
XIX e siècle, vu des rampes d’accès; à l’arrière-plan la porte nationale, le château, l’escadre. Photo Holley. collection des Archives de Brest
David Cormier
La photo signée Holley, disponible aux précieuses Archives de Brest, est prise du Cours Dajot mais elle n’est pas datée. « Vers 1900 au maximum », estime Olivier Polard, historien brestois. La circulation est un indice qui, non contente d’interdire l’idée même d’un embouteillage, montre un moyen de locomotion précédant le véhicule à moteur, et plus écolo : le cheval et la calèche.
Le polder a commencé à s’étaler aux pieds des remparts sous le Second Empire, pour y accueillir les pêcheurs du coin et les marins de commerce du monde entier.

Des soldats aussi, pendant les grands conflits et, plus récemment (notamment au port du Château) les plaisanciers. Il soutenait un jardin public et était moins vaste qu’actuellement.
« On voit au fond une partie de l’escadre. La porte, au centre, est celle du tunnel », poursuit Olivier Polard, qui même côté Penfeld et que la Marine nationale ouvre lors des Fêtes maritimes tous les quatre ans, quand elles ne sont pas annulées à cause de ce satané coronavirus.
Des portes et une passerelle disparues
L’autre porte, à droite, dite « Porte nationale,

comme une première entrée au château, n’existe plus. Elle gênait la circulation. Les rampes, actuellement avenue Franklin-Roosevelt, ont donc vu la circulation évoluer (l’ancien tram passait par là)


en même temps que s’intensifier. Une passerelle pour piétons a aussi disparu du paysage, il y a quelques décennies, « à hauteur du Mc Guigan’s », ajoute Olivier Polard, parce qu’à Brest on se repère encore grâce aux estaminets.

Le train est arrivé dans les années 30 pour alimenter l’arsenal et l’on voit encore des rails délaissés. De grandes chaînes marines et des ancres ont pris la suite des herbes et des fleurs pour donner à ce vaste espace ce nom encore usité de nos jours le parc à chaînes. La place a vu passer des cirques, des scènes de jeudis du port et autres événements. Des voitures surtout, désormais.


L’escalier d’Eugénie, de Gabin et de Morgan.

L’escalier, sur la droite de la photo ancienne, bien pratique pour couper la route et descendre plus vite, à pied, du centre-ville de Brest au port de commerce, est régulièrement associé à trois personnalités. « C’est ce qu’on appelle l’escalier de l’impératrice », explique l’historien brestois Olivier Polard. L’impératrice Eugénie, épouse de Napoléon lll. « Parce qu’elle serait passée, dit-on, par cet escalier » en août 1858, six ans après le coup d’État de l’ex-Louis-Napoléon Bonaparte, promoteur du port de commerce. L’actuel daterait pourtant de 1867. Il aurait succédé à l’escalier des sans culottes, disparu. L’impératrice Eugénie n’a donc pas que son rocher à Plougastel-Daoulas, où elle aurait perdu sa bague.
Une pluie simulée !

Une scène fameuse du film « Remorques », tourné en 1939 par Jean Grémillon, a vu Jean Gabin faire un brin de causette à Michèle Morgan sur cet escalier brestois. C’est ailleurs, dans un autre film (« quai des Brumes »), qu’il lui avait déclaré sa flamme d’un inoubliable : « t’as d’beaux yeux, tu sais ? ». En haut des marches, un panneau précise qu’il a fallu l’intervention des pompiers pour… simuler la pluie. Et pas de brume ici. Bref, une fierté !
Désormais dominé par le monument américain
Au-dessus du parc à chaînes trône désormais le Naval monument, érigé en 1927 sur le Cours Dajot, dédié aux nombreux Américains débarqués là à la fin de la Première Guerre mondiale. La transition est ainsi faite avec le rendez-vous, du camp de Pontanézen, présent précédemment sur ce site.
Le plus beau panorama de Brest.

Le monument américain ne figure pas sur la photo prise avant 1900 du haut de cette page pour deux bonnes raisons : son emplacement se trouve quelques dizaines de mètres derrière l’appareil et… il n’existait pas encore à l’époque, on l’a dit. Détruit lors de la Seconde Guerre mondiale (dynamité par les Allemands), il a été refait en 1958, à l’identique mais en granit rose de Ploumanac’h. L’été dernier, l’office de tourisme de Brest l’a mis au programme de ses visites et le succès a été au rendez-vous. Il faut dire que le panorama y est sans doute le plus beau de Brest et le parc à chaînes est marqué pas sa présence.