Il y a 390 ans, Richelieu décide de créer l’arsenal de Brest

Source Le Télégramme de Brest. Alain Boulaire Historien

Matthaüs Merian (Bâle, 1593 – Bad Schwalbach, 1650), vue cavalière de Brest (inv. 959.11.34), vers 1640, eau-forte sur papier, 19,3 cm x 29,5 cm, musée des Beaux-Arts de Brest Métropole. (Illustration Musée des Beaux-arts de Brest Métropole)

1631-2021. Il y a 390 ans naissait l’arsenal de Brest, qui allait faire de la cité du Ponant une actrice majeure de l’Histoire maritime française et mondiale. L’occasion de remonter dans le temps avec l’historien Alain Boulaire.

En 1631, le sieur d’Infreville, commissaire général de la Marine, rend à Richelieu un rapport sur l’état de la Marine le long des côtes atlantiques. De 1629 à 1631, Louis Leroux d’Infreville a parcouru le littoral Atlantique, il a voyagé « en tous les ports et les havres de France », inspectant plus de 60 sites en « Picardie, Normandie, Bretagne, Poitou et Guienne », s’intéressant aux lieux de mouillage, aux droits, aux ressources locales, à la présence de gens de mer, aux moyens de défense, etc. Sur la base de cet audit, le cardinal de Richelieu arrête son choix sur Brouage, Le Havre et Brest.

Pour Brest, cette décision acte une avancée politique majeure. Jusqu’ici, la construction navale au port était conduite par des armateurs locaux de façon empirique. Désormais, elle devient raison d’État. En 1631, l’arsenal de Brest est lancé.

A l’emplacement actuel du bassin de Tourville se trouvait l’anse de Troulan, premier site de développement de l’arsenal sous Richelieu
A l’emplacement actuel du bassin de Tourville se trouvait l’anse de Troulan, premier site de développement de l’arsenal sous Richelieu. (Photo Le Télégramme/Jérémi Anxionnaz)

En 1958, Brest ne compte que 1000 à 1200 habitants
« Éperon barré occupé depuis la Préhistoire », Brest s’est construite depuis son « castellum », un des plus importants de l’Empire romain. La ville close dispose d’un port qui déjoue les attaques vikings venues du Nord et devient un enjeu fondamental, pendant les guerres de Cent ans (1337-1453), entre le duché de Bretagne et les royaumes de France et d’Angleterre. En effet, « ne peut être maître de Bretagne qui n’est pas maître de Brest », comme l’observe un conseiller du duc Jean V de Bretagne.

En 1518, devenue « place française en terre bretonne », Brest accueille, pendant sept jours, le roi de France François Ier, alors âgé de 24 ans. À l’époque, la ville de Brest est cantonnée dans sa forteresse (le château d’aujourd’hui). Elle compte « entre 1 000 à 1 200 habitants », dont de nombreux militaires français.

En 1593, pour récompenser la fidélité de la cité durant la guerre de la Ligue (1588-1598), Henri IV octroie à Brest le droit de bourgeoisie : la ville devient une entité juridique constituée d’un maire et de deux échevins. Brest commence à sortir de son château et à se répandre en contrebas. 1631. marque donc l’année où Richelieu affirme que « la France doit avoir une grande importance sur mer ». Pour cela, il programme à Brest des premiers travaux, fait bâtir une corderie et des magasins.

Magasin général

Corderies et ancien bagne. Collection des Archives de Brest


Dessin. situation rive gauche Penfeld Observation des différents points de la rive gauche. D Larvor. (source)*

Dans l’idée d’élever Brest d’un point de vue technologique, Richelieu fait venir des artisans hollandais, d’Utrecht notamment. Une « petite Hollande » voit le jour, constituée de charpentiers de marine (comme le maître charpentier Clas Verussen), de voiliers, de cordiers et d’étoupiers. Richelieu exige que les jeunes apprentis, bretons en particulier, soient formés aux techniques hollandaises.

En 1639-1640, la peste qui s’abat sur Brest décime le dixième des 1 700 habitants.
Entre1639 et 1640, la peste frappe un peu partout en France, de façon intermittente. Pour lutter contre l’épidémie, le conseil de ville prend les mesures habituelles : isolement des familles, dans des « cabanes » dès le premier soupçon de maladie, ce qui explique que la majeure partie des malades décède dans la ville.

Richelieu meurt deux ans plus tard, en 1642, sans être jamais venu en personne à Brest !

Sous Mazarin, Brest décline, faute de moyens, au détriment de Toulon. En 1661, Colbert fixe le fonctionnement de l’arsenal de Brest et, à partir de 1669, donne une vive impulsion aux travaux du port. L’arrivée de travailleurs et de soldats va engendrer des problématiques de logements, génératrices d’épidémies, de préoccupations en matière d’hygiène et de misère.

Il est à souligner qu’au départ, Colbert n’aime pas la structuration étroite de la Penfeld, « coincée entre deux plateaux » ; les manœuvres difficiles dans le goulet en font pour lui « un mauvais site », auquel il préfère Rochefort. C’est finalement son fils Jean-Baptiste Colbert de Seignelay qui va le décider à privilégier Brest pour des raisons géostratégiques, au moment où éclate, en 1672, la guerre contre les Anglais et Hollandais.

En à peine quarante ans, Brest est devenu un grand port militaire français.

Les bateaux construits à même la rive

Si l’on souhaite se promener dans ces années 1630, et retrouver, le long de la Penfeld, des traces du début de l’arsenal, l’anse de Troulan, à Brest, est le point de commencement.

C’est ici, le long d’une petite rivière qui débouche en Penfeld, au creux du vallon de Troulan, que va s’activer « le cœur de l’arsenal de Richelieu ». Une corderie y est construite en 1635, près de la plage. André Ceberet, commissaire général, y fait ériger un « magasin général et des magasins particuliers ». Des travaux permettent de consolider la falaise. En 1635, il y aurait eu 19 vaisseaux dans le port de Brest. Le plan de l’ingénieur Petit, « levé en 1640 », retranscrit bien l’activité de la Penfeld à cette époque.

« Forme de Brest »

Fers, bois, chanvres, lins : des matières premières sont acheminées en grande quantité, à tel point que les magasins du Roi ne peuvent tout contenir. Quelques années plus tard, dans cette même crique de Troulan, M. de Seuil fera construire une forge et un magasin servant à la fois de « tonnellerie et de dépôt de futailles », tandis que seront bâties, du côté de Recouvrance, dans la crique de Pontaniou, « une forge et une salle d’armes ».

Au départ, les bateaux sont construits à même la rive. En 1683, un premier bassin est creusé, utilisé pour « les réparations, le radoub ». Il faut imaginer des pompes mises en route pour sécher le bassin et limiter l’infiltration. Ce bassin est progressivement aménagé pour pouvoir y armer des vaisseaux. Il prendra le nom de forme de Brest, avant de devenir plus tardivement le bassin Tourville que l’on connaît. Il est considérablement remanié sous Louis XIV, tandis que d’importants bassins vont être aménagés, rive droite, dans l’anse de Pontaniou.






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