trop ; dit la tutelle. Nous les gardons ; dit le conseil d’administration avant finalement de se résoudre à s’en séparer. Procès, appel, re procès… Mais qui s’en  souvient aujourd’hui ? Cinq ans plus tard, ce sont les mutualistes qui revendiquent leur existence dans le Nord Finistère. Il faut les reconnaître dit la tutelle. Nous n’en voulons pas ; dit le conseil d’administration avant finalement de se résoudre à donner son accord. Mais qui s’en souvient aujourd’hui ? Personne à l’exception des militants d’une Sécurité Sociale à régime unique.
Neuf ans plus tard, le conseil d’administration perd le pouvoir. C’est l’avènement du pouvoir partagés avec le directeur, en vertu du décret du 12 mai 1960, toujours en vigueur. Mais qui s’en souvient aujourd’hui ? Personne à l’exception des conseils et des directions.
En quatorze ans nous sommes passés de l’idéal social aux nécessités de la gestion. Tant pis pour les pionniers et les fervents défenseurs de l’institution Sécurité Sociale. Mais l’histoire, la vraie celle des hommes qui font l’entreprise et qui souvent subissent les règles des pouvoirs en place, c’est le refus des “ heures sup”, du “toujours plus avec toujours moins”, ce sont les bagarres syndicales et les revendications “légitimes”.
L’histoire, la vraie, c’est pouvoir choisir l’organisation de sa journée grâce à l’horaire variable et c’est d’une importance vitale  dans une entreprise où les femmes sont majoritaires. Des esprits chagrins disent que l’horaire variable a tué les relations individuelles, la vie de l’entreprise. N’est-ce pas plutôt l’évolution inéluctable de toute société humaine, le regret d’une époque où tout simplement “on était jeune”, une époque dont nous ne conservons que les meilleurs moments “ l a nostalgie du bon vieux temps”.
 
Ouest- France du 24 mai 1995. Une manifestation nationale du personnel de la Sécurité Sociale
Presse

LE  CONSEIL D’ADMINISTRATION FAIT DE LA RÉSISTANCE

Dès 1946, la tutelle fait remarquer un nombre trop élevé d’agents de direction. Encore faut – t’il choisir ceux qui doivent abandonner leur poste. C’est long et douloureux et cela alourdit le climat des discussions au sein du conseil d’administration pendant plusieurs années.

Après avoir d’abord refusé d’obtempérer, le conseil d’administration lors de sa séance du 14 février 1949 accepte le principe d’une réduction de 5 à 3 membres de l’équipe de direction. Ce qui doit arriver, arrive. Lors du conseil  d’administration du 11 octobre 1950 Monsieur Edern, directeur adjoint et Monsieur Bechen, sous directeur sont licenciés. Mais cette décision est contestée avec succès par les intéressés et au bout du compte, le conseil d’administration de l’époque voit son mandat expirer sans avoir conclu l’affaire.

Et c’est au nouveau conseil d’administration  de procéder aux licenciements après que le directeur ait été incité à se positionner   sur le nom des partants.

Toute cette affaire est qualifiée de“ triste”, non sans arrière pensée politique ou syndicale. Aussi étonnant que cela paraisse, elle a eu peu d’impact sur le personnel. Elle a par contre marqué certains agents de direction de l’époque. Cet épisode révèle les divergences au sein du conseil, mais il montre surtout les difficultés d’organisation  à la naissance de la caisse et l’indépendance de l’organisme vis – à – vis de la tutelle, puisque la caisse fonctionne pendant quatre ans avec cinq membres de direction, en tout illégalité. Le pouvoir est jalousement gardé. Pas pour longtemps car l’assaut est proche.   

LA FORTERESSE ASSIEGÉE

La création des sections mutualistes et le transfert à leur profit de milliers d’assurés, fait resurgir aussi beaucoup d’amertume et  la “bagarre” est terrible. La Sécurité Sociale, conquête ouvrière, devient pour les délégués du personnel, en particulier, une forteresse assiégée. Après la faillite du régime unique, le régime général perd de sa substance. “On nous mange notre pain blanc” disait Mlle Quelen (cadre des prestations). Et Monsieur Bernicot de renchérir : “La loi du 22 mai 1946 n’a jamais été appliquée. Nous les syndicalistes, on était des militants de la Sécurité Sociale et du régime général”. Même son de cloche chez le personnel pour qui la création des mutuelles, c’est une “partie du boulot qui part”. La M.G.E.N. ouvre la brèche en juin 1951, malgré la résistance farouche du conseil d’administration.  En dépit des avis de la D.R.A.S.S. et des arrêtés ministériels annulant ses décisions, le conseil d’administration refuse la création d’une section locale de l’enseignement. Le 26 juin 1951, Monsieur Denis, responsable de la  MG.E.N. Affirme que “la caisse primaire du Nord-Finistère était la seule caisse en France qui n’ait pas accepté l’institution d’une section locale de l’Éducation  National”. Finalement le bureau du conseil d’administration donne son accord. La mutuelle Marine va suivre, et c’est peut être 10% des assurés sociaux qui sont transférés. Les dossiers portent un cachet daté du 16 décembre, date du départ, “le sceau de l’infamie” selon Monsieur Bernicot.

LE VER EST DANS LE FRUIT

De pouvoir jalousement gardé, nous allons vers un pouvoir difficilement partagés. La longueur des débats au conseil d’administration relatifs au sort des agents, les interventions syndicales concernant les personnes, l’organisation à mettre en place,  aboutissent à un encombrement de l’ordre du jour du conseil. L’importance des effectifs et la taille de l’entreprise elle-même, mettent un terme aux principes du bon sens qui président à la gestion des affaires en 1950. Arrive alors le fameux décret du 12 mai 1960 qui confie au directeur le pouvoir de gérer seul le personnel et l’organisation interne. C’est un énorme changement et ce que la démocratie  y perd,  l’efficacité de la gestion le gagne avant même la mise en place de l’informatique. La stratégie syndicale doit également s’adapter au changement d’interlocuteur et le personnel s’éloigne des administrateurs pour se tourner “à découvert” vers la direction au travers du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Le mouvement de l’idéal social vers les nécessités de la gestion, rejaillit également sur la tutelle renforcée vis-à-vis des conseils d’administration puis des directions. Celle-ci se relâche en s’orientant vers le contrôle a posteriori plutôt qu’a priori et finalement se déplace aujourd’hui des D.R.A.S.S. vers la Caisse Nationale d’Assurance Maladie en matière budgétaire notamment. Mais les crises et les étapes n’ont pas concerné que le conseil d’administration et les directions ou la tutelle.   

Le Télégramme 27 septembre 1973.

Note de service

“NON AUX HEURES SUP”

La première cause des heurts est le retard dans les règlements et par conséquent l’obligation  du recours aux heures supplémentaires. Travailler 45 heures par semaine suffit, le travail obligatoire le samedi est mal vécu et donne lieu à des réactions nerveuses, à des cris, à des faces à face tendus et même à des refus clairs. 

En septembre 1962, en raison d’un solde de dossiers important, la direction veut imposer des heures supplémentaires, deux samedis de rang. Le personnel, soutenu par les organisations syndicales refuse massivement d’obtempérer puis est convoqué individuellement devant l“ aréopage de la direction” se souvient Monsieur Rubin.

La scène qui a fortement marqué les esprits est à peu près celle-ci. L’agent se tient debout, les mains derrière le dos, face aux membres de la direction. Monsieur Blanchet – Magnon entame le dialogue. “ Monsieur x, vous avez refusé de faire des heures supplémentaires, pouvez- vous m’expliquer pourquoi ?” . Réponse de l’agent : “par solidarité avec l’ensemble du personnel”. Sentence du directeur “ ceci constitue un manquement à la discipline et je vous en avertis. Tout est bien qui finit bien et tous les avertissements sont ensuite supprimés à Noël de la même Année”. Mais le recours  aux heures supplémentaires perdurera avec il est vrai des aménagements en particulier le paiement des dossiers effectués…chez soi… parfois avec l’aide familiale…

Les gens partent avec une valise pleine de fiches individuelles des assurés et de dossier. “Un gars travaillait en famille… Les enfants préparaient le décompte.     

DIALOGUE DE SOURDS

Le mécontentement s’est exprimé aussi au travers de la productivité et du rendement limité, contenu par chacun, par des grèves ou des mouvements d’arrêt de travail. Ceux-ci reviennent fréquemment dans l’histoire de la caisse (que les sujets de mécontentements soient nationaux ou locaux, généraux ou corporatistes) à tel point que Brest Devient un clignotant, un  indicateur de tendance sur le plan social pour la tutelle parisienne.  Jusqu’à ce qu’en 1990, ce clignotant reste éteint malgré l’ampleur du mouvement national constaté.

En 1973, 82, 88 pour les effectifs, en 1976 pour les congés, en 1989 et 1990 pour les contrôleurs : Grèves et débrayages se succèdent et la plate-forme revendicative s’élargit à la réduction du temps de travail, aux promotions, à la formation.

Cela dénote le plus souvent une hiérarchie forte et un manque d’information de part et d’autres.

Les années 1970 et 1980 voient naître des mouvements revendicatifs non négligeables. Ils mettent en avant des problèmes réels rencontrés par les agents dans leur travail et qui ne peuvent pas toujours, il est vrai, recevoir de réponses au niveau local. Ils soulignent, le plupart du temps, un manque de dialogue entre direction et représentants (G.G.T. et C.F.D.T.) du personnel et cet aspect relationnel déficient sert parfois de prétexte, pour ne pas répondre aux questions de fond.

Affiche du 50e anniversaire. (C.N.A.M1995)

HORAIRES  À LA CARTE

La mise en place de l’horaire variable revient souvent dans les conversations comme une cause d’évolution  dans les relations internes. Le temps de vie au travail, en commun, diminue et l’individualisation des horaires progresse. L’ambiance s’en  ressent, la solidarité également. Le caractère festif des rencontres disparaît.

En 1974, la direction lance l’idée de l’horaire variable. A la suite d’un questionnaire, le personnel plébiscite la formule à 92,5%. L’expérimentation  débute le 28 février 1974 dans un seul groupe de liquidation, puis est généralisée à l’ensemble  du personnel le 10 juin. L’objectif immédiat est d’améliorer les conditions de travail et aussi de modifier l’état d’esprit du personnel, vis – a- vis du travail afin de réduire l’absentéisme de courte durée. Les syndicats s’opposent, au départ, à cette initiative. Ils estiment selon leur propre expression que “la conscience collective va en prendre un choc ”et que dorénavant  “ on viendra à la caisse à titre personnel”. Ils redoutent l’effritement de l’esprit revendicatif du personnel et un phénomène de désyndicalisation.

  Concrètement le nouvel horaire comporte des plages fixe, c’est – à –dire de présence obligatoire, de 8H30 à 11h45 et de 12h45 à 16h. Les plages mobiles de 7h15 à 8h30 et de 16 h à 17 h30, permettent aux agents  de choisir leurs heures de départ et d’arrivée. Le personnel apprécie l’horaire variable. En 1975,  84%  des agents l’utilisent, à leur grande satisfaction. La caisse devient un lieu où “ on travaille bien, mais où on vit mal” selon les termes de Monsieur Le Loupp, ancien directeur. Les fonctions s’opposent parfois ou se posent en rivales éternelles : le Guichet et l’assuré, le contrôle et la liquidation.  

Avec l’horaire variable serait venu le temps de l’individualisme.  A moins de voir en ce nouvel horaire, non pas le début d’un changement de comportement, mais plutôt, la concrétisation d’une nouvelle mentalité qui régnait depuis  quelque temps dans les esprits.

Aujourd’hui, quel est le bilan des 50 ans de Sécurité Sociale ? Des hauts et des bas, des crises, des luttes, mais aussi et c’est sans doute l’essentiel, autant d’étapes d’une évolution positive, d’une certaine maturité et d’une belle expérience.

Alors à la veille de ce 50 -ème   anniversaire, la Sécu doit rester pour tous une grande idée à préserver.    


Affiche du 50e anniversaire. (C.N.A.M1995)

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LA NOSTALGIE DU BON TEMPS

On ne peut qu’être  frappé par les regrets, la nostalgie éprouvée par les témoins du passé alors que leurs discours ne sont qu’une suite d’épreuves, de contraintes, de difficultés quotidiennes. Les horaires (neuf heures par jour), la discipline sans faille, le port obligatoire de la blouse, l’interdiction d’aller d’un service à l’autre sont des exemples de contraintes  importantes qui laissent place néanmoins à un bon souvenir, un peu comme si la pression hiérarchique était telle que les meilleurs moments même rares n’en ont que plus de saveur (fou rire, joie, etc.…).

Le contexte est également cité : la Reconstruction, la libération suscitent l’enthousiasme. La modernisation des équipements, les inventions pratiques sont autant de découvertes positives qui marquent cette époque.

Quand la recherche de fiches perdues prend des jours, quand le froid ou la chaleur indisposent, quand les règles de promotion ne sont pas définies, quand l’information ne circule pas, on en conclut que pour supporter tout cela il faut “aimer son travail ”. Ces termes sont employés comme tels et signifie un sentiment un peu passé de mode… Que dire des agents embauchés qui ont attendu 10 ans comme fichistes, de l’absence de formation organisée, obligeant à voir cela “avec son voisin”, de la mise en place des cours de techniciens en 63 seulement ?

La solidarité, l’entraide prennent là aussi le dessus. Le travail devient un lieu familial. Tout le monde se connaît, se rencontre à l’extérieur. Les arbres de Noël mobilisent tout le personnel avec conjoint et enfants.

Les pots permettent de se retrouver. Les fêtes des rois se terminent tard, l’ambiance était formidables…

Les horaires contraignants laissent malgré tout la possibilité de manger en deux heurs à midi : retour au domicile ou déjeuner en commun sont appréciés. Ajoutons-y les blagues, l’humour et le sport. l.A.S.O.S. est citée pour son rôle de point de rencontres : une soirée interservices a été très appréciée :

Mais surtout le retard permanent à une époque, la foule des assurés énervés au guichet, le recours à des heures supplémentaires qui mécontent tout le monde, les conditions de travail difficiles font utiliser le terme d’héroïsme. Même les agents de direction comme Monsieur Fabre vivent mal des batailles constantes pour des enjeux infimes, par exemple avec les syndicats.

Malgré tout, chacun perçoit dans ces difficultés d’abord ses souvenirs de jeunesse… le temps d’une escale.

Un pot au Square Marc Sangnier. (C.P.A.M Brest-Janvier 1967).

REMERCIEMENTS

A l’association des retraités et à sont président: Albert L’Emeillat.

pour leurs témoignages à:

Maurice Boutefroy.                                                  Robert Reungoat                          

 Lucien Mabé.                                                           Laurent Gléonec                 

François Cadour.                                                      Lucienne Roucelin                            

Madeleine Pencréach.                                              Denise Grall                          

Paul Callérisa.                                                           Paul Sévrain                 

Madeleine Perrré.                                                     Yves Grannec

Denise Cambla.                                                         Geneviève  Tranvouez          

Yvette Pouliquen.                                                      Suzane Guyder         

Marie – Louise.   Didailler.                                       Simone Lefevre

Yvette Quélen.                                                            Denis Kerlidou

Pour leurs entretiens particuliers à :

Robert Bernicot.         Marcel Fabre.                Pierre Le Gac

Marguerite Le Roux    Georgette Le Scour      Jean Rubin

C.P.A.M Brest. Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur.

Réalisation : Primset Quimper

Bonjour Je m’appelle Patrick Elies. Je suis né dans la baraque de ma grand-mère au Bouguen

Merci beaucoup Georges pour ton mail très chaleureux. 

Sur les 5 chansons c’est la chanson les baraques qui a le plus  de vues : Super que tu puisses relayer largement autour de toi. 

Si par hasard vous vouliez organiser une soirée cabaret chanson française je serais heureux de pouvoir me produire à  Brest.

Bonjour

Je m’appelle Patrick Elies. Je suis né dans la baraque de ma grand-mère au Bouguen. Puis j’ai habité au Bouguen centre jusqu’à l’âge de 15 ans.

Je suis auteur compositeur interprète et j’ai écrit une chanson sur les quartiers de baraques. Il y a 3 semaines j’ai donné un concert accompagné par 3 musiciens. Un copain à filmé entièrement 5 de mes chansons dont les baraques puis a mis les vidéos sur You Tube. La chanson  » les baraques  »

Je compte sur vous pour visionner les vidéos au maximum et faire connaître cet art du vivre ensemble et cette solidarité qui existaient à l’époque dans les quartiers de baraques. 

Si l’on pouvait s’en inspirer aujourd’hui au lieu de vivre chacun dans son coin.

Bien cordialement et à  bientôt de tes nouvelles. 

Patrick

BARAQUES BLUES

Entre 1944 et 1975, 40.000 Brestois ont vécu dans 3.000 baraques en attendant d’être relogés, après la destruction de la ville. La réalisatrice Brigitte Chevet, dans son film « Baraques Blues », évoque cette période qui appartient à la mémoire collective. Ceux qui l’ont vécue en parlent avec une certaine nostalgie.

Baraques Blues

Baraque type YK 100.

Brigitte Chevet
Photo : la coopérative et la cité du Bouguen sous la neige, pendant l’hiver 1955. Source du document Le Bouguen.


Après le siège de Brest en 1944, la ville n’était plus que décombres. 10.000 immeubles et habitations avaient été ensevelis par les bombes et les obus.

Source du document alain.liscoet

S’imposa la nécessité de reloger ceux qui avaient tout perdu. En attendant la reconstruction « en dur » dont les plans naquirent en 1948, apparurent les « baraques », françaises

Baraque française, source Mémoir de Soye, Association.

Source Le Bouguen, Association

ou américaines, en bois ou en fibrociment,

Baraque en Fibro Ciment, source Le Bouguen,Association

sans oublier celles des cheminots. Des pierres, provenant des ruines, servaient au soubassement.

Baraque des cheminots, source Wiki Brest

Ces conditions précaires qui, pour certains, durèrent jusqu’en 1975, n’en engendrèrent pas moins une vie collective riche de chaleur humaine et d’entraide. 40. 000 Brestois séjournèrent ainsi dans ces baraquements qui se comptèrent jusqu’à 3.000. La réalisatrice. Brigitte Chevet a choisi en 2003 de faire revivre ces heures dans « baraques Blues », un film de 52 minutes,

pour garder une trace de notre histoire, dans notre mémoire collective. Un engouement certain qui atteste de la volonté des Brestois de ne pas oublier ce que fut la vie de leur cité dans ces années-là. Le passé d’hier ne doit pas redevenir le présent de demain. Paix. Amitié.

DIMANCHE D’HIVER AUTOUR DES FOURNEAUX

Autour des Fourneaux

Témoignage de Joël Le Bras :
« Je me rappelle avec un peu d’amertume, ces dimanches d’hiver au Bouguen où nous guettions avec impatience-seule vraie distraction en définitive le passage attendu, aussi bien des gens de gauche que ceux de droite, du crieur de « L’Humanité Dimanche ». La lecture de ses pages très variées complétait l’écoute de la radio, du « Disque des auditeurs » au « Grenier de Montmartre » en passant par « la famille Duraton » et les reportages sportifs de Georges Briquet. La Famille Duraton est un feuilleton radiophonique créé par Radio-Cité en 1936. Alors, on se calfeutrait autour des fourneaux de cuisine, bourrés de charbon jusqu’à la gueule, tandis que les carreaux des fenêtres ruisselaient sans fin sous l’effet de la condensation. Pas d’autobus, bien sûr, s’aventurant aussi loin. Le temps d’en attendre un, Bouguen-Poterne, pour rejoindre la ville était si interminable qu’on préférait finalement la marche à pied par le Moulin à Poudre et les rudes escaliers de la rue Latouche Tréville ». 

Les rudes escaliers. Source du document Madame Menez Lorient

Brigitte, chevet a intitulé son film « baraques Blues », un titre qui rend bien le sentiment de nostalgie que le sujet évoque pour de nombreux Brestois. Ils furent, en effet, 40. 000 à vivre dans ces habitations de fortune conçues pour être provisoires au lendemain de la guerre mais dont les dernières ne disparurent qu’en 1975.

Les dernières baraques Brest, quartier du Polygone, année 1980.

Mais la réalisatrice, parodiant Sacha Guitry, aurait aussi pu appeler son document « Si les baraques m’étaient contées », tant il amène à feuilleter les pages d’une partie de l’histoire de la ville. Avant Brigitte Chevet, un ouvrage collectif paru aux éditions du Télégramme (« J’ai vécu en baraque. ») avait déjà évoqué avec de nombreuses photos et des témoignages tour à tour drôles et émouvants ce que fut cette période de vie collective et chaleureuse. L’association des anciens du Bouguen, des amis du Polygone-Point du Jour, de Kérangoff, avec le concours de tous les anciens des baraques. Surtout les amis du Polygone-Point du jour, sans qui la vie des baraques ce serait perdu sans jamais refaire surface, la première grande fête et à leur détermination de faire revivre cette époque.

Livre « j’ai vécu en baraque »

« Un travail universitaire avait été consacré à la question, mais, pour Brigitte Chevet, le vrai déclic s’est produit lorsque des amis très proches de mes beaux-parents, des Brestois, n’ont parlé de leur enfance e baraque », me raconte Brigitte chevet, à notre première rencontre à Brest, pour démarrer cette histoire. (Moi Georges Perhirin). Ensuite, la cinéaste est partie à la rencontre de  ceux qui ont passé leur jeunesse du côté de ces 25 cités réparties à travers la ville. Les nécessités du temps faisaient que s’y côtoyaient toutes les classes sociales : « De l’ouvrier maçon au libraire, en passant par le pharmacien, l’artisan, le commerçant, explique Brigitte Chevet. Les plus fortunés furent les premiers à les quitter, les autres restèrent plus longtemps. Il existait un brassage égalitaire, convivial et spontané, sans qu’il ait été besoin d’être décrété. Ce qui explique sans doute la nostalgie que continue à susciter cette période où l’égoïsme n’était pas de mise ».     

 

« On oubliait de payer le loyer ! ».
Dans « J’ai vécu, en baraques », « Tout le monde ne payait pas son loyer, loin s’en faut, (à l’époque pas de RMI, pas CMU, Manque d’aides, ce n’est pas comme aujourd’hui), ou tu as les Restos du Cœur, les secours Catholiques, l’association de Tonton Pierre, le chômage, là Le Papa, devait fournir la preuve des 120 heures de travail dans le mois pour avoir le droit aux allocations, familiales. Sinon, c’était zéro franc. 

Ce n’étaient pas les vacances comme en 2020. Le loyer pourtant, il s’agissait d’une somme très modique ; mais à l’époque, le paiement systématique n’était pas encore entré dans les mœurs, et on oubliait facilement de s’acquitter de cette obligation. Mais plus tard, lorsque des familles du Poly ou du Point du Jour, ou du Bouguen voulurent aller goûter le confort dans de nouveaux quartiers en « dur » qui fleurissaient à Brest, on leur demanda alors de régler tous les arriérés des loyers non payés. En cas de refus, l’attribution du nouveau logement était remise en question. Heureusement, avec le MRL local (ministère de la Reconstruction et du logement),on parvenait toujours à trouver une solution ». 

Une partie du bureau du Bouguen. Une baraque Française, une baraque type Uk 100, américaine . Georges Perhirin, Gérard Le Mérour, Olivier Le Coq, Jean Pierre Le Roi, Françis Tanne. Source du Document Ouest France

Un hommage à Jean Lazennec et le commentaire de Brigitte Chevet.
Pour les besoins de « Baraques Blues », BRIGITTE Chevet a, bien sûr pu s’appuyer sur des interviews, mais aussi sur des documents d’époque. « J’ai pu réaliser un énorme travail de collectage grâce, en particulier, aux associations des quartiers concernés. J’ai récupéré ainsi environ 300 photos pour en garder dans le film 80. En revanche, les documents filmés sont très rares, sauf évidement les films de famille tournés par des amateurs au moment des fêtes ou des premiers pas des bambins ». Remerciements à Mme Lazennec dont le mari Jean aujourd’hui décédé, fixa sur la pellicule des scènes qui participent aujourd’hui à la mémoire collective. Jean Lazennec, qui fut membre du club des cinéastes amateurs brestois, anima surtout pendant de longues années le ciné-club de Saint-Marc. Il inculqua alors le goût de l’image à une foule de lycéens. Parmi eux, figuraient Olivier Bourbeillon et Gilbert Le Traon. Le premier est, à son tour passé derrière la camera. Le second dirige la cinémathèque de Bretagne… (Je parle du 19 Mars 2003), l’association des Anciens du Bouguen, à l’autorisation si besoin de se servir des films au cas où elle en aurait besoin.     Une partie de l’article de Monsieur André Rivier, Le Télégramme de Brest.   

 Quelques Hommes qui parlent du Bouguen, et de la ville de Brest.

Jean Kermarrec
Ce sont les Brestois qui ont reconstruit leur ville et les fondations sont là-bas, au Bouguen, dans la solidarité du peuple des baraques. « Je suis des baraques et j’aime bien parler de la reconstruction », avoue Jean Kermarrec en achevant son histoire qu’il trouve bien « ordinaire ».  Et il s’en accommode, faisant sienne cette phrase de Jean-Pierre Abraham, l’écrivain un temps gardien du phare d’Ar Men : « Il est plus important de réussir sa vie que de réussir dans la vie. » 


Jérôme Félix a dû batailler pour faire accepter que l’intrigue de sa BD se déroule à Brest.

BD parlant de Brest Série La lignée


Mourir à 33 ans. Cruel destin pour les fils aînés de la famille Brossard. Une malédiction qui s’étend sur plusieurs générations. Que fait-on lorsque qu’arrive l’année fatidique ? C’est la ligne directrice d’une saga qui s’étend sur quatre récits. Quatre histoires complètes qui se lisent de manière indépendante. Sortie dans la collection Grand Angle (Bamboo éditions), c’est une œuvre collective de quatre scénaristes. Laurent Galandon, Jerôme Félix, Olivier Berlion, Damien Marie.
Dessiné par Xavier Delaporte, le deuxième tome de la série se déroule à Brest. Le Brest de la reconstruction, le Brest des baraques en 1954. Sur fonds de revendications sociales, un jeune prêtre, Marius Brossard, s’installe en ville. Il découvre qu’un prêtre-ouvrier organise des cambriolages pour venir en aide aux populations locales. C’est le point de départ d’une histoire richement documentée sur le vécu de la ville et de ses habitants. S’y mêlent pour le besoin de l’intrigue, des libres adaptations de l’histoire de la ville et quelques libertés chronologiques telles que l’explosion du cargo 
Océan Liberty (1947), la répression violente des manifestations ouvrières (1950) mais l’ouvrage restitue fidèlement la vie dans les baraques.
Les auteurs ont d’ailleurs mené leur recherche avec l’aide du scénariste brestois Kris, l’ancien syndicaliste Raymond Laisney, et des membres de l’association des Anciens du Bouguen. Un dossier spécial, réalisé avec le service patrimoine de la ville de Brest accompagne la bande dessinée.

Cité de Baraques Brest

Baraque demi lune, de l’armée
Baraque type UK 100 Ploemeur Mémoire de soye. Source Le Bouguen

Baraque type Baraque Française Mémoire de soye. Source Le Bouguen

Baraque type Baraque Canadienne Ploemeur Mémoire de soye. Source Le Bouguen
Aménagements intérieurs Type UK 100. Angleterre

Aménagements intérieurs Type UK 100. Angleterre

Aménagements intérieurs .
Ploemeur Mémoire de soye. Source Le Bouguen

Aménagements intérieurs .
Ploemeur Mémoire de soye. Source Le Bouguen


Aménagements intérieurs Ploemeur Mémoire de soye. Source Le Bouguen 

Aménagements intérieurs .
Ploemeur Mémoire de soye. Source Le Bouguen
Les trois baraques
Ploemeur Mémoire de soye. Source Mémoire de Soye
Baraquements de Carhaix. Source Le Bouguen.

Baraquements de Carhaix. Source Le Bouguen.
Cité de Baraques en Angleterre. Source
La photographe Elisabeth Blanchet
Les quartiers  Baraques Brestois. Après Guerre
Bouguen . Bragen. Bergot. Bellevue. Bois de Sapins. Bains-Douches. Foch. Forestou.  Gelmeur. Kérangoff. Kerebezon. Kéredern. Levot. Le Landais.    
Place de Bretagne .Polygone –Butte. Point du Jour .Place Sane. PolygoneCaserne.
Pont-Neuf .Paul Doumer .Place du Bot .Poul-Ar-Bachet .Rouisan

Famille Hendrycks. Hendrycks (rue Arthur) Quartier Du Bouguen

En 1979, la municipalité décide d’honorer un Brestois d’adoption qui a été à plusieurs titres un honneur pour la ville. Arthur Hendrycks naît en 1891 en Belgique, où son père est rémouleur et parcourt les rues des bourgs, poussant sa charrette pour affûter les couteaux.

  
 

Un jour, ce même père par à pieds avec sa famille pour chercher fortune. Ils marchent en direction de l’ouest et parcourent en quelques semaines les 1 200 kilomètres qui les amènent à Brest. Arthur a 13 ans. Il assiste déjà son père, notamment pour appuyer sur les pédales et faire tourner la meule. En 1911, « Tutur » (surnom amical) a 20 ans et, bien que devenu « Ti zef » (brestois en langage populaire), il est toujours belge. Il doit reprendre le chemin de son pays pour effectuer son service militaire. Le premier conflit mondial  éclatant, c’est sous l’uniforme  belge qu’il enchaîne la Grande Guerre. En mars 1917, il se marie avec une Française, Marie Weiss.

Marie Weiss

Le 19 avril 1919, il est démobilisé. Il est maréchal des logis. Mais lorsqu’on a vécu à Brest, on a envie d’y revenir. C’est donc ce que fait « Tutur Hendrycks » dès sa libération. Employant sa prime à l’achat de matériel, il reprend son métier de rémouleur entre Saint – Pierre et Saint – Marc. Puis très vite, il va avoir un coup de foudre. Comme d’autres peuvent découvrir le pôle Nord, lui découvre le vélo.

Arthur Hendryckx



Arthur Hendryckx et Favé
Quartier du Bouguen. Photo collection Famille Hendrycks, avril 1954, devant la baraque de ma tante Mme Le Gall Robert, baraque A 6 Bis Bouguen Nord Est, le jour du circuit du Bouguen, avril 1954. Le circuit le 25 avril 1954, avec pour vainqueurs, 1er Mel Francis, 2er Hamon, 3er Kermarrec R.

Ayant acquis une bicyclette rutilante, il participe en 1920 à sa première course. À près de 30 ans, sans jamais s’être entraîné, il termine troisième. Son destin de cycliste est en route. En 1924, il a déjà gagné plus de 200 courses dans tout l’Ouest. C’est la consécration. Il va disputer le Tour de France dans la catégorie des touristes routiers.

Pourquoi l’article sur la Famille Hendrycks, ayant habité, quartier Du Bouguen, cette Famille des baraques,   glorifie, aussi le peuple des quartiers des logements provisoires. Respect à vous et à vos anciens.      

Tour de France 1926.


Tour de France 1926.

Malheureusement, souffrant des chevilles, il doit abandonner lors de l’étape Brest/Les Sables d’Olonne. L’année suivante lui sourira davantage. Il se classe vingt – deuxième de la grande boucle, qui est alors une véritable odyssée. Il subit 72 crevaisons. Les dérailleurs n’existent pas. Pour des étapes de 450 kilomètres, on part à 2 heures du matin pour arriver à 8 heures du soir. E tant que coureur indépendant, Hendrycks doit s’occuper  de tout : sa nourriture, son couchage à l’étape, les pièces de rechange, etc. (Que feraient nos sportifs d’aujourd’hui ?) Il prend encore le départ du Tour de 1926, mais victime d’une chute collective et blessé, désespéré, il ne pourra terminer. Il a maintenant 35 ans, et il faut penser à l’avenir. Pour entrer à l’arsenal, il se tait naturaliser français. Il y sera riveur pneumatique jusqu’en 1942,

date à laquelle il prend sa retraite. En parallèle, il anime des courses locales au vélodrome de Kerabecam.

Il en deviendra la coqueluche jusqu’à sa fermeture en 1936. Ne pouvant rester inactif, il reprend son métier de rémouleur, mais les bombardements détruisent son matériel. Il en faut plus pour le décourager. Il entre dans la défense passive et aura une activité de propagandiste résistant. Il s’occupe également de l’hébergement de résistants en mission. Il fait ainsi son devoir et même un peu plus. Le ministre de l’Intérieur lui adressera personnellement sa gratitude. Après la guerre, on le retrouve de nouveau rémouleur, et en 1946, « Tutur » se motorise. Il achète une 301 qu’il modifie en atelier.

La Peugeot, 301.

Il parcourt encore longtemps les routes du Finistère avant de disparaître à Brest en 1977.      

Article Gérard Cissé Brest au coin des rues, (Petites histoires des quartiers Brestois).  

  

Arthur Hendrycks

Les tours de France d’Arthur HENDRYCKS
D’après le site http://www.memoire-du-cyclisme.net
1924
Engagé dans la catégorie  » Touristes routiers  » avec le dossard n °266 sous la nationalité Belge (naturalisé français le 11/11/1925).
Les étapes du 22/06/1924 au 20/07/1924
1. Paris-Le Havre, 381 km, 73ème à 1h 17mn 4s
2. Le Havre-Cherbourg, 371 km, 77ème à 1h 27mn 21s
3. Cherbourg-Brest, 405 km, 63ème à 1h 03mn 55s
4. Brest-Les Sables d’Olonne, 412 km, non classé, au-delà du 97ème rang ou abandonne…
5. Les Sables d’Olonne-Bayonne, 482 km.
6. Bayonne-Luchon, 326 km.
7. Luchon-Perpignan, 323 km.
8. Perpignan-Toulon, 427 km.
9. Toulon-Nice, 280 km.
10. Nice-Briançon, 275 km.
11. Briançon-Gex, 307 km.
12. Gex-Strasbourg, 360 km.
13. Strasbourg-Metz, 300 km.
14. Metz-Dunkerque, 433 km.
15. Dunkerque-Paris, 343 km.
1925
Engagé dans la catégorie  » Touristes routiers  » avec le dossard n °142 sous la nationalité Belge (naturalisé français le 11/11/1925).
Les étapes du 21/06/1925 au 19/07/1925
1. Paris-Le Havre, 340 km, classé 83ème à 2h 07mn 02s
2. Le Havre-Cherbourg, 371 km, classé 88ème à 2h 04mn
3. Cherbourg-Brest, 405 km, classé 69ème à 2h 08mn 05s
4. Brest-Vannes, 208 km, classé 56ème à 56mn 52s
5. Vannes-Les Sables d’Olonne, 204 km, classé 64ème à 19mn 25s
6. Les Sables d’Olonne-Bordeaux, 293 km, classé 64ème à 24mn 02s
7. Bordeaux-Bayonne, 189 km, classé 61ème à 43mn 55s
8. Bayonne-Luchon, 326 km, classé 59ème à 4h 32mn 54s
9. Luchon-Perpignan, 323 km, classé 52ème à 3h 17mn 06s
10. Perpignan-Nîmes, 215 km, classé 55ème à 46mn 29s
11. Nîmes-Toulon, 215 km, classé 40ème à 51mn 26s
12. Toulon-Nice, 280 km, classé 48ème à 1h 11mn 05s
13. Nice-Briançon, 275 km, classé 51ème (et dernier) à 3h 29mn 37s
14. Briançon-Evian, 303 km, classé 48ème à 2h 31mn 26s
15. Evian-Mulhouse, 373 km, classé 49ème à 2h 17mn 15s
16. Mulhouse-Metz, 334 km, classé 44ème à 1h 02mn 31s
17. Metz-Dunkerque, 433 km, classé 39ème 1h 52mn 35s
18. Dunkerque-Paris, 343 km, classé 43ème à 46mn 53s
Finalement :
 » 130 partants
 » 49 classés
 » Arthur Hendrycks est 47ème à 30h 26mn 16s, après 5430 km à la moyenne de 24,775 km/h pour le vainqueur Ottavio BOTTECCHIA en 219h 10mn 18s
1926
Engagé dans la catégorie  » Touristes routiers  » avec le dossard n °164 sous la nationalité française (naturalisé français le 11/11/1925).
Les étapes du 20/06 au 18/07/1926
1. Evian-Mulhouse, 373 km, 67ème à 2h 16mn 37s
2. Mulhouse-Metz, 334 km, 85ème à 1h 34mn 38s
3. Metz-Dunkerque, 433 km, 88ème à 3h 36mn 47s
4. Dunkerque-Le Havre, 361 km, non classé (abandon ?)
5. Le Havre-Cherbourg, 357 km
6. Cherbourg-Brest, 405 km
7. Brest-Les Sables d’Olonne, 412 km
8. Les Sables d’Olonne-Bordeaux, 285 km
9. Bordeaux-Bayonne, 189 km
10. Bayonne-Luchon, 323 km
11. Luchon-Perpignan, 323 km
12. Perpignan-Toulon, 427 km
13. Toulon-Nice, 280 km
14. Nice-Briançon, 275 km
15. Briançon-Evian, 303 km
16. Evian-Dijon, 321 km
17. Dijon-Paris, 341 km

Hommage aux fusillés du Bouguen

Jean Pierre Le Roi. Guilers. Rends un hommage pour les 75 ans de la libération, de la ville de Brest à des hommes qu’ils sont pour lui à juste raison des héros.

Les Souvenirs d’un Ancien du Bouguen un devoir de mémoire pour lui, jean Pierre le Roi.
Il y avait au Bouguen, une grande église une baraque en bois noir.

La grande église du Bouguen

Où s’installaient les cirques ambulants, avec leurs chevaux et roulottes. Sur cette même pelouse dans les années 50, nos parents étalaient des couvertures pour causer surveillant les enfants qui jouaient. Sans imaginer que sous leurs pieds, dans le sol, reposés des héros, des martyres, des inconnus pour le moment. En juin 1962 au moment de la construction de L’IUT, des ouvriers découvraient une fosse refermant de nombreux ossements.

Grâce à certains objets personnels trouvés parmi ces ossements, on arrivait à identifier les restes, grâce à leur alliance notamment, comme étant ceux des résistants Sainpolitains, mêlés à ceux de résistants brestois. C’est donc non loin d’ici, dans les douves de la prison du Bouguen dont les Allemands avaient pris possession dès l’été 1940 et où ils avaient dressé les poteaux d’exécution, que s’est achevé le combat de ces héros. Leurs corps furent ensuite enterrés pêle-mêle quelque part dans le champ de tir proche de la prison, là où nous nous trouvons.
Nous avons, nous association des Anciens du Bouguen, organisé une cérémonie, en hommage aux valeureux Martyres. Mis une plaque en bronze en hommage aux fusillés du Bouguen. Pour l’histoire cette plaque, volée par des personnes amorales. La stupidité humaine se trouve aussi là, dans cette action.


Nous possédions un dossier complet retrouvé dans des archives, retraçant cet épisode tragique, en toute confiance nous l’avions confié, à un étudiant de Saint Pol, pour son travail personnel, avec la promesse d’un retour. En guise de retour, nous n’avons rien vu revenir, comment ensuite faire confiance à d’autres personnes de bonne fois.

Selon Guy Caraes, c’est très probablement faute d’avoir pu constituer à temps un convoi susceptible de quitter Brest avant que les Américains n’y mettent le siège qu’un commandant allemand (non identifié à ce jour) a donné l’ordre de « liquider » les 52 prévenus de l’enclave de Pontaniou, arrêtés depuis la fin du mois de juin 1944 et, donc, en attente de jugement. Les 52 personnes seront toutes fusillées sans autre forme de procès au Bouguen. Parmi elles, les résistants brestois Viaron, Hily et Kervella, membres du corps franc “Défense de la France”.
Un habitant de la rue de Roubaix, évacué avec quelque irréductibles le 14 août 1944 apporte un témoignage vécu qui permet de préciser certains points du récit.
Les fusillés de 1944 : Fin 1943 ou début 1944, l’occupant, envisageant une possible attaque de la citadelle brestoise par voie de terre, décida de fermer, côté douve, par des murs de béton, les tunnels de la porte Castelnau et de l’abri côté Moulin à Poudre. Ceci au grand dam des usagers qui ne se sentaient plus en sécurité dans l’abri à une seule issue. Conséquence de cette décision : l’accès aux douves par la porte de Castelnau

La porte Castelnau
Nos anciens prisonniers

n’étant plus possible, les exécutions eurent lieu désormais dans le stand de tir, situé non loin de là, à l’intérieur des fortifications où furent dressés les poteaux d’exécution. Le père de ce témoin, alors chef de bureau à la Mairie, lui a confié que l’occupant exigeait la présence du Maire de Brest, Monsieur Euzen, à ces exécutions.

Plus de photos, et de souvenirs, sur le site nos souvenirs d’hier
En prolongement du présent article, la page « LE BOUGUEN Souvenirs ! »

Jean Pierre Le Roi

La prison du Bouguen





R ÉCITS DE LOUIS AMINOT ILLUSTRÉS PAR GEORGIO














RETOUR EN BOUGUENVILLE

RÉCITS DE LOUIS AMINOT

ILLUSTRATIONS DE GEORGES ELLOUET DIT GEORGIO

EN GUISE

DE PRÉSENTATION

« Il faudrait que tu corriges mes textes. Et je voudrais que tu écrives une sorte de préface.

-Hein !… Pourquoi tu me demande ça ?

-Parce que toi tu es un petit peu écrivain. Et… tu connais la poloche ! »

C’est, mot pour mot, la demande de Louis.

Au nom de nos combats communs ? D’une vieille complicité ?-Pas toujours d’accords, mais jamais fâchés (exceptionnel avec Louis !).  Je crois que la vraie raison, c’est le sujet même de cet ouvrage : notre enfance.

Louis logeait en baraque C 13  au Bouguen-centre. A peu d’années d’écart, je grandissais en baraque F4 AU Polygone-caserne.

Nous étions fils de simples ouvriers, mais de fiers ouvriers. Les conditions de vie n’étaient pas faciles dans ces installations précaires aux lendemains de la guerre, mais l’air vibrait d’espoir, de solidarité, de joie de vivre.

Toute une époque, une société disparue, des souvenirs indélébiles.  

C’est son enfance que Louis fait revivre ici, sans nostalgie, sans misérabilisme, mais avec beaucoup de tendresse et une pincée d’humour.

Louis Aminot, à Brest tout le monde connaît. Le militant politique, l’ancien adjoint-maire aux sports, L’Arsenal au cœur, le passionné de vélo, le soutien des Patros Laïques, le combattant pour la Paix et le désarmement, le communiste sincère, le penseur libre… l’ami (un vrai pour certains), l’adversaire (respecté par beaucoup), le pote (pour beaucoup de monde)…

Ce n’est donc pas ce Louis qui parle ici, encore que ! Vous constaterez que tout cela est en germe dans son regard d’enfant. Au fil des scènes de la vie familiale, de l’évocation des copains ou de la société des adultes, ce sont des tranches de vie, comme des arrêts sur images, qui font revivre le Bouguen du gamin.

Avec son langage, spontané, nature, émergent des souvenirs intacts comme en témoigne l’extraordinaire exactitude des lieux, des anecdotes, et en particulier une galerie de portraits des enfants du quartier et de leurs destinées.

Souvenirs qui font la part belle aux moments heureux et qui prêtent souvent à sourire.

Alors il fallait une illustration de la même veine et le dessin de Georges Elleouet fait mouche : Les personnages, colorés et sympathiques, prennent vie. Les gamins, pleins de fraîcheur, sont plus vrais que nature ; les scénettes, croquées savoureuses, font l’animation.

L’œil amusé du lecteur se prend à faire des allers et retours entre textes et images qui se nourrissent mutuellement.

Ce retour dans le Bouguen populaire de l’après-guerre, le « Bouguenville » des souvenirs, est en réalité un chant d’amour.

Et ce chant a une coda : un hommage aux mamans d’alors, un hymne à la paix et la fraternité.

Yvon Drévillon- 10 Avril 2018

RETOUR EN BOUGUENVILLE

« J’ÉTAIS  GAMIN AU LENDEMAIN DE LA GUERRE »

Il était une fois… Des enfants, au lendemain de la guerre, ici à Brest, au levant de l’Atlantique…

Posée sur le nez rocailleux de Bretagne, dressée face au couchant, la ville avait beaucoup souffert pour sa libération.

Afin de reloger les sinistrés, de vastes Quartiers d’urgence avaient littéralement jailli de terre à la marge des décombres de la cité historique. Étalé sur sa rive gauche et dominant la Penfeld, le Bouguen s’était couvert de baraques. En « Bouguenville », les rescapés et leurs petits peuplèrent les baraques de bois alignées, étroites et légères.

Carrés et similaires, singuliers et colorés, les bungalows américains étaient eux en carton. L’instruction aussi se dispensait en baraques pour tout le monde. Les préfabriquées alimentaient de leurs chérubins l’école laïque (beaucoup plus que celle des curés).

Longtemps après avoir refusé leur déchéance, longtemps après avoir tiré leur révérence, les baraques qui devaient mourir mais ne le voulaient pas, se racontent aujourd’hui en pilier de la mémoire populaire de Brest

Histoires simples ; enfance infinies.

1 ERE PARTIE

MON BOUGUENVILLE…

MON ENFANCE

Les américaines se distinguaient de pâté en pâté par leurs couleurs, pastel fadasse. Venues d’outre-Atlantique, les maisonnettes se rangeaient les unes auprès des autres, en creusant des sillons croisés, telles les allées dessinées par les plantations de betteraves des champs voisins.

Ces globuleuses jaunâtres alignées étaient promises aux fourrages des bonnes vaches laitières, les pies bretonnes. Mais prisées aussi du populaire : Les plus rustiques et moins aisées des familles ne rechignaient pas à fouler les champs alentour à l’insu des regards jaloux… «  Un ventre bien rempli, susurraient les douces maternelles, perd sans délai ses justes raisons de glouglouter. »

La vente du petit goémon asséché l’été sur les dunes de Porsmilin, Melon, Porspoder et autres ports léonards, complétait avec le bénéfice des pêches à pied, les ressources des ménages ouvriers.

 Têtes en l’air, les petites canailles rêvaient auprès de leurs mamans

Ce jour – là, nous piqueniquions pour la journée à la grève de Saint – Marc avec un groupe de vaillants. (Vaillant ce n’est ni Mickey ni Tintin !)Alerte catastrophe ! Un navire d’éclate monstrueusement. Mis sur-le-qui-vive, je réponds à l’appel de la monitrice ; dûment identifié, je prends aussitôt les jambes à mon cou. Sans demander mon reste, je cours à toute berzingue rejoindre le car.

Chargé de nitrate d’ammonium, l’Océan-Liberty, c’est son nom, se répand en feu des kilomètres à la ronde. Chauffés à blanc, de furieux débris de tôles incandescentes projetés sur la ville abattent des humains. La guerre indique qu’elle ne veut pas crever.                                                                  

L’affolement est général. Mort de trouille, j’aperçois une plaque rouge planer au dessus- de ma tête.  À  la maison, maman doit s’inquiéter ! Nous habitions le Bouguen-Centre. La terre et les baraques tremblent d’effroi, les milliers d’anciens réfugiés aussi. Tout juste oubliés, les bombardements se rappellent au souvenir des populations civiles déjà éprouvées.  

Effrayée par le boucan d’enfer, ma petite maman s’écroule victime d’une syncope. Des vitres cèdent à la pression du souffle meurtrier. Le buffet de la salle à manger tremble d’épouvante.

Rapportées par papa d’une lointaine campagne maritime, les pièces du service de porcelaine chinoise se brisent les unes après les autres. Seules, quelques tasses et soucoupes échappent à l’ignoble déflagration.

Papa m’a prévenu : « Mon garçon, attention ! Les jeux d’armes sont interdits. » Dérangés dans leur sommeil, grenades et obus abandonnés, éparpillés – rarement allemands-ne rechignent pas à s’en prendre aux imprudents.  Purs produits du génie humain, uniquement programmés pour tuer, ces projectiles ne professent pas d’état d’âme. Signés par leurs géniteurs,  les accords de paix ne les attendrissent nullement. Au contraire. Les ustensiles de guerre, lâchement abandonnés par les euphoriques vainqueurs alliés, revendiquent le droit de prouver aux oublieux qu’ils peuvent encore tuer. L’ogre du conte ne gloutonnait-il pas la chair fraîche de ses adorables fillettes ? Pourquoi ces armes. Sans cœur renonceraient-elles à leurs plaisirs sauvages ?    



Avec les p’tits copains, je saisis toutes les occasions de me dégourdir les jambes. Mais, incrustée au-dessus de la cheville droite, une cicatrise pugnace témoigne d’un accident écrasant. La blessure résulte de la chute d’un mur de parpaings d’une annexe de l’école catholique en chantier. À peine éclos, le muretin n’a pas résisté aux multiples assauts d’une nuée de gamins. Coincé sous les briques, j’ai mal. Pour de vrai ! Secouru par de solides mains d’adultes, je fais piètre figure. La honte ! Impossibles à camoufler, les larmes coulent à flots.  

L’examen médical constate une plaie profonde infectée de minuscules grains de ciment. Doigt pointé vers moi, le médecin prédit les risques de tétanos. Un bout de jambe en moins ? Des frissons me secouent le corps meurtri.  Goguenard, le toubib me tiraille soudain l’oreille gauche. Ce geste affectueux a le don de rassurer illico mes parents. La suite donne raison au praticien.

 Privé de vacances, je garde la position couchée. Assigné à chaise longue, les béquilles à portée de main, je lis avidement. De romans en bandes dessinées, je vis un vertigineux récital d’aventures. Surcouf et Jean Bart écument pour le roi, les Trois Mousquetaires escriment pour la reine. Chacun à sa manière, Placid et Muzo se confrontent aux temps modernes. Intrépide et généreux, petit homme à canne, Charlot m’encourage de ses actes posés en BD : « Un imaginaire voyage à cloche –pied, ça forge un tempérament, ça range les idées ! »

Je l’avoue, Jaime ma baraque C 13.

Mieux que les baraques en bois, le bungalow américain offre toutes les commodités domestiques modernes. Ingénieux, papa l’a savamment aménagé. Sans coup férir, il a démonté une cloison jugée inopportune. Nous voilà débarrassés du débarras. Repeintes à l’aide d’une serpillière trempée dans un seau de peinture bleue, les cloisons de la salle de séjour s’égayent partout en motifs différents ; aucune paroi ne ressemble à l’autre ! Cette réussite décorative emplit de fierté le chef des moussaillons.  Confortable, la baraque reste cependant en incapacité de répondre pleinement aux besoins d’espace d’une famille en voie d’être estampillée nombreuse. Heureusement, il me suffit d’ouvrir la porte… je suis dehors !

Le dimanche matin, la « toilette en grand » mobilise maman et papa toute la matinée. Nous profitons de la baignoire et de son eau mousseuse génèrent des cris amusés. Pour les enfants nus tels des vers luisants, la fête hebdomadaire bat son plein. VIGILANCE ! Les filles ne doivent pas reluquer les « sifflets », les garçons ne doivent pas mater les « lunes ». Les organes de la distinction doivent demeurer cachés. Pliés en deux, de nos menottes croisées, nous planquons l’intime de nos corps dénudés.  .

Dans le parler-vrai des écoliers de la laïque, j’ai pris l’habitude de décliner mon adresse de la façon suivante : « -j’habite le pavillon C 13 au Bouguen-Centre ! »

Plus délurés, les dix-quatorze ans débitent, à toute vitesse, une réponse autrement plus bistouquette : « -j’h’bite une belle américaine au Bouguen-Est ! » Le chic et la coquetterie de la gouaille populaire !

À mots choisis, nos gîtes cartonnés sont transformés en somptueuses résidences de granit taillé. Les dix-quatorze atteignent souvent l’objectif, un rougissement gêné de l’autorité civile ou religieuse. Étrangeté jamais élucidée, les moins austères des interrogateurs troublés se révèlent rarement les plus amusés.

Nos voisins en soutane dirigent et épient une immense paroisse aux ouailles innombrables, souvent indomptables. Le bungalow affecté au recteur se pose dans son rôle hiérarchique au premier rang du Bouguen-Centre, légèrement en retrait de la voie passante. Le dimanche, galoches et sabots remisés, les marmots, revêches ou assidus aux rites culturels, sortent tôt le matin. Propics dans leurs habits du dimanche, les gosses n’ont aucune raison de bouder les messes hebdomadaires.    

                             10

On s’amuse bien aux abords de l’édifice religieux. Les mômes ont toutes les raisons de bien l’aimer, Marie : au mois de mai, la fête rougit de mille bisous. Pour l’occasion, filles et garçons obtiennent un billet de sortie jusqu’à la nuit tombée. Les parents autorisent les enfants à fêter la Vierge sous la tutelle supposée des sœurs et des abbés. Leurs progénitures participent ravies-sans véritables dommages il est vrai-à des soirées illuminées par la promiscuité des sexes opposés. Aujourd’hui désuet, le tabou célébré par le poète de l’Eau vive se brise sur le parvis de l’église chaque soir de mai. « Avé Maria, filles et garçons s’en donnent à cœur joie de tes grâces capucines.  

Avé Maria, aux diablotins et diablotines, tu pardonnes leurs frasques juvéniles ».

Aux temps de Communion, la messe relève du drolatique costumier : croyants ou pas, copains et copines sont nippés à l’image des invités d’une noce. Le Missel est coincé sous le fessier.  De chuchotements en clins d’œil renouvelés, d’échanges de billets en pitreries éculées, les rires jaillissent, bêtement interminables. Aux dires des grands-mères, « Les enfants font leurs intéressants ».  Les stupidités s’entrecoupent de signes de croix et d’agenouillements éclairs. L’hostie avalée, le « ite » annoncé génère la fuite générale. Ouf. Tout peut commencer.

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En fin de matinée, ce « jour du seigneur », changement de programme : L’Humanité-Dimanche prend le relais de la vie Catholique et du Pèlerin(*). Solidement vissé aux commandes de son tracto-pelle, la casquette de l’ouvrier mise en pare soleil, le Paulo des BTP (Bâtiments et travaux public) beau-frère de M’sieur Gaby Paul, l’illustre député communiste de Brest et du Finistère, s’emploie à ce que le légendaire hebdo éclaire l’avenir des travailleurs

Amarré au fauteuil et correctement calé sur sa droite, pas peu fier, je promotionne Vaillant et ses vedettes, « Pif, Pifou, Tonton, Tata, Hercule.. ». 

*La vie Catholique, Le Pèlerin, journaux catholiques nationaux.-L’Humanité Dimanche, hebdomadaire du PCF.  

 Chaque lundi, c’est la rentrée. « Lundi matin, l’empereur, sa femme et le petit prince… »

Ces instants ne sont pas tristes. Premier acte, la mise en rang Grands ou petits, quarante cinq ébouriffés se congratulent selon les affinités. A l’invitation du maître, le brouhaha des galoches et sabots atteint son apogée. Puis, chacun à sa place Les yeux écarquillés révèlent la singularité des situations intimement vécues : apprises, les leçons engendrent le ravissement…ignorés, les devoirs génèrent l’inquiétude.

Les livres et cahiers jaillissent des cartables. Les outils du savoir s’étalent sur les tables.

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Mains dans le dos, l’instit’ aux sabots scrute un à un ses élèves. Curieux mélange d’affection et de sévérité. Souriant, le maître choisit d’interroger

ti-Mich’ et Lulu. Simple hasard matinal ? Pas si sûr. Impassibles, les deux habituelles pipelettes se campent dans un silence océanique. Ti-Mich’ et Lulu n’ont rien lu, rien écrit, rien appris. Pas le temps ! Motif coutumier : encombrée de chahuteurs leur baraque était trop bruyante… M’sieur Louis prononce gentiment sa conclusion : « Ben, voyons ! Au suivant : Albert ? »

Debout, l’as de la classe fait face à ses comparses. Sûr de lui, Albert récite avec élégance : « Le petit cheval dans le mauvais temps, qu’il avait donc du courage ! C’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant… »

Assis sur leur nuage, Ti Mich’ et Lulu ne s’affolent pas. Le poème de Paul Fort ? Mouais… Vivement la récré, ses jeux et  turbulences.

L’apothéose reste la fête annuelle des écoles laïques. Le défilé et le rassemblement de la jeunesse montante sont parfaitement ordonnés et minutés. Écoliers et écolières sont spécialement entraînés et habillés pour le défilé et le Landi (*). La marée juvénile avance dans les pas rythmés des cliques et fanfares. Par milliers, corsages et chemisettes, jupettes et culottes courtes, bleu et blanc mêlés, envahissent la rue Jean-Jaurès et le stade de Ménez-Paul. Aubades des pipeaux et mouvements d’ensemble émeuvent jusqu’aux larmes les parents attendris.

13.

Partenaires privilégiés de l’événement, les laïques des Patros du Bergot et de Lambézellec sont comblés de fierté. La marche triomphale des écoles laïques est annonciatrice des grandes vacances.

  • Préparé dans chaque école publique de Brest. Le Landi présentait, pour la Fête annuelle de la Laïque au stade de Ménez-Paul, de vastes mouvements d’éducation physique rythmés sur de « grands »airs de musique.         

2 E PARTIE



NOTRE BOUGUENVILLE LES POTES

Bien Qu’inégalement  pourvus, impies ou catéchisés, rejetons des Zefs de Souche ou d’adoption, les gars naviguent à l’unisson. Les Filles font bande à part.

« Voltigeurs d’la baballe et d’la pédale » selon les éclats de dire des clowns Jo et Pastis, les gosses, artistes et champions du cru, en herbe ou confirmés, font vibrer les gens de Bouguenville.  La baraque d’à côté,

La C 11, abrite Vonnette et ses frères. L’aînée est une adorable grande perche.

 14

 Le p’tit Jean évolue dans ses langes.

Outre son cartable chargé des bouquins du savoir, son grand frère Claude porte précocement une tête de plus que tous ses camarades de classe. Devenu membre du club des argentiers de la ville de Brest, il accomplira une carrière professionnelle en lignes comptables, empreinte d’une droiture remarquable. Associée à un talent de la passe face au filet, sa haute taille lui permettra de rayonner, au plan international, dans le mouvement travailliste des volleyeurs.

Lorsqu’il faut soulager notre petite mère, le petit déjeuner se prend chez la voisine. Grande, douce et souriante, la maman de Claude nous sert un « fortifiant » : un grand bol de lait au pain cassé et trempé ! Rituel familier : le papa affable et discret, cale son chapeau mou, c’est l’heure du boulot.

En contrebas, Loulou le rêveur perche en baraque française. Garçon au sourire éternel, haut dans ses galoches,  loulou possèdent également la fibre comptable. Adulte, il la mettra au service du mouvement ouvrier. Cadre administratif de la respectable « Gueule d’or », célébrissime restaurant de l’Arsenal, Loulou veillera des années durant à ce que soient bien sustentés les travailleurs et leurs délégués. Derrière chez nous, circule l’énigmatique Hubert. Son papa est « poulet ». À ne pas confondre avec une hirondelle. Au flic sans bicyclette, Hubert offrit plus d’une fois la possibilité de lui plumer la tête. 

15.

En face, de l’autre côté de la grande rue, siège de l’Espoir. Dans le voisinage de ce patronage paroissial, un clan dénote dans le paysage. Chemisier renommé, le papa est classé dans le camp de la droite chrétienne. Cravaté du matin au soir, l’homme est  perçu comme un authentique béni-oui-oui du MRP, le Mouvement Républicain Populaire qui était traduit sans ménagement la « machine à rouler le peuple ».

Frère cadet de Michel, le grand Georges se moque pas mal des appréciations peu amènes qui fusent du camp laïque. À l’aise dans ses baskets, Georges les écarte d’une simple pichenette. Sans égale, son éloquence gagne par-dessus sa croix l’amitié des plus déterminés à railler les culs-bénits, fussent-ils excellents basketteurs. Le Grand Jo deviendra un artiste de la plume sportive.  

16.

À l’intersection des trois quartiers, Bouguen, Traon-Quizac et Lanrédec, le futur bachelier Dédé veille sur ses grandes Sœurs… ou l’inverse ! moins discrets ses frères Ti-Jean et Ti-Raym’ signent tous les bons coups.

Dans les parages, lumineux rejetons de « L’instit’ à la palette »,  Charles et Michel se différencient des ombrageux grâce à leur talent scolaire et à leurs tignasses claires.

D’un coup de pédale rageur, je dompte le raidillon du Bouguen-Est. Je rejoins la baraque E3. Au-delà de la poterne, gigote mon «  p‘tit  cousin » Christian. Ses frangins Jean Claude et José le précédent en chefs de file. Danielle boucle la marche.

Avec Christ’, je me fiche pas mal de notre mise en concurrence scolaire. Cependant, pas au moment de la proclamation des classements, car le mieux placé des deux studieux reçoit une pièce argentée spécialement mise de côté par nos mamans.                                                                       17.

 Sur le chemin de l’école de Traon-Quizac, nous arborons nos musettes de toile verte, spécialement confectionnées par tante Jeannette. Mains libérées, nous vivons un leste confort.

Un jour, bruyamment moqués par des jaloux, nous nous en expliquâmes vertement avec ces railleurs beaucoup trop collants. La mobilisation de quelques Vaillants donna du poids à nos explications. Les persifleurs se rangèrent vite à l’avis des points nus majoritaires. En ce temps-là, l’action solidaire et la volonté de domination formaient déjà un couple redoutable. 

Toujours sur la butte Est du Bouguen, aux côtés de Vincent, dit Pépé, de Pierre, Paul, Jacques et les autres, s’époumonent de cocasses champions du bagout et du passage en force, eux-mêmes cernés par une flopée de débrouillards.

Parmi ceux-ci, Joël est un gymnaste en herbe : le blondinet à la barrette développe en B4 ses qualités d’artiste des « flips-flop avant-arrière » et de la marche sur les mains. Jo veille gentiment sur son p’tit frère, Robert, le futur opticien.  

18.

Plus tard, spécialiste de l’acoustique sous-marine, Joël s’emploiera passionnément à ce que les marsouins nucléaires de l’île longue ne plantent pas leur tête-skopein dans le ventre des chalutiers.

Joël connaît la musique. Avec lui, les choristes de la classe chantent à tue-tête : « Hé garçon, prends la barre, vire au vent et largues les ris » et « Pique, pique, la baleine », Sous la baguette de Louis, l’instit’ aux sabots.  Aux abords de la poterne, s’éclate un p’tit Jean crépu de poil. Cheminot-Tonnerre mon Clermont !- Le Jeannot s’honorera à servir la patrie en tant qu’infirmier à l’hôpital maritime de Brest.  

19

    Au-dessus de l’odorante triperie Kervern, le plateau parsemé de baraques françaises accueille de coquets sportifs drivés par Gérard, Christian n°2 et Fanfan. Les trois footeux se disputent les allées avec les cyclistes emmenés par Guy, le bel amoureux transi d’une jolie blonde.

          Le rapide Gérard n°2 colle à sa roue. Étoile filante, redoutable sprinter, ce Gérard – là dans un jour faste, manquera d’un pneu le droit de crier sa victoire sur Jacques Anquetil au Circuit des Blés d’Or. Fort de ses bonnes places au Tour de l’Ouest, le vieux Marcel caracole en père peinard en tête du peloton. Véloce prévoyant, il pense à sa reconversion en moniteur de la conduite auto.

Non, ce ne sont pas les corons. Trompeurs, après la pluie, le soleil sème la confusion. Plus au Nord du Bouguen – Est (ou plus à l’Est du Bouguen Nord), François, Fafa pour sa maman, s’essaie à la rédaction de prose en F1, une baraque de ciment ! Plus aérien, Riton, son effilé aîné, accorde ses guitares au désespoir de Marie, institutrice laïque pour l égalité. 

À deux pas de là, en plein Nord je crois, le nonchalant Norbert adule sa B6. Souple dans ses baskets, de tirs au but en paniers marqués, le grand élégant caresse le gros ballon plus rondement que ne crépiteront, vingt ans après, les claviers de ses machines à transcrire le temps.

Privilège de la topographie territoriale, de vagues en vagues, passent et repassent devant l’îlot du Bouguen – Centre des paquets de jeunots. Chaque jour, j’aperçois un autre Dédé, plus jeune, plus râblé, plus shoot que le futur bachelier. La sérénité du fin dribbler le fera footballeur du mémorable Sporting  Club du Bouguen.

 Dans la foulée des changements urbanistiques hautement enclavés, sa sagesse fiscale l’élèvera au rang de président du club transmuté Sporting Club de Brest2. Sous sa direction et la vigilance du vénérable Vincent, le club fanion du sport d’en bas, les jeunes et moins jeunes de Kergoat, kerbernier, kérédern, continuent de jongler le ballon au pied de Bellevue.

De l’autre côté de l’église, vers l’Ouest, adeptes de la « VGA », la vie au grand air, Roger et ses sœurs conduites par Marie-Paule, occupent les travées encombrées. Moins remuant, Jean – Noël songe obstinément à devenir un « As du logement social »tandis qu’appliqués à leur table de travail, toujours prêts à dégager sur la pointe des pieds, Serge et Pierre préparent leurs devoirs.  Sans peur et sans reproche, ils prennent le sillage de l’illustre fratrie dont le p’tit papa au Centre d’apprentissage forme les garçons aux métiers du bâtiment. Derrière la place de Metz, haut lieu des confrontations cyclistes, le timide Christian n°3 habite une maisonnette en dur à l’écart des tumultes juvéniles. De l’autre côté de la rue Commandant Drogou, sévissent Roland et Jean – Claude n°2, son fidèle lieutenant. Mêlés à leurs comparses du Bois de Sapin  Et de Kérédern, les inséparables camarades d’école dirigent les retrouvailles générales à l’école laïque de Traon-Quizac et le jeudi au Patronage laïque de Lambézellec.

21.

Hors les réunions familiales, les Bouguenistes croisent rarement les copains et copines du Bergot. Voisin du Bouguen, le quartier de l’extrême dispose de ses propres commodités sociales, scolaires et marchandes. Ce sont les beaux jours de l’été qui réunissent tout le monde. L’apparition du soleil remplit d’un coup d’un seul la piscine de Tréornou. À ciel ouvert, les baigneurs y piaillent leur plaisir sous les nuages fugueurs. Les plus aventuriers préfèrent foncer jusqu’à Saint-Marc. Pour en montrer aux filles, les p’tits d’hommes bandent leurs muscles en devenir. Ils se jettent en boucle du plongeoir ancré devant la grève. Les valeureux bals-dansants de chez Bastard et de la Guinguette ne gênent pas les nageurs. Hors les  célébrations et événements programmés, les garnements se fouillent les méninges pour agrémenter l’ordinaire. Des ciboulots fusent des plans et des jeux audacieux. Hélas, la fée des foyers opère avec parcimonie : trois fois sur quatre, les projets d’aventures se heurtent à la peur des punitions. Résignés, les jeunes s’ébrouent dans le train-train : ballons, balle au prisonnier, osselets, billes, colin- Maillard, saute – moutons, cache-cache, jeux de pistes, gendarmes et voleurs, p’tites guerres, traîneaux, saut à la corde, marelle. Les jeux médicaux s’exercent dans la clandestinité. Poussives d’un  autre âge, les montées au mât de cocagne et les courses en sac se perdent dans leurs risibles tentatives de survie.     

                                                                                                                  22.

Au total, la routine l’emporte sur la nouveauté. Mais dans la cour de Traon – Quizac, le téméraire piquarome se joue à couteaux ouverts.

Hors les murs, les élèves riment allègrement : « Ah, Kéralloche,  l’école des Cloches ! Ah, Traon – Quizac, l’école des Cracks ! »

Les sorties du jeudi s’organisent selon les caprices du ciel, pluvieux ou bleu :

– Au Sélect ? L’obscur cinoche de tous les rêves est sis rue Robespierre, face à la chapelle Saint – Anne.

– Au patronage Laïque de Lambézellec ? Le « Peuleuleu »  est logé dans une haute baraque noire, à deux pas de l’école, rue du Cdt Drogou.

– plutôt rejoindre Pen – ar – ch’leuz et son stade de football ?…

Ainsi de suite, le choix est varié selon la saison.

23.

3E PARTIE

À BOUGUENVILLE NOS VIEUX

La vie de notre quartier c’est comme celle d’un village, ponctuée de fêtes, cérémonies, enterrements… et parfois une virée à Brest-même.

Au quotidien, les mères gèrent la marmaille ou travaillent pour l’habillement. Il faut faire vivre la maisonnée jusqu’à la paye de quinzaine. Nos paternels vont au maille ; c’est à eux de gagner la croûte. Ils sont ouvriers du port, dockers ou dans le bâtiment.

Aux aventureuses expéditions au bois de la Baronne, à l’étang de kerléguer ou au Fort du Questel, succèdent les sorties familiales dominicales.   « Tous en ville ! » Poussettes en tête, parents et rejetons marchent ensemble sur les ruines en voie d’effacement et les trous de guerre en voie de comblement.   Un bon dimanche comprend obligatoirement une promenade au château et un passage sur le petit pont.   Joyau de l’Arsenal, flottant et mobile, le petit pont s’ouvre à la demande de l’amirauté.   Les bateaux gris passent sous le nez des promeneurs extasiés.    Honorés de l’inespéré soutien populaire, les Margats  de laDP(*) conduise la manœuvre sous les applaudissements des endimanchés   Les fêtes et cérémonies sont programmées par des comités d’adultes.   Les spectateurs cernent de près le char fleuri de la Reine. La camionnette des Vaillants célèbre la Paix et l’amitié avec le peuple soviétique.   Les flambeaux éclairent les fanfares de la retraite. Le feu de la Saint – Jean, quand à lui brûle les pucelles une foi par an.   Généreux en neige poudreuse, l’hiver coriace surprend le père Noël en plain vol.    dans les pas du p’tit Poucet, l’ancêtre à la hotte livre ses oranges aux enfants triés sur le volet.    À la suite des bonshommes de neige, les gras masquent les visages un mardi de février  

* DP : Direction  du Port                                                  24

Chenilles et casse gueule prennent la relève des festivités épuisées. Chaudes et fumantes, les galettes tendent la panse gourmande des gringalets. Artistes de la rue, les industriels forains occupent la grand’ place.  Ils montent les manèges, confiseries, tirs et jeux, aussi vite que leurs cousins, clowns, trapézistes, dompteurs et magiciens, montent le chapiteau du cirque sans jamais nuire au marché maraîcher.

  Hasard ou velléité protectrice du ciel, sur notre gauche siège le presbytère. À droite ou à gauche, c’est fonction de la position du photographe, dos devant ou dos derrière. Campés aux premières loges, nous savons tout de la vie paroissiale et de l’abbé à la moto. Selon les lavoirs, le curé est l’amant d’une belle dame du quartier. les chenapans ne savent pas moins de la bonne sœur foutue le camp avec un Algérien. « Il était beau, il sentait bon le sable chaud ! » Accablé par les démons de l’enfer, le recteur aux lunettes d’écailles redouble ses prières. « Il n’y a pas d’amour heureux ! Ainsi soit-il ! »  Ensevelies sous les universités élevées en ce lieu et place du Bouguen, les rumeurs de la médisance et les racontars des bénitiers font toujours « s’gondoler » les mécréants beaucoup plus que les bonnes gens.



Gais ou tristes, les paroissiens et paroissiennes chantent en chœur. Les bigotes ne savent pas chanter. Serrées dans un coin, le regard de guingois, les bigotes marmonnent leurs méchancetés.  Elles déchantent  à l’autel du ressentiment. En offrande, elles brandissent le fouet de l’enfer en direction des enfants de gueux. « La discipline ne peut être transgressée, la loi est naturelle. Une place à chacun, chacun à sa place. Le destin ! »  

25.

 

Les cortèges des enterrements s’ébranlent souvent de l’église, mais pas toujours.    Les familles et le corbillard portent le noir. Les bourgeoises camouflent leurs visages sous une voilette pareillement noire.   Les incroyants attendent dehors. Les badauds n’applaudissent jamais.  Ils s’écartent machinalement devant la procession guidée par les curés.   Le crucifix est porté par des garçons vêtus d’une soutanette rouge et d’un surplis blanc.   Invité d’honneur, fixé sur un mât mobile, le Seigneur observe d’en haut les promeneurs d’en bas. Les sceptiques haussent les épaules.

Les enfants de cœur ? Les copains les trouvent mignonnes déguisées en filles. Le parfum de l’encens envahit les narines. Malgré leurs incessants tortillements de tête, les plus dégourdis ressentent une sorte d’absence. Au départ, les suiveurs Parlent à voix basse. Ensuite, au fur et à mesure des avancées du convoi funèbre, ils parlent plus haut et plus fort. Les femmes et les enfants font le signe de croix. Les hommes ôtent le mou ou la casquette du dénicheur, rivale populaire
de la casquette de l’officier.

 

Un jour, le cortège rassemble tant de casquettes, de galons dorés et d’épées coincées dans leurs fourreaux, que cette présence intensive au mètre carré désarçonne les passants. Les curieux croient un instant à une répète générale de la revue du 14 juillet. Le macchabée révèle malgré lui son métier.  Le dernier voyage, vers les ténèbres pour les mécréants, vers la lumière pour les gens de foi, s’achève généralement dans un trou. Cela saute aux yeux des gamins.  Les gens d’églises n’apprécient pas les iconoclastes remarques des p’tits morveux.

Branle –bas de combat exceptionnel : un convoi d’un autre genre occupe la chaussée. Debout dans sa grosse décapotable noire, le président de la République Française Vincent Auriol salue de la main ses concitoyens sur le circuit cycliste du Bouguen. Le peuple en liesse ovationne le p’tit homme important. Le Président est protégé par des gaillards casqués à moto. Les pères enthousiasmés tirent leurs cœurs – Vaillants vers la démonstration républicaine sur les Glacis et le Cours Dajot.

Éloignées de l’église d’une laideur à décourager les plus fidèles, sont montées des baraques tout aussi laides. Plus basses, plus longues, c’est l’Oncor(*).  En cet endroit, les ombres se font plus sombres. Le foyer ouvrier souffre d’une mauvaise réputation. Ses résidents sont originaires d’un pays aux rives ensoleillées, là–bas au Sud ; les autorités françaises ont convié des Algériens à la fastidieuse entreprise de reconstruction.  Éloignés de la terre patrie et de leurs familles, ces travailleurs trouvent – ils ici leur compte de bien être ? Cette confrérie besogneuse semble tolérée plutôt que reçue à bras ouverts.  Essentiels au renouveau de la vie urbaine, les métiers de terrassier, de maçon de plâtrier, transpirent pourtant une évidence pénibilité. Pour satisfaire les besoins d’abris des Brestois, ces exilés s’exposent chaque jour aux caprices des intempéries et à la détestable indifférence ou au racisme des gens bien.

27.

* Oncor : Organisation nationale des cantonnements pour les Ouvriers de la Reconstruction.

En contrebas, derrière les hauts murs de la séparation, sur les rives de la Penfeld, l’espérance se manifeste bruyamment aux « BF »(*). Les chevaliers de l’Arsenal la martèlent à coups de masse cadencés. Leur sueur perlée proclame leur ardent désir de dignité : « Les preux de l’église plaident la servitude. À la vérité, ils ordonnent de frire les salariés ! »

Une autre messe est dite. Ces fortes paroles énoncent la sentence ouvrière.

Le goût prononcé des p’tits chefs pour le commandement recèle, selon les paternels, des perversités à vous nouer la gorge et à vous serrer les poings. Le travail grave au plus profond la peau des ouvriers. Les pères portent de trente à quarante ans d’âge : «  Ne pas plier ! À genoux ? Jamais ! »

* BF : Bâtiments en Fer

La célèbre sirène de l’Arsenal rythme la vie des Zefs(*).

Elle siffle les embauchées et débauchées, plusieurs fois par jour. Sises aux pieds de Bouguenville, largement béantes, les portes de la Brasserie et de Kervallon grouillent ponctuellement d’hommes en bleus.

Le matin, au point du jour, Jeanne-la-discrète propose le républicain Ouest-Matin. «  Ouest-Matin ! Le quotidien qui chasse la grippe et le chagrin ! »Ah, la Reconstruction ! Ah, la Reconversion vers des fabrications de navires d’utilité civile ! N’est-ce pas les Antilles ? Son lancement, c’était notre fête à nous. En ces temps engloutis, les ouvriers ne pouvaient imaginer que leur Arsenal serait un jour rayé de la carte et redessiné en garage nucléaire. Pourtant, Brest-Atomik-base investissait déjà les desseins et le tiroir-caisse des génies civils et militaires.

* Zef : c’est ainsi qu’à Brest, dans les milieux populaires, on appelait un petit gars de la ville.

Le Yannick se revendiquait de Recouvrance.

28.

Fiers de leur machine tôt le matin, les mécanos des Mouvements Généraux caressent  leur locomotive. Rutilant, le train de l’Arsenal hurle son bonheur et crache sa fumée. Plein à craquer des voyageurs du labeur, il quitte la porte de la Brasserie toujours à l’heure. De station en station, il les dépose gracieusement jusqu’aux Quatre-Pompes au fin de la rive droite.

Au Plateau des Capucins, rivés à leurs postes, les chaudronniers forment le métal, les ajusteurs actionnent les machines. Les électriciens bobinent rotors et stators. Ti-Louis-le-Marquis immerge les bouts de moteur réparés dans le vernis liquide chauffé à blanc ; cérémonie qui se déroule dans l’intimité de la cuve.

Evasion entre potes, on s’offre parfois un « billet de sortie ».

Le soir

 Le soir, avant le retour au bercail, les travailleurs plongent au Trou. En ce troquet du Carpon, rebelles ou sentimentaux, ils égrènent la rouge cerise et le frêle coquelicot.  Bon sang ne sachant trahir, les fils reprennent les ritournelles ouvrières. Sur le chemin de l’école, les mômes taquinent-haut les cœurs-les rigadins, curés et calotins. En ligue et en procession, les plus Vaillants des écoliers à tue- tête : « Ah, Cœurs-Vaillants, boîte à sardine ! » En bandes mouvantes, les sous fifres de Peppone et les brebis de Don Camillo s’affrontent à la sportive dans tous les coins et recoins des rings et stades, jusqu’aux cours d’écoles et caniveaux.

29.

Au-delà des douves, de la place Albert 1er et de l’Avenue Foch, s’ébroue « Brest-même ». Trolley ou trotte à pied ! Autres vies, autres motivations.  Avec ou sans col bleu, les gars de la marine inondent Recouvrance, les rues de Siam et Jean Jaurès.  En contrebas, « au port de », les charbonnages noircissent les quais et les brodequins. Les pêcheurs rêvent de filets de poissons argentés. Les dockers chargent et déchargent à dos d’homme. Face au bassin du Gaz, pêcheurs et ouvriers achèvent la journée de travail Au tout va bien. Rouge lim’ ou amélioré, un « coup de pif » pour se désaltérer.

Cet été, chroniqueur de la TSF, Georges briquet attise  les passions. Le tour de France se déroule du 30 juin au 24 juillet. si les grimpeurs Jean Robic, René Vietto, Apo Lazaridès et l’inattendu Jacques Marinelli emballent les ferveurs, les chevauchées fantastiques de  Fausto Coppi forcent l’admiration des capsuleurs. Fausto domine les deux contre-la-montre et largue tous ses adversaires dans les Alpes. Il triomphe à Paris avec près de 11 minutes sur Gino Bartali ! Ces faits d’armes enfouis dans les mémoires, la laïque de Traon-Quizac réunit à nouveau ses écoliers.
Patatras ! Sidération et tristesse. A quelques encablures de la Toussaint, le vingt-huit octobre devient à jamais synonyme de drame national. Marcel Cerdan meurt accidentellement… L’avion dans lequel il a pris place, percute en pleine nuit un pic des Açores au Portugal. Notre valeureux champion voyageait vers les  États-Unis dans le but de reprendre son titre à l’énigmatique Jake La Motta. Le taureau du Bronx campe loin derrière l’aura du superbe félin Sugar   Ray Robinson.  La cruelle disparition de Marcel brise nos rêves.  Sa victoire eût été notre victoire. Ah, la vie et ses mauvais tours d’ailes.


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CHŒUR DE PAIX

Heurts, malheurs, rires et sourires entremêlés, à Bouguenville,

Les mères se prénomment Céline, Germaine, Gina, Jeanne, Joséphine, Juliette Madeleine, Marcelle, Marguerite, Marie, Paulette, Renée, Romaine, Yvonne.

Elles croient au ciel ou n’y croient pas.

Le porte-monnaie des dames à voilette se présente bien garni ; celui des dames populaires se maintient plutôt maigrelet.

Toutes protègent de leurs tendres baisers leurs descendances adorées.

Mamans les plus douces du monde, les margotons de la rade éduquent leurs vaillants et 

Cœurs vaillants à la paix et Fraternité.

C’était autrefois, au milieu du siècle dernier.

C’était le temps de notre « Bouguenville ».

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RÉCITS DE LOUIS AMINOT

ILLUSTRÉS PAR GEORGIO

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