Deux des plus grandes dragues au monde

Source Le Télégramme de Brest Jean Yves Brouard

La drague Pas de Calais II est dite « à godets », car une chaîne d’énormes godets, disposée sur le pont et sous la surface, permet de creuser, dans une noria sans fin, les fonds sableux ou vaseux. Collection Jean- Marc Godin         







Lancement de la drague Pas de Calais

Deux dragues françaises parmi les plus grandes du monde, avant comme après la guerre, ont été construites par des chantiers français.

La drague Pas de Calais II est dite « à godets » car une chaîne d’énormes godets, disposée sur le pont et sous la surface, permet de creuser, dans une noria sans fin, le fond sableux ou vaseux des estuaires, des fleuves, des chenaux et de certaines zones côtières. Les déchets et les détritus récoltés sont ensuite transvasés dans des bâtiments annexes, les porteurs, et emportés loin de là. Sans les dragues, à godets ou à aspiration (autre technique), des pays à façade maritime comme la France pourraient rapidement ne plus avoir d’échanges commerciaux, dans un sens et dans l’autre, avec le reste du monde : une grande partie des cargaisons voyage par cargos et pétroliers (ceci est moins vrai de nos jours, grâce aux porte-conteneurs et aux ports en eau profonde).

Pas de Calais II : 15 000 m3 de vases par jour

Lancée en septembre 1933, aux Ateliers et Chantiers de France, à Dunkerque (Nord), pour les Ponts & Chaussées, en présence de diverses personnalités dont le maire de Lille, Roger Salengro, la Pas de Calais II impressionne par ses performances pour l’époque : travaillant à une profondeur de 21 à 23 mètres sous la mer, elle est capable d’enlever, chaque jour, 15 000 m3 de vases. Sans doute la plus grande au monde, elle peut se rendre dans divers ports de la Manche, de Dunkerque au Havre.

La Seconde Guerre mondiale arrive. La drague rallie Nantes au printemps 1940, emportant les familles de marins fuyant l’avancée allemande. Mais, en août 1944, les Occupants défaits la sabordent en aval de la ville, pour former avec d’autres bateaux un barrage destiné à bloquer la navigation. Renflouée en 1947, elle est remise en service en août 1951 – elle connaît alors un second lancement – et rejoint Boulogne-sur-Mer.

L’explosion du 1er août 1952

Mais un terrible accident arrive. La nuit du 1er août 1952, dans la rade du port de Boulogne, la drague ramène dans un de ses godets une torpille de 6 mètres de long, provenant de l’épave d’une vedette lance-torpilles coulée pendant la guerre. Hissé lentement, l’engin finit par se coincer entre le godet et la paroi du puits bâbord. C’est alors qu’une explosion d’une extrême violence se produit. Les hommes présents sur le pont et à la passerelle sont projetés, blessés ou tués. Les mécaniciens remontent de la machine et se jettent à la mer. En deux minutes, la drague coule. Le porteur Huron, à couple, subit des dégâts à la passerelle. Il y aura finalement un total de onze morts, semant la consternation dans Boulogne et les environs.

Mais les travaux de dragage à Boulogne ne peuvent pas attendre. Aussi fait-on venir, dès la fin août, d’autres dragues de l’extérieur : les françaises François Lévêque, Slack et Liane. Il en faut bien trois pour remplacer la géante… Une minutieuse préparation est organisée pour, dans un premier temps, au moins redresser cette dernière, sous la direction de la compagnie spécialisée des Abeilles, avec l’aide de ses navires Bressuire, Marie-Madeleine, Yves Bignon et Cholet. S’y ajoutent ceux de la société belge L’Entreprise anversoise (engins de relevage Titan II, IV et V). Remise dans sa position normale le 8 octobre, la Pas de Calais II se voit allégée par le démontage de diverses pièces pesantes. La dernière opération de renflouement a lieu le 21 novembre. La drague est remorquée vers le rivage et échouée pour qu’elle se retrouve au sec à marée basse. C’est le lendemain qu’on découvre trois corps à l’intérieur du bâtiment. Réparé, il est remis en service en 1954, avant son affectation, en 1972, à Nantes où il sera ferraillé (son désarmement à Paimbœuf date de 1982).

Paul Solente : 8 000 tonnes en charge

la-drague-aspiratrice-Paul-Solente-destinée-au-canal-de Suez

Entre-temps, en 1946, les Ateliers et Chantiers de Bretagne, à Saint-Nazaire (44), avaient remporté un concours international pour la construction d’une autre grande drague, cette fois destinée au canal de Suez. La Compagnie universelle du canal souhaitait une nouvelle drague aspiratrice, automotrice et porteuse de 2 600 m3. Sa longueur étant de 112 mètres et son déplacement en charge de 8 000 tonnes, cela en fera l’une des plus grandes dragues d’Europe, voire du monde, disait-on à l’époque. Mise en service en 1952, sous le nom de Paul Solente, elle sera très utile au dragage, par aspiration du sable, non seulement dans les atterrages de Port-Saïd à l’entrée nord du canal, mais aussi, en particulier, dans les lacs Amers, des étendues d’eau à mi-parcours de la voie d’eau. Mais il lui arrivera également un sort inattendu : l’intervention franco-anglaise, en octobre 1956, consécutive à la nationalisation du canal par le président égyptien Nasser en juillet, entraînera le sabordage de nombreux engins flottants. Parmi eux, la Paul Solente sera considérée comme le plus difficile de tous à renflouer et à dégager.

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