En 1944, la cuisine d’entraide de l’ancien Monoprix rue de Siam ville de Brest.

Source Le Télégramme de Brest. Pratique d’hier (Tome VI ): Défense passive en Finistère (1939-1945), Roland Bohn et Joël Le Bras, édité à compte d’auteur.

Les cuisines d’entraide formaient un réseau réparti sur toute la ville. « Brest, notre filleule », 1945, édité par la ville de Lyon au profit des sinistrés brestois.
(Re)découvrir un pan méconnu de l’histoire brestoise, plongée dans la cuisine d’entraide de l’ancien Monoprix, née en octobre 1944
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Le Saviez – vous?

Après la fin de la bataille de Brest, le 18 septembre 1944, les rues du centre-ville brestois sont remplies de gravats. Parmi les rares bâtiments encore debout, on trouve, rue de Siam, l’ancien immeuble du magasin Monoprix. À l’automne 1944, il est intégré au réseau de cuisines d’entraide des Auxiliaires de la défense passive (ADP) pour nourrir les réfugiés et travailleurs brestois.

La ville de Brest détruite

La survie des populations civiles

Au 54, rue de Siam, l’immeuble Monoprix a vaillamment résisté aux incendies, mais seuls le rez-de-chaussée et une partie du premier étage subsistent. « Il y avait des gravats absolument partout », se souvient Jeanne Romeur. En octobre 1945, la jeune fille de 15 ans étudie en seconde au lycée de l’Harteloire. Elle se rend chaque midi à la 10e Cuisine d’entraide. Dans la mémoire de la nonagénaire, « ce n’était pas de la bonne cuisine, mais je me souviens des pâtes à la sauce tomate et du ragoût. C’était tout à fait convenable ».

Les plats arrivent sur la table grâce à l’investissement des Auxiliaires de la défense passive (ADP). Ils mènent plusieurs types d’actions pour protéger les populations civiles, notamment les cuisines ADP, rapidement renommées cuisines d’entraide. Les cuisines ADP fonctionnent selon un système de tickets, échangés contre des denrées.

« Les Restos du cœur de l’époque »

Le chroniqueur Joël Le Bras, lui-même réfugié en Sarthe (72) avec sa mère pendant la guerre, a très bien connu Mathilde Montfort-Menez, qui a travaillé à la cuisine d’entraide du Monoprix. « Elle accueillait des sinistrés qui venaient constater l’état de leur logement, mais aussi les premiers ouvriers de la démolition », raconte-il. « Les ADP peuvent être considérés comme les Restos du cœur de l’époque ». Selon l’historien Olivier Polard, la 10e Cuisine d’entraide a aussi « sans doute servi aux 600 soldats allemands chargés de déblayer la ville ».

C’est un changement total de fonction pour le bâtiment qui accueillait auparavant un magasin inauguré en grande pompe en 1934. En mai 1944, les vendeuses organisent un spectacle place de la Liberté afin de collecter des fonds pour les réfugiés. Jusqu’à l’été 1944, le Monoprix ouvre ses portes à une clientèle issue de la classe moyenne. « La guerre est une parenthèse d’une dizaine d’années dans une période très joyeuse », rappelle Olivier Polard. « Ce genre de magasins incarne la modernité, d’où un engouement certain à l’époque ». Sa structure en béton armé l’a en partie protégé de la destruction.

Arsenal de Brest

Après les bombardements, en septembre 1944, le décor est tout autre. Une décision de la nouvelle municipalité prive les ADP d’une fourniture régulière en eau, qu’on doit aller chercher au puits. Sans gaz et sans électricité, la cuisine est installée « de bric et de broc », d’après Joël Le Bras. « Les ADP reçoivent des subsides mais pas suffisamment. Ils se débrouillent pour se ravitailler en dehors de la ville, à leurs risques et périls ». Vers 1946, la cuisine ADP sera ensuite déplacée loin du centre-ville, place Aristide-Briand, près de l’actuelle place Albert Ier. Le Monoprix sera ensuite détruit pour construire l’actuel alignement de bâtiments de la rue de Siam. À partir de 1946, les Brestois devront se rendre aux baraques de la cité commerciale pour faire leurs achats chez Monoprix.

Deux des plus grandes dragues au monde

Source Le Télégramme de Brest Jean Yves Brouard

La drague Pas de Calais II est dite « à godets », car une chaîne d’énormes godets, disposée sur le pont et sous la surface, permet de creuser, dans une noria sans fin, les fonds sableux ou vaseux. Collection Jean- Marc Godin         







Lancement de la drague Pas de Calais

Deux dragues françaises parmi les plus grandes du monde, avant comme après la guerre, ont été construites par des chantiers français.

La drague Pas de Calais II est dite « à godets » car une chaîne d’énormes godets, disposée sur le pont et sous la surface, permet de creuser, dans une noria sans fin, le fond sableux ou vaseux des estuaires, des fleuves, des chenaux et de certaines zones côtières. Les déchets et les détritus récoltés sont ensuite transvasés dans des bâtiments annexes, les porteurs, et emportés loin de là. Sans les dragues, à godets ou à aspiration (autre technique), des pays à façade maritime comme la France pourraient rapidement ne plus avoir d’échanges commerciaux, dans un sens et dans l’autre, avec le reste du monde : une grande partie des cargaisons voyage par cargos et pétroliers (ceci est moins vrai de nos jours, grâce aux porte-conteneurs et aux ports en eau profonde).

Pas de Calais II : 15 000 m3 de vases par jour

Lancée en septembre 1933, aux Ateliers et Chantiers de France, à Dunkerque (Nord), pour les Ponts & Chaussées, en présence de diverses personnalités dont le maire de Lille, Roger Salengro, la Pas de Calais II impressionne par ses performances pour l’époque : travaillant à une profondeur de 21 à 23 mètres sous la mer, elle est capable d’enlever, chaque jour, 15 000 m3 de vases. Sans doute la plus grande au monde, elle peut se rendre dans divers ports de la Manche, de Dunkerque au Havre.

La Seconde Guerre mondiale arrive. La drague rallie Nantes au printemps 1940, emportant les familles de marins fuyant l’avancée allemande. Mais, en août 1944, les Occupants défaits la sabordent en aval de la ville, pour former avec d’autres bateaux un barrage destiné à bloquer la navigation. Renflouée en 1947, elle est remise en service en août 1951 – elle connaît alors un second lancement – et rejoint Boulogne-sur-Mer.

L’explosion du 1er août 1952

Mais un terrible accident arrive. La nuit du 1er août 1952, dans la rade du port de Boulogne, la drague ramène dans un de ses godets une torpille de 6 mètres de long, provenant de l’épave d’une vedette lance-torpilles coulée pendant la guerre. Hissé lentement, l’engin finit par se coincer entre le godet et la paroi du puits bâbord. C’est alors qu’une explosion d’une extrême violence se produit. Les hommes présents sur le pont et à la passerelle sont projetés, blessés ou tués. Les mécaniciens remontent de la machine et se jettent à la mer. En deux minutes, la drague coule. Le porteur Huron, à couple, subit des dégâts à la passerelle. Il y aura finalement un total de onze morts, semant la consternation dans Boulogne et les environs.

Mais les travaux de dragage à Boulogne ne peuvent pas attendre. Aussi fait-on venir, dès la fin août, d’autres dragues de l’extérieur : les françaises François Lévêque, Slack et Liane. Il en faut bien trois pour remplacer la géante… Une minutieuse préparation est organisée pour, dans un premier temps, au moins redresser cette dernière, sous la direction de la compagnie spécialisée des Abeilles, avec l’aide de ses navires Bressuire, Marie-Madeleine, Yves Bignon et Cholet. S’y ajoutent ceux de la société belge L’Entreprise anversoise (engins de relevage Titan II, IV et V). Remise dans sa position normale le 8 octobre, la Pas de Calais II se voit allégée par le démontage de diverses pièces pesantes. La dernière opération de renflouement a lieu le 21 novembre. La drague est remorquée vers le rivage et échouée pour qu’elle se retrouve au sec à marée basse. C’est le lendemain qu’on découvre trois corps à l’intérieur du bâtiment. Réparé, il est remis en service en 1954, avant son affectation, en 1972, à Nantes où il sera ferraillé (son désarmement à Paimbœuf date de 1982).

Paul Solente : 8 000 tonnes en charge

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Entre-temps, en 1946, les Ateliers et Chantiers de Bretagne, à Saint-Nazaire (44), avaient remporté un concours international pour la construction d’une autre grande drague, cette fois destinée au canal de Suez. La Compagnie universelle du canal souhaitait une nouvelle drague aspiratrice, automotrice et porteuse de 2 600 m3. Sa longueur étant de 112 mètres et son déplacement en charge de 8 000 tonnes, cela en fera l’une des plus grandes dragues d’Europe, voire du monde, disait-on à l’époque. Mise en service en 1952, sous le nom de Paul Solente, elle sera très utile au dragage, par aspiration du sable, non seulement dans les atterrages de Port-Saïd à l’entrée nord du canal, mais aussi, en particulier, dans les lacs Amers, des étendues d’eau à mi-parcours de la voie d’eau. Mais il lui arrivera également un sort inattendu : l’intervention franco-anglaise, en octobre 1956, consécutive à la nationalisation du canal par le président égyptien Nasser en juillet, entraînera le sabordage de nombreux engins flottants. Parmi eux, la Paul Solente sera considérée comme le plus difficile de tous à renflouer et à dégager.

Sous l ‘Ehpad Delcourt – Ponchelet, un hôpital de guerre en 1944

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Source de L’article le Télégramme de Brest.

Brest Secret Catherine Le Guen

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La descente de 80 marches vers l’abri, les mains courantes et l’électricité d’origine sont rouillées, mais un éclairage moderne a été installé. Les visites avaient eu lieu lors de journées du patrimoine, mais elles ne sont plus possibles.

L’un des plus grands abris brestois de la Seconde Guerre mondiale se trouve sous l’Ehpad Delcourt-Ponchelet, à Saint-Marc. Il cachait un hôpital, sous les bombes, durant le siège de Brest.

En ce début septembre 1944, des obus atteignent souvent l’hôpital Delcourt-Ponchelet, dans le quartier de Keruscun à Brest. Les combats font rage, le siège a commencé le 7 août. « Les obus venaient de l’Île Longue », note dans son livre « Le siège de Brest », le Dr Max Lafferre, responsable de la section marine de l’hôpital Ponchelet.

Un abri accessible par 119 marches

Personnels et patients descendent dans l’abri, qui n’est pourtant pas tout à fait terminé. Sa construction a commencé en 1943 à l’initiative du directeur des travaux maritimes Jean Estrade. Ce boyau creusé dans la roche aboutit rue Pierre-Sémard (rue du Gaz à l’époque) en passant sous la rue François-Rivière. Le personnel doit souvent faire la navette entre le souterrain et les bâtiments à la surface, des allers-retours épuisants puisqu’il faut gravir les 119 marches.

Durant tout le siège, les ambulances arrivent par la rue Pierre-Sémard pour déposer les nombreux blessés. Les brancards traversent alors la partie abri,

où la population est venue chercher un refuge avant de tenter de fuir la ville dans les premiers jours du siège. Sur une photo prise le 17 septembre 1944, veille de la capitulation allemande, par un photographe de l’US Army, on voit les lits en bois superposés sur lesquels les réfugiés s’entassent.

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Sous l’Ehpad Delcourt-Ponchelet, un hôpital de la Seconde Guerre mondiale à Brest.

Un hospice et un orphelinat jusqu’en 1941

L’établissement, qui était au début de la guerre un hospice de vieillards adossé à un orphelinat, s’était transformé en hôpital dès l’année 1941, du fait de la destruction par les bombardements, en janvier et avril, des hospices civils, situés rue Traverse. L’ensemble de Delcourt-Ponchelet est alors composé de deux grands pavillons à deux étages reliés par un passage couvert et une chapelle. Seuls la chapelle et l’abri subsistent des anciens bâtiments détruits, avant la construction en 1989 de l’Ehpad actuel.

« L’entrée de l’abri est intégrée dans l’enceinte de l’Ehpad Delcourt-Ponchelet. Derrière la porte, un escalier de 39 marches commence la descente avant de faire un coude sur la droite et de plonger encore plus bas vers l’hôpital souterrain. On a la même impression de profondeur que dans l’abri Sadi Carnot », témoigne Sylvain Perchirin, responsable d’atelier au CHRU de Brest.

Une source coule dans l’abri

Toute la descente est bétonnée et reste en bon état, seuls les équipements électriques d’époque et les mains courantes d’escalier, complètement rouillés, témoignent du temps passé.

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Arrivé au niveau de l’abri qui s’étire sur une centaine de mètres, on trouve un hôpital, trois salles principales, ainsi qu’un petit renfoncement qui avait été aménagé en chapelle, explique le Dr Max Lafferre, qui précise qu’une source coulait abondamment. « La construction de l’abri avait été retardée du fait de la pénurie de matériaux et des décisions des Allemands qui s’étaient emparés de la pompe d’épuisement des eaux, arrêtant les travaux ». Pas de carrelage pour la salle d’opération, le wagon qui le transportait ayant été détruit par un bombardement. Aujourd’hui, la source est toujours là, on la voit couler par les regards ouverts dans la canalisation qui avait été aménagée en 1943.

Trois bébés, âgés de 78 ans ou presque

Le plafond de la première pièce aménagée est couvert de fines stalactites, c’était la salle des blessés hommes. La cellule suivante était la salle d’opération. Il faut avoir un peu d’imagination pour concevoir qu’un scialytique y était installé et que des opérations chirurgicales ont pu s’y dérouler. Un intrigant renfoncement en forme de pentagone abouti sur la roche à nu. La pièce suivante accueillait les femmes blessées, des opérations y ont aussi été réalisées au tout début du siège.

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le-Dr-max-lafferre-médecin-de-l-hôpital-Ponchelet ( Livre du Docteur) avec le plan.

Au total, le Dr Max Lafferre estime que 260 blessés (population locale, Allemands et même Américains) ont été soignés à Ponchelet durant le siège. Il s’agissait de « blessés graves, plaies au thorax et à l’abdomen, grands fracas ou arrachements des membres, ce qui explique la mortalité, plus de 20 % des patients succombèrent. Certains firent de la gangrène gazeuse. L’atmosphère humide et chaude des salles, l’encombrement, le confinement de l’air étaient de désastreuses conditions », détaille le médecin. Jusqu’à trois tables d’opération ont pu fonctionner en même temps, « mais il n’y eut jamais une affluence telle que le personnel fut débordé », assure le médecin qui ajoute une note plus souriante, il y eut aussi dans l’abri trois naissances. Cette histoire singulière a-t-elle été transmise à ces bébés qui ont aujourd’hui 78 ans ou presque ?

« France II », le plus grand voilier du monde

France II
Source le Télégramme de Brest Jean Yves Brouard
France II sous ses voiles

Le cinq-mâts « France II », longtemps le plus grand voilier du monde, a mal terminé sa carrière…

Le voilier géant, immobile pour toujours sur le récif de Goya, en Nouvelle Calédonie, peu après son échouage fatal Photo DR

Certes, trois grands voiliers étrangers auraient pu rivaliser avec le Français France II avant la Première Guerre mondiale. Deux voiliers allemands à cinq mâts : le Preussen et le RC-Rickmers, et un américain à sept mâts : le Thomas W Lawson. Ils sont un peu plus longs que le France II, mais le Preussen est désarmé en 1910, après une collision et un échouage ; le RC-Rickmers se perd en 1914 et le Lawson coule en 1907. De toute façon, le France II a au moins un avantage : sa jauge brute en tonneaux et son port en lourd, nettement supérieurs.

Plus grand voilier du monde pendant 77 ans

Lancé en 1911 et continuant de naviguer pendant la Première guerre et après, le France II conservera le record du plus grand voilier du monde pendant 77 ans, avec sa longueur de 142,2 mètres pour 16,96 mètres de large. Il faudra attendre le français Club Med I, lancé en 1988, à Saint-Nazaire (44), pour voir ce record battu…

C’est l’armateur rouennais Prentout qui lance le projet, en copiant les unités de son concurrent Bordes, et en voulant reproduire l’idée d’un voilier transport de pétrole en fûts, à l’image du Quevilly de sa propre compagnie. Prentout suit de près les plans du futur voilier, en visant l’efficacité technique et en gommant les défauts des prédécesseurs. Il va jusqu’à reprendre le nom de France, qui est celui d’un précédent voilier de Bordes, comme un défi à la compagnie concurrente… Car le France II se nomme en réalité France (nom inscrit sur la coque), mais on lui ajoute habituellement le chiffre « II » pour le distinguer du précédent clipper.

Une caractéristique parmi d’autres : le voilier a deux moteurs et autant d’hélices. Il s’agit d’auxiliaires, car l’armateur profite de l’attribution d’une prime qui encourage les compagnies mettant en œuvre des navires à moteurs – mais le mode de propulsion principal est bien la voile…

Cap sur la Nouvelle-Calédonie

C’est en cours de construction, aux Chantiers et Ateliers de la Gironde, à Bordeaux, que Prentout décide de changer le type de cargaison de son nouveau voilier : fini les fûts de pétrole à fond de cale ; cette fois, le France II ira chercher du nickel en Nouvelle-Calédonie, de l’autre côté de la planète. L’armateur calcule que, pour être rentable, son navire devra parcourir en 80 jours le trajet aller (qui se fait par le cap de Bonne Espérance et l’océan Indien), et le trajet retour en 100 jours (par le cap Horn puis en remontant le long des côtes brésiliennes). Le cinq-mâts transporte aussi des passagers payants, dans un remarquable confort, tant pour les passagers que pour l’équipage. Hélas, il effectuera son premier voyage juste avant la Grande guerre, et le deuxième voyage, peu après le début du conflit. Le navire ne sera pas rentable, en raison des difficultés et des périodes de désarmements dues aux circonstances. La compagnie décide, en 1917, de changer ses trajets et de se tenir à distance, si possible, des zones à risques. Le plus important est de transporter du charbon ou du grain, et d’aller les chercher là où c’est possible, en faisant du « tramping » (voyages en fonction du fret et des ports de chargement).

Un huitième voyage fatal

Après la guerre, le bateau subit quelques transformations, comme la suppression des moteurs et des hélices qui freinent dans l’eau – équipements pourtant utiles dans des cas d’urgence ou lors de circonstances particulières. La paix étant revenue, le fret repart et le France II peut effectuer quelques voyages transatlantiques. Hélas, le huitième voyage du navire depuis sa mise en service lui sera fatal – en effet, le France II n’aura effectué en tout que sept voyages complets, comprenant l’aller et le retour…

Arrivé en Nouvelle-Calédonie en juin 1922, il doit changer de mouillage pour charger du minerai de chrome et de nickel. Le déplacement, navire « lège », se fait à la voile et avec l’assistance d’un remorqueur local. Le temps n’est pas bon : gros nuages noirs, brise, houle… Le voilier doit franchir seul la passe du lagon où on l’attend. Dans la soirée du 12 juillet, tout à coup, le vent tombe tandis que de forts courants poussent le voilier vers les récifs. Or, il n’a plus ses moteurs d’appoint… Dans la nuit (le temps est bouché), à 23 h, il talonne le récif de Goya. Tentant de s’en sortir au fil des heures, il creuse sa propre souille dans laquelle il tombe et s’incline sur le flanc. L’équipage, sain et sauf, rallie la côte à bord des canots.

Les experts, les assureurs et la compagnie conviennent qu’un renflouement est possible, mais coûterait trop cher. L’épave restera là. Alors, tout ce qui est précieux à bord sera revendu à terre ou rapatrié à Bordeaux. Dans l’entre-deux-guerres, des vandales mettront le feu à la coque. À partir de 1942, les Américains venus s’installer en Nouvelle-Calédonie utiliseront l’épave comme cible pour les exercices de leurs pilotes bombardiers.

Le Fantasque et les contre-torpilleurs Les contre-torpilleurs français de la classe Le Fantasque furent longtemps les navires de plus de 2 500 tonnes les plus rapides au monde.

Source de L’article le Télégramme de Brest Jean-Yves Brouard

En 1935, le contre – torpilleur Triomphant, un des plus rapides bâtiments au monde, réalise un excès de vitesse. (Collection Jean Yves Brouard)

Ce sont des chantiers français qui construisent ces contre-torpilleurs pour la Marine nationale. Après la Première Guerre mondiale, le Parlement vote, en 1930, une loi de Finances dans le cadre du programme de reconstruction de la flotte, conformément au traité de Washington. Ce plan recouvre plusieurs tranches et l’une d’elles concerne ces six contre-torpilleurs de 2 500 tonnes aux noms ronflants : l’Audacieux, le Fantasque, l’Indomptable, le Malin, le Terrible et le Triomphant. On s’inquiète des unités similaires, très rapides également, lancées chez les Italiens, qu’il faut pouvoir égaler.

Le Triomphant Construction

Près de 80 km/h !

Dans le milieu des années 1930, deux de ces contre-torpilleurs sont construits à l’arsenal de Lorient, deux autres à La Seyne-sur-Mer, un à Blainville, près de Rouen, et un autre à Dunkerque, puis affectés à la 2e Escadre légère. Leur rayon d’action, 5 000 milles à la vitesse de 15 nœuds, n’est plus que de 800 milles à 40 nœuds. Propulsés par deux groupes de turbines Parsons de 86 000 chevaux et deux hélices, ces navires ont poussé des pointes à 43 nœuds, à 45 même pour Le Terrible, soit près de 80 km/h, des vitesses incroyables à l’époque !

Mais un nouveau conflit arrive. Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne, qui vient d’envahir la Pologne. Les patrouilles réelles commencent pour les six contre-torpilleurs qui ont intégré la Force de Raid. Armés de cinq pièces de 138 mm et de trois tubes lance-torpilles triples, ils possèdent des canons de 37 mm et des mitrailleuses contre avions. Au printemps 1940, une intervention alliée se prépare bientôt en Scandinavie, en raison des visées allemandes sur les mines de fer de Norvège. La Krieg marine établit un important trafic entre les ports norvégiens et l’Allemagne. L’Angleterre veut couper cette « route du fer », mais elle manque de grands torpilleurs capables de surclasser les destroyers allemands de 1 800 tonnes. Elle demande donc à la France d’effectuer un « sweep » (un « balayage ») dans le détroit du Skagerrak, entre le Danemark et le sud de la péninsule scandinave.

Le Triomphant en pleine vitesse

Opération Rake

L’état-major français désigne secrètement la 8e Division de contre-torpilleurs et ses trois unités : Indomptable, Malin et Triomphant (portant à l’époque leurs marques de coque respectives X81, X82 et X83). En quittant Brest, le 15 avril 1940, les équipages ignorent ce qu’on attend d’eux. Les trois états-majors ne l’apprendront qu’à leur escale en Écosse : se rendre de nuit à l’entrée du Skagerrak, patrouiller à toute vitesse tant qu’il fait noir et couler tout ce qui se présente : vedettes lance-torpilles, chalutiers, cargos… Nom de code de l’opération : Rake.

Cette nuit du 24 au 25 avril, c’est la pleine lune. Les trois navires avancent à 38 nœuds (70 km/h), en ligne de front pour « ratisser » plus largement. Ils longent d’abord la côte norvégienne. Dans un premier temps, aucun bateau n’est rencontré. Et puis, en fin de patrouille, on aperçoit des coques noires, celles de chalutiers armés. Tir nourri. La surprise est totale pour les Allemands. Mais trois vedettes lance-torpilles allemandes arrivent sur bâbord et lâchent leurs engins de mort… qui se perdent sans toucher de cible.

Cette fois, il faut filer. Le jour approche, des avions allemands vont sûrement rappliquer. En effet, quatre ripostes aériennes viendront entre 7 h et le début de l’après-midi. La division française module son allure, ralentit, accélère jusqu’à 40 nœuds, occasionnant de formidables vibrations que ressent tout le bord, exécute de vastes lacets pour éviter, de très peu, les bombes. Le Triomphant est légèrement endommagé par une explosion mais peut continuer sa route. Les trois bâtiments reviennent en Écosse sains et saufs, ralentis également par le Malin, victime d’avaries aux turboventilateurs (la fragilité de ces bâtiments).

L'Audacieux

En septembre 1940, L’Audacieux est incendié lors des combats de Dakar. (Collection Pierre Bréard)

À Dakar, L’Audacieux incendié


À Dakar, L’Audacieux incendié

Résultat ? Mitigé. La propagande française dira que plusieurs bateaux ennemis ont coulé, ce que contestent les Allemands. La même opération doit se répéter, mais la France a besoin de ses navires en Méditerranée ; il va falloir s’opposer bientôt aux rapides contre-torpilleurs italiens…

Les six unités subissent des sorts divers, après juin 1940. L’Audacieux est incendié lors des combats de Dakar (septembre 1940), puis l’Indomptable, sabordé à Toulon, en novembre 1942. Les autres passent du côté des Alliés, le Triomphant dès 1940 (Forces navales de la France Libre). Après le débarquement américain en Afrique du nord, en novembre 1942, les Malin, Terrible et Fantasque seront rénovés aux États-Unis courant 1943, puis mèneront des actions d’éclat en Méditerranée. Fin 1944, le Malin aborde durement son « frère » Le Terrible ; ce dernier, gravement endommagé, ne reprendra du service, pour peu de temps, qu’après la guerre, reclassé comme escorteur d’escadre. Quant au Malin, il finira comme ponton à Brest, puis comme brise-lames à Lorient à partir de 1964, jusqu’à sa démolition en 1976.

Les bateaux des records : des navires de 500 000 tonnes, record absolu Les plus gros navires construits par la main de l’homme sont français. Depuis 1979, on n’a pas fait mieux.

Source de L’article Le Télégramme de Brest.

Jean-Yves Brouard


Sur cette photographie des Chantiers de l’Atlantique, le Batillus, le plus gros navire du monde, est à couple d’un petit pétrolier, qui est, lui, de la taille du plus gros pétrolier du monde, dans les années 1920… (Collection Jean-Yves Brouard)

La course au gigantisme dans le domaine maritime n’en finit pas, depuis le lendemain de la Première guerre mondiale. En particulier, les pétroliers américains, anglais et français rivalisent pour transporter les plus grosses quantités de pétrole. Dans les années 1960, le cap des supertankers (plus de 200 000 tonnes) est franchi, puis celui des 300 000 tonnes.

Au début des années 1970, les chantiers de Saint-Nazaire projettent de lancer des supertankers tellement énormes qu’on les appelle des ULCC (Ultra large crude carriers) : plus de 500 000 tonnes. Ils mesurent 410 mètres de longueur (100 mètres de plus que les paquebots France ou Normandie -, 63 mètres de largeur, et entre la quille et le sommet du mât, ce sont 75 mètres de dénivelé (soit un immeuble de 25 étages).

28 mètres de tirant d’eau

Le tirant d’eau (hauteur de la coque sous la surface de la mer) dépasse les 28 mètres, ce qui signifie qu’en Manche, par exemple, lorsqu’un tel pétrolier est plein, il ne peut se rendre partout. Dès 1967, le port du Havre, par où transitent 45 % de la consommation française en pétrole grâce aux appontements de la CIM, décide d’étudier les travaux à réaliser pour permettre la réception de navires de 500 000 tonnes, et même d’1 000 000 de tonnes ! C’est pourquoi un site de déchargement en eaux profondes est construit aussi, à Antifer, au nord du Havre.

Un élément majeur vient se greffer à l’affaire : à cause du blocage du canal de Suez depuis 1967, à la suite de la « guerre des Six jours » israélo-arabe ; il ne sera rouvert qu’en 1975. En attendant, tous les navires qui y transitaient – les pétroliers en particulier -, doivent contourner l’Afrique par le sud. Aussi, tant qu’à faire un si long voyage, envisage-t-on de lancer des navires spécialisés plus gros pour transporter la plus grande quantité de pétrole.

Les premiers 500 000 tonnes

C’est ainsi que la compagnie Shell envisage deux premiers 500 000 tonnes : le Batillus d’abord, puis le Bellamya. Les Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire (44), reçoivent la commande. Chaque navire nécessite 77 300 tonnes d’acier (la tour Eiffel pèse 7 000 tonnes seulement). À bord de ces navires, tout est pensé en double, par mesure de sécurité : deux machines, deux chaudières, deux hélices (de 52 tonnes chacune !), deux appareils à gouverner.

Une autre société française, la Compagnie nationale de navigation, commande aux mêmes chantiers deux autres unités, les Pierre Guillaumat et Prairial. Avec ceux de la Shell, ce seront les quatre plus gros au monde… Hélas, arrive un imprévu : la crise pétrolière de 1973. Les cours flambent, l’Europe revoit sa stratégie en matière de consommation de pétrole. Et La Shell remet en cause la construction de ses pétroliers de 500 000 tonnes, au point de vouloir annuler le contrat. Les chantiers ne sont pas d’accord, et les pénalités demandées sont d’un tel niveau que la Shell préfère laisser faire : les ULCC seront bien lancés (en 1976). Un peu plus tard, les Pierre Guillaumat et Prairial aussi seront mis en service, en 1977 et 1979.


Le « Prairial », un des quatre 500 000 tonnes qui échappera à la démolition consécutive aux crises pétrolières des années 1970.
 (Collection Jean-Yves Brouard)

Saint-Nazaire, capitale du gigantisme

C’est alors qu’intervient un deuxième choc pétrolier, en 1979. Après un début de navigations normales sur le golfe Persique, les quatre géants réduisent leur vitesse à partir de 1980, et, vers le milieu de la décennie, ils seront désarmés. Le premier à partir à la casse est le Pierre Guillaumat, en 1983 ; après avoir livré une dernière cargaison à Antifer, la compagnie l’envoie vers le Moyen-Orient. Mais le voyage ne se passe pas comme prévu. L’attente dans le Golfe dure des mois et, finalement, un chantier sud-coréen achète le navire, pour récupérer ses 77 000 tonnes d’acier, au prix de 9 200 000 dollars. Ce sera le plus grand navire au monde à être démoli. Mais pas le seul.

Aux côtés d’autres géants de « seulement » 400 000 tonnes devenus, eux aussi, inutiles, les trois autres 500 000 tonnes mouillent pendant des mois dans un… fjord norvégien – il faut beaucoup de place dans un vaste plan d’eau pour ces énormes navires ! Seul le Prairial, en 1985, trouve un acheteur : en Grèce, où des fêtes accueillent fièrement l’arrivée du plus gros navire du monde. Il sera rebaptisé Sea Brilliance, puis, très vite, Hellas Fos (sous ce nouveau nom grec, il se rendra lui aussi au terminal d’Antifer) et, enfin, Sea Giant, avant sa démolition, en 2003, en Inde.

Un seul navire a dépassé – de peu – le tonnage des quatre ULCC : le Jahre Viking. Mais à l’origine, c’est un 420 000 tonnes ; or, une « jumboïsation » (addition d’un tronçon de coque) a augmenté son port en lourd jusqu’à 564 000 tonnes. En réalité, les plus gros navires construits par l’homme restent les quatre des Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire.

Depuis en 2021 nous avons cette belle coque.


 

Le 30 novembre dernier 2021, Samsung Heavy Industries a mis à l’eau la coque de la future plateforme géante de Shell , à Geoje en Corée. Les mensurations sont impressionnantes : 600 000 tonnes, 468 mètres de long, 74 mètres de large, 110 mètres de haut. A titre de comparaison, le porte-avion français Charles de Gaulle affiche un « modeste » 261,5 mètres de long pour 64 mètres de large. 

le Saint Stanislas, le cargo aux dix noms

Source de l’article Le Télégramme de Brest. Jean – Yves Brouard

Koufra, Saint Stanislas, Capo Olmo… Un cargo français a battu un record particulier : il a porté une dizaine de noms différents au cours de sa carrière. Du jamais vu…

Alors appelé Koufra, le cargo français, ici dans le port de Marseille, a porté dix noms en 53 ans de carrière. (Photo E. Nossof)

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la compagnie française SNO (Société navale de l’ouest) commande une série de quatre cargos similaires au chantier anglais William Gray & Co (à West Hartlepool). 110 mètres de long, 4 700 tonnes de jauge brute : ce sont d’assez gros navires pour l’époque. L’installation d’un large portique sur le pont avant et d’un autre sur le pont arrière leur donne une silhouette caractéristique qu’ils conserveront tout au long de leur carrière.
Conformément à son habitude, la SNO prévoit de baptiser ces unités de noms de saints. Ainsi, l’un des quatre doit s’appeler Saint Stanislas. Le chantier est en train de les construire, en 1922 et début 1923, lorsque, changement de programme : ils sont vendus sur cale à la compagnie britannique Strick Line, de Liverpool. Le Saint Stanislas est finalement lancé le 2 février 1923 et baptisé Bardistan. Sous pavillon britannique, il fréquentera la ligne du golfe Persi
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cargo Recherche, dans un port d’Océanie. (Collection Michel Mathieu)

Bardistan, Saint Roch, Recherche…

Cinq ans plus tard, les cargos sont revendus à une compagnie… française, la Compagnie navale de l’Océanie, qui leur attribue à nouveau des noms de saints. Notre Bardistan est ainsi rebaptisé Saint Roch. En 1930, les quatre, finalement peu rentables, passent dans la flotte d’une autre compagnie française, les Services contractuels des Messageries maritimes, pour la ligne Dunkerque-Nouvelle Calédonie via le canal de Panama. Ils sont transformés à Bordeaux en cargos mixtes (pour l’emport de quelques dizaines de passagers) avec l’allongement du château entre les deux mâts, la modification des roufs et l’installation de deux machines frigorifiques. L’ex-Saint-Roch est rebaptisé Recherche (et les trois autres : Boussole et Astrolabe – du nom des bâtiments du navigateur La Pérouse – et Espérance ; la Recherche et l’Espérance sont les noms des deux bâtiments dirigés par D’Entrecasteaux, partis de Brest à la recherche de La Pérouse justement).

… Capo Olmo, Empire fighter…

La Recherche fréquente peu de temps la ligne de Nouméa car la crise économique oblige les compagnies à désarmer nombre de leurs navires. Immobilisé à Marseille, il est revendu en 1935 à la compagnie Genovese de navigation, à Gênes, en même temps que la Boussole et l’Astrolabe. Les voilà rebaptisés du nom de caps de la péninsule italienne : la Recherche prend ainsi le nom de Capo Olmo. La guerre arrive et en juin 1940, le cargo est en escale à Marseille, avec de la bauxite dans ses cales, lorsqu’il est saisi par le gouvernement français suite à la déclaration de guerre par l’Italie. Confié à la gérance de l’armement Worms, le Capo Olmo appareille le 23 juin de Marseille pour Oran en convoi. En chemin, son équipage français le déroute sur Gibraltar, possession britannique ; ce sera l’un des tout premiers navires marchands ralliés aux Forces navales de la France libre de De Gaulle. Il arrive en Angleterre où les autorités le saisissent au prétexte qu’il est italien, et le renomment Empire Fighter (les navires saisis par les Britanniques prennent un nouveau nom composé avec le mot « Empire »). Ceci dure très peu de temps car les Forces navales françaises libres (FNFL) le récupèrent et lui redonnent son nom de Capo Olmo ; il navigue pour le Ministry of war transport, géré par l’armement Moss Hutchinson.

… Koufra, Madali, Léon Mazella, Seferoglu

Le 8 novembre 1942, alors que le cargo se rend du Cap (Afrique du Sud) à Halifax, le sous-marin allemand U-67 le torpille dans les parages de Trinidad. La victime peut rejoindre ce port puis, de là, Baltimore pour sa remise en état définitive. Réarmé à Londres le 14 août 1944, confié à la compagnie française Schiaffino, le cargo se retrouve désarmé à Marseille le 20 avril 1945. Peu après, la compagnie Worms le reprend et le rebaptise Koufra (du nom d’un site libyen où s’étaient illustrés, en 1941, les Français libres de la colonne Leclerc, face aux Italiens).

En 1948, il est revendu à la compagnie des Cargos algériens et rebaptisé Madali (deux précédents cargos de la même compagnie ont successivement porté ce nom, composé à partir du début du prénom des deux filles du directeur avant-guerre : Madeleine et Alice). Le cargo, le plus gros de la compagnie, va, dans un premier temps, transporter surtout du vin entre l’Algérie et la France.

Mais ce n’est pas fini car un autre armement français basé en Algérie, Mazzella, l’achète en juin 1951 et le renomme Léon Mazzella, du nom du patriarche de cette société créée en 1932. Le cargo a le temps de fréquenter la ligne entre l’Algérie et Rouen, avant que la compagnie le revende, en 1954, à un armateur turc ; cette fois, quittant le pavillon français, l’ex-Saint Stanislas est rebaptisé Seferoglu. Nom qu’il conservera jusqu’en 1976, année de sa démolition à Izmir, et nom qui n’est autre que celui de son armateur turc : le propriétaire Rami Seferoglu jusqu’en 1957, puis la société Seferoglu ve Demirel Vapurculuk Sti jusqu’en 1976.

53 ans de carrière, six pavillons et surtout dix noms portés par ce cargo : riche carrière et rare exploit.

AVIS D E RECHERCHE

Qu’est devenue l’adolescente qu’il a sauvée à Brest en 1986 ?

Il y a trente-six ans ce samedi, Joël Lagadec sauvait du suicide une adolescente de quinze ans, sous le pont de Recouvrance. Il voudrait savoir si elle est encore en vie, ce qu’elle est devenue. Il confie aussi avoir souffert de cet épisode.

Joël Lagadec aimerait savoir si l’adolescente qu’il a sauvée du suicide le 22 janvier 1986 est encore en vie et ce qu’elle est devenue. Il l’a vue sauter de sous le pont de Recouvrance, depuis le bâtiment jaune, à droite de la photo. (Photo Le Télégramme/David Cormier)

Il fait froid sur Brest, ce 22 janvier 1986, il y a 36 ans ce samedi. Un mélange de pluie et de neige tombe sur la Penfeld, dans le courant de l’après-midi. « Soudain, j’aperçois depuis l’une des fenêtres de mon bureau une silhouette qui se tient debout et immobile sous le tablier du pont de Recouvrance », se rappelle Joël Lagadec, alors technicien en préparation du travail à la DCAN de Brest, au premier étage d’un bâtiment de la rive droite. « Je la vois se lancer à la verticale dans la Penfeld. J’avertis immédiatement les marins pompiers. Je dévale les escaliers de l’immeuble. Arrivé en bas, j’aperçois qu’une tête surnage au milieu de la Penfeld et je rejoins le pont flottant Gueydon qui la traverse sous le pont de Recouvrance ».

Il plonge dans l’eau à 8 °C

Joël hésite alors. « Si en tant qu’ex-nageur du Club nautique brestois, aller chercher quelqu’un dans une eau calme à vingt mètres ne présente pas de difficulté, je suis pleinement conscient du risque important d’hydrocution auquel je m’expose en plongeant dans une eau à 8 °C, notamment après avoir fourni un effort aussi important ».

Mais cette tête surnage encore à une vingtaine de mètres, « sans d’ailleurs émettre le moindre appel au secours ». Il enlève ses chaussures et sa montre et plonge, en jean et chemise. Il est saisi mais nage sans difficulté. « Quand je saisis le corps par la taille?, je suis surpris qu’il soit aussi léger et impassible… ».

Un quidam l’aide à son tour

« Lorsque j’arrive au pont, les marins-pompiers sont déjà là. Ils agrippent le corps que je leur tends et ils l’emmènent vers leur ambulance, sans même se retourner vers moi, ni se préoccuper de mon état (j’apprendrai plus tard que ce corps frêle et léger était celui d’une adolescente de 15 ans…). Je ne m’en offusque pas sur l’instant mais lorsque je tire sur mes bras, je n’ai plus aucune force pour me sortir seul de l’eau. Je suis dans un état de sévère hypothermie et je me rends compte, a posteriori, que j‘ai eu de la chance de bénéficier de l’aide d’un quidam resté sur place après le départ des pompiers. Sans doute que le témoignage de cette personne ne serait pas superflu si elle est toujours en vie ».

C’est notre article du 23 décembre, sur l’appel à témoins de deux sœurs au sujet d’une noyade de trois personnes et le sauvetage de plusieurs autres, à Saint-Pol de Léon, en août 1958, qui a convaincu Joël Lagadec, jusque-là réticent, ne voulant pas se faire passer pour un héros, de raconter son histoire. Il aimerait savoir ce qu’est devenue l’adolescente d’alors. « Sa maman m’avait envoyé 100 francs pour me remercier. Je lui avais renvoyé mais j’ai perdu son adresse », regrette-t-il.?

Une indifférence quasi-générale

Peut-être le fait de témoigner permet-il aussi à notre Brestois d’exorciser ce moment qui l’émeut encore. « J’ai reçu les sincères félicitations de Claude Le Roy qui dirigeait le chantier réparations et m’avait déposé en fin d’après-midi à mon domicile ». Mais « ni l’entreprise ni la mairie » ne se sont inquiétées de sa situation, ni guère son entourage. Il recevra plus tard une distinction de la fondation Carnegie après qu’un policier des renseignements généraux ait signalé son geste de bravoure. « L’article du Télégramme m’a fait un bien énorme à l’époque, au regard de l’indifférence générale que j’ai reçue ». Imagine-t-on que l’auteur de pareil geste puisse en souffrir ensuite ?

« Je n’ai pas dormi après cet évènement que j’ai eu beaucoup de mal à digérer, même si je n’étais pas peu fier d’avoir évité une mort certaine à cette jeune fille. J’étais le papa d’un petit garçon prénommé Sylvain, âgé de huit mois, et je m’en voulais a posteriori d’avoir pris le risque d’en faire un orphelin. Tout comme d’avoir pris celui de faire une veuve de sa maman Nicole, avec qui je m’étais marié dix-sept mois plus tôt ».

Contact

Toute personne détenant une information sur cette personne peut envoyer un mail à la rédaction (brest@letelegramme.fr) qui fera suivre.

Quand l’Émile Miguet était le plus grand pétrolier du monde

Source de l’article le Télégramme de Brest

Jean-Yves Brouard.

Le pétrolier Émile Miguet à son lancement, à Dunkerque (Nord) le 12 avril 1937 Photo DR



Le Lancement l’Émile Miguet fut le plus grand du monde, à son lancement en 1937. Mais il a mal terminé sa carrière.
176 mètres de long et 22,5 m de large : le pétrolier Émile Miguet est un géant pour l’époque. (Photo Collection Michel Mathieu)

Le lancement du pétrolier Émile Miguet, à Dunkerque, jalonne la course au gigantisme, commencée dès le début de l’entre-deux-guerres, dans la conception des navires citernes. La demande de produits extraits des champs pétrolifères du Moyen-Orient, de la mer Noire et du pourtour du golfe du Mexique explose après le premier conflit mondial. Et, pendant des décennies, la France sera d’ailleurs toujours à la pointe de la technologie dans la construction des transporteurs de brut. Cela commence en 1922, avec le premier pétrolier « géant », le Saint Boniface. Dans les années 1930, arrivent un deuxième record de taille (mise en service du Marguerite Finaly), puis un troisième, avec l’Émile Miguet, destiné, lui, à étoffer la flotte de la Compagnie navale des Pétroles (CNP).

Le plus grand tanker d’Europe

C’est Madame Miguet, veuve d’un ancien directeur de la Compagnie française de raffinage, filiale de la CNP, qui baptise le navire le 12 avril 1937, aux Ateliers et Chantiers de France. Le pétrolier est tellement imposant – pour l’époque -, avec ses 176 mètres de long et ses 9,75 mètres de tirant d’eau, que seul le port du Havre peut l’accueillir (aux appontements pétroliers de la Compagnie industrielle et maritime). Il est le plus grand tanker d’Europe. Le Journal de la Marine marchande de l’époque s’enthousiasme : « Sa prochaine mise en service apportera une contribution appréciable au rayonnement de la France à travers le monde ».

C’est aussi le pétrolier le plus moderne, doté d’aménagements confortables et, en particulier, de systèmes de protection contre les incendies, la hantise des équipages depuis que plusieurs drames spectaculaires ont frappé les esprits, les années précédentes. La loi du 16 juin 1933 impose qu’à bord, soit également prévu un hôpital complètement isolé, ainsi qu’une cabine pour un infirmier. Livré fin mai 1937, le navire entame ses voyages : il en effectuera 22, avec peu d’anicroches, sinon un heurt assez violent, le 5 mars 1938, contre la porte d’entrée du bassin de Saint-Nazaire, qui occasionne quelques dégâts tant au navire qu’à la porte elle-même…

« Mais un sous – marin allemand rôde: l’U-48 du Korvettenkapitän Herbert Schultze. Soudain, en fin d’après – midi, le sous marin attaque au canon, à plusieurs reprises ».

Sur cette photo prise depuis le cargo sauveteur Président Hardling, le pétrolier Émile Miguet en feu, le 13 octobre 1939, au lendemain de son torpillage. (Photo DR)

Sous-marin allemand

L’Émile Miguet n’effectuera pas davantage de navigations, car il deviendra tristement célèbre avec un autre record dont il se serait bien passé. Un autre conflit – la Seconde Guerre mondiale, cette fois – éclate en septembre 1939. Le pétrolier est alors à Corpus Christi (Texas) et doit revenir en France avec un nouveau chargement complet. Mais les conditions des voyages ont désormais changé. En raison des risques dus à la guerre, les navires marchands doivent se rassembler en convois protégés par des escorteurs. Ceci ralentit certains d’entre eux, car, pour rester groupés, il faut adapter la vitesse des plus rapides, comme l’Émile Miguet justement, à celle des plus lents ou des plus fatigués.

Parti, le 17 septembre 1939, de Corpus Christi, l’Émile Miguet semble se traîner au milieu de son convoi où, hasard des circonstances, a pris place le Marguerite Finaly, cité plus haut. Un événement vient perturber la traversée : un mini-ouragan souffle sur l’Atlantique nord. La mer est grosse, les navires gouvernent mal. Le commandant du pétrolier, Robert Andrade, doit différencier les deux hélices et, bientôt, le 6 octobre, sous les rafales violentes et les grains, se mettre à la cape, pour sauvegarder ses embarcations. Les autres navires se dispersent, se perdent de vue.

Avec ses deux moteurs diesel capables de le propulser à 14 nœuds, l’Émile Miguet peut reprendre le voyage, seul. Le commandant, impatient de livrer ses 20 000 tonnes de pétrole, est sûr de lui grâce à la vitesse de son navire. Le 12 octobre, ce dernier se trouve à 500 milles devant le convoi et à 300 milles de la pointe sud-est de l’Angleterre. Mais un sous-marin allemand rôde : l’U-48 du Korvettenkapitän Herbert Schultze. Soudain, en fin d’après-midi, le sous-marin attaque au canon, à plusieurs reprises. Un des obus atteint le poste tribord arrière et tue un jeune marin de 18 ans, Joseph Le Maou, littéralement coupé en deux. Le novice meurt pratiquement dans les bras du second capitaine, Léon Caron.

Le commandant Andrade ordonne l’abandon de son navire, que le sous-marin torpille peu après pour achever le travail. L’Émile Miguet reste à flot toute la nuit et le lendemain, puis prend feu. L’équipage, qui avait pris place dans les embarcations de sauvetage en état, sera recueilli par un navire allié de passage. Le record de l’Émile Miguet à cette occasion ? C’est le premier pétrolier torpillé de toute la guerre 1939-1945.

Une fois la paix revenue, la Compagnie navale des Pétroles lancera de nouveaux pétroliers, dont un qu’elle baptisera Novice Le Maou, en hommage au malheureux jeune marin breton.

     

Hommage aux combattantes pour la liberté, de la part d’une personne, Anonyme le 1/ 11/ 2021, au cimetière de Brest St Martin. Un grand merci de notre part.

Brest. Le 01/11/2021

Alice,

Cette année, vous auriez eu 98 ans. Mais vous aurez 21 ans à jamais, d’autres en ont décidé ainsi pour vous.

On a beaucoup brodé autour de votre histoire. On a voulu faire de vous une sorte d’étendard. Comme si vous n’étiez pas déjà assez brillante, forte et courageuse. Comme si votre engagement n’était pas déjà si impressionnant !  

Combien dans votre situation ont détourné le regard et le cœur ? Combien à votre âge n’ont pas saisi le sens de l’histoire ? La majorité semble –t-il. En cela, vous êtes une exception qui confirme la terrible règle.

Certains ont dansé sur votre histoire pour arracher un peu de votre lumière et d’accoler à leur poitrine maigre. Ils ont Sali ce que, par votre engagement désintéressé, vous avez bâti. Une sorte de légende, au sens noble du terme.

Comme beaucoup, c’est par le truchement d’un homme engagé que vous intégrez la Résistance en 1941. Le pharmacien George Roudaut vous voit bénéficier de cette relative liberté dévolue aux femmes en cette seconde année de guerre. Les nazis, machistes parmi d’autres, n’imaginent pas encore que de femmes, faibles créatures puissent résistez. La guerre est une chose sérieuse, une chose d’homme n’est-ce pas !

A aucun moment vous ne vous déroberez à ce que vous considérez comme un devoir pour qu’un autre possible existe dans votre pays, sur votre territoire. Jusqu’à payer le plus lourd prix, celui de votre propre vie.

Madame, vous qui aurez 21 ans pour toujours, nous venons en ce jour vous rendre le femmage et les honneurs qui vous sont dus, à vous comme à tant d’autres femmes et hommes en Bretagne et dans le pays brestois.

C’est grâce à vous que nous, femmes et hommes de 2021, nous pouvons nous tenir debout. Que nous foulons, en toute liberté, chaque jours la terre qui vous a portée et que vous avez su si bien honorer.

Longue vie à votre souvenir, nous sommes peu-mais il vaut mieux peu que rien, à ne pas vous oublier, pour que continuent les jours heureux !