Source de L’article le Télégramme de Brest.
Brest Secret Catherine Le Guen
L’un des plus grands abris brestois de la Seconde Guerre mondiale se trouve sous l’Ehpad Delcourt-Ponchelet, à Saint-Marc. Il cachait un hôpital, sous les bombes, durant le siège de Brest.
En ce début septembre 1944, des obus atteignent souvent l’hôpital Delcourt-Ponchelet, dans le quartier de Keruscun à Brest. Les combats font rage, le siège a commencé le 7 août. « Les obus venaient de l’Île Longue », note dans son livre « Le siège de Brest », le Dr Max Lafferre, responsable de la section marine de l’hôpital Ponchelet.
Un abri accessible par 119 marches
Personnels et patients descendent dans l’abri, qui n’est pourtant pas tout à fait terminé. Sa construction a commencé en 1943 à l’initiative du directeur des travaux maritimes Jean Estrade. Ce boyau creusé dans la roche aboutit rue Pierre-Sémard (rue du Gaz à l’époque) en passant sous la rue François-Rivière. Le personnel doit souvent faire la navette entre le souterrain et les bâtiments à la surface, des allers-retours épuisants puisqu’il faut gravir les 119 marches.
Durant tout le siège, les ambulances arrivent par la rue Pierre-Sémard pour déposer les nombreux blessés. Les brancards traversent alors la partie abri,
où la population est venue chercher un refuge avant de tenter de fuir la ville dans les premiers jours du siège. Sur une photo prise le 17 septembre 1944, veille de la capitulation allemande, par un photographe de l’US Army, on voit les lits en bois superposés sur lesquels les réfugiés s’entassent.
Un hospice et un orphelinat jusqu’en 1941
L’établissement, qui était au début de la guerre un hospice de vieillards adossé à un orphelinat, s’était transformé en hôpital dès l’année 1941, du fait de la destruction par les bombardements, en janvier et avril, des hospices civils, situés rue Traverse. L’ensemble de Delcourt-Ponchelet est alors composé de deux grands pavillons à deux étages reliés par un passage couvert et une chapelle. Seuls la chapelle et l’abri subsistent des anciens bâtiments détruits, avant la construction en 1989 de l’Ehpad actuel.
« L’entrée de l’abri est intégrée dans l’enceinte de l’Ehpad Delcourt-Ponchelet. Derrière la porte, un escalier de 39 marches commence la descente avant de faire un coude sur la droite et de plonger encore plus bas vers l’hôpital souterrain. On a la même impression de profondeur que dans l’abri Sadi Carnot », témoigne Sylvain Perchirin, responsable d’atelier au CHRU de Brest.
Une source coule dans l’abri
Toute la descente est bétonnée et reste en bon état, seuls les équipements électriques d’époque et les mains courantes d’escalier, complètement rouillés, témoignent du temps passé.
Arrivé au niveau de l’abri qui s’étire sur une centaine de mètres, on trouve un hôpital, trois salles principales, ainsi qu’un petit renfoncement qui avait été aménagé en chapelle, explique le Dr Max Lafferre, qui précise qu’une source coulait abondamment. « La construction de l’abri avait été retardée du fait de la pénurie de matériaux et des décisions des Allemands qui s’étaient emparés de la pompe d’épuisement des eaux, arrêtant les travaux ». Pas de carrelage pour la salle d’opération, le wagon qui le transportait ayant été détruit par un bombardement. Aujourd’hui, la source est toujours là, on la voit couler par les regards ouverts dans la canalisation qui avait été aménagée en 1943.
Trois bébés, âgés de 78 ans ou presque
Le plafond de la première pièce aménagée est couvert de fines stalactites, c’était la salle des blessés hommes. La cellule suivante était la salle d’opération. Il faut avoir un peu d’imagination pour concevoir qu’un scialytique y était installé et que des opérations chirurgicales ont pu s’y dérouler. Un intrigant renfoncement en forme de pentagone abouti sur la roche à nu. La pièce suivante accueillait les femmes blessées, des opérations y ont aussi été réalisées au tout début du siège.
Au total, le Dr Max Lafferre estime que 260 blessés (population locale, Allemands et même Américains) ont été soignés à Ponchelet durant le siège. Il s’agissait de « blessés graves, plaies au thorax et à l’abdomen, grands fracas ou arrachements des membres, ce qui explique la mortalité, plus de 20 % des patients succombèrent. Certains firent de la gangrène gazeuse. L’atmosphère humide et chaude des salles, l’encombrement, le confinement de l’air étaient de désastreuses conditions », détaille le médecin. Jusqu’à trois tables d’opération ont pu fonctionner en même temps, « mais il n’y eut jamais une affluence telle que le personnel fut débordé », assure le médecin qui ajoute une note plus souriante, il y eut aussi dans l’abri trois naissances. Cette histoire singulière a-t-elle été transmise à ces bébés qui ont aujourd’hui 78 ans ou presque ?