En 1979, la municipalité décide d’honorer un Brestois d’adoption qui a été à plusieurs titres un honneur pour la ville. Arthur Hendrycks naît en 1891 en Belgique, où son père est rémouleur et parcourt les rues des bourgs, poussant sa charrette pour affûter les couteaux.
Un jour, ce même père par à pieds avec sa famille pour chercher fortune. Ils marchent en direction de l’ouest et parcourent en quelques semaines les 1 200 kilomètres qui les amènent à Brest. Arthur a 13 ans. Il assiste déjà son père, notamment pour appuyer sur les pédales et faire tourner la meule. En 1911, « Tutur » (surnom amical) a 20 ans et, bien que devenu « Ti zef » (brestois en langage populaire), il est toujours belge. Il doit reprendre le chemin de son pays pour effectuer son service militaire. Le premier conflit mondial éclatant, c’est sous l’uniforme belge qu’il enchaîne la Grande Guerre. En mars 1917, il se marie avec une Française, Marie Weiss.
Le 19 avril 1919, il est démobilisé. Il est maréchal des logis. Mais lorsqu’on a vécu à Brest, on a envie d’y revenir. C’est donc ce que fait « Tutur Hendrycks » dès sa libération. Employant sa prime à l’achat de matériel, il reprend son métier de rémouleur entre Saint – Pierre et Saint – Marc. Puis très vite, il va avoir un coup de foudre. Comme d’autres peuvent découvrir le pôle Nord, lui découvre le vélo.
Ayant acquis une bicyclette rutilante, il participe en 1920 à sa première course. À près de 30 ans, sans jamais s’être entraîné, il termine troisième. Son destin de cycliste est en route. En 1924, il a déjà gagné plus de 200 courses dans tout l’Ouest. C’est la consécration. Il va disputer le Tour de France dans la catégorie des touristes routiers.
Pourquoi l’article sur la Famille Hendrycks, ayant habité, quartier Du Bouguen, cette Famille des baraques, glorifie, aussi le peuple des quartiers des logements provisoires. Respect à vous et à vos anciens.
Malheureusement, souffrant des chevilles, il doit abandonner lors de l’étape Brest/Les Sables d’Olonne. L’année suivante lui sourira davantage. Il se classe vingt – deuxième de la grande boucle, qui est alors une véritable odyssée. Il subit 72 crevaisons. Les dérailleurs n’existent pas. Pour des étapes de 450 kilomètres, on part à 2 heures du matin pour arriver à 8 heures du soir. E tant que coureur indépendant, Hendrycks doit s’occuper de tout : sa nourriture, son couchage à l’étape, les pièces de rechange, etc. (Que feraient nos sportifs d’aujourd’hui ?) Il prend encore le départ du Tour de 1926, mais victime d’une chute collective et blessé, désespéré, il ne pourra terminer. Il a maintenant 35 ans, et il faut penser à l’avenir. Pour entrer à l’arsenal, il se tait naturaliser français. Il y sera riveur pneumatique jusqu’en 1942,
date à laquelle il prend sa retraite. En parallèle, il anime des courses locales au vélodrome de Kerabecam.
Il en deviendra la coqueluche jusqu’à sa fermeture en 1936. Ne pouvant rester inactif, il reprend son métier de rémouleur, mais les bombardements détruisent son matériel. Il en faut plus pour le décourager. Il entre dans la défense passive et aura une activité de propagandiste résistant. Il s’occupe également de l’hébergement de résistants en mission. Il fait ainsi son devoir et même un peu plus. Le ministre de l’Intérieur lui adressera personnellement sa gratitude. Après la guerre, on le retrouve de nouveau rémouleur, et en 1946, « Tutur » se motorise. Il achète une 301 qu’il modifie en atelier.
Il parcourt encore longtemps les routes du Finistère avant de disparaître à Brest en 1977.
Article Gérard Cissé Brest au coin des rues, (Petites histoires des quartiers Brestois).
Les tours de France d’Arthur HENDRYCKS
D’après le site http://www.memoire-du-cyclisme.net
1924
Engagé dans la catégorie » Touristes routiers » avec le dossard n
°266 sous la nationalité Belge (naturalisé français le 11/11/1925).
Les étapes du 22/06/1924 au 20/07/1924
1. Paris-Le Havre, 381 km, 73ème à 1h 17mn 4s
2. Le Havre-Cherbourg, 371 km, 77ème à 1h 27mn 21s
3. Cherbourg-Brest, 405 km, 63ème à 1h 03mn 55s
4. Brest-Les Sables d’Olonne, 412 km, non classé, au-delà du 97ème rang ou
abandonne…
5. Les Sables d’Olonne-Bayonne, 482 km.
6. Bayonne-Luchon, 326 km.
7. Luchon-Perpignan, 323 km.
8. Perpignan-Toulon, 427 km.
9. Toulon-Nice, 280 km.
10. Nice-Briançon, 275 km.
11. Briançon-Gex, 307 km.
12. Gex-Strasbourg, 360 km.
13. Strasbourg-Metz, 300 km.
14. Metz-Dunkerque, 433 km.
15. Dunkerque-Paris, 343 km.
1925
Engagé dans la catégorie » Touristes routiers » avec le dossard n
°142 sous la nationalité Belge (naturalisé français le 11/11/1925).
Les étapes du 21/06/1925 au 19/07/1925
1. Paris-Le Havre, 340 km, classé 83ème à 2h 07mn 02s
2. Le Havre-Cherbourg, 371 km, classé 88ème à 2h 04mn
3. Cherbourg-Brest, 405 km, classé 69ème à 2h 08mn 05s
4. Brest-Vannes, 208 km, classé 56ème à 56mn 52s
5. Vannes-Les Sables d’Olonne, 204 km, classé 64ème à 19mn 25s
6. Les Sables d’Olonne-Bordeaux, 293 km, classé 64ème à 24mn 02s
7. Bordeaux-Bayonne, 189 km, classé 61ème à 43mn 55s
8. Bayonne-Luchon, 326 km, classé 59ème à 4h 32mn 54s
9. Luchon-Perpignan, 323 km, classé 52ème à 3h 17mn 06s
10. Perpignan-Nîmes, 215 km, classé 55ème à 46mn 29s
11. Nîmes-Toulon, 215 km, classé 40ème à 51mn 26s
12. Toulon-Nice, 280 km, classé 48ème à 1h 11mn 05s
13. Nice-Briançon, 275 km, classé 51ème (et dernier) à 3h 29mn 37s
14. Briançon-Evian, 303 km, classé 48ème à 2h 31mn 26s
15. Evian-Mulhouse, 373 km, classé 49ème à 2h 17mn 15s
16. Mulhouse-Metz, 334 km, classé 44ème à 1h 02mn 31s
17. Metz-Dunkerque, 433 km, classé 39ème 1h 52mn 35s
18. Dunkerque-Paris, 343 km, classé 43ème à 46mn 53s
Finalement :
» 130 partants
» 49 classés
» Arthur Hendrycks est 47ème à 30h 26mn 16s, après 5430 km à la moyenne de
24,775 km/h pour le vainqueur Ottavio BOTTECCHIA en 219h 10mn 18s
1926
Engagé dans la catégorie » Touristes routiers » avec le dossard n
°164 sous la nationalité française (naturalisé français le 11/11/1925).
Les étapes du 20/06 au 18/07/1926
1. Evian-Mulhouse, 373 km, 67ème à 2h 16mn 37s
2. Mulhouse-Metz, 334 km, 85ème à 1h 34mn 38s
3. Metz-Dunkerque, 433 km, 88ème à 3h 36mn 47s
4. Dunkerque-Le Havre, 361 km, non classé (abandon ?)
5. Le Havre-Cherbourg, 357 km
6. Cherbourg-Brest, 405 km
7. Brest-Les Sables d’Olonne, 412 km
8. Les Sables d’Olonne-Bordeaux, 285 km
9. Bordeaux-Bayonne, 189 km
10. Bayonne-Luchon, 323 km
11. Luchon-Perpignan, 323 km
12. Perpignan-Toulon, 427 km
13. Toulon-Nice, 280 km
14. Nice-Briançon, 275 km
15. Briançon-Evian, 303 km
16. Evian-Dijon, 321 km
17. Dijon-Paris, 341 km
À L’Hôtel Gabriel, en immersion dans une baraque: Vanessa Hue, directrice adjointe du Patrimoine, Mickaël Sendras, président de Mémoire de Soye: Xavier Argotti, président de l’association Préfab; Elisabeth Blanchet, photographe; Bruno Blanchard, adjoint; Patricia Drenou, directrice du Patrimoine; Emmanuelle Williams adjointe Article ouest France avec les photos.
À Lorient, 2019, c’est l’année des baraques. Après l’inauguration, lors des
Journées du patrimoine, d’une baraque reconstruite près des lavoirs du Rouho,
voilà l’acte II. Une expo qui s’appelle Préfabuleux, à découvrir
absolument à l’Hôtel Gabriel. Bien joli nom qui met autant l’homme que le bâti
au cœur des photos.
« Elles étaient censées durer dix ans. Soixante-quinze ans après,
elles sont des milliers encore habitées. » Elisabeth Blanchet a
baladé son œil et son appareil photos au Royaume-Uni, – elle a résidé quinze
ans à Londres -, et aux États-Unis. En quelque sorte, elle est devenue une « experte des
baraques d’après-guerre », glisse-t-elle dans un large sourire. En
2014, elle a même créé un musée.
À ce jeu de passionnés, elle a trouvé un compère « dénicheur de baraques » dans la personne de Mickaël Sandra. 36 ans. La moitié de sa vie à présider Mémoires de Soye. Association bien connue, ici, dans le pays de Lorient, où le mot « baraques » a une place si particulière dans les cœurs de nombreuses familles.
« Comment j’habite ma maison »
Ces maisons si fragiles, « ce patrimoine mal connu, mal
perçu », renvoient à l’heure où des villes étaient quasiment rayées de la carte, où
des populations ont dû être évacuées. Et puis, quand sonne le retour, il a
fallu « reconstruire. » Vite. Comme on pouvait. Dans ces
baraques, – « on les appelle maisons de cartons au Havre » -, des solidarités se
sont construites sur de la précarité. Oui, c’est de l’architecture (on est en
plein dans la semaine), mais c’est aussi notre héritage.
Et c’est actuel. « Cela nous pose cette question : comment
j’habite ma maison ? » Emmanuelle Williamson, adjointe à la
culture, met en exergue que Lorient a joint le club Prismes des villes
reconstruites (18 adhérentes). « L’idée est de partager avec les
autres communes les problématiques d’architecture. » Cela interroge le
vieillissement des bâtis, leurs isolations, l’accessibilité pour des
populations de plus en plus âgées. Avec l’envie de « garder le
cachet » propre à ces habitations.
Outre l’implication de
Xavier Argotti, président de l’association Préfab, l’exposition offre un tendre
regard sur ces baraques d’ici et d’ailleurs. À travers des animations pour les
enfants, des visites découvertes, le public pourra affiner ses connaissances.
Et pour aller plus loin, une journée d’étude a lieu le 6 février sur les
préfabriqués.
visite commentée de l’exposition, à l’Hôtel Gabriel, dans l’enclos du port. Entrée libre. Exposition visible jusqu’au 14 juin.
Jean Pierre Le Roi. Guilers. Rends un hommage pour les 75 ans de la libération, de la ville de Brest à des hommes qu’ils sont pour lui à juste raison des héros.
Les Souvenirs d’un Ancien du Bouguen un devoir de mémoire pour lui, jean Pierre le Roi. Il y avait au Bouguen, une grande église une baraque en bois noir.
Où s’installaient les cirques ambulants, avec leurs chevaux et roulottes. Sur cette même pelouse dans les années 50, nos parents étalaient des couvertures pour causer surveillant les enfants qui jouaient. Sans imaginer que sous leurs pieds, dans le sol, reposés des héros, des martyres, des inconnus pour le moment. En juin 1962 au moment de la construction de L’IUT, des ouvriers découvraient une fosse refermant de nombreux ossements.
Grâce à certains objets personnels trouvés parmi ces ossements, on arrivait à identifier les restes, grâce à leur alliance notamment, comme étant ceux des résistants Sainpolitains, mêlés à ceux de résistants brestois. C’est donc non loin d’ici, dans les douves de la prison du Bouguen dont les Allemands avaient pris possession dès l’été 1940 et où ils avaient dressé les poteaux d’exécution, que s’est achevé le combat de ces héros. Leurs corps furent ensuite enterrés pêle-mêle quelque part dans le champ de tir proche de la prison, là où nous nous trouvons. Nous avons, nous association des Anciens du Bouguen, organisé une cérémonie, en hommage aux valeureux Martyres. Mis une plaque en bronze en hommage aux fusillés du Bouguen. Pour l’histoire cette plaque, volée par des personnes amorales. La stupidité humaine se trouve aussi là, dans cette action.
Nous possédions un dossier complet retrouvé dans des archives, retraçant cet épisode tragique, en toute confiance nous l’avions confié, à un étudiant de Saint Pol, pour son travail personnel, avec la promesse d’un retour. En guise de retour, nous n’avons rien vu revenir, comment ensuite faire confiance à d’autres personnes de bonne fois.
Selon Guy Caraes, c’est très probablement faute d’avoir pu constituer à temps un convoi susceptible de quitter Brest avant que les Américains n’y mettent le siège qu’un commandant allemand (non identifié à ce jour) a donné l’ordre de « liquider » les 52 prévenus de l’enclave de Pontaniou, arrêtés depuis la fin du mois de juin 1944 et, donc, en attente de jugement. Les 52 personnes seront toutes fusillées sans autre forme de procès au Bouguen. Parmi elles, les résistants brestois Viaron, Hily et Kervella, membres du corps franc “Défense de la France”. Un habitant de la rue de Roubaix, évacué avec quelque irréductibles le 14 août 1944 apporte un témoignage vécu qui permet de préciser certains points du récit. Les fusillés de 1944 : Fin 1943 ou début 1944, l’occupant, envisageant une possible attaque de la citadelle brestoise par voie de terre, décida de fermer, côté douve, par des murs de béton, les tunnels de la porte Castelnau et de l’abri côté Moulin à Poudre. Ceci au grand dam des usagers qui ne se sentaient plus en sécurité dans l’abri à une seule issue. Conséquence de cette décision : l’accès aux douves par la porte de Castelnau
n’étant plus possible, les exécutions eurent lieu désormais dans le stand de tir, situé non loin de là, à l’intérieur des fortifications où furent dressés les poteaux d’exécution. Le père de ce témoin, alors chef de bureau à la Mairie, lui a confié que l’occupant exigeait la présence du Maire de Brest, Monsieur Euzen, à ces exécutions.
Plus de photos, et de souvenirs, sur le site nos souvenirs d’hier En prolongement du présent article, la page « LE BOUGUEN Souvenirs ! »
« Il
faudrait que tu corriges mes textes. Et je voudrais que tu écrives une sorte de
préface.
-Hein !…
Pourquoi tu me demande ça ?
-Parce
que toi tu es un petit peu écrivain. Et… tu connais la poloche ! »
C’est,
mot pour mot, la demande de Louis.
Au
nom de nos combats communs ? D’une vieille complicité ?-Pas toujours
d’accords, mais jamais fâchés (exceptionnel avec Louis !). Je crois
que la vraie raison, c’est le sujet même de cet ouvrage : notre enfance.
Louis
logeait en baraque C 13 au Bouguen-centre. A peu d’années d’écart, je
grandissais en baraque F4 AU Polygone-caserne.
Nous
étions fils de simples ouvriers, mais de fiers ouvriers. Les conditions de vie
n’étaient pas faciles dans ces installations précaires aux lendemains de la
guerre, mais l’air vibrait d’espoir, de solidarité, de joie de vivre.
Toute
une époque, une société disparue, des souvenirs indélébiles.
C’est
son enfance que Louis fait revivre ici, sans nostalgie, sans misérabilisme,
mais avec beaucoup de tendresse et une pincée d’humour.
Louis
Aminot, à Brest tout le monde connaît. Le militant politique, l’ancien
adjoint-maire aux sports, L’Arsenal au cœur, le passionné de vélo, le soutien
des Patros Laïques, le combattant pour la Paix et le désarmement, le communiste
sincère, le penseur libre… l’ami (un vrai pour certains), l’adversaire
(respecté par beaucoup), le pote (pour beaucoup de monde)…
Ce
n’est donc pas ce Louis qui parle ici, encore que ! Vous constaterez que
tout cela est en germe dans son regard d’enfant. Au fil des scènes de la vie
familiale, de l’évocation des copains ou de la société des adultes, ce sont des
tranches de vie, comme des arrêts sur images, qui font revivre le Bouguen du
gamin.
Avec
son langage, spontané, nature, émergent des souvenirs intacts comme en témoigne
l’extraordinaire exactitude des lieux, des anecdotes, et en particulier une
galerie de portraits des enfants du quartier et de leurs destinées.
Souvenirs
qui font la part belle aux moments heureux et qui prêtent souvent à sourire.
Alors
il fallait une illustration de la même veine et le dessin de Georges Elleouet
fait mouche : Les personnages, colorés et sympathiques, prennent vie. Les
gamins, pleins de fraîcheur, sont plus vrais que nature ; les scénettes,
croquées savoureuses, font l’animation.
L’œil
amusé du lecteur se prend à faire des allers et retours entre textes et images
qui se nourrissent mutuellement.
Ce
retour dans le Bouguen populaire de l’après-guerre, le
« Bouguenville » des souvenirs, est en réalité un chant d’amour.
Et
ce chant a une coda : un hommage aux mamans d’alors, un hymne à la paix et
la fraternité.
Yvon Drévillon- 10 Avril 2018
RETOUR EN
BOUGUENVILLE
« J’ÉTAIS
GAMIN AU LENDEMAIN DE LA GUERRE »
Il était une fois… Des enfants, au lendemain
de la guerre, ici à Brest, au levant de l’Atlantique…
Posée sur le nez rocailleux de Bretagne,
dressée face au couchant, la ville avait beaucoup souffert pour sa libération.
Afin
de reloger les sinistrés, de vastes Quartiers d’urgence avaient littéralement
jailli de terre à la marge des décombres de la cité historique. Étalé sur sa rive gauche et dominant la Penfeld, le Bouguen s’était
couvert de baraques.En « Bouguenville », les rescapés et
leurs petits peuplèrent les baraques de bois alignées, étroites et légères.
Carrés et similaires, singuliers et colorés,
les bungalows américains étaient eux en carton. L’instruction aussi se
dispensait en baraques pour tout le monde. Les préfabriquées alimentaient de
leurs chérubins l’école laïque (beaucoup plus que celle des curés).
Longtemps après avoir refusé leur déchéance,
longtemps après avoir tiré leur révérence, les baraques qui devaient mourir
mais ne le voulaient pas, se racontent aujourd’hui en pilier de la mémoire
populaire de Brest
Histoires simples ; enfance infinies.
1 ERE PARTIE
MON BOUGUENVILLE…
MON ENFANCE
Les américaines se distinguaient de
pâté en pâté par leurs couleurs, pastel fadasse. Venues d’outre-Atlantique, les
maisonnettes se rangeaient les unes auprès des autres, en creusant des sillons
croisés, telles les allées dessinées par les plantations de betteraves des
champs voisins.
Ces globuleuses jaunâtres alignées
étaient promises aux fourrages des bonnes vaches laitières, les pies bretonnes.
Mais prisées aussi du populaire : Les plus rustiques et moins aisées des
familles ne rechignaient pas à fouler les champs alentour à l’insu des regards
jaloux… « Un ventre bien rempli, susurraient les douces maternelles, perd
sans délai ses justes raisons de glouglouter. »
La vente du petit goémon asséché
l’été sur les dunes de Porsmilin, Melon, Porspoder et autres ports léonards,
complétait avec le bénéfice des pêches à pied, les ressources des ménages
ouvriers.
Têtes en l’air, les petites canailles rêvaient
auprès de leurs mamans
Ce jour – là, nous piqueniquions pour la journée à la grève de Saint – Marc avec un groupe de vaillants. (Vaillant ce n’est ni Mickey ni Tintin !)Alerte catastrophe ! Un navire d’éclate monstrueusement. Mis sur-le-qui-vive, je réponds à l’appel de la monitrice ; dûment identifié, je prends aussitôt les jambes à mon cou. Sans demander mon reste, je cours à toute berzingue rejoindre le car.
Chargé de nitrate d’ammonium, l’Océan-Liberty, c’est son nom, se répand en feu des kilomètres à la ronde. Chauffés à blanc, de furieux débris de tôles incandescentes projetés sur la ville abattent des humains. La guerre indique qu’elle ne veut pas crever.
L’affolement est général. Mort de trouille, j’aperçois une plaque rouge planer au dessus- de ma tête. À la maison, maman doit s’inquiéter ! Nous habitions le Bouguen-Centre. La terre et les baraques tremblent d’effroi, les milliers d’anciens réfugiés aussi. Tout juste oubliés, les bombardements se rappellent au souvenir des populations civiles déjà éprouvées.
Effrayée par
le boucan d’enfer, ma petite maman s’écroule victime d’une syncope. Des vitres
cèdent à la pression du souffle meurtrier. Le buffet de la salle à manger
tremble d’épouvante.
Rapportées par papa d’une lointaine campagne maritime, les pièces du service de porcelaine chinoise se brisent les unes après les autres. Seules, quelques tasses et soucoupes échappent à l’ignoble déflagration.
Papa m’a prévenu : « Mon garçon, attention ! Les jeux d’armes sont interdits. » Dérangés dans leur sommeil, grenades et obus abandonnés, éparpillés – rarement allemands-ne rechignent pas à s’en prendre aux imprudents. Purs produits du génie humain, uniquement programmés pour tuer, ces projectiles ne professent pas d’état d’âme. Signés par leurs géniteurs, les accords de paix ne les attendrissent nullement. Au contraire. Les ustensiles de guerre, lâchement abandonnés par les euphoriques vainqueurs alliés, revendiquent le droit de prouver aux oublieux qu’ils peuvent encore tuer. L’ogre du conte ne gloutonnait-il pas la chair fraîche de ses adorables fillettes ? Pourquoi ces armes. Sans cœur renonceraient-elles à leurs plaisirs sauvages ?
Avec les p’tits copains, je saisis toutes les occasions de me
dégourdir les jambes. Mais, incrustée au-dessus de la cheville droite, une
cicatrise pugnace témoigne d’un accident écrasant. La blessure résulte de la
chute d’un mur de parpaings d’une annexe de l’école catholique en chantier. À
peine éclos, le muretin n’a pas résisté aux multiples assauts d’une nuée de
gamins. Coincé sous les briques, j’ai mal. Pour de vrai ! Secouru par de
solides mains d’adultes, je fais piètre figure. La honte ! Impossibles à
camoufler, les larmes coulent à flots.
L’examen médical constate une plaie profonde infectée de
minuscules grains de ciment. Doigt pointé vers moi, le médecin prédit les
risques de tétanos. Un bout de jambe en moins ? Des frissons me secouent
le corps meurtri. Goguenard, le toubib
me tiraille soudain l’oreille gauche. Ce geste affectueux a le don de rassurer
illico mes parents. La suite donne raison au praticien.
Privé de vacances, je
garde la position couchée. Assigné à chaise longue, les béquilles à portée de
main, je lis avidement. De romans en bandes dessinées, je vis un vertigineux
récital d’aventures. Surcouf et Jean Bart écument pour le roi, les Trois
Mousquetaires escriment pour la reine. Chacun à sa manière, Placid et Muzo se
confrontent aux temps modernes. Intrépide et généreux, petit homme à canne,
Charlot m’encourage de ses actes posés en BD : « Un imaginaire voyage
à cloche –pied, ça forge un tempérament, ça range les idées ! »
Je l’avoue,
Jaime ma baraque C 13.
Mieux que
les baraques en bois, le bungalow américain offre toutes les commodités
domestiques modernes. Ingénieux, papa l’a savamment aménagé. Sans coup férir,
il a démonté une cloison jugée inopportune. Nous voilà débarrassés du débarras.
Repeintes à l’aide d’une serpillière trempée dans un seau de peinture bleue,
les cloisons de la salle de séjour s’égayent partout en motifs
différents ; aucune paroi ne ressemble à l’autre ! Cette réussite
décorative emplit de fierté le chef des moussaillons. Confortable, la baraque reste cependant en
incapacité de répondre pleinement aux besoins d’espace d’une famille en voie
d’être estampillée nombreuse. Heureusement, il me suffit d’ouvrir la porte… je
suis dehors !
Le dimanche
matin, la « toilette en grand » mobilise maman et papa toute la
matinée. Nous profitons de la baignoire et de son eau mousseuse génèrent des
cris amusés. Pour les enfants nus tels des vers luisants, la fête hebdomadaire
bat son plein. VIGILANCE ! Les filles ne doivent pas reluquer les
« sifflets », les garçons ne doivent pas mater les
« lunes ». Les organes de la distinction doivent demeurer cachés.
Pliés en deux, de nos menottes croisées, nous planquons l’intime de nos corps dénudés. .
Dans le parler-vrai des écoliers de
la laïque, j’ai pris l’habitude de décliner mon adresse de la façon
suivante : « -j’habite le pavillon C 13 au
Bouguen-Centre ! »
Plus délurés, les dix-quatorze ans débitent, à toute vitesse, une réponse autrement plus bistouquette : « -j’h’bite une belle américaine au Bouguen-Est ! » Le chic et la coquetterie de la gouaille populaire !
À mots choisis, nos gîtes cartonnés
sont transformés en somptueuses résidences de granit taillé. Les dix-quatorze
atteignent souvent l’objectif, un rougissement gêné de l’autorité civile ou religieuse.
Étrangeté jamais élucidée, les moins austères des interrogateurs troublés se
révèlent rarement les plus amusés.
Nos voisins en soutane dirigent et épient une immense paroisse aux ouailles innombrables, souvent indomptables. Le bungalow affecté au recteur se pose dans son rôle hiérarchique au premier rang du Bouguen-Centre, légèrement en retrait de la voie passante. Le dimanche, galoches et sabots remisés, les marmots, revêches ou assidus aux rites culturels, sortent tôt le matin. Propics dans leurs habits du dimanche, les gosses n’ont aucune raison de bouder les messes hebdomadaires.
10
On s’amuse
bien aux abords de l’édifice religieux. Les mômes ont toutes les raisons de
bien l’aimer, Marie : au mois de mai, la fête rougit de mille bisous. Pour
l’occasion, filles et garçons obtiennent un billet de sortie jusqu’à la nuit
tombée. Les parents autorisent les enfants à fêter la Vierge sous la tutelle
supposée des sœurs et des abbés. Leurs progénitures participent ravies-sans
véritables dommages il est vrai-à des soirées illuminées par la promiscuité des
sexes opposés. Aujourd’hui désuet, le tabou célébré par le poète de l’Eau vive
se brise sur le parvis de l’église chaque soir de mai. « Avé Maria, filles et
garçons s’en donnent à cœur joie de tes grâces capucines.
Avé Maria,
aux diablotins et diablotines, tu pardonnes leurs frasques juvéniles ».
Aux temps de
Communion, la messe relève du drolatique costumier : croyants ou pas,
copains et copines sont nippés à l’image des invités d’une noce. Le Missel est
coincé sous le fessier. De chuchotements
en clins d’œil renouvelés, d’échanges de billets en pitreries éculées, les
rires jaillissent, bêtement interminables. Aux dires des grands-mères,
« Les enfants font leurs intéressants ». Les stupidités s’entrecoupent de signes de
croix et d’agenouillements éclairs. L’hostie avalée, le « ite »
annoncé génère la fuite générale. Ouf. Tout peut commencer.
11
En fin de matinée, ce « jour du seigneur », changement de programme : L’Humanité-Dimanche prend le relais de la vie Catholique et du Pèlerin(*). Solidement vissé aux commandes de son tracto-pelle, la casquette de l’ouvrier mise en pare soleil, le Paulo des BTP (Bâtiments et travaux public) beau-frère de M’sieur Gaby Paul, l’illustre député communiste de Brest et du Finistère, s’emploie à ce que le légendaire hebdo éclaire l’avenir des travailleurs
Amarré au
fauteuil et correctement calé sur sa droite, pas peu fier, je promotionne
Vaillant et ses vedettes, « Pif, Pifou, Tonton, Tata, Hercule.. ».
*La vie Catholique, Le Pèlerin,
journaux catholiques nationaux.-L’Humanité Dimanche, hebdomadaire du PCF.
Chaque lundi, c’est la rentrée. « Lundi
matin, l’empereur, sa femme et le petit prince… »
Ces instants
ne sont pas tristes. Premier acte, la mise en rang Grands ou petits, quarante
cinq ébouriffés se congratulent selon les affinités. A l’invitation du maître,
le brouhaha des galoches et sabots atteint son apogée. Puis, chacun à sa place
Les yeux écarquillés révèlent la singularité des situations intimement
vécues : apprises, les leçons engendrent le ravissement…ignorés, les
devoirs génèrent l’inquiétude.
Les livres
et cahiers jaillissent des cartables. Les outils du savoir s’étalent sur les
tables.
12
Mains dans
le dos, l’instit’ aux sabots scrute un à un ses élèves. Curieux mélange
d’affection et de sévérité. Souriant, le maître choisit d’interroger
ti-Mich’ et Lulu. Simple hasard matinal ? Pas si sûr. Impassibles, les deux habituelles pipelettes se campent dans un silence océanique. Ti-Mich’ et Lulu n’ont rien lu, rien écrit, rien appris. Pas le temps ! Motif coutumier : encombrée de chahuteurs leur baraque était trop bruyante… M’sieur Louis prononce gentiment sa conclusion : « Ben, voyons ! Au suivant : Albert ? »
Debout, l’as
de la classe fait face à ses comparses. Sûr de lui, Albert récite avec
élégance : « Le petit cheval dans le mauvais temps, qu’il avait donc
du courage ! C’était un petit cheval blanc, tous derrière et lui
devant… »
Assis sur leur nuage, Ti Mich’ et Lulu ne s’affolent pas. Le poème de Paul Fort ? Mouais… Vivement la récré, ses jeux et turbulences.
L’apothéose reste la fête annuelle des écoles laïques. Le
défilé et le rassemblement de la jeunesse montante sont parfaitement ordonnés
et minutés. Écoliers et écolières sont spécialement entraînés et habillés pour
le défilé et le Landi (*). La marée juvénile avance dans les pas rythmés des
cliques et fanfares. Par milliers, corsages et chemisettes, jupettes et
culottes courtes, bleu et blanc mêlés, envahissent la rue Jean-Jaurès et le
stade de Ménez-Paul. Aubades des pipeaux et mouvements d’ensemble émeuvent
jusqu’aux larmes les parents attendris.
13.
Partenaires
privilégiés de l’événement, les laïques des Patros du Bergot et de Lambézellec
sont comblés de fierté. La marche triomphale des écoles laïques est
annonciatrice des grandes vacances.
Préparé dans chaque école publique de
Brest. Le Landi présentait, pour la Fête annuelle de la Laïque au stade de
Ménez-Paul, de vastes mouvements d’éducation physique rythmés sur de « grands »airs
de musique.
2 E PARTIE
NOTRE
BOUGUENVILLE LES POTES
Bien Qu’inégalement pourvus,
impies ou catéchisés, rejetons des Zefs de Souche ou d’adoption, les gars
naviguent à l’unisson. Les Filles font bande à part.
« Voltigeurs d’la baballe et d’la pédale » selon les éclats de
dire des clowns Jo et Pastis, les gosses, artistes et champions du cru, en
herbe ou confirmés, font vibrer les gens de Bouguenville. La baraque d’à côté,
La C 11, abrite Vonnette et ses frères. L’aînée est une adorable grande
perche.
14
Le p’tit Jean évolue dans ses langes.
Outre son cartable chargé des bouquins du savoir, son grand frère Claude
porte précocement une tête de plus que tous ses camarades de classe. Devenu
membre du club des argentiers de la ville de Brest, il accomplira une carrière
professionnelle en lignes comptables, empreinte d’une droiture remarquable. Associée
à un talent de la passe face au filet, sa haute taille lui permettra de rayonner,
au plan international, dans le mouvement travailliste des volleyeurs.
Lorsqu’il faut soulager notre petite mère, le petit déjeuner se prend
chez la voisine. Grande, douce et souriante, la maman de Claude nous sert un
« fortifiant » : un grand bol de lait au pain cassé et
trempé ! Rituel familier : le papa affable et discret, cale son
chapeau mou, c’est l’heure du boulot.
En contrebas, Loulou le rêveur perche en baraque française. Garçon au sourire éternel, haut dans ses galoches, loulou possèdent également la fibre comptable. Adulte, il la mettra au service du mouvement ouvrier. Cadre administratif de la respectable « Gueule d’or », célébrissime restaurant de l’Arsenal, Loulou veillera des années durant à ce que soient bien sustentés les travailleurs et leurs délégués. Derrière chez nous, circule l’énigmatique Hubert. Son papa est « poulet ». À ne pas confondre avec une hirondelle. Au flic sans bicyclette, Hubert offrit plus d’une fois la possibilité de lui plumer la tête.
15.
En face, de l’autre côté de la grande rue, siège de l’Espoir. Dans le
voisinage de ce patronage paroissial, un clan dénote dans le paysage. Chemisier
renommé, le papa est classé dans le camp de la droite chrétienne. Cravaté du
matin au soir, l’homme est perçu comme
un authentique béni-oui-oui du MRP, le Mouvement Républicain Populaire qui
était traduit sans ménagement la « machine à rouler le peuple ».
Frère cadet de Michel, le grand Georges se moque pas mal des appréciations peu amènes qui fusent du camp laïque. À l’aise dans ses baskets, Georges les écarte d’une simple pichenette. Sans égale, son éloquence gagne par-dessus sa croix l’amitié des plus déterminés à railler les culs-bénits, fussent-ils excellents basketteurs. Le Grand Jo deviendra un artiste de la plume sportive.
16.
À l’intersection des trois quartiers, Bouguen, Traon-Quizac et Lanrédec,
le futur bachelier Dédé veille sur ses grandes Sœurs… ou l’inverse ! moins
discrets ses frères Ti-Jean et Ti-Raym’ signent tous les bons coups.
Dans les parages, lumineux rejetons de « L’instit’ à la palette », Charles et Michel se différencient des ombrageux grâce à leur talent scolaire et à leurs tignasses claires.
D’un coup de pédale rageur, je dompte le raidillon du Bouguen-Est. Je rejoins la baraque E3. Au-delà de la poterne, gigote mon « p‘tit cousin » Christian. Ses frangins Jean Claude et José le précédent en chefs de file. Danielle boucle la marche.
Avec Christ’, je me fiche pas mal de notre mise en concurrence scolaire.
Cependant, pas au moment de la proclamation des classements, car le mieux placé
des deux studieux reçoit une pièce argentée spécialement mise de côté par nos
mamans. 17.
Sur le chemin de l’école de Traon-Quizac, nous
arborons nos musettes de toile verte, spécialement confectionnées par tante Jeannette.
Mains libérées, nous vivons un leste confort.
Un jour, bruyamment moqués par des jaloux, nous nous en expliquâmes vertement avec ces railleurs beaucoup trop collants. La mobilisation de quelques Vaillants donna du poids à nos explications. Les persifleurs se rangèrent vite à l’avis des points nus majoritaires. En ce temps-là, l’action solidaire et la volonté de domination formaient déjà un couple redoutable.
Toujours sur la butte Est du Bouguen, aux côtés de Vincent, dit Pépé, de
Pierre, Paul, Jacques et les autres, s’époumonent de cocasses champions du
bagout et du passage en force, eux-mêmes cernés par une flopée de
débrouillards.
Parmi ceux-ci, Joël est un gymnaste en herbe : le blondinet à la barrette développe en B4 ses qualités d’artiste des « flips-flop avant-arrière » et de la marche sur les mains. Jo veille gentiment sur son p’tit frère, Robert, le futur opticien.
18.
Plus tard, spécialiste de l’acoustique sous-marine, Joël s’emploiera
passionnément à ce que les marsouins nucléaires de l’île longue ne plantent pas
leur tête-skopein dans le ventre des chalutiers.
Joël connaît la musique. Avec lui, les choristes de la classe chantent à tue-tête : « Hé garçon, prends la barre, vire au vent et largues les ris » et « Pique, pique, la baleine », Sous la baguette de Louis, l’instit’ aux sabots. Aux abords de la poterne, s’éclate un p’tit Jean crépu de poil. Cheminot-Tonnerre mon Clermont !- Le Jeannot s’honorera à servir la patrie en tant qu’infirmier à l’hôpital maritime de Brest.
19
Au-dessus de
l’odorante triperie Kervern, le plateau parsemé de baraques françaises
accueille de coquets sportifs drivés par Gérard, Christian n°2 et Fanfan. Les
trois footeux se disputent les allées avec les cyclistes emmenés par Guy, le
bel amoureux transi d’une jolie blonde.
Le rapide Gérard n°2 colle à sa roue. Étoile filante, redoutable sprinter, ce Gérard – là dans un jour faste, manquera d’un pneu le droit de crier sa victoire sur Jacques Anquetil au Circuit des Blés d’Or. Fort de ses bonnes places au Tour de l’Ouest, le vieux Marcel caracole en père peinard en tête du peloton. Véloce prévoyant, il pense à sa reconversion en moniteur de la conduite auto.
Non, ce ne sont pas les corons. Trompeurs, après la pluie, le soleil sème la confusion. Plus au Nord du Bouguen – Est (ou plus à l’Est du Bouguen Nord), François, Fafa pour sa maman, s’essaie à la rédaction de prose en F1, une baraque de ciment ! Plus aérien, Riton, son effilé aîné, accorde ses guitares au désespoir de Marie, institutrice laïque pour l égalité.
À deux pas de là, en plein Nord je crois, le nonchalant
Norbert adule sa B6. Souple dans ses baskets, de tirs au but en paniers
marqués, le grand élégant caresse le gros ballon plus rondement que ne
crépiteront, vingt ans après, les claviers de ses machines à transcrire le
temps.
Privilège de la topographie territoriale, de vagues en
vagues, passent et repassent devant l’îlot du Bouguen – Centre des paquets de
jeunots. Chaque jour, j’aperçois un autre Dédé, plus jeune, plus râblé, plus
shoot que le futur bachelier. La sérénité du fin dribbler le fera footballeur
du mémorable Sporting Club du Bouguen.
Dans la foulée des changements urbanistiques hautement enclavés, sa sagesse fiscale l’élèvera au rang de président du club transmuté Sporting Club de Brest2. Sous sa direction et la vigilance du vénérable Vincent, le club fanion du sport d’en bas, les jeunes et moins jeunes de Kergoat, kerbernier, kérédern, continuent de jongler le ballon au pied de Bellevue.
De l’autre côté de l’église, vers l’Ouest, adeptes de la « VGA », la vie au grand air, Roger et ses sœurs conduites par Marie-Paule, occupent les travées encombrées. Moins remuant, Jean – Noël songe obstinément à devenir un « As du logement social »tandis qu’appliqués à leur table de travail, toujours prêts à dégager sur la pointe des pieds, Serge et Pierre préparent leurs devoirs. Sans peur et sans reproche, ils prennent le sillage de l’illustre fratrie dont le p’tit papa au Centre d’apprentissage forme les garçons aux métiers du bâtiment. Derrière la place de Metz, haut lieu des confrontations cyclistes, le timide Christian n°3 habite une maisonnette en dur à l’écart des tumultes juvéniles. De l’autre côté de la rue Commandant Drogou, sévissent Roland et Jean – Claude n°2, son fidèle lieutenant. Mêlés à leurs comparses du Bois de Sapin Et de Kérédern, les inséparables camarades d’école dirigent les retrouvailles générales à l’école laïque de Traon-Quizac et le jeudi au Patronage laïque de Lambézellec.
21.
Hors les réunions familiales, les Bouguenistes croisent rarement les copains et copines du Bergot. Voisin du Bouguen, le quartier de l’extrême dispose de ses propres commodités sociales, scolaires et marchandes. Ce sont les beaux jours de l’été qui réunissent tout le monde. L’apparition du soleil remplit d’un coup d’un seul la piscine de Tréornou. À ciel ouvert, les baigneurs y piaillent leur plaisir sous les nuages fugueurs. Les plus aventuriers préfèrent foncer jusqu’à Saint-Marc. Pour en montrer aux filles, les p’tits d’hommes bandent leurs muscles en devenir. Ils se jettent en boucle du plongeoir ancré devant la grève. Les valeureux bals-dansants de chez Bastard et de la Guinguette ne gênent pas les nageurs. Hors les célébrations et événements programmés, les garnements se fouillent les méninges pour agrémenter l’ordinaire. Des ciboulots fusent des plans et des jeux audacieux. Hélas, la fée des foyers opère avec parcimonie : trois fois sur quatre, les projets d’aventures se heurtent à la peur des punitions. Résignés, les jeunes s’ébrouent dans le train-train : ballons, balle au prisonnier, osselets, billes, colin- Maillard, saute – moutons, cache-cache, jeux de pistes, gendarmes et voleurs, p’tites guerres, traîneaux, saut à la corde, marelle. Les jeux médicaux s’exercent dans la clandestinité. Poussives d’un autre âge, les montées au mât de cocagne et les courses en sac se perdent dans leurs risibles tentatives de survie.
22.
Au total, la routine l’emporte sur la nouveauté. Mais dans
la cour de Traon – Quizac, le téméraire piquarome se joue à couteaux ouverts.
Hors les murs, les élèves riment allègrement :
« Ah, Kéralloche, l’école des
Cloches ! Ah, Traon – Quizac, l’école des Cracks ! »
Les sorties du jeudi s’organisent selon les caprices du
ciel, pluvieux ou bleu :
– Au Sélect ? L’obscur cinoche de tous les rêves est
sis rue Robespierre, face à la chapelle Saint – Anne.
– Au patronage Laïque de Lambézellec ? Le « Peuleuleu » est logé dans une haute baraque noire, à deux pas de l’école, rue du Cdt Drogou.
– plutôt rejoindre Pen – ar – ch’leuz et son stade de
football ?…
Ainsi de suite, le choix est varié selon la saison.
23.
3E PARTIE
À BOUGUENVILLE NOS VIEUX
La vie de notre quartier c’est comme celle d’un village,
ponctuée de fêtes, cérémonies, enterrements… et parfois une virée à Brest-même.
Au quotidien, les mères gèrent la marmaille ou travaillent pour
l’habillement. Il faut faire vivre la maisonnée jusqu’à la paye de quinzaine.
Nos paternels vont au maille ; c’est à eux de gagner la croûte. Ils sont
ouvriers du port, dockers ou dans le bâtiment.
Aux aventureuses expéditions au bois de la Baronne, à l’étang de
kerléguer ou au Fort du Questel, succèdent les sorties familiales
dominicales.
« Tous en ville ! » Poussettes en tête, parents et
rejetons marchent ensemble sur les ruines en voie d’effacement et les trous
de guerre en voie de comblement.
Un bon dimanche comprend obligatoirement une promenade au château et
un passage sur le petit pont.
Joyau de l’Arsenal, flottant et mobile, le petit pont s’ouvre à la
demande de l’amirauté.
Les bateaux gris passent sous le nez des promeneurs extasiés.
Honorés de l’inespéré soutien
populaire, les Margats de laDP(*)
conduise la manœuvre sous les applaudissements des endimanchés
Les fêtes et cérémonies sont programmées par des comités d’adultes.
Les spectateurs cernent de près le char fleuri de la Reine.
La camionnette des Vaillants célèbre la Paix et l’amitié avec le
peuple soviétique.
Les flambeaux éclairent les fanfares de la retraite. Le feu de la
Saint – Jean, quand à lui brûle les pucelles une foi par an.
Généreux en neige poudreuse, l’hiver coriace surprend le père Noël en
plain vol.
dans les pas du p’tit Poucet,
l’ancêtre à la hotte livre ses oranges aux enfants triés sur le volet.
À la suite des bonshommes de
neige, les gras masquent les visages un mardi de février
* DP : Direction du Port
24
Chenilles et casse gueule prennent la relève des festivités épuisées. Chaudes et fumantes, les galettes tendent la panse gourmande des gringalets. Artistes de la rue, les industriels forains occupent la grand’ place. Ils montent les manèges, confiseries, tirs et jeux, aussi vite que leurs cousins, clowns, trapézistes, dompteurs et magiciens, montent le chapiteau du cirque sans jamais nuire au marché maraîcher.
Hasard ou velléité protectrice du ciel, sur notre gauche siège le presbytère. À droite ou à gauche, c’est fonction de la position du photographe, dos devant ou dos derrière. Campés aux premières loges, nous savons tout de la vie paroissiale et de l’abbé à la moto. Selon les lavoirs, le curé est l’amant d’une belle dame du quartier. les chenapans ne savent pas moins de la bonne sœur foutue le camp avec un Algérien. « Il était beau, il sentait bon le sable chaud ! » Accablé par les démons de l’enfer, le recteur aux lunettes d’écailles redouble ses prières. « Il n’y a pas d’amour heureux ! Ainsi soit-il ! » Ensevelies sous les universités élevées en ce lieu et place du Bouguen, les rumeurs de la médisance et les racontars des bénitiers font toujours « s’gondoler » les mécréants beaucoup plus que les bonnes gens.
Gais ou tristes, les paroissiens et paroissiennes
chantent en chœur. Les bigotes ne savent pas chanter. Serrées dans un coin,
le regard de guingois, les bigotes marmonnent leurs méchancetés.
Elles
déchantent à l’autel du ressentiment.
En offrande, elles brandissent le fouet de l’enfer en direction des enfants
de gueux. « La discipline ne peut être transgressée, la loi est
naturelle. Une place à chacun, chacun à sa place. Le destin ! »
25.
Les cortèges des enterrements s’ébranlent souvent de l’église, mais pas toujours. Les familles et le corbillard portent le noir. Les bourgeoises camouflent leurs visages sous une voilette pareillement noire. Les incroyants attendent dehors. Les badauds n’applaudissent jamais. Ils s’écartent machinalement devant la procession guidée par les curés. Le crucifix est porté par des garçons vêtus d’une soutanette rouge et d’un surplis blanc. Invité d’honneur, fixé sur un mât mobile, le Seigneur observe d’en haut les promeneurs d’en bas. Les sceptiques haussent les épaules.
Les enfants de cœur ? Les copains les trouvent mignonnes déguisées en filles. Le parfum de l’encens envahit les narines. Malgré leurs incessants tortillements de tête, les plus dégourdis ressentent une sorte d’absence. Au départ, les suiveurs Parlent à voix basse. Ensuite, au fur et à mesure des avancées du convoi funèbre, ils parlent plus haut et plus fort. Les femmes et les enfants font le signe de croix. Les hommes ôtent le mou ou la casquette du dénicheur, rivale populaire de la casquette de l’officier.
Un jour, le cortège rassemble tant de casquettes, de galons dorés et d’épées coincées dans leurs fourreaux, que cette présence intensive au mètre carré désarçonne les passants. Les curieux croient un instant à une répète générale de la revue du 14 juillet. Le macchabée révèle malgré lui son métier. Le dernier voyage, vers les ténèbres pour les mécréants, vers la lumière pour les gens de foi, s’achève généralement dans un trou. Cela saute aux yeux des gamins. Les gens d’églises n’apprécient pas les iconoclastes remarques des p’tits morveux.
Branle –bas de combat exceptionnel : un convoi d’un
autre genre occupe la chaussée. Debout dans sa grosse décapotable noire, le
président de la République Française Vincent Auriol salue de la main ses
concitoyens sur le circuit cycliste du Bouguen. Le peuple en liesse ovationne
le p’tit homme important. Le Président est protégé par des gaillards casqués à
moto. Les pères enthousiasmés tirent leurs cœurs – Vaillants vers la
démonstration républicaine sur les Glacis et le Cours Dajot.
Éloignées de l’église d’une laideur à décourager les plus fidèles, sont montées des baraques tout aussi laides. Plus basses, plus longues, c’est l’Oncor(*). En cet endroit, les ombres se font plus sombres. Le foyer ouvrier souffre d’une mauvaise réputation. Ses résidents sont originaires d’un pays aux rives ensoleillées, là–bas au Sud ; les autorités françaises ont convié des Algériens à la fastidieuse entreprise de reconstruction. Éloignés de la terre patrie et de leurs familles, ces travailleurs trouvent – ils ici leur compte de bien être ? Cette confrérie besogneuse semble tolérée plutôt que reçue à bras ouverts. Essentiels au renouveau de la vie urbaine, les métiers de terrassier, de maçon de plâtrier, transpirent pourtant une évidence pénibilité. Pour satisfaire les besoins d’abris des Brestois, ces exilés s’exposent chaque jour aux caprices des intempéries et à la détestable indifférence ou au racisme des gens bien.
27.
* Oncor : Organisation nationale
des cantonnements pour les Ouvriers de la Reconstruction.
En contrebas, derrière les hauts murs de la séparation, sur les rives de la Penfeld, l’espérance se manifeste bruyamment aux « BF »(*). Les chevaliers de l’Arsenal la martèlent à coups de masse cadencés. Leur sueur perlée proclame leur ardent désir de dignité : « Les preux de l’église plaident la servitude. À la vérité, ils ordonnent de frire les salariés ! »
Une autre messe est dite. Ces
fortes paroles énoncent la sentence ouvrière.
Le goût prononcé des p’tits chefs pour le commandement recèle, selon les paternels, des perversités à vous nouer la gorge et à vous serrer les poings. Le travail grave au plus profond la peau des ouvriers. Les pères portent de trente à quarante ans d’âge : « Ne pas plier ! À genoux ? Jamais ! »
* BF : Bâtiments en Fer
La célèbre sirène de l’Arsenal
rythme la vie des Zefs(*).
Elle siffle les embauchées et
débauchées, plusieurs fois par jour. Sises aux pieds de Bouguenville, largement
béantes, les portes de la Brasserie et de Kervallon grouillent ponctuellement
d’hommes en bleus.
Le matin, au point du jour, Jeanne-la-discrète propose le républicain Ouest-Matin. « Ouest-Matin ! Le quotidien qui chasse la grippe et le chagrin ! »Ah, la Reconstruction ! Ah, la Reconversion vers des fabrications de navires d’utilité civile ! N’est-ce pas les Antilles ? Son lancement, c’était notre fête à nous. En ces temps engloutis, les ouvriers ne pouvaient imaginer que leur Arsenal serait un jour rayé de la carte et redessiné en garage nucléaire. Pourtant, Brest-Atomik-base investissait déjà les desseins et le tiroir-caisse des génies civils et militaires.
* Zef : c’est ainsi
qu’à Brest, dans les milieux populaires, on appelait un petit gars de la ville.
Le Yannick se
revendiquait de Recouvrance.
28.
Fiers de leur machine tôt le matin, les mécanos des
Mouvements Généraux caressent leur
locomotive. Rutilant, le train de l’Arsenal hurle son bonheur et crache sa
fumée. Plein à craquer des voyageurs du labeur, il quitte la porte de la
Brasserie toujours à l’heure. De station en station, il les dépose
gracieusement jusqu’aux Quatre-Pompes au fin de la rive droite.
Au Plateau des Capucins, rivés à leurs postes, les
chaudronniers forment le métal, les ajusteurs actionnent les machines. Les
électriciens bobinent rotors et stators. Ti-Louis-le-Marquis immerge les bouts
de moteur réparés dans le vernis liquide chauffé à blanc ; cérémonie qui
se déroule dans l’intimité de la cuve.
Evasion entre potes, on s’offre parfois un « billet de
sortie ».
Le soir
Le soir, avant le retour au bercail, les travailleurs plongent au Trou. En ce troquet du Carpon, rebelles ou sentimentaux, ils égrènent la rouge cerise et le frêle coquelicot. Bon sang ne sachant trahir, les fils reprennent les ritournelles ouvrières. Sur le chemin de l’école, les mômes taquinent-haut les cœurs-les rigadins, curés et calotins. En ligue et en procession, les plus Vaillants des écoliers à tue- tête : « Ah, Cœurs-Vaillants, boîte à sardine ! » En bandes mouvantes, les sous fifres de Peppone et les brebis de Don Camillo s’affrontent à la sportive dans tous les coins et recoins des rings et stades, jusqu’aux cours d’écoles et caniveaux.
29.
Au-delà des douves, de la place Albert 1er et de
l’Avenue Foch, s’ébroue « Brest-même ». Trolley ou trotte à
pied ! Autres vies, autres motivations.
Avec ou sans col bleu, les gars de la marine inondent Recouvrance, les
rues de Siam et Jean Jaurès. En
contrebas, « au port de », les charbonnages noircissent les quais et
les brodequins. Les pêcheurs rêvent de filets de poissons argentés. Les dockers
chargent et déchargent à dos d’homme. Face au bassin du Gaz, pêcheurs et
ouvriers achèvent la journée de travail Au tout va bien. Rouge lim’ ou
amélioré, un « coup de pif » pour se désaltérer.
Cet été, chroniqueur
de la TSF, Georges briquet attise les
passions. Le tour de France se déroule du 30 juin au 24 juillet. si les
grimpeurs Jean Robic, René Vietto, Apo Lazaridès et l’inattendu Jacques
Marinelli emballent les ferveurs, les chevauchées fantastiques de Fausto Coppi forcent l’admiration des
capsuleurs. Fausto domine les deux contre-la-montre et largue tous ses
adversaires dans les Alpes. Il triomphe à Paris avec près de 11 minutes sur
Gino Bartali ! Ces faits d’armes enfouis dans les mémoires, la laïque de
Traon-Quizac réunit à nouveau ses écoliers.
Patatras ! Sidération et tristesse. A quelques encablures de la Toussaint, le vingt-huit octobre devient à jamais synonyme de drame national. Marcel Cerdan meurt accidentellement… L’avion dans lequel il a pris place, percute en pleine nuit un pic des Açores au Portugal. Notre valeureux champion voyageait vers les États-Unis dans le but de reprendre son titre à l’énigmatique Jake La Motta. Le taureau du Bronx campe loin derrière l’aura du superbe félin Sugar Ray Robinson. La cruelle disparition de Marcel brise nos rêves. Sa victoire eût été notre victoire. Ah, la vie et ses mauvais tours d’ailes.
30
CHŒUR
DE PAIX
Heurts,
malheurs, rires et sourires entremêlés, à Bouguenville,
Les
mères se prénomment Céline, Germaine, Gina, Jeanne, Joséphine, Juliette
Madeleine, Marcelle, Marguerite, Marie, Paulette, Renée, Romaine, Yvonne.
Elles
croient au ciel ou n’y croient pas.
Le
porte-monnaie des dames à voilette se présente bien garni ; celui des
dames populaires se maintient plutôt maigrelet.
Toutes
protègent de leurs tendres baisers leurs descendances adorées.
Mamans
les plus douces du monde, les margotons de la rade éduquent leurs vaillants
et
Exécutée sommairement le 30 novembre 1944 à Pforzheim (Bade-Wurtemberg, Allemagne) ; commerçante ; membre de divers réseaux de Résistance dont le SR Alliance.
Alice Coudol
Crédit photo : Gildas Priol
Commerçante et marchande foraine, elle fonda en juin 1940 à Lesneven son
propre réseau de résistance, le « Mouvement Violette ». Avec son groupe
elle aida des soldats français à échapper à la captivité, diffusa des journaux
clandestins, distribua des tracts gaullistes, fournit à Londres des
renseignements sur les bases sous-marines de Brest, l’arsenal, la base aéronavale
du Poulmic, le terrain d’aviation de Guipavas. Elle entra au réseau
« Jade-Fitzroy » créé en 1942 sur le secteur de Brest et Landerneau
pour héberger des aviateurs alliés et les faire évader ensuite vers
l’Angleterre. Elle était également membre du « Mouvement Défense de la
France » et des réseaux « Alliance » et « Centurie ». Dans
le réseau Alliance, elle devint estafette du sous-réseau Sea star, secteur de
Brest, sur la région Bretagne « Chapelle « , avec le matricule
« S.529 ».
Elle fut arrêtée à Lesneven le 4 octobre 1943 et déportée vers l’Allemagne au
départ de Paris puis internée à la prison de Pforzheim (Bade-Wurtemberg, Allemagne)
où elle fut enregistrée sous le matricule n° 582 le 25 janvier 1944. Le 2
mars 1944, la Gestapo de Strasbourg transmit le dossier d’accusation
d’espionnage au profit d’une puissance ennemie concernant douze prévenus dont
Alice Coudol, au Tribunal de guerre du Reich qui y apposa les tampons
« secret » et « affaire concernant des détenus » ainsi que
la mention « NN » (Nacht und Nebel-Nuit et Brouillard). Il n’y eut pas
de jugement, les accusés étant remis sans procès à la disposition du SD de
Strasbourg le 10 septembre 1944, ce qui équivalait à une sentence de mort.
Devant l’avance des Alliés sur le Rhin le 30 novembre 1944, Alice Coudol elle
fut extraite de sa cellule ainsi que 18 hommes et 7 autres femmes appartenant
comme elle au réseau Alliance. Après un simulacre de libération, ils furent
tous conduits en camion à la forêt de Hagenschiess, à quelques kilomètres de
Pforzheim et abattus d’une balle dans la nuque par les agents de la Gestapo de
Strasbourg, Julius Gehrum, Chef de l’AST III, Reinhard Brunner, Howold, Buchner
et Irion, puis jetés dans une fosse recouverte ensuite de terre et de
branchages.
Leurs corps furent exhumés par les autorités françaises le 19 mai 1945 et mis
par des civils allemands dans des cercueils devant lesquels la population de
Pforzheim dut défiler au cours d’une émouvante cérémonie.
Ils furent ensuite rapatriés en France et à l’arrivée à Brest de la dépouille
d’Alice Coudol, une chapelle ardente fut dressée à l’église Saint Martin. Une
foule nombreuse assista aux obsèques, en présence des autorités françaises et
de représentants de toutes les associations de Résistance. Elle fut inhumée au
cimetière Saint-Martin, à Brest.
Alice Coudol fut décorée de la croix de chevalier de la Légion d’Honneur à
titre posthume le 6 juillet 1955 ainsi que de la Croix de Guerre 39-45 avec
palmes et de la Médaille de la Résistance.
Elle obtint la mention « Mort en déportation » par arrêté du 26 février
2013.
Son nom figure sur la stèle commémorative du réseau Alliance à Pforzheim. Des
rues de Brest, Plouzané, Lesneven portent son nom.
Alice Coudol – Les martyrs de Pforzheim.
—————————————————————————-
Fin juin 1945, le maire de Brest reçoit une lettre écrite par le
Père Laurent, aumônier du 86ème RI. Cette missive l’informe de la découverte
d’un charnier à Pforzheim (région de Bade) : 25 corps y sont retrouvés dont
ceux de 12 brestois. Sur la macabre liste qui suit cette annonce, le nom
d’Alice Coudol.
Dès juin 1940, la jeune Alice (elle a 17 ans) aide les soldats français à échapper à la captivité. Ayant entendu l’appel du Général de Gaulle, elle mène la propagande dans les cantons proches de Brest, crée son propre réseau (Violette) et réussit à recruter de nombreux volontaires, alors qu’elle ne sait ni lire, ni écrire. Elle est agent des réseaux Alliance et Centurie, aide au « sabotage » du STO dans la région. Mathieu Donnard, Colonel du mouvement Libération puis FFI dira d’elle : « j’ai rencontré une jeune fille extraordinaire, une Jeanne d’Arc, assurée et courageuse ».
Alice et 9 des brestois
retrouvés dans le charnier avaient été arrêtés à l’automne 1943 dans le cadre
du démantèlement du réseau Alliance par la Gestapo. Ils font partie des 50
détenus qui arrivent à Pforzheim en janvier 1944.
Le 30 novembre 1944, un gardien vient réveiller Alice et ses compagnes de
chambrée. Ils les emmènent toutes sauf Yolande Lagrave qui restera seule, dans
l’angoisse du devenir de ses camarades.
Les prisonniers et prisonnières emmenés cette nuit-là subirent d’épouvantables
sévices et tortures avant d’être abattus d’une balle dans la nuque et ensevelis
dans un cratère de bombe, dans un champ.
Alice deviendra le symbole de la Résistance dans le Nord-Finistère et celui du martyre des prisonniers de Pforzheim. A l’arrivée de sa dépouille à Brest, une chapelle ardente est dressée à l’église Saint Martin. Une foule immense assistera aux obsèques, en présence des autorités françaises et de représentants de toutes les associations de Résistance.
Pourquoi cet article, sur Alice Coudol. Simplement parce que c’est une cousine à ma mère, décédée aujourd’hui, mais qui nous a souvent parlé d’Alice sa cousine. Ma mère Née le 13 avril 1922, et née venelle Kéravel, 17 : Mercedes Alexandrine Félicie Coudol, fille d’Armande Mathurine Coudol, dix-huit ans, sans profession, célibataire, domicilié à Brest. , Née à Pont-Croix, le six septembre mil neuf cent un, fille de Alphonse Pierre Coudol, marchand forain, domicilié à Brest ; et d’Armande Marie Lescoat, son épouse.
COUDOL ALICE
Patriote et résistante. 10 février 1923 – 30 novembre 1944 : Pfortzheim (Allemagne)
Seconde fille de Mme et M Coudol, Alice aide avant
1940 ses parents dans l’exploitation d’une loterie « Au nougat de Montélimar »,
qui participe aux différentes fêtes de la région brestoise. On les retrouve,
tous les ans place Wilson durant la période de Noël et de fin d’année. Sous le
nom de Violette, alors qu’elle a seulement 18 ans, elle monte seule un réseau
de Résistance qui s’étend de Lesneven à Plouescat, Saint – Pol – de –
Léon et Lannilis. Au moment de son arrestation le 27
septembre 1943, elle a recruté plusieurs milliers de patriotes. Incarcérée à
Rennes, elle est ensuite déportée à Pfortzheim
(Allemagne), où elle est assassinée par les nazis. Le 30 novembre 1944, à 5 h
du matin, 26 prisonniers, hommes et femmes, sont extraits de la prison, huit
d’entre eux sont sauvagement torturés. Les autopsies démontrent qu’ils avaient
eu les côtes brisées, les mâchoires fracassées et les yeux arrachés. On leur
avait fait signer le registre de levée d’écrou pour leur faire croire à leur
libération. Ils prennent alors place à bord d’un camion qui après deux
kilomètres s’arrête au bord d’un trou d’obus empli d’eau par suite de la fonte
des neiges. C’est alors que les S.S. achèvent leur sinistre besogne par une
balle dans la nuque et font basculer les corps dans le puits improvisé : deux
hommes tentent de s’enfuir, l’un est tué à bout portant, l’autre a la colonne
vertébrale brisée à coups de crosse. Le 5 août 1945, les restes d’Alice Coudol sont ramenés à Brest, ou une chapelle ardente est
dressée dans une dépendance de l’église Saint – Martin. Pour se rendre à
l’église Saint – Michel, où va se dérouler la cérémonie religieuse, un cortège
se forme avec en-tête six soldats, l’arme basse, suivis de la Lyre Lesnevienne, d’un détachement de marins et de la clique de
la musique de la Flotte. Un char couvert de gerbes et de couronnes précède une
délégation de forains portant eux – même les fleurs offertes. Derrière la
grande croix, m. Le chanoine Barvet, curé –
archiprêtre, conduit un nombreux clergés et un groupe d’enfants de chœur. Le
cortège se reforme pour rejoindre le cimetière de Brest où a lieu l’inhumation.
Des origines à la Révolution et à l’Empire La création du port militaire n’intervient cependant qu’en 1631, sur décision de Richelieu, et les premiers travaux importants n’y sont effectués qu’à partir de 1666, sous la haute direction de Colbert, alors Contrôleur général des finances. En 1669, le Marquis de Seignelay, fils de Colbert et Ministre de la Marine, publie l’ordonnance du 15 avril qui codifie avec précision l’organisation des Arsenaux : l’intendant, qui relève directement du Ministre, est responsable de l’ensemble des activités de l’Arsenal. Il en ordonnance la dépense. Le « Commandant de la Marine » n’a autorité sur la flotte qu’après qu’elle ait été armée. Le premier bassin de l’Arsenal de Brest, le bassin Tourville, est construit en 1683. Il sera agrandi à 2 reprises en 1745, puis en 1864. Après le rapide développement des années 1660 à 1690, l’Arsenal de Brest connaît une période de stagnation de plus de 40 ans. Puis un nouvel essor lui est donné par deux ministres de Louis XV, le Comte de Maurepas et le Duc de Praslin. L’architecte Choquet de Lindu remplace alors les vieux bâtiments de l’époque de Colbert par des bâtiments en granit. Il édifie notamment, en 1747, sur la rive gauche de la Penfeld, un imposant atelier de Corderie, long de 400 m. La construction des bassins de Pontaniou débute en 1746. Au cours des mêmes années, un sérieux effort est fait pour renouveler les techniques traditionnelles, souvent empiriques, de constructions navales. Celui-ci se concrétise notamment par la création, en 1741, du Corps des ingénieurs-constructeurs, ancêtre de celui des Ingénieurs du génie maritime. Les innovations en la matière d’organisation sont moins heureuses après que Choiseul ait cru bon de placer l’Intendant et le Commandant de la Marine sur pied d’égalité, Castries, en 1786, restaure l’unité de commandement en donnant au Commandant de la Marine le pas sur l’Intendant. Quelques années plus tard, Bonaparte modifiera une nouvelle fois cette organisation en plaçant à la tête de l’Arsenal le « Préfet Maritime », haut fonctionnaire choisi pour ses qualités personnelles, sans considération de corps d’origine ou de grade (1) (arrêté du 7 Floréal an VIII). (1) Ce n’est qu’à partir de 1875 que le Préfet Maritime sera obligatoirement un Vice-Amiral. Signalons enfin qu’au cours des dernières années de la monarchie, les ouvriers bénéficient d’un embryon de statut, avec le règlement de demi-solde aux personnels inemployés (préfiguration d’une certaine stabilité de l’emploi) et l’instauration, sous certaines conditions, d’un système de pension (ordonnance de 1784). Le XIXe Siècle Pratiquement interrompu pendant la Révolution, l’Empire (qui s’intéresse à CHERBOURG), et la Restauration, le développement de l’Arsenal de Brest reprend à partir de 1845, en liaison avec l’essor industriel de la 2e moitié du XIXe Siècle. Le grand bassin du Salou (bassin 4) est mis en chantier en 1857. Les premiers ateliers de Mécanique, Fonderie et Chaudronnerie sont construits en 1845, sur le plateau dit « des Capucins ». Ces ateliers seront rénovés et agrandirent entre 1858 et 1864. Les premiers « Bâtiments en Fer » sont bâtis en 1865. Les importantes extensions des services de l’Arsenal ainsi réalisées imposent une redistribution des aires disponibles le long de la Penfeld, au profit de la Marine Nationale. Dès 1935, celle-ci avait acquis les ateliers privés qui subsistaient, en fond de Penfeld, à Kervallon. Mais les bâtiments de commerce continuaient d’accoster aux quais Tourville et Jean Bart. Ce n’est qu’en 1865 que Napoléon prend la décision de transférer le Port de Commerce dans l’anse de St Marc et de réserver l’accès de la Penfeld aux bâtiments de Guerre. De la même époque (1868) date la construction des premiers magasins à poudre, sur des terrains que la Marine avait acquis, 40 ans plus tôt, en bordure de l’anse de Kerhuon. Mentionnons enfin, pour la petite histoire, que les forçats quittèrent définitivement les Arsenaux pour la Guyane, en 1852. Des années 1900 à la 1re Guerre Mondiale L’Arsenal de Brest qui n’a guère évolué dans les années qui suivent la défaite de 1870, connaît un nouveau regain d’activité à partir de la fin du XIXe Siècle, et jusqu’à la Première Guerre mondiale. Son extension vers le Sud-ouest est amorcée, en 1900, par l’édification d’une grande jetée de 2160 m qui délimitera l’actuelle rade-abri. Celle-ci est à l’époque accessible à la fois par l’ouest et par l’Est. En 1905, la construction d’un quai d’armement de 675 m de long est entreprise à Laninon. Ce quai se termine par le « port des Torpilleurs » qui protège les quais de la houle qui rentre par la passe Ouest de la rade-abri. 5 ans plus tard, débute celle des deux grands bassins de Laninon. Ces bassins qui auront une longueur de 250 m et largueur de 35 m, suffisantes pour les plus grands bâtiments de l’époque, ne seront achevés qu’en 1918. Simultanément les 2 cales de lancement du « point du Jour » et l’atelier des bâtiments en fer sont rénovés (1907-1910-1911). Tous ces travaux permettent à l’Arsenal de Brest de prendre sa part dans la construction de l’imposante Flotte de Combat dont la France va disposer au début de la Première Guerre mondiale. Ainsi, parmi les croiseurs et cuirassés qui sont encore en service en 1914, avaient été lancés à Brest : En 1895, Le Cuirassé de 2e rang (Charlemagne) de 11.300 T En 1896, Le Cuirassé de 2e rang (Gaulois) de 11.300 T En 1899, Le Cuirassé de 2e rang (Suffren) de 12.750 T En 1900, Le Croiseur Cuirassé (Marseillaise) de 10.400 T En 1901, Le Croiseur Cuirassé (Léon Gambetta) de 12.550 T En 1902, Le Cuirassé de 1er rang (République) de 14.865 T En 1904, Le Cuirassé de 1er rang (Démocratie) de 14.900 T En 1907, Le Croiseur Cuirassé (Edgard Quinet) de 14.000 T En 1909, Le Cuirassé de 1er rang (Danton) de 18.350 T En 1911, Le Cuirassé de 1er rang (Jean Bart) de 23.467 T En 1913, Le Cuirassé de 1er rang (Bretagne) de 23.500 T Et enfin, en 1914, le Cuirassé de 1er rang (Flandre) De 25.230 T Les années qui précèdent la Première Guerre mondiale sont également marquées par une certaine évolution administrative ou sociale des Arsenaux. En 1900, les Directeurs des Constructions Navales et de l’Artillerie Navale deviennent responsables de la gestion de leurs crédits. Celle-ci était auparavant assurée par les Services du Commissariat qui relevaient du Préfet Maritime. La légalité des syndicats est officiellement reconnue dans les Arsenaux en 1902. La durée du travail est réduite à 9h 35 mn par jour en 1901 et à 8 h en 1903. À partir de 1911, les ouvriers bénéficient de 6 jours de congé payés par an, cette durée étant portée à 12 jours dès l’année suivante. De 1914 à 1939 De 1914 à 1918, l’Arsenal de Brest ne construit que des bâtiments de petit tonnage (avisos et canonnières). Cependant, dès la fin de la guerre, sous l’impulsion notamment de Georges Leygues, qui sera Ministre de la Marine de 1917 à 1920, puis de 1925 à 1930, et encore en 1932 et 1933, La France entreprend de se doter à nouveau d’une Flotte de Combat nombreuse et puissante. De 1923 à 1933, (9) Croiseurs les « Duguay Trouin » et « Primauguet » de 7.250 T, Les « Duquesne », « Suffren », « Colbert », « Foch », « Dupleix », et « Algérie » de 10.000T, le « La Galissonnière » de 7.600, Sont lancés à Brest, en même temps que 8 sous-marins (les « Marsouin », « Phoque », « Pascal », « Pasteur », « Achille », « Ajax », « Héros », et « Centaure »).
Lorsque la menace d’une nouvelle guerre mondiale se précise, les travaux d’aménagements de l’Arsenal reprennent activement.
En 1931, les falaises du secteur de la Pointe sont arasées et les déblais sont utilisés pour le comblement de la passe Ouest de la rade-abri. Simultanément, d’importants travaux de génie civil sont menés dans tout l’Arsenal (percement de tunnels, aménagements de terre-pleins), pour permettre de desservir par voie ferrée, les 2 rives de la Penfeld et les quais de Laninon. En 1935, après le comblement de la passe ouest de la rade-abri, un nouveau quai des Flottilles, long de 950 m, est construit entre le quai d’armement de Laninon et la grande jetée. Enfin, dans le secteur de la pointe, sont bâtis les halls ou ateliers d’artillerie qui seront nécessaires pour le montage des tourelles et des télépointeurs des cuirassés. De 1933 à la déclaration de guerre, l’Arsenal assure encore, outre l’achèvement des bâtiments précités, la construction des Cuirassés « Dunkerque » et « Richelieu » et l’armement de plusieurs navires construits par l’Industrie, dont les Croiseurs « Marseillaise » et « Georges Leygues », le Cuirassé « Strasbourg », et 4 sous-marins. Au cours de cette période d’intense activité, il apparaît que la disponibilité de 2 grands bassins seulement, ceux de Laninon, est insuffisante pour faire face au programme d’entretien de la Flotte et à la construction de navires de ligne, dont le tonnage et les dimensions augmentent régulièrement (1). Aussi décide-t-on de construire, entre les bassins 8 et 9 et la Pointe, un nouveau bassin qui devait avoir, au départ, 305 m de long et 46 m de large, mais dont la longueur devait être ultérieurement portée à 365 m. Les travaux commencent le 7 février 1939. Ils seront définitivement arrêtés à l’arrivée des Allemands en 1940.
(1) De façon à limiter au maximum la durée d’utilisation des bassins de Laninon au seul profit des constructions neuves, le tronçon central de coque du « Dunkerque » puis du « Richelieu » sont construits au bassin 4 du Salou. Ce tronçon est ensuite transféré dans un bassin de Laninon où on lui ajoute l’étrave et, éventuellement, le bloc arrière du bâtiment. Mentionnons, pour terminer, la sortie entre les deux guerres de 2 décrets importants : le décret du 22 avril 1927, qui fixe l’organisation de la Marine et des services rattachés (dont la D C A N), et le décret du 1er avril 1920 qui a trait aux statuts des personnels ouvriers. De 1945 à nos jours
Si les bombardements alliés, concentrés pendant la guerre sur la base sous-marine et sur les bassins de Laninon, n’avaient, en définitive, causé que relativement peu de dégâts, il en alla autrement des destructions qu’effectuèrent les Allemands dans les semaines qui précédèrent la Libération de Brest. En septembre 1944, les brèches dans la grande jetée couvraient près de la moitié de sa longueur. Le quai d’Armement, bâti sur voûtes, s’était effondré. Le quai des Flottilles était en ruines. La quasi totalité des bâtiments de l’Arsenal avaient été incendiée. Les routes et les voies ferrées étaient disloquées. 250 épaves encombraient la Penfeld. Seules les 2 cales de lancement du Point du Jour (cales des Croiseurs et cale des Sous-marins) n’avaient que peu souffert. La reconstruction de l’Arsenal (1945 à 1958) L’importance des destructions subies par Brest aurait permis d’opérer une redistribution plus judicieuse des terrains entre la ville et l’Arsenal. On décida cependant de conserver les anciennes limites des terrains militaires. De 1945 à 1958, l’infrastructure industrielle du port militaire est progressivement reconstituée : le quai d’Armement de 325 m de Laninon est achevé dès 1950, le quai oblique de 275 m qui prolonge ne sera par contre complètement remis en état qu’en 1958. La nouvelle centrale souterraine du Portzic est mise en service en 1951. Les 2 bassins de Laninon sont agrandis (leur longueur est portée de 250 m à 320 m). Leur modernisation ainsi que celle de la Station de pompage souterraine que les Allemands avaient construite sont achevées en 1953. La réparation de la grande jetée se poursuit jusqu’en 1958. En ce qui concerne les Ateliers et Magasins, le programme initial est ambitieux : si la plupart sont rapidement relevés, à leur ancien emplacement, de façon à permettre aux ouvriers de l’Arsenal de retrouver le plus rapidement possible un emploi, il est prévu qu’un grand nombre d’entre eux, dont les Ateliers Machines, Artillerie, Électricité, les Bâtiments en Fer, la Salle à Tracer et les Magasins principaux, seront ultérieurement transférés en souterrains. Les plans de l’époque prévoient d’ailleurs que l’effectif du temps de paix de l’Arsenal sera progressivement porté de 8 000 à 15 000 ouvriers. Les ressources budgétaires ne permettront pas de réaliser ces grandioses projets et le provisoire prend rapidement une figure définitive, assez peu différente de celle de l’avant-guerre. Des bâtiments de commerce aux gros bâtiments de guerre
À la Libération, la D.C.A.N. de Brest prend en charge la refonte du croiseur « Duquesne », puis à partir de février 1946, celle du Cuirassé « Jean Bart », qui avait quitté précipitamment Saint-Nazaire en 1940 et avait été gravement avarié à Casablanca en 1942. Cependant, les crédits consacrés à la Marine Nationale restant faibles et les chantiers privés ne suffisant pas à reconstituer la Marine Marchande Française ou à faire face aux demandes de l’étranger, l’Arsenal de Brest se reconvertit dans la construction de navires marchands. C’est ainsi que sont lancés de 1946 à 1953 pour les Messageries Maritimes, la Compagnie Delmas-Vieljeux ou la Compagnie Transatlantique : 3 cargos charbonniers de 4 700 TPL (1), les Penlan, Rhuys et Quiberon, 2 cargos long-courriers de 11 000 TPL, les Mehong et Meinam, 1 paquebot Antilles de 5 700 TPL, 1 cargo mixte de 9 000 TPL « Tahitien », 1 paquebot mixte de 6 000 TPL « Pierre Lotti ». Le programme militaire reprend cependant avec la loi du 8.1.1951. Au port de Brest revient la construction du Croiseur « De Grasse », à partir de la coque demeurée à Lorient pendant la guerre, puis celle de 5 escorteurs d’Escadre. Le premier de ceux-ci, le « Dupetit-Thouars », sera le dernier bâtiment pour lequel la construction et le lancement s’effectueront sur une cale du Point du Jour. Les 4 suivants, « D’Estrées », « Du Chayla », « Forbin », et « La Bourdonnais », seront montés dans le bassin 8 de Laninon. La tranche 53 du programme naval marque le retour de Brest, pour plus de 10 ans, à sa vocation traditionnelle de Port Constructeur de grands navires de guerre. Le Croiseur « Colbert » est mis à flots, au bassin 4 du Salou, en mars 1956.
Le porte- avions « Clémenceau » est mis à flot, au Bassin 9 de laninon, en décembre 1957.
Le Porte-avions « Foch », dont la coque a été montée à Saint-Nazaire, est également armé à Brest. Enfin, le Porte-hélicoptères « Résolue » qui sera rebaptisé « Jeanne D’Arc, est mis à flots en septembre 1961. (1)- tonnes Port en Lourd. Savoir faire technologique La vocation principale de la DCAN e Brest est la construction de bâtiments de tous types, préférentiellement de navires de guerre de fort déplacement, et l’entretien en service des bâtiments de la Flotte. Cette mission globale couvre un nombre important de secteurs technologiques, du fait même de la complexité des navires et de la diversité des techniques qui y sont mises en œuvre. Mais de plus, Brest a un certain nombre d’activités spécifiques concernant en particulier les mines et les munitions. Les principaux domaines pour lesquels la DCAN de Brest peut faire état d’un savoir-faire particulier peuvent être regroupés sous les rubriques suivantes : Technologies générales du Génie Maritime sur bâtiments classiques ou nucléaires. Fabrication et entretien des munitions. Développement des techniques de la guerre des mines. Nous allons parcourir successivement chacun de ces domaines en tachant, dans un premier temps de décrire la situation du moment, avec si nécessaire une rapide rétrospective, puis en indiquant, lorsque cela est possible, les perspectives d’évolution qui, dès à présent, peuvent être discernées. Technologie générale du Génie Maritime Depuis la dernière guerre, la DCAN de Brest a construit des navires de types très divers. Le tableau ci-dessous donne une idée de cette diversité. Reconstruction de la Marine Marchande après la Libération
Penlan 4800 TPL(1) Cargo Charbonnier 1946-1948
Rhuys 4800 TPL Cargo Charbonnier 1947-1949 Quiberon 4800 TPL Cargo Charbonnier 1948-1950 Mekong 11000 TPL Long courrier 1947-1950 Meinam 11000 TPL Long courrier 1948-1950 Antilles 5700 TPL Paquebot 1948-1953 Pierre Loti 6000 TPL Paquebot 1951-1953 Tahitien 9000 TPL Cargo mixte 1950-1953 Al. Dreyfus 9000 TPL Frigorifique 1947-1951 (Navire Transformé) (1) Tonnes De port en Lourd Diversification Esso pour G. Bretagne Pétrolier 1958-1959 Hangor pour Pakistan Sous-marin 1966-1970 Hengist pour G.Bretagne Car-ferry 1970-1972 Horsa pour G.Bretagne Car-ferry 1970-1972 Senlac pour G.Bretagne Car-ferry 1970-1973 Marine Nationale De Grasse (achèvement) Croiseur 1951-1956 Dupetit-Thouars E.E.T 47 1951-1956 D’Estrées E.E.T 47 1952-1957 Du Chayla E.E.T 47 1952-1957 Forbin E.E.T 53 1953-1958 La Bourdonnais E.E.T 53 1953-1958 Colbert Croiseur 1953-1959 Clémenceau Porte-avions 1954-1961 Foch Porte-avions 1955-1963 Jeanne D’Arc Porte-hélicoptères 1957-1964 Ouragan Transport, chars débarquement 1960-1965 Orage Transport, chars débarquement 1965-1968 Duquesne Frégate Lance Engins 1963-1969 Henri Poincaré (transformé) Bâtiments essais et mesures 1964-1968 Psyche Sous-marin 1965-1970 Sirene Sous-marin 1965-1970 D’Entrecasteaux Bâtiment Océanographique 1968-1971 Griffon Sous-marin d’expérimentation 1969-1971 Champlain Batral 1972-1974 Francis Garnier Batral 1972-1974 Tianee Gabare de mer 1973-1975 Dock De 3800T 1973-1974 Durance Pétrolier Ravitailleur d’Escadre 1973-1977 J. Verne Bâtiment Atelier polyvalent 1973-1976 G. Leygues Corvette ASM 1973 Dupleix Corvette ASM 1974
Montcalm Corvette ASM 1974 Meuse Pétrolier Ravitailleur d’Escadre 1975 PR N°3 Pétrolier Ravitailleur d’Escadre 1977 Outre ces constructions, la D C A N de Brest a exécuté depuis 1960 d’importantes opérations de refontes de navires. Parmi les plus notoires, il faut citer : Refonte TARTAR de 4 Escorteurs T 47. Transformation de 4 paquebots en bâtiments base pour le CEP. Adaptation des deux porte-avions aux Crusaders. Refonte ASM de 4 Escorteurs T 47. Transformation du Colbert en Croiseur Lance-missiles. Cette rétrospective permet d’apprécier la remarquable faculté d’adaptation de la DCAN de Brest à la réalisation de navires de tous genres, qu’ils soient civils ou militaires. D’autre part, Brest consacre actuellement une part essentielle de son activité à l’entretien de la Flotte que ce soit au profit de bâtiments de surface de tous types (grands et petits navires, coque en bois ou en acier, propulsion diesel ou à vapeur, etc.) ou des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. La maîtrise d’œuvre de tels programmes de constructions ou de réparation, opérations lourdes et souvent imbriquées les unes dans les autres, nécessite, tant pour le lissage de la charge que pour la planification correcte des travaux, le recours à l’informatique et aux méthodes modernes d’ordonnancement. La complexité croissante des navires e combat conduira très probablement Brest, dans les années à venir, à développer l’emploi de l’informatique, aussi bien pour la gestion de la production, que pour le soutien logistique des navires. De même, l’ordinateur sera vraisemblablement de plus en plus sollicité pour l’aide à la conception et à la construction des bâtiments (projet ADOC). En ce qui concerne les retombées technologiques, les compétences de la DCAN de Brest évoluent comme le fait le navire de combat. C’est ce qui s’est produit au cours des années passées, et qui se poursuivra encore dans l’avenir. La diversité des compétences développées à Brest est à l’image de la complexité des bâtiments de guerre modernes. Il ne peut donc être question de les passer toutes en revue. Aussi, tout en nous réservant de revenir plus loin sur l’important problème des armes et Équipement, nous nous contenterons d’examiner rapidement les domaines technologiques de base du génie maritime, avec toutefois un développement particulier pour le secteur nucléaire.
Tôlerie-Chaudronnerie
Brest est bien équipé pour le formage et l’usinage des matériaux de faible ou moyenne épaisseur en acier ou métal léger. La DCAN possède une compétence particulière en matière de soudure et de contrôle non-destructif. Son service spécialisé participe, dans le cadre de l’Institut de Recherche des Constructions Navales, aux études en cours en France sur l’amélioration des procédés de soudure existants et sur le développement de nouveaux procédés. Toujours dans ce domaine, la DCAN qui dispose depuis peu d’un stand adapté, développe actuellement les techniques de formage par explosion.
Electricité
La compétence de Brest couvre l’étude, le montage et la réparation des installations électriques de bord, ainsi que la qualification de matériels et équipements divers (régulateurs de tension, chargeurs batteries, etc.…).
Depuis quelques années, le développement des systèmes de régulations, automatismes ou commandes à distance sur les navires récents a conduit la DCAN à s’intéresser aux problèmes de l’électronique industrielle. Un service spécialisé a été créé à cet effet. Il dispose d’appareils de mesures et de bancs d’essais spécifiques et pour l’instant intervient principalement au profit des navires en réparations (bâtiments de surface et SNLE). Il est envisagé d’étendre son activité au profit des bâtiments en construction en l’intéressant aux études et essais des installations ou dispositifs électroniques nouveaux.
Mécanique-Hydraulique
Le savoir-faire de Brest s’étend à tout le domaine de la mécanique classique ; usinage courants et précision, travaux sur ces moteurs ou auxiliaires divers, etc.…
D’autre part, le développement des équipements hydrauliques sur les SNLE, puis sur les nouveaux bâtiments de surface a nécessité la mise en place d’un atelier doté des moyens adaptés à l’entretien de tels matériels, ainsi que d’un atelier spécialisé dans le traitement des tuyautages. Cet ensemble dispose de moyens destinés au contrôle et à l’entretien des composants hydrauliques, ainsi que des bancs d’essai particuliers. De plus, les équipes de bord chargées du montage de telles installations ont été formées aux techniques du montage propre.
L’extension permanente des matériels du genre sur les navires en construction comme sur les bâtiments en réparation nécessite un accroissement des moyens matériels existants (étude en cours) ainsi qu’une codification des méthodes d’études et de montage à bord.
Tant par l’expérience déjà acquise que par l’effort de mise à niveau en cours la DCAN de Brest peut se prévaloir d’un niveau de compétence appréciable en matière d’hydraulique.
L’atelier effectue aussi :
La réparation des moteurs à combustion interne d’une puissance variant de 20 à 1500Cv, dans une nef équipée de 2 box d’essais, Tous travaux d’ajustage et de montage y compris la mécanique de précision.
NOYAU POUR LA S.E.R.E.B.
Pour tous travaux de mécanique, la Direction des Constructions et Armes Navales de Brest dispose de moyens de production très variés et d’un personnel qualifié qui permettent de réaliser dans les meilleures conditions les travaux les plus divers.
Usinage
plus de 200 machines-outils sont implantées dans un vaste atelier de 10 000 M2 desservi par 6 ponts-roulants, dont 1 de 40T
17. FRAISEUSES
MACHINES A TAILLER LES ENGRENAGES
BATTERIE DE TOUR A COMMANDE PROGRAMME
TOURS AUTOMATIQUES
TOURS PARALLELES
ALESEUSE A MONTANT MOBILE. Diamètre de la broche: 200, course: 5m
RABOTEUSE. Course:5m
TOUR PARALLELE/ diamètre 1,500m. Long. 22m.
TOUR VERTICAL. Dianètre du plateau: 3,750 m. Diamètre admis: 7m
Un des règlements relatif aux heures de cloche, d’ouverture des portes, du commencement et de la fin du travail dans les arsenaux en 1881. Cela ne rigole pas à cette époque.
Brest Arrêté
Tableau des heures de cloche
Relatif aux heures, d’ouverture des portes, du commencement et de la fin du travail dans les arsenaux. Paris, le 27 septembre 1881. Le Ministre de la Marine et des Colonies Arrêté Article premier. Un tableau renfermant toutes les indications d’heures relatives aux différents sons de cloche qui règlent l’entrée et la sortie des ouvriers, ainsi que le commencement et la fin des périodes de travail et de repos, est annexé au présent arrêté.
Le travail doit commencer ou cesser dans tout l’arsenal strictement aux heures fixées par ce tableau. Toutefois, dans certains cas particuliers, temporaires ou permanents, lorsque les ouvriers travaillent sur un point de l’arsenal, à terre ou à bord, tel que le trajet de ce point à l’emplacement du casier exige près de dix minutes, les heures indiquées au tableau pour le commencement ou pour la cessation du travail, quand celui-ci comporte l’ouverture des casiers, seront retardées ou avancées de la quantité nécessaire, déterminée par un règlement local délibéré en conseil d’administration et dont il est envoyé copie au Ministre. Article. 2. Cloche d’avertissement. Tous les matins, sauf les jours fériés, une heure avant l’heure assignée sur le tableau réglementaire mentionné à l’article 1er, pour le commencement du travail, il y a un son de cloche d’avertissement, en branle, dont la durée est de quinze minutes et à la fin de laquelle les portes à deux battants de l’arsenal sont ouvertes.
Cloche d’appel. Après vingt-cinq minutes d’intervalle, la cloche d’appel sonne à toute volée pendant dix minutes et elle continue à tinter pendant les cinq minutes suivantes.
Fermeture des portes. Au dernier son de ce tintement, les portes de l’arsenal sont closes. Après un intervalle de cinq minutes, un son de cloche d’une durée de quinze secondes annonce le commencement du travail. Retardataires.
Retardataires, Après la fermeture des portes de l’arsenal, les ouvriers en retard ne peuvent plus entrer qu’un à un, en faisant inscrire par un surveillant de chaque service, préposé à cet effet, leurs profession, chantier ou atelier, leur nom, prénoms et grade. Cette entrée des retardataires n’a lieu que pendant une demi-heure après la fin de chaque cloche d’appel, et pendant le dernier quart d’heure de repos de midi, dans la saison où les ouvriers ne sortent pas pour dîner. Les bulletins d’ouvriers qui ont franchi en retard, la porte de l’arsenal sont envoyés directement au bureau des travaux des travaux et au service intéressé. En dehors des heures réglementaires pour les entrées des ouvriers, ils ne peuvent être admis dans l’arsenal qu’avec les permis exigés pour toute personne autre que les officiers et agents entretenus en uniforme.
Repos du déjeuner La suspension du travail pour le déjeuner, aux époques réglementaires, est annoncée par un son de cloche, d’une durée d’une minute, qui commence à l’heure assignée, sur le tableau des heures de cloche, pour le repos du déjeuner. La reprise du travail a lieu au moment où cesse un son de cloche, qui commence cinq minutes avant la fin du repos pour le déjeuner.
Repos du dîner sans sortie. La suspension et la reprise du travail, pour le repos du dîner sans sortie de l’arsenal, se font dans les mêmes conditions de sonneries que pour le repos du déjeuner.
Repos du dîner avec sortie. La suspension du travail, pour le dîner avec sortie de l’arsenal, est annoncée par un son de cloche d’une durée d’une minute, qui commence à l’heure assignée sur le tableau des heures de cloche pour le repos du dîner ; cinq minutes après, les portes de l’arsenal sont ouvertes et la sortie a lieu sur un son de cloche d’une durée de quinze secondes. La rentrée des ouvriers est annoncée par un son d’appel à toute volée, d’une durée de quinze minutes, à toute volée pendant dix minutes et en tintement pendant les cinq dernières, commençant vingt minutes avant l’heure assignée pour la reprise du travail : cette reprise a lieu sur un son de cloche d’une durée de quinze secondes. Les portes de l’arsenal sont ouvertes au début de la cloche d’appel et fermées à son dernier tintement. Pavillons hissés pendant le repos. Un ou plusieurs pavillons restent hissés dans les points les plus apparents de l’arsenal pendant toute la durée des repos.
Cessation du travail La cessation du travail, le soir, est annoncés par un son de cloche d’une durée d’une minute, à l’heure assignée sur le tableau réglementaire ; les pavillons sont hissés cinq minutes après la cessation du travail, un son de cloche, d’une durée de quinze secondes, annonce l’ouverture des portes et le commencement de la sortie.
La visite des pompiers
La visite des pompiers pour l’extinction des feux commence au moment de la cessation du travail.
Art.3.
Distribution des marrons. Les ouvriers, immédiatement après leur entrée dans l’arsenal, se dirigent vers leurs ateliers ou vers les points des chantiers où sont déposés les marrons qui doivent servir à constater leur présence. Ces marrons portent tous, outre le numéro affecté à chaque ouvrier, des signes conventionnels indiquant la direction ou le service, ainsi que l’atelier, desquels l’ouvrier dépend. Les marrons d’un même groupe d’ouvriers sont renfermés dans un ou plusieurs casiers fermant à clef, laquelle est remise au maître, chef contremaître, ou à tout autre agent du même rang chargé de procéder aux opérations. Tous les surveillants de service doivent donc être rendus à leur poste au commencement de la cloche d’appel, moment fixé pour l’ouverture des casiers, et ils restent auprès des casiers pendant la durée de ladite cloche, pour remettre eux-mêmes les marrons aux ouvriers, au fur et à mesure qu’ils se présentent.
Art.4.
Remise des marrons dans les casiers. Après le son de cloche annonçant la cessation des travaux, pour la sortie de l’arsenal, les ouvriers se dirigent vers les casiers, qui sont ouverts à ce moment, et, sous la surveillance du maître, chef contremaître, contremaître ou agent de service, ils déposent dans leurs cases respectives les marrons qu’ils ont reçus à leur arrivée. Il y a donc deux prises et deux remises de marrons par jour, quand les ouvriers sortent de l’arsenal à midi, et il n’y a qu’une seule prise de marrons et une seule remise de marrons, quand ils ne sortent pas à midi.
Art.5.
Diverses sortes de marrons Les marrons qui n’ont pas été pris le matin ou après dîner sont retirés des casiers, placés dans une boîte attenante et remplacés par des tampons en bois, peints en noir. Les mêmes tampons sont placés dans les cases restées vides, après le dépôt des marrons, à midi et le soir ; ils représentent les absences. Les cases affectées à des ouvriers exempts d’appel, malades à domicile ou à l’hôpital, en congé limité ou illimité, et en prison, sot remplies par des tampons noirs présentant en blanc, suivant les cas, les initiales E., M., H., C., P., Tout ouvrier qui, après avoir été dans une des positions qui viennent d’être énumérées, revient au travail, doit provoquer, de la part du surveillant de service, l’enlèvement du tampon et la remise du marron qui le concerne, sans quoi il s’expose à perdre sa journée, et aucune réclamation n’est ultérieurement admise.
Art.6. Durée de la prise des marrons. La durée de la prise des marrons à l’arrivée est exclusivement limitée à la durée de la cloche d’appel, aussi bien à l’entrée le matin qu’à la rentrée après la sortie de midi ; les casiers ouverts au début de cette cloche, sont fermés au moment où elle cesse, et les marrons ne peuvent plus être délivrés aux retardataires que dans les conditions spécifiées à l’article suivant.
Durée de leur remise. La fermeture des casiers, après le dépôt des marrons pour la sortie des ouvriers, a lieu dix minutes après la cloche annonçant la cessation du travail, soit cinq minutes après l’ouverture des portes pour la sortie.
Art.7.
Admissions des retardataires Les ouvriers en retard, qui se présentent au maître chargé de leur chantier ou atelier, pendant les cinq minutes qui suivent la fermeture des casiers, sont admis au travail avec une réduction de un dixième de journée ; ceux qui se présentent plus tard, jusqu’à la limite de une demi-heure, après la fermeture des casiers, peuvent être admis également avec une réduction de deux dixièmes. Lorsqu’ il n’y a point de prises de marrons après le dîner, les ouvriers qui ont été absents pendant la matinée sont admis pour la demi-journée de l’après-midi, s’ils se présentent au maître chargé de leur chantier ou atelier avant l’heure de la cloche annonçant la fin du repos du dîner. Sur l’ordre des maîtres chargés des chantiers ou ateliers, les marrons sont remis par le surveillant de service aux ouvriers admis comme retardataires ou pour la demi-journée du soir. L’ouvrier qui n’a pas remis son marron au casier avant la sortie de l’arsenal est considéré comme absent, et perd, ou sa journée entière, ou sa demi-journée, suivant que la journée de travail est divisée, ou non, par une sortie à midi.
Art.8.
Bulletins des absents Aussitôt après chaque distribution de marrons, le surveillant de service dresse, en double expédition, d’après un modèle déterminé, un bulletin des ouvriers absents ou de ceux admis avec une réduction de journée.
Ce bulletin donne les noms, prénoms, grade, numéros de matricule et de marrons des absents ou retardataires. Il est signé par le surveillant de service et visé par le maître du chantier ou de l’atelier. Les deux expéditions de ce bulletin sont ensuite portées, dans le moindre délai possible, l’une au détail des travaux, et l’autre à la direction ou au service intéressé. Des bulletins analogues constatent de la même manière les admissions faites avant la reprise du travail du soir. Lorsqu’il n’y a qu’une prise de marrons pour toute la journée, ces bulletins sont indépendants de ceux dits de situation, qui doivent être remis, tous les matins, aux officiers chargés des chantiers et ateliers.
Art.9.
Appel nominal S’il arrivait que, par un motif accidentel quelconque, la prise des marrons, le matin, ou le dépôt des mêmes marrons, le soir, ne fût pas possible, il y serait suppléé par un appel nominal, fait dans les conditions de temps et de durée énumérées à l’article 6 ; les résultats de ces rappels seraient transmis au surveillant des casiers pour la rédaction du bulletin prescrit à l’article 8.
Art.10. Surveillance des casiers Un officier de chaque service doit être présent dans l’arsenal, aux heures des appels, afin de surveiller, au besoin, la prise ou le dépôt des marrons et autres opérations se rattachant à la constatation de la présence des ouvriers. Il est désigné, à tour de rôle, dans chaque direction, un certain nombre de maîtres de service, lesquels, outre qu’ils veillent au maintien du bon ordre, reçoivent pour mission de s’assurer que les surveillants chargés de présider aux casiers sont à leur poste aux heures réglementaires. Ces maîtres remettent le lendemain ou de suite, en cas d’urgence, à l’officier de service un rapport dans lequel ils font connaître les chantiers et ateliers qu’ils ont inspectés. Ce rapport est ensuite transmis au sous-directeur avec les observations de l’officier de service, s’il y a lieu.
Art.11.
Obligations imposées au détail des travaux.
Il est obligatoire, pour les délégués du commissaire aux travaux d’assister, chaque jour, au dépôt des marrons, à la sortie des ouvriers, dans un certain nombre d’ateliers, sans préjudice des contre-appels qu’il est toujours dans leur droit, aux termes de l’article 40 de l’ordonnance de 1884 de faire exécuter, à un instant quelconque de la journée. Le lundi de chaque semaine, le commissaire aux travaux adresse au commissaire général une note indiquant les chantiers et ateliers dans lesquels ses délégués ont assisté, pendant la semaine, aux opérations ayant pour objet de constater la présence des ouvriers à l’arsenal.
Art.12.
Pièces à communiquer au détail des travaux Pour assurer l’exécution de l’article précédent, il est remis au commissaire aux travaux l’état des hommes employés dans chaque atelier. Cet état comprend les noms, prénoms, numéros de matricule et de marrons, ainsi que les soldes matriculaires de chaque ouvrier. Toutes les fois qu’un ouvrier est nouvellement admis, l’agent administratif du service intéressé lui fait donner un numéro de marron et instruit le détail des travaux de l’atelier où l’ouvrier est entré et du numéro qui lui est affecté. Quand, au contraire, un ouvrier est décédé, a été congédié ou se trouve en état de désertion, son marron est retiré du casier, remplacé par un tampon en bois blanc et remis au maître d’atelier. L’avis de ces mouvements est donné au détail des travaux par l’agent administratif du service intéressé.
Art.13.
Dispositions concernant la comptabilité et le port des marrons. Les marrons comptent à l’inventaire de chaque atelier, et les ouvriers en sont responsables envers les maîtres. La valeur de chaque marron est fixée à vingt-cinq centimes. Tout ouvrier qui perd son marron doit en faire, sans délai, la déclaration à son chef immédiat, lequel prend des mesures pour que ce marron soit remplacé avant la fin de la journée. Pendant les heures de travail, l’ouvrier doit porter sur lui le marron qu’il a pris en arrivant, et le représenter à la première réquisition, sous peine d’une nuit de prison.
Art.14.
Pénalités concernant les surveillants des casiers. Tout préposé à la prise ou au dépôt des marrons, qui ne se trouve pas à son poste, près des casiers, aux heures et pendant les délais réglementaires, est puni de la perte de sa demi-journée. Dans le cas où, à la suite d’une enquête administrative, il serait démontré qu’un surveillant a sciemment porté présent un ouvrier non venu au travail, ledit surveillant serait poursuivi conformément aux lois. À cet effet, les bulletins des absents, signés par les surveillants et transmis par eux, chaque jour, au détail des travaux, sont conservés soigneusement pendant une année, pour servir de pièces de conviction, au besoin.
Publicité à donner au Règlement et au tableau des heures de cloche.
Art.15.
Le présent règlement, imprimé ainsi que le tableau des heures de cloche, est déposé dans chaque atelier, où les agents du personnel ouvrier peuvent en prendre connaissance sur place ; il en est aussi distribué des exemplaires à MM. les chefs de service, officiers, maîtres entretenus, conducteurs et agents de même grade, et le tableau est affiché à toutes les issues de l’arsenal. Signé CLOUÉ.