Kerangoff: Le Cosy

LE COSY

En cette année de 1948, nous habitions la baraque E1 sur la Plaine (de Kerangoff). La famille comprenait huit personnes : Le père, la mère et les six enfants, trois filles et trois garçons. Dans la baraque française, l’affectation des trois pièces était arrêtée comme suit :
-La chambre des filles,
-La chambre des garçons,
-Les parents dormaient dans la cuisine, pièce principale dans laquelle était installé un lit supplémentaire plutôt étroit, utilisé, dans la journée, comme canapé.

Cette même année, Henri, le fils de la voisine, achevait sa formation de menuisier chez un artisan. Il fut convenu, entre les parents d’Henri et les miens, qu’à la fin de sa période d’apprentissage Henri pourrait réaliser un cosy à la mesure du lit des parents. Ce cosy pouvait également compléter l’ameublement assez « succinct » de la cuisine fourni par le bureau de relogement des sinistrés : une table et six chaises, un petit buffet bas ressemblant à une commode et une cuisinière (allemande) fonctionnant au bois ou au charbon et avec fourniture d’eau chaude. Un banc à deux places de fabrication paternelle venait compléter le nombre des places assises autour de la table.
Donc, affaire conclue, et mon père, qui avait la charge des fournitures, rassembla des planches de bois utilisables pour la confection de l’ouvrage, essentiellement des montants et châssis de lits complétés par des pans de contreplaqué de quatre millimètres.
Et Henri se mit au travail, dans le cabanon adjoint à la baraque, à partir d’un modèle dont l’origine m’est toujours restée inconnue. Le cosy terminé comportait deux éléments (cf. ci-dessus) :
– Un élément de tête de lit avec, au-dessus du contreplaqué de remplissage, deux étagères complétées à chaque extrémité d’une case de rangement de livres et terminées à droite par des étagères.
– Un élément longitudinal construit sur le même principe que celui de la tête de lit, mais avec des cases de rangement prolongées par des petits coffres fermés par des portes.
Ces portes de planches de bois, assemblées par tenons et mortaises, avaient leur partie centrale taillée en pointes de diamant, les spécialistes apprécieront.
Sur l’élément longitudinal, le contreplaqué de remplissage s’arrêtait à une hauteur légèrement supérieure à celle de la tête de lit. Ce décalage permettait de glisser le lit jusqu’à la cloison de la cuisine et ceci durant la journée en période de non utilisation.
L’inauguration du meuble, en grandes pompes, a marqué les esprits du quartier à la grande satisfaction d’Henri et de mes parents.
Quelques années plus tard, en 1955, nous avons déménagé pour habiter une maison de type « Castor ». Le cosy a été installé dans une chambre dite « chambre de couture ». Ma mère, du fait de son métier de couturière pour hommes, habillait l’ensemble de la famille et y avait installé sa machine à coudre et le mannequin de couture.
C’est dans cette chambre, et donc dans le cosy qui illustre cet article, que j’ai dormi durant toute mon adolescence et mes premières années d’ouvrier.
J’ai quitté le cosy lors de mon mariage en 1964.
P.R

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