Entre 1944 et 1975, 40.000 Brestois ont vécu dans 3.000 baraques en attendant d’être relogés, après la destruction de la ville. La réalisatrice Brigitte Chevet, dans son film « Baraques Blues », évoque cette période qui appartient à la mémoire collective. Ceux qui l’ont vécue en parlent avec une certaine nostalgie.
S’imposa la nécessité de reloger ceux qui avaient tout perdu. En attendant la reconstruction « en dur » dont les plans naquirent en 1948, apparurent les « baraques », françaises
ou américaines, en bois ou en fibrociment,
sans oublier celles des cheminots. Des pierres, provenant des ruines, servaient au soubassement.
Ces conditions précaires qui, pour certains, durèrent jusqu’en 1975, n’en engendrèrent pas moins une vie collective riche de chaleur humaine et d’entraide. 40. 000 Brestois séjournèrent ainsi dans ces baraquements qui se comptèrent jusqu’à 3.000. La réalisatrice. Brigitte Chevet a choisi en 2003 de faire revivre ces heures dans « baraques Blues », un film de 52 minutes,
pour garder une trace de notre histoire, dans notre mémoire collective. Un engouement certain qui atteste de la volonté des Brestois de ne pas oublier ce que fut la vie de leur cité dans ces années-là. Le passé d’hier ne doit pas redevenir le présent de demain. Paix. Amitié.
DIMANCHE D’HIVER AUTOUR DES FOURNEAUX
Témoignage de Joël Le Bras :
« Je me rappelle avec un peu d’amertume, ces dimanches d’hiver au Bouguen où nous guettions avec impatience-seule vraie distraction en définitive le passage attendu, aussi bien des gens de gauche que ceux de droite, du crieur de « L’Humanité Dimanche ». La lecture de ses pages très variées complétait l’écoute de la radio, du « Disque des auditeurs » au « Grenier de Montmartre » en passant par « la famille Duraton » et les reportages sportifs de Georges Briquet. La Famille Duraton est un feuilleton radiophonique créé par Radio-Cité en 1936. Alors, on se calfeutrait autour des fourneaux de cuisine, bourrés de charbon jusqu’à la gueule, tandis que les carreaux des fenêtres ruisselaient sans fin sous l’effet de la condensation. Pas d’autobus, bien sûr, s’aventurant aussi loin. Le temps d’en attendre un, Bouguen-Poterne, pour rejoindre la ville était si interminable qu’on préférait finalement la marche à pied par le Moulin à Poudre et les rudes escaliers de la rue Latouche Tréville ».
Brigitte, chevet a intitulé son film « baraques Blues », un titre qui rend bien le sentiment de nostalgie que le sujet évoque pour de nombreux Brestois. Ils furent, en effet, 40. 000 à vivre dans ces habitations de fortune conçues pour être provisoires au lendemain de la guerre mais dont les dernières ne disparurent qu’en 1975.
Mais la réalisatrice, parodiant Sacha Guitry, aurait aussi pu appeler son document « Si les baraques m’étaient contées », tant il amène à feuilleter les pages d’une partie de l’histoire de la ville. Avant Brigitte Chevet, un ouvrage collectif paru aux éditions du Télégramme (« J’ai vécu en baraque. ») avait déjà évoqué avec de nombreuses photos et des témoignages tour à tour drôles et émouvants ce que fut cette période de vie collective et chaleureuse. L’association des anciens du Bouguen, des amis du Polygone-Point du Jour, de Kérangoff, avec le concours de tous les anciens des baraques. Surtout les amis du Polygone-Point du jour, sans qui la vie des baraques ce serait perdu sans jamais refaire surface, la première grande fête et à leur détermination de faire revivre cette époque.
« Un travail universitaire avait été consacré à la question, mais, pour Brigitte Chevet, le vrai déclic s’est produit lorsque des amis très proches de mes beaux-parents, des Brestois, n’ont parlé de leur enfance e baraque », me raconte Brigitte chevet, à notre première rencontre à Brest, pour démarrer cette histoire. (Moi Georges Perhirin). Ensuite, la cinéaste est partie à la rencontre de ceux qui ont passé leur jeunesse du côté de ces 25 cités réparties à travers la ville. Les nécessités du temps faisaient que s’y côtoyaient toutes les classes sociales : « De l’ouvrier maçon au libraire, en passant par le pharmacien, l’artisan, le commerçant, explique Brigitte Chevet. Les plus fortunés furent les premiers à les quitter, les autres restèrent plus longtemps. Il existait un brassage égalitaire, convivial et spontané, sans qu’il ait été besoin d’être décrété. Ce qui explique sans doute la nostalgie que continue à susciter cette période où l’égoïsme n’était pas de mise ».
« On oubliait de payer le loyer ! ».
Dans « J’ai vécu, en baraques », « Tout le monde ne payait pas son loyer, loin s’en faut, (à l’époque pas de RMI, pas CMU, Manque d’aides, ce n’est pas comme aujourd’hui), ou tu as les Restos du Cœur, les secours Catholiques, l’association de Tonton Pierre, le chômage, là Le Papa, devait fournir la preuve des 120 heures de travail dans le mois pour avoir le droit aux allocations, familiales. Sinon, c’était zéro franc.
Ce n’étaient pas les vacances comme en 2020. Le loyer pourtant, il s’agissait d’une somme très modique ; mais à l’époque, le paiement systématique n’était pas encore entré dans les mœurs, et on oubliait facilement de s’acquitter de cette obligation. Mais plus tard, lorsque des familles du Poly ou du Point du Jour, ou du Bouguen voulurent aller goûter le confort dans de nouveaux quartiers en « dur » qui fleurissaient à Brest, on leur demanda alors de régler tous les arriérés des loyers non payés. En cas de refus, l’attribution du nouveau logement était remise en question. Heureusement, avec le MRL local (ministère de la Reconstruction et du logement),on parvenait toujours à trouver une solution ».
Un hommage à Jean Lazennec et le commentaire de Brigitte Chevet.
Pour les besoins de « Baraques Blues », BRIGITTE Chevet a, bien sûr pu s’appuyer sur des interviews, mais aussi sur des documents d’époque. « J’ai pu réaliser un énorme travail de collectage grâce, en particulier, aux associations des quartiers concernés. J’ai récupéré ainsi environ 300 photos pour en garder dans le film 80. En revanche, les documents filmés sont très rares, sauf évidement les films de famille tournés par des amateurs au moment des fêtes ou des premiers pas des bambins ». Remerciements à Mme Lazennec dont le mari Jean aujourd’hui décédé, fixa sur la pellicule des scènes qui participent aujourd’hui à la mémoire collective. Jean Lazennec, qui fut membre du club des cinéastes amateurs brestois, anima surtout pendant de longues années le ciné-club de Saint-Marc. Il inculqua alors le goût de l’image à une foule de lycéens. Parmi eux, figuraient Olivier Bourbeillon et Gilbert Le Traon. Le premier est, à son tour passé derrière la camera. Le second dirige la cinémathèque de Bretagne… (Je parle du 19 Mars 2003), l’association des Anciens du Bouguen, à l’autorisation si besoin de se servir des films au cas où elle en aurait besoin. Une partie de l’article de Monsieur André Rivier, Le Télégramme de Brest.
Quelques Hommes qui parlent du Bouguen, et de la ville de Brest.