Le Fantasque et les contre-torpilleurs Les contre-torpilleurs français de la classe Le Fantasque furent longtemps les navires de plus de 2 500 tonnes les plus rapides au monde.

Source de L’article le Télégramme de Brest Jean-Yves Brouard

En 1935, le contre – torpilleur Triomphant, un des plus rapides bâtiments au monde, réalise un excès de vitesse. (Collection Jean Yves Brouard)

Ce sont des chantiers français qui construisent ces contre-torpilleurs pour la Marine nationale. Après la Première Guerre mondiale, le Parlement vote, en 1930, une loi de Finances dans le cadre du programme de reconstruction de la flotte, conformément au traité de Washington. Ce plan recouvre plusieurs tranches et l’une d’elles concerne ces six contre-torpilleurs de 2 500 tonnes aux noms ronflants : l’Audacieux, le Fantasque, l’Indomptable, le Malin, le Terrible et le Triomphant. On s’inquiète des unités similaires, très rapides également, lancées chez les Italiens, qu’il faut pouvoir égaler.

Le Triomphant Construction

Près de 80 km/h !

Dans le milieu des années 1930, deux de ces contre-torpilleurs sont construits à l’arsenal de Lorient, deux autres à La Seyne-sur-Mer, un à Blainville, près de Rouen, et un autre à Dunkerque, puis affectés à la 2e Escadre légère. Leur rayon d’action, 5 000 milles à la vitesse de 15 nœuds, n’est plus que de 800 milles à 40 nœuds. Propulsés par deux groupes de turbines Parsons de 86 000 chevaux et deux hélices, ces navires ont poussé des pointes à 43 nœuds, à 45 même pour Le Terrible, soit près de 80 km/h, des vitesses incroyables à l’époque !

Mais un nouveau conflit arrive. Le 3 septembre 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne, qui vient d’envahir la Pologne. Les patrouilles réelles commencent pour les six contre-torpilleurs qui ont intégré la Force de Raid. Armés de cinq pièces de 138 mm et de trois tubes lance-torpilles triples, ils possèdent des canons de 37 mm et des mitrailleuses contre avions. Au printemps 1940, une intervention alliée se prépare bientôt en Scandinavie, en raison des visées allemandes sur les mines de fer de Norvège. La Krieg marine établit un important trafic entre les ports norvégiens et l’Allemagne. L’Angleterre veut couper cette « route du fer », mais elle manque de grands torpilleurs capables de surclasser les destroyers allemands de 1 800 tonnes. Elle demande donc à la France d’effectuer un « sweep » (un « balayage ») dans le détroit du Skagerrak, entre le Danemark et le sud de la péninsule scandinave.

Le Triomphant en pleine vitesse

Opération Rake

L’état-major français désigne secrètement la 8e Division de contre-torpilleurs et ses trois unités : Indomptable, Malin et Triomphant (portant à l’époque leurs marques de coque respectives X81, X82 et X83). En quittant Brest, le 15 avril 1940, les équipages ignorent ce qu’on attend d’eux. Les trois états-majors ne l’apprendront qu’à leur escale en Écosse : se rendre de nuit à l’entrée du Skagerrak, patrouiller à toute vitesse tant qu’il fait noir et couler tout ce qui se présente : vedettes lance-torpilles, chalutiers, cargos… Nom de code de l’opération : Rake.

Cette nuit du 24 au 25 avril, c’est la pleine lune. Les trois navires avancent à 38 nœuds (70 km/h), en ligne de front pour « ratisser » plus largement. Ils longent d’abord la côte norvégienne. Dans un premier temps, aucun bateau n’est rencontré. Et puis, en fin de patrouille, on aperçoit des coques noires, celles de chalutiers armés. Tir nourri. La surprise est totale pour les Allemands. Mais trois vedettes lance-torpilles allemandes arrivent sur bâbord et lâchent leurs engins de mort… qui se perdent sans toucher de cible.

Cette fois, il faut filer. Le jour approche, des avions allemands vont sûrement rappliquer. En effet, quatre ripostes aériennes viendront entre 7 h et le début de l’après-midi. La division française module son allure, ralentit, accélère jusqu’à 40 nœuds, occasionnant de formidables vibrations que ressent tout le bord, exécute de vastes lacets pour éviter, de très peu, les bombes. Le Triomphant est légèrement endommagé par une explosion mais peut continuer sa route. Les trois bâtiments reviennent en Écosse sains et saufs, ralentis également par le Malin, victime d’avaries aux turboventilateurs (la fragilité de ces bâtiments).

En septembre 1940, L’Audacieux est incendié lors des combats de Dakar. (Collection Pierre Bréard)

À Dakar, L’Audacieux incendié


À Dakar, L’Audacieux incendié

Résultat ? Mitigé. La propagande française dira que plusieurs bateaux ennemis ont coulé, ce que contestent les Allemands. La même opération doit se répéter, mais la France a besoin de ses navires en Méditerranée ; il va falloir s’opposer bientôt aux rapides contre-torpilleurs italiens…

Les six unités subissent des sorts divers, après juin 1940. L’Audacieux est incendié lors des combats de Dakar (septembre 1940), puis l’Indomptable, sabordé à Toulon, en novembre 1942. Les autres passent du côté des Alliés, le Triomphant dès 1940 (Forces navales de la France Libre). Après le débarquement américain en Afrique du nord, en novembre 1942, les Malin, Terrible et Fantasque seront rénovés aux États-Unis courant 1943, puis mèneront des actions d’éclat en Méditerranée. Fin 1944, le Malin aborde durement son « frère » Le Terrible ; ce dernier, gravement endommagé, ne reprendra du service, pour peu de temps, qu’après la guerre, reclassé comme escorteur d’escadre. Quant au Malin, il finira comme ponton à Brest, puis comme brise-lames à Lorient à partir de 1964, jusqu’à sa démolition en 1976.

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